mercredi 16 décembre 2015

Une Semaine en Centrisme. Les Français veulent du consensus et une politique au centre

L'axe central
Un sondage Odoxa pour Le Parisien a demandé aux Français leur avis sur la possibilité suivante: un rapprochement entre «la gauche, le centre et la droite parlementaire (Les Républicains et l’UDI) pour faire des propositions communes pour notre pays».
68% des sondés ont répondu que ce serait «une bonne chose car ce serait une démarche constructive» et 31% «une mauvaise chose car les partis perdraient leur identité».
Sans surprise, les sympathisants du Front national trouvent que ce serait une mauvaise chose à 64%.
Beaucoup plus intéressant est que 75% des sympathisants du PS mais aussi de LR estiment que ce serait une bonne chose.
Depuis, les politiques de gauche, de droite et du Centre ont commenté ce résultat avec des opinions diverses mais généralement constructives (difficile de se mettre à dos 75% de votre électorat!), parlant notamment de s’entendre sur la lutte contre le chômage, véritable priorité nationale.
Paroles sans consistance?
A voir.
Si l’on prend maintenant le baromètre Paris Match de décembre sur la popularité du personnel politique (réalisé par l’IFOP), on s’aperçoit que les cinq premiers sont des personnalités de ce que l’on peut appeler l’axe central (allant de Juppé à Valls).
Il s’agit, dans l’ordre d’arrivée, d’Alain Juppé (68% de bonnes opinions), de François Bayrou (60%), de Laurent Fabius (59% et que l’on peut mettre dans cet axe pour ses positions de long terme), de Jean-Pierre Raffarin (56%) et de Manuel Valls (56%).
Deux membres de LR, deux membres du PS, un membre du MoDem, soit deux hommes de gauche, deux hommes de droite et un centriste.
Difficile de faire plus consensuel…
A noter que les résultats de ce baromètre pour les cinq premiers en novembre étaient les mêmes à une exception près, Martine Aubry y était présente à la place de Laurent Fabius qui était en sixième position.
Si l’on couple les deux sondages, on voit bien qu’une grande majorité de Français veulent une politique de consensus et de compromis, c’est-à-dire de trouver des solutions à des problèmes en travaillant ensemble, en faisant les pas nécessaires les uns vers les autres pour trouver un terrain d’entente et d’agir pour que les décisions prises soient réellement mises en œuvre et donnent des résultats concrets.
Ce souhait est-il réalisable?
En l’état actuel du paysage politique, forgé par les institutions et une pratique partisane et clientéliste de près de soixante ans, cela semble difficile.
Sans oublier que la reine des élections, la présidentielle, suivie par les législatives se profilent à l’horizon et ne sont pas propices aux recompositions politiques, ni même à la recherche de consensus puisque chaque camp doit dire à ses électeurs qu’est-ce qui le caractérise par rapport aux autres et qui fait qu’il faut voter pour lui.
De même que la montée de la droite dure chez LR avec la nomination de Laurent Wauquiez en numéro deux en remplacement de Nathalie Kosciuko-Morizet ainsi que l’alliance de deuxième tour des régionales entre le PS, Europe-écologie-les-Verts, le Front de gauche (avec le Parti communiste).
Pourtant, la redécouverte de la communauté nationale, d’un destin commun et la volonté de le préserver et de lutter pour, après les attentats du 13 novembre (ainsi que ceux du 7 janvier), montre que les hommes et les femmes politiques qui s’engageraient dans ce chemin auraient un soutien majoritaire de la population.
De même, cela semble le positionnement que veut adopter Alain Juppé pour la prochaine présidentielle.
Et, faut-il le rappeler, celui-ci caracole en tête des sondages pour 2017 ainsi que les baromètres de popularité, écrasant pour l’instant la concurrence et notamment celle de ceux qui veulent cliver au maximum le débat politique comme Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, par exemple (et sans doute François Hollande quand il sera officiellement candidat).
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC


Présidentielle 2017. Bayrou au défi de la crédibilité

Trois sondages viennent de nous rappeler une double évidence.
François Bayrou est un des hommes politiques les plus appréciés.
Mais il n’est toujours pas perçu comme un candidat crédible pour gagner la présidentielle.
Ainsi, dans le dernier baromètre Paris Match, il est en deuxième position derrière Alain Juppé avec 60% de bonnes opinions.
Mais dans les deux derniers sondages sur la prochaine présidentielle il obtient 10,5% et 12% d’intentions de vote au premier tour et serait éliminé, là où Alain Juppé obtient 29% et 31% et virerait en tête des prétendants avant de l’emporter.
Le président du Mouvement démocrate suscite donc la sympathie mais pas l’adhésion en tant que possible président de la république.
De ce point de vue, tous les sondages réalisés en 2012, lors de la précédente présidentielle, montraient qu’une majorité de Français estimait qu’il n’avait pas la stature d’un chef d’Etat.
De nombreuses raisons ont été avancées pour tenter d’expliquer cet état de fait.
On peut en lister les principales.
D’abord, François Bayrou serait une sorte de vieux sage de la politique qui dénoncerait ce qui va mal mais ne serait pas perçu comme quelqu’un capable de gouverner un pays.
Ensuite, la faiblesse de ses soutiens avec un Mouvement démocrate sans élus et sans véritables personnalités de premier plan qui feraient en sorte que les Français, ne sachant pas avec qui il pourrait gouverner, estimeraient son élection comme un coup dans l’eau ou, pire, comme vecteur d’instabilité ou de cohabitation hasardeuse.
Sans oublier que l’espace centriste qu’il affirme représenter et être le leader n’est constitué que de partis (MoDem et UDI) assez faibles et ne faisant pas du Centre une des forces politiques principales.
De plus, ils ne sont même pas alliés entre eux.
En outre, son projet politique et son programme électoral seraient, si ce n’est inexistant en tout cas largement inconnus des Français.
Enfin, son expérience politique où il n’a été ministre que de l’éducation et président d’un petit parti, jouerait contre sa crédibilité de chef d’un pays majeur.
On peut, sans doute, ajouter une nouvelle raison, son ralliement à la Droite après avoir voté pour la Gauche en 2012 et avoir voulu gouverner avec elle sans y parvenir.
Tout ceci ne serait pas contrebalancé par la popularité de certaines de ses positions comme la nécessité de gouverner avec des majorités plus ouvertes ou pour une meilleure représentation des choix politiques des Français.
La question est donc de savoir si François Bayrou pourra inverser la tendance et gagner son pari de remporter la présidentielle.
Avant d’y répondre directement, il faut parler des deux écueils qui se dressent sur sa route.
Le premier et le plus important est qu’il aurait du être l’homme de la situation.
Ainsi, la montée du Front national, le recentrage d’une partie de la Droite et d’une partie de la Gauche, de Juppé à Hollande en passant par Valls, l’envie des Français de politiques consensuelles qui regrouperaient autour de projets des hommes et des femmes venus d’horizons divers et ayant la capacité de faire des compromis pour le bien du pays, tout cela aurait du le favoriser.
Pourtant c’est Alain Juppé qui en est le principal bénéficiaire.
Et on peut même dire le seul puisque François Bayrou n’est même pas considéré un «Juppé de remplacement».
Tous les sondages montrent qu’il ne récupère absolument pas l’électorat de Juppé si celui-ci n’était pas candidat.
Le deuxième est qu’il est toujours dans la même situation que lors de ses précédentes tentatives élyséennes et plus particulièrement dans celle de 2012.
Ainsi, il plafonne autour des 10-12% d’intentions de vote et aucun signe actuellement ne montre qu’il a changé de statut auprès de l’opinion.
Il garde, certes, un électorat centriste fidèle qui le suit à chaque élection mais il ne parvient pas à mordre sur d’autres électorats, tant à droite qu’à gauche.
Dès lors, il est peut-être possible qu’il puisse devancer soit Nicolas Sarkozy, soit François Hollande au premier tour (sachant qu’il ne pourra pas devancer Marine Le Pen en l’état actuel des sondages) mais certainement pas les deux.
S’il mord sur l’électorat de Nicolas Sarkozy, il est peu probable qu’’il puisse faire de même avec celui de François Hollande et inversement.
Aujourd’hui, il est en quatrième position et tout indique qu’il devrait y rester mais qu’il possède malgré tout une chance de passer en troisième mais pas en deuxième.
Pour autant, François Bayrou a encore un an et demi pour tenter de crédibiliser sa candidature, d’inverser la tendance et de mettre au point une stratégie gagnante.
Il est sûr que cette candidature pourrait trouver une dynamique comme en 2007 si les médias le suivent comme ce fut le cas à l’époque mais aussi la société civile et s’il parvient à construire une coalition assez large autour de sa personne, ce qu’il n’a pas réussi lors de ses précédentes tentatives.
Pour cela, il faudrait qu’il devienne le pivot incontournable de l’axe central qui se dessine de plus en plus clairement dans le paysage politique français.
Si les soutiens d’Alain Juppé (s’il n’est pas lui-même candidat) ou de Manuel Valls sont très hypothétiques, François Bayrou pourrait espérer ceux de personnalités comme Jean-Pierre Raffarin ou Emmanuel Macron, par exemple.
Cependant, s’il veut réussir dans son entreprise, il doit absolument avoir derrière lui l’UDI.
Non pas pour sa force électorale limitée mais pour démontrer qu’il est d’abord capable de réunir sa propre famille politique.
Une entreprise qui ne sera pas des plus aisées.
En conclusion, les chances de François Bayrou sont aujourd’hui faibles mais une élection présidentielle n’est jamais gagnée ou perdue d’avance.
De même, ce ne sont pas toujours, loin de là, les favoris qui les gagnent.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC