vendredi 24 avril 2015

Une Semaine en Centrisme. L’UDI peut-elle résister à l’UMP?

Depuis  les élections municipales de 2014 et, surtout, les élections départementales de 2015, la pression de l’UMP pour que l’UDI se range à ses côtés dans toutes les élections à venir s’est accentuée.
On comprend fort bien l’intérêt de l’UMP pour une alliance électorale dès le premier tour qui devrait permettre aux candidats de la Droite (et, subsidiairement, du Centre) d’arriver en tête devant ceux du PS et du FN, en particulier à la présidentielle mais pas seulement.
De même, l’UMP a pu claironner après les départementales qu’elle était la première formation politique devant le Front national, oubliant fort opportunément son alliée dans la plupart des cantons, l’UDI, sans qui cela n’aurait pas été le cas…
Il ne faut pas, non plus, minimiser l’intérêt pour l’UDI d’une telle alliance.
Que ce soit aux municipales ou aux départementales, le parti de centre-droit (ainsi que le Mouvement démocrate de François Bayrou) est parvenu à avoir plus d’élus qu’il n’en aurait eu en allant seul à la bataille.
Dès lors, en terme d’élus (donc de postes pour ses membres), l’UDI s’y retrouve même s’il faut ajouter que l’UMP a besoin des voix que la première draine pour faire passer moult de ses candidats.
Néanmoins, en termes politiques, la balance d’une telle alliance ne penche qu’en faveur de l’UMP, parti dominant, et ramène l’UDI à une simple succursale du parti-grand-frère.
De plus, cette alliance a une limite, elle empêche la progression de l’UDI au-delà d’un certain niveau qu’elle pourrait dépasser en allant seule devant les électeurs.
Sans oublier qu’elle délégitime la candidature d’un de ses membres à l’élection présidentielle.
La négociation houleuse qui a lieu en ce moment à propos des régionales où l’UMP fait pression sur l’UDI pour avoir des listes communes partout alors qu’il s’agit d’une élection à la proportionnelle qui permet de se passer d’alliances est symptomatique de la volonté de la Droite de s’accaparer le Centre en vue de 2017 avec quelques gratifications mineures à la clé.
La question est de savoir, au-delà des déclarations du président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, si l’UDI possède les capacités de résister à l’UMP et à ses desiderata.
Il faut pour cela quatre éléments essentiels:
1) Premièrement, l’UDI doit être unie.
On sait que l’UDI est une confédération de partis et il n’est pas nécessaire pour qu’elle fasse front commun face à l’UMP qu’elle se transforme en parti centralisé.
Il faut, «seulement», que ses leaders aillent dans le même sens.
Or, aujourd’hui, ce n’est absolument pas le cas.
Les rivalités de personnes ainsi que les ambitions personnelles et les attentes de maroquins ministériels après 2017 ont créé un climat détestable à l’intérieur de la formation créée par Jean-Louis Borloo.
La haine entre Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin ne s’est pas éteinte après l’élection du premier à la présidence ainsi que la partition solo de Jean-Christophe Fromantin qui oublie souvent qu’il est encarté dans un parti.
S’ajoutent à cela les ambitions d’un François Sauvadet, d’un Maurice Leroy, d’un Yves Jégo, d’un Laurent Hénart et de quelques autres qui ne sont d’accord sur presque rien et surtout pas sur la stratégie électorale.
Comment faire front commun quand, par exemple, Hervé Morin déclare qu’en tant que président du Nouveau centre il ira discuter alliances électorales avec Nicolas Sarkozy, court-circuitant ainsi Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, sous la tutelle de laquelle se trouve le Nouveau centre?
Comment négocier sereinement quand François Sauvadet veut des candidatures communes dès le premier tour partout avec l’UMP alors qu’Yves Jégo veut partout des candidatures UDI?
Comment cimenter le parti quand Hervé Morin veut se rapprocher de François Bayrou alors que Jean-Christophe Fromantin y est totalement opposé?
Comment donner une direction politique au parti quand, lors de la loi Macron, une partie des députés UDI voulait voter pour et une autre voter contre?
2) Deuxièmement, l’UDI doit avoir un projet qui la différencie de l’UMP
L’UDI n’a pas de projet politique, ce qui fait qu’il est très difficile quelle est sa position sur telle ou telle question.
Elle n’est pas la seule formation dans ce cas mais, en tant que nouvelle venue sur la scène politique (2012), elle doit dévoiler son identité alors que celles du PS, de l’UMP ou du FN, par exemple, sont mieux connues.
Dès lors, pour la population, l’UDI n’a pas de pensée politique propre, ce qui permet de comparer, dans ce domaine, à l’UMP.
Il faut donc que, rapidement, l’UDI se dote d’un vrai projet politique pour dire enfin ce qui la caractérise (ce qui permettrait aussi une meilleure cohésion interne) et ce qui la différencie, ainsi, de l’UMP.
Non seulement cela lui donnerait du poids dans les négociations en vue d’une alliance électorale et d’un contrat de gouvernement mais une vraie personnalité pour progresser dans son indépendance.
3) Troisièmement: l’UDI a besoin d’un leader capable et non contesté
Jean-Christophe Lagarde a été élu président de l’UDI et son élection n’a été que très peu contestée qu’en à sa régularité.
Ce qui n’empêche pas ses anciens concurrents, Hervé Morin et Jean-Christophe Fromantin, de lui dénier la légitimité nécessaire pour pouvoir diriger dans un climat sain et de confiance la confédération.
Si Yves Jégo a décidé de se rallier à Lagarde (contre un poste de vice-président), il n’en reste pas moins vrai que l’envie de sédition qui anime Morin et Fromantin trouve aussi une part de ses raisons dans les agissements du président actuel du parti.
Certaines de ses méthodes et de ses comportements ainsi qu’une certaine nébuleuse sur son vrai programme (ou son programme, tout court), concourent à permettre à ceux qui lui conteste la présidence d’alimenter la controverse.
Et celle-ci se retrouve dans les médias où Lagarde est souvent décrit comme un arriviste aux pratiques politiques peu orthodoxes, voire proches de celles de Nicolas Sarkozy…
Pourtant, sur bien des points, le président de l’UDI a posé des jalons intéressants.
Que ce soit sur une candidature pour la présidentielle de 2017, la critique sans concession du Front national, la demande d’une dose de proportionnelle aux législatives, une volonté affichée de ne pas céder aux diktats de l’UMP et quelques autres points, il a joué une petite musique centriste que l’on peut saluer.
Evidemment, face à cela, ses sorties agressives contre tout ce qui ne lui plaît pas (et qu’il assume), son opposition systématique sans raison politique (comment, par exemple, justifier de refuser de voter une loi qui va dans le bon sens, comme il le dit, même si elle n’est pas parfaite?), ont troublé son image centriste.
Il lui faut donc encore peaufiner sa personnalité politique et publique.
Mais cela ne lui sera pas d’une grande utilité si l’UDI implose.
Il doit donc, dans le même temps, faire ce qu’il faut pour réduire la contestation en privilégiant, d’abord, le consensus.
Car, en tant que président, il est responsable de l’unité du parti qu’il dirige.
4) Une alliance préférentielle avec le MoDem
Ce qui semble étrange à beaucoup, de prime abord, c’est que l’UDI aille chercher son alliance de base avec l’UMP alors qu’elle devrait a priori le faire avec l’autre formation centriste de l’échiquier politique, le Mouvement démocrate présidé par François Bayrou.
Bien sûr, l’UDI et le MoDem se sont rapprochés et ont créé une sorte de comité de liaison appelé L’Alternative et se sont présentés ensemble aux élections européennes de 2014 et dans certaines villes aux municipales de la même année ainsi que dans des cantons lors des départementales de 2015.
Mais cela ne va pas plus loin.
Or l’intérêt évident de s’allier d’abord avec le Mouvement démocrate est de pouvoir, ensuite, avoir un poids politique beaucoup plus important en vue d’une alliance avec un partenaire autre que centriste.
Quand on parle d’alliance entre l’UDI et le MoDem, on ne parle pas de fondre les deux partis en une seule entité, c’est aujourd’hui impossible.
En revanche, les deux formations se situent clairement dans l’opposition et ont nombre de visions communes même si l’UDI penche un peu plus à droite et le MoDem un peu plus à gauche.
On sait bien que François Bayou ne souhaite pas se lier les mains et les pieds avec l’UDI et que du côté de celle-ci il a de nombreux opposants déterminés comme Jean-Christophe Fromantin ou François Sauvadet.
Néanmoins, une alliance autour d’un programme électoral est loin d’être irréalisable si les bonnes volontés existent.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC