vendredi 7 février 2020

Une Semaine en Centrisme. Le macronisme survivra-t-il à Macron?

Emmanuel Macron
Lors de chaque présidence, les commentateurs se posent la question de savoir qu’elle sera le sort du «isme» au pouvoir dans le futur.
Tel est évidemment le cas du macronisme.
Pour ne parler que de la V° République et de sa forte incarnation du pouvoir en la personne du président de la république en place, on peut affirmer sans grands risques que de se tromper que, comme le pompidolisme, le giscardisme, le mitterrandisme, le chiraquisme, la sarkosysme et le hollandisme, le macronisme ne survivra évidemment pas au mandat de son porte flambeau.
Quant au gaullisme, il semble encore vivant parce que l’on peut y mettre ce que l’on veut dedans mais il a en réalité disparu comme les autres après le départ de son créateur de l’Elysée.
Et s’il y a encore quelques gaullistes ou qui se prétendent comme tels – et qui jouent de l’ambiguïté que le terme a acquis avec temps et par référence à une figure historique où la référence est plutôt désormais le Seconde guerre mondiale que sa présidence entre 1958 et 1969 –, on ne trouve plus guère de giscardiens, de mitterrandistes, de chiraquiens, de sarkosystes et encore moins de hollandistes (s’il en a jamais existé, François Hollande inclus…) affichés, tout juste des fidèles et des nostalgiques qui ne font pas un courant de pensée vivant et actuel.
Pourquoi? Parce que ces idéologies n’en sont pas vraiment et se rattachent essentiellement à la Droite (de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing – qui avait en plus un certain tropisme centriste –, Chirac, Sarkozy) et à la Gauche (Mitterrand, Hollande).
Pour Macron c’est le Centre (et non un indéfinissable «ailleurs»…).
Ajoutons que ces présidents ont réussi, en particulier lors de leurs premières années d’exercice du pouvoir, à rassembler au-delà de leur camp, ils ont généralement terminé leur mandat par un retour dans leur famille politique d’origine (si ce n’est pas tout à fait le cas pour Mitterrand, c’est que lors de son second mandat, la majorité sur laquelle il devait s’appuyer n’était plus seulement de gauche mais comptait des centristes et des gens de droite).
Mais ne nous méprenons pas: cela ne signifie pas que le passage de ces personnalités n’ont pas marqué la vie politique du pays et que leur œuvre ne représente rien de concret ou de durable.
L’élection du président de la république au suffrage universel par de Gaulle, la majorité à dix-huit ans par Giscard d’Estaing, la suppression de la peine de mort par Mitterrand, sont quelques exemples parmi d’autres qui le démontrent sans l’ombre d’un doute.
Car si ce n’est donc pas la pensée des présidents qui demeurent ou leur projet politique, leur action, ce qu’ils ont fait concrètement lors de leur passage au pouvoir, elle, est leur véritable leg politique au pays.
Bien sûr, leurs propos et leurs programmes ont contribué à façonner les courants politiques d’où ils venaient mais jamais ils ne les ont supplantés ou ont abouti à créer un nouveau courant de pensée original détrônant le triumvirat Gauche-Centre-Droite.
Et ce sera le cas d’Emmanuel Macron comme des autres après que son élection, comme d’ailleurs celles des autres, aient été l’objet de conjectures sur une «nouvelle donne» idéologique.
En revanche, on trouve et on trouvera encore demain une Droite, une Gauche et un Centre.
Pourquoi?
Tout simplement parce qu’il s’agit d’une grille de lecture des idées et des actions politiques, rien de plus.
C’est avant tout un outil qui permet au citoyen de s’y retrouver et de pouvoir choisir ses représentants dans une certaine connaissance de pour qui et pour quoi il vote.
Alors, oui, il peut y avoir un certain panachage avec des mesures prises par un même président qui peuvent être cataloguées de droite, de gauche ou du centre.
La «pureté» idéologique n’existe évidemment pas et l’inclination de chaque président (et/ou de la majorité sur lequel il s’appuie), implique ce semblant de patchwork, semblant parce qu’in fine, il n’est guère difficile de dire de quel bord il était.
Et même si François Mitterrand a parfois été qualifié de «président de droite» et que Jacques Chirac a été présenté comme un «radical-socialiste», leurs présidences ont été pour le premier à gauche et pour le second à droite parce qu’en plus d’être des hommes de gauche et de droite, ils s’appuyaient sur des majorités qui étaient à gauche et à droite et dont, s’ils n’étaient pas prisonniers, ils en étaient redevables.
La majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, elle, est bien au centre et essentiellement du Centre même si elle possède une aile droite et une aile gauche.
Enfin, même si les livres d’Histoire (et ceux de sciences politiques) parleront bien de ces «ismes», ils les remettront évidemment en perspective avec notre grille de lecture allant de gauche à droite et dont la pertinence, malgré ce qu’en pensent beaucoup de citoyens des pays démocratiques, reste entière parce qu’elle apporte la clarté nécessaire à la vie politique même si elle ne peut rendre toutes les subtilités de l’action mais qui n’influent pas sur la couleur politique principale de celle-ci parce qu’elles ne sont, au bout du compte, que des subtilités.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


Présidentielle USA 2020. Primaires démocrates – Un centriste – mais peut-être pas le bon – remporterait – mais peut-être pas – le caucus de l’Iowa!

Pete Buttigieg
[Mise à jour le 7 février à 10h15]
Après une longue attente due à des problèmes techniques sur l’application informatique utilisée, les résultats du caucus de l’Iowa, première étape traditionnelle des primaires démocrates, ont été enfin publiés dans leur intégralité, trois jours après sa tenue mais aucun candidat n'a été déclaré vainqueur! 
En effet, des erreurs ont été notées dans les décomptes ce qui a amené la direction du Parti démocrate à demander aux responsables de l’Iowa de procéder à un nouveau comptage, ce qui, selon nombre de commentateurs, pourrait prendre un certain temps

Une situation ubuesque qui risque de coûter cher à l’Iowa qui pourrait perdre sa place de premier Etat à voter dans les primaires, place qui était déjà largement mise en cause par le peu de représentativité qu’il a au niveau national alors qu’il peut en avoir une grande dans le déroulement de la nomination d’un candidat à la présidence en donnant à certains une dynamique et à d’autres un coup d’arrêt brutal.

Rappelons qu’un caucus comme celui de l’Iowa est une série de «réunions de voisins» (une dans les 1765 bureaux de vote de l’Iowa, par exemple) où chaque participant indique pour qui va sa préférence et se réunit alors avec ceux qui ont la même opinion.

Ensuite, une discussion s’engage où chaque groupe tente de convaincre les autres que son candidat est le meilleur.

Puis l’on procède à un vote afin de sélectionner les candidats «viables» et une nouvelle discussion s’engage avant le vote final.

Ensuite, on rassemble tous les votes et l’on élit les délégués locaux qui choisiront, plus tard, les délégués de l’Etat par un système à plusieurs étages qui permet à chaque délégué de changer son vote (ce qui arrive rarement).

Les résultats donnés par les médias le soir même (ou, en l’occurrence, deux jour après), ne sont donc pas le résultat final qui est, lui, décidé lors d’une convention au niveau de l’Etat.

Les caucus sont très peu nombreux (et avec des règles qui peuvent varier quelque peu), beaucoup d’Etats ayant renoncé à en organiser parce qu’ils n’ont pas les critères d’un vrai choix démocratique qui impose un vote secret, notamment.

De plus, comme il faut se déplacer et assister à des réunions parfois interminables, très peu d’électeurs y participent, ce qui leur donne peu de représentativité.

Quant aux gagnants de ce caucus de l’Iowa, ils ont connu des fortunes diverses.

Ainsi, dans 55% des cas depuis 1972, le gagnant du caucus fut, par la suite, désigné candidat des démocrates, comme ce fut le cas pour Jimmy Carter (en 1976) et Barack Obama (en 2008), élus par la suite président des Etats-Unis.

En revanche, Bill Clinton (en 1992), lui, n’arriva qu’en troisième position avec seulement 3% des suffrages ce qui ne l’empêcha pas de remporter ensuite la primaire puis la présidentielle.

Le vainqueur hypothétique serait donc Pete Buttigieg, l’ancien maire de la ville de Southbend dans l’Indiana qui se déclare comme centriste.

S’il possède indéniablement quelques atouts dont sa jeunesse (par rapport aux âges de ses principaux concurrents…), son passage dans l’armée et son programme réaliste mais avec une personnalité qui peut néanmoins séduire les liberals (démocrates de gauche), il a également des handicaps évident comme son manque de mandat national (il n’a jamais été représentant ou sénateur) ou son manque de notoriété.

Quant à son orientation sexuelle (il est homosexuel et marié), il est difficile de savoir si elle sera un atout ou un handicap rédhibitoire.

On peut penser que lors des primaires démocrates, elle peut être, dans nombre d’Etats dont ceux de la côte Est et ceux de la côte Ouest, une dynamique dans une Amérique largement libérale.

En revanche, pour ce qui est de l’élection générale, elle peut être un mur infranchissable pour attirer un certain nombre d’électeurs conservateurs ou modérés qui ne sont pas prêts à élire un homosexuel, comme certains sondages le suggèrent.

Et la réaction consternante d’une électrice du caucus de l’Iowa, demandant à changer son vote en faveur de Buttigieg en apprenant qu’il était homosexuel montre que ce mur est loin d’être virtuel…

Cependant, il est possible que cela ne joue pas en sa défaveur si l’on se rappelle que Barack Obama fut élu premier président noir, entre autres parce que les deux mandats de George W Bush avaient totalement discrédité les républicains pour une majorité d’électeurs américains.

Ce qui pourrait être le cas pour Trump qui, s’il possède une base très fidèle, peut très bien perdre nombre d’électeurs républicains ou «independents» (sans affiliation partisane) dégoûtés par le personnage et son comportement.

Mais il ne faut pas oublier, non plus, que la victoire d’Obama fut beaucoup plus étriquée que prévue pour un candidat démocrate, une des raisons étant que nombre d’électeurs anti-Bush ne voulaient pas voter pour un Afro-américain…

Le perdant de ce caucus est évidemment le centriste Joe Biden, le favori jusqu’à présent des primaires démocrates (toujours en tête dans les sondages sur les primaires), celui qui semble le plus à même de battre Trump à l’heure actuelle, donc qui est encore le «bon» centriste pour la présidentielle (ainsi, dans les sondages, Biden bat systématiquement Trump alors que Trump bat Buttigieg plus souvent que ce dernier ne le bat).

L’ancien vice-président de Barack Obama arrive en quatrième position derrière Buttigieg mais aussi derrière Bernie Sanders et Elizabeth Warren, les deux candidats de gauche.

Même si cela ne préjuge pas encore de ses chances de remporter les primaires, en tous cas, cela semble donner un certain crédit à la candidature de Michael Bloomberg qui avait indiqué qu’il se présentait aux primaires démocrates parce qu’il ne croyait pas dans les chances de Biden de remporter la nomination démocrate puis l’élection face à Trump.

L’ancien maire centriste de New York ne participait pas au caucus de l’Iowa parce qu’il n’avait pas la possibilité de s’y inscrire, s’étant déclaré candidat trop tard.

De même, il ne participera pas aux prochaines primaires comme celles du New Hampshire mais compte sur une dynamique (encore difficile à évaluer même s’il est monté dans les sondages où il se place devant… Buttigieg!).

Un mot sur l’autre candidate centriste des primaires démocrates, Amy Klobuchar, qui arrive en cinquième position avec un score nettement supérieur à ses intentions de vote au niveau national, ce qui lui donne un petit espoir de créer son «momentum» (dynamique).



► Voici les résultats du caucus de l’Iowa:



- Pete Buttigieg (ancien maire de South Bend, Indiana), 26,21%;

- Bernie Sanders (sénateur du Vermont), 26,12%;

- Elisabeth Warren (sénatrice du Massachussetts), 17,98%

- Joe Biden (ex-vice-président d’Obama & ex-sénateur du Delaware), 15,85%

- Amy Kobluchar (sénatrice du Minnesota), 12,27%

- Andrew Yang (entrepreneur newyorkais), 1,02%

- Tom Steyer (homme d’affaires), 0,33%

(Selon un décompte sur 100% des bureaux de vote mais non validé par la direction du Parti démocrate / les pourcentages sont ceux qui concernent les délégués obtenus par chaque candidat et non le nombre de voix car si Buttigieg remporte le plus grand nombre de délégués, c'est Bernie Sanders qui remporte le vote populaire / Michael Bloomberg, ancien maire de New York, ne concourrait pas lors de ce caucus)





► Derniers sondages nationaux (duels Biden-Trump et Buttigieg-Trump)

NBC news/Wall Street journal (2 février)

- Joe Biden 50%- Trump 44%

- Pete Buttigieg 46%- Trump 45%



IBD/TIPP (31 janvier)

- Joe Biden 49%- Trump 48%

- Pete Buttigieg 45%- Trump 48%



LA Times/USC (30 janvier)

- Joe Biden 49%- Trump 40%

- Pete Buttigieg 40%- Trump 43%



ABC news/Washington Post (27 janvier)

- Joe Biden 50%- Trump 46%

- Pete Buttigieg 45%- Trump 48%



► Les résultats dans la course à la primaire démocrate selon l’agrégateur de sondage Real Clear Politics:

- Joe Biden (ex-vice-président d’Obama & ex-sénateur du Delaware), 27%

- Bernie Sanders (sénateur du Vermont), 21,8%;

- Elisabeth Warren (sénatrice du Massachussetts), 14,4%

- Michael Bloomberg (ancien maire de New York), 10,6%

- Pete Buttigieg (ancient maire de South Bend, Indiana), 7%;

- Amy Klobuchar (sénatrice du Minnesota), 4%

- Andrew Yang (entrepreneur newyorkais), 3,6%

- Tom Steyer (homme d’affaires), 2,2%