jeudi 3 janvier 2019

Le Centrisme en France en 2019. Réformes et Europe, les deux impératifs des centristes

Face aux mouvements populistes de contestation (gilets jaunes) ou politiques (RN, LFI, Debout la France, etc.), les centristes doivent, en 2019, garder le cap qui fait leur spécificité: la réforme sans cesse remise à l’ouvrage du pays pour qu’il soit toujours à niveau et en phase avec la réalité tant intérieure qu’extérieure; le combat pour une Union européenne de plus en plus intégrée et de plus en plus actrice de premier plan dans la mondialisation.
Bien entendu, cela doit se faire sans perdre les valeurs humanistes et le principe de juste équilibre qui guide leur action mais, non plus, sans renoncement face à une pression de plus en plus forte de toutes les forces conservatrices, réactionnaires, populistes et clientélistes qui se mettent, comme cela se passe à chaque fois que l’on veut moderniser et faire progresser la société dans son ensemble, en travers de leur route.
Car le pouvoir impose l’action, en tout cas dans la doxa d’un Centrisme du XXI° siècle qui ne peut se satisfaire de gérer médiocrement un appareil étatique manquant de dynamisme, voire parfois en déliquescence, et en faisant constamment des compromissions (et non des compromis) qui se paieront cash si l’indispensable mise à niveau de la France devait en pâtir, les précédents le démontrant.
Face à cette équation, comment les différents acteurs centristes vont-ils agir?

- Le Président et la république et le Gouvernement
Face au feu constant de la critique politico-médiatique et à l’outrance que celle-ci a prise plus que de mesure pour des raisons que nous avons maintes fois évoquées et sur lesquelles nous ne reviendront pas ici, l’exécutif a tenu bon une grande partie de l’année, semblant dans son denier quart être plus hésitant, voire atteint de sidération devant des événements, certes notables, surtout prétexte à une remise en cause de sa légitimité et de son action par une improbable coalition de forces disparates qui désiraient avant tout vouloir régler leurs comptes politiciens et idéologiques.
Les dernières interventions d’Emmanuel Macron ont été, de ce point de vue, emblématiques d’une majorité qui s’est trouvée en porte-à-faux avec l’ambiguïté de ce qui a fait, en partie, son succès, ce «en même temps» dont on parle peu souvent (et que nous avons évoqué plusieurs fois) mais qui a mêlé parfois de manière un peu démagogique, dès la campagne présidentielle de 2017, un vrai discours de responsabilité et d’appel à des réformes avec des élans emphatiques très populistes.
Reste que l’exécutif semble s’être ressaisi sur le cœur même de sa mission qui a fait le succès du programme du créateur d’En marche!, une réforme en profondeur du pays (ce qu’il a appelé «révolution» dans un ouvrage du même nom).
Ainsi, les vœux du Président de la république pour la nouvelle année ont été clairs sur la volonté de poursuivre l’action entreprise et de ne pas céder aux extrêmes et aux démagogues qui se délectent du mouvement des gilets jaunes pour leurs propres intérêts, tout en ouvrant la porte à un «débat national», voire, peut-être, à un référendum sur les institutions.
Il est difficile de dire si l’agenda du Gouvernement sera celui prévu et rappelé, d’autant que les réformes qui doivent être mises en route (comme celle des retraites) peuvent générer de nouveaux troubles et que les élections européennes de mai prochain, seront un rendez-vous qui pourrait, en cas de mauvais résultat, déstabilisé l’action du pouvoir.
Sans oublier que si les économistes prévoient qu’après les mesures prises par le Gouvernement en 2017 et 2018, le pouvoir d’achat des Français va augmenter sensiblement en 2019, ils estiment également que la croissance mondiale (donc aussi en France) va baisser et que les bourses devraient connaître des moments difficiles (certains prévoyant même un crack de grande intensité).

- LREM
Le parti présidentiel a connu nombre de soubresauts en 2018 mais a tenu globalement le coup, ce qui n’est pas rien si l’on n’oublie jamais qu’il est fait, d’une certaine manière, de bric et de broc.
Comme pour tout parti au pouvoir, c’est l’agenda du Président de la république, défini par son programme électoral et son projet politique qui est sa feuille de route.
Si l’on a senti parfois quelques tensions vis-à-vis de celui-ci, les oppositions ont été le fait d’individus isolés, certains sont partis, d’autres ont été exclus.
2019, après la fin 2018 difficile, devrait sans doute être un peu plus agité pour la cohésion de La république en marche d’autant qu’une partie de ses députés ainsi que de ses responsables ont pris des positions et ont tenus des propos très favorables à certaines revendications des gilets jaunes.
Ils en ont profité, jusqu’à la tête de la formation avec le nouveau délégué général, Stanislas Guérini, pour prétendre que ce mouvement de foule avait une sorte de cousinage avec En marche!, deux mouvements qui voulaient en finir avec le «vieux» monde.
S’il s’agit en partie d’une tentative de récupération (à l’instar de toutes les autres formations politiques), c’est aussi une réalité que nous avons développé ci-dessus en rappelant les ambiguïtés populistes d’Emmanuel Macron.
De ce point de vue, on pourrait même prétendre que les gilets jaunes ont pu exister parce qu’il y a eu l’élection de Macron, ce qui n’est pas, pour des centristes, une gloire quelconque pour le chef de l’Etat…
Toujours est-il que l’exécutif devrait encore mettre largement LREM a contribution pour faire passer ses mesures et ses réformes mais, dans le même temps, devrait lui donner un peu plus d’autonomie afin, d’une part, de se décharger de toute cette pression négative dont il est le réceptacle 24 heures sur 24 et, d’autre part, pour se rapprocher d’une partie de la population qui se sent abandonnée par les politiques.
Le tout est de savoir si La république en marche sera capable d’accomplir cette dernière mission, elle qui s’enorgueillit d’être, à la base, un «mouvement citoyen», donc proche des aspirations du Français moyen et qui compte de nombreux élus venus directement de la société civile sans passer par aucune case d’expérience politique d’aucune sorte.
C’est sans doute la volonté, à la fois, de l’exécutif et du parti de pouvoir remplir ce rôle, nouveau pour ce dernier, de lien entre le «en bas» et le «en haut».
En sera-t-il capable, personne ne le sait exactement.

- MoDem
Autre composante de la majorité présidentielle, le Mouvement démocrate présidé par François Bayrou va devoir choisir son positionnement pour 2019 et en finir avec certaines ambiguïtés, largement mises sur la place public par ce dernier, où l’on affirme être derrière un exécutif sans l’ombre d’un doute tout en détaillant une liste impressionnante de critiques une fois la chose dite.
C’est que ce n’est pas facile, ni pour Bayrou, ni pour ses troupes, de se transformer d’une officine dont le fond de commerce était d’être systématiquement contre le pouvoir en place quel qu’il soit (Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande) en un parti de gouvernement, à la fois, responsable mais aussi discipliné.
D’autant que le maire de Pau, tout content de faire le buzz médiatique (un opposant à l’intérieur même d’une majorité présidentielle, les journalistes adorent!), n’a pas ménagé ses efforts et ses effets pour être à la hauteur de ce personnage qui vient donner constamment des leçons de gouvernance au Président de la république et au Gouvernement.
Mais c’est un jeu dangereux qui pourrait être perdant-perdant.
Car l’existence même du MoDem actuel tient en la présence d’Emmanuel Macron à l’Elysée et à sa générosité envers la formation centriste.
Si l’une ou l’autre devait disparaître, rien ne dit que l’existence du parti en tant que force politique nationale serait assurée.
Doit-on alors attendre un changement de cap dans la stratégie de François  Bayrou (qui entraînera automatiquement celle de ses troupes) en 2019?
L’homme est trop imprévisible pour faire une prédiction en ce sens.
Ce que l’on peut dire, c’est que, et l’exécutif, et la majorité présidentielle, et le MoDem, et le Centre, et même Bayrou en seraient bénéficiaires.
Mais cela n’entraînera pas automatiquement ce changement!
Peut être parce qu’il en est incapable, peut-être parce qu’il a encore des ambitions pour l’Elysée (ou Matignon), peut-être parce qu’il veut régler des comptes, peut-être parce qu’il ne croit pas en la réussite de ce Président et de ce Gouvernement, mais le fait est là.
Gageons qu’un certain nombre de ses proches, tel Marc Fesneau (l’actuel ministre des relations avec le Parlement), parviendront à lui faire comprendre l’importance pour la réussite de la majorité présidentielle (donc du MoDem) et surtout celle de la France, qu’il faut jouer en équipe et éviter de marquer des buts contre son camp, surtout quand ils sont prémédités…

- UDI
Nous avons dit et redit ici que 2019 serait une année charnière pour l’UDI et son président, Jean-Christophe Lagarde.
Comptant pour peu, encore une fois déstabilisée par des départs, la formation centriste est inaudible médiatiquement (sauf pour critiquer Emmanuel Macron) et surtout dans la population.
Il faut dire que son positionnement politique qui change au grès des humeurs de son président n’est pas fait pour rendre intelligible son message, si tant est qu’il y en ait un!
Justement, celui qui donne une certaine identité à l’UDI est celui sur la volonté de construire une Union européenne largement fédéraliste (encore que les derniers propos de Lagarde sur un positionnement «nationaliste-européen» soit un peu obscur).
Voilà pourquoi, malgré tous les dangers, elle a pris, pour une fois, un risque politique, en présentant sa propre liste aux élections européennes avec à sa tête, évidemment, Jean-Christophe Lagarde dont le visage a été l’objet d’un tractage et d’un affichage national plus de cinq mois avant l’échéance électorale!
Mais cette décision pourrait bien être sa dernière: non seulement les sondages sont catastrophiques (autour de 2% des intentions de vote ce qui donne aucun député et pas de remboursement de frais de campagne) mais la liste est devancée par celles de personnalités douteuses (Dupont-Aignan, Lassalle) et de partis extrémistes anti-européens.
L’UDI a évidement la possibilité de retirer sa liste (ce qu’avait fait en 2007 Hervé Morin alors à la tête du Nouveau centre, ancêtre de l’UDI, lors de la présidentielle alors que les sondages ne lui donnait qu’1% d’intentions de vote) et de former une liste «axe central» avec LREM, le MoDem et les juppéistes, mais ce serait vu comme une marche arrière et un renoncement peu propices à séduire des électeurs pour la suite.
Quant au positionnement politique face à la majorité présidentielle, arguons que jusqu’aux européennes de mai prochain, le discours sera très offensif à son encontre pour tenter d’exister et d’espérer rameuter quelques centristes déçus de l’action d’Emmanuel Macron.
Reste à savoir pourquoi ils voteraient pour l’UDI.

- Mouvement radical
En 2019, le problème du Mouvement radical (issu de la fusion entre le Parti radical et le Parti radical de gauche en 201) sera sa survie même.
2018 a été une année blanche politiquement parlant mais le mouvement s’est structuré dans les régions et les départements.
Cela n’est évidement pas suffisant pour qu’il puisse avoir un avenir.
D’autant que les tiraillements entre les anciens radicaux valoisiens (centre-droit) et les anciens radicaux de gauche (centre-gauche) sont constants.
On le voit dans les prises de position des deux coprésidents où Laurent Hénart (ancien président du Parti radical) est bien plus proche de la majorité présidentielle que Sylvia Pinel (ancienne présidente des radicaux de gauche).
Ou 2019 permet d’aplanir ces différences, de proposer un vrai projet politique radical tout en offrant au mouvement une visibilité politico-médiatique nécessaire, ou il disparaîtra, les radicaux nous ayant habitué au cours de l’Histoire à ces réunions manquées et à ces scissions répétées.
Disons-le clairement, nous parions plutôt pour la deuxième éventualité.

Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC