samedi 6 décembre 2014

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Les centristes et leur destin

Les centristes sauront-ils prendre leur destin en main ou se montreront-ils incapables de jouer collectivement et d’être présents lors des prochaines présidentielles de 2017?
La réponse à cette question conditionnera leur capacité à gouverner et/ou à peser sur le débat politique quoi qu’il arrive.
Elle sera aussi importante sur le rapport de force qui s’instaurera dans les prochaines années avec les tentations de radicalisation de la Droite, la menace de l’extrême-droite et, plus généralement, les dérives populistes et démagogiques qui impactent tous les bords politiques.
Le premier challenge qui attend les centristes est celui de l’union, de l’écriture d’un projet politique, de la réflexion sur un programme électoral, c’est-à-dire celui de la cohésion de l’espace centriste.
Le deuxième challenge sera celui des alliances politiques et de l’attitude face à l’élection la plus importante de la vie démocratique de la V° République, la présidentielle où ils auront le choix entre présenter un candidat indépendant, participer à la primaire de l’opposition avec l’UMP ou de faire ni l’un, ni l’autre.
Or donc, le premier challenge concerne la capacité d’union des centristes.
Sans parler des centristes qui sont à l’UMP et d’autres qui se trouvent dans la majorité actuelle, la refondation du Centre dans une réunion des différents courants centristes indépendants ne va pas de soi.
Outre la séparation entre le Mouvement démocrate et l’UDI que la création de l’Alternative n’a absolument pas réduite, les diverses chapelles à l’intérieur de la confédération qu’est l’UDI vont avoir beaucoup de mal à cohabiter ensemble dans les mois qui viennent.
La victoire de Jean-Christophe Lagarde sur Hervé Morin pour la présidence de la formation de centre-droit n’a pas permis, comme on le supposait et on le craignait, de renforcer l’unité.
Il suffit de voir l’organigramme de la nouvelle direction concoctée par Lagarde où les partisans de Morin sont marginalisés pour les rares qui auront une fonction de direction ou d’entendre ce dernier lancer des piques sans arrêt à l’encontre de son concurrent victorieux et de toutes ses initiatives, prenant un malin plaisir à dire le contraire de ce qu’il vient de déclarer pour s’apercevoir que la tâche de rassembler l’UDI pour qu’elle se tourne vers ce qui est sa fonction et son objectif, la conquête du pouvoir et la mise en place d’une politique centriste ne va vraiment pas de soi.
Sans oublier que François Bayrou, qui a intérêt en une UDI faible et divisée, ne manquera pas d’attiser les rivalités entre ces deux anciens lieutenants.
Et pour que cette conquête puisse avoir lieu, il faut évidemment un projet politique et un programme électoral qui permettra enfin aux Français de distinguer vraiment le Centre de la Droite et de la Gauche.
Mais ceux-ci ne pourront être élaborés que dans une union où tous tireront dans le même sens et non dans des directions opposées.
Comment écrire des textes si importants quand des chicaneries empêchent la réflexion de fond?
Le challenge de la cohésion de l’espace centriste est donc loin d’être gagné à l’heure actuelle.
Néanmoins, l’espérance de gagner les élections et de gouverner qui ressort des sondages et de l’état d’esprit des Français peut imposer une entente des centristes.
Car il serait totalement irresponsable de leur part de manquer l’opportunité qui se présente pour des querelles auxquelles les électeurs ne comprennent pas grand-chose sauf que les centristes, décidément, ne sont pas capables, une nouvelle fois, d’être crédibles à leurs yeux.
Le deuxième challenge sera de savoir comment aborder la présidentielle.
Les centristes doivent-ils avoir un candidat indépendant (voire deux s’il y en a un du MoDem et un de l’UDI) qui se présente quoiqu’il arrive ou doivent-ils faire une croix sur 2017, soit en se présentant à la primaire de la Droite avec 100% de chance d’être battus ou en renonçant à participer à ce rendez-vous électoral directement de quelque façon que ce soit?
En préambule, on doit dire qu’il est difficile de prédire qu’un centriste puisse être vainqueur de la prochaine présidentielle.
Même si rien n’est forcément donné, même si un Bayrou et, pourquoi pas, un Lagarde pourraient créer la surprise, il est plus sérieux d’envisager un score conséquent qui permettent de placer le centre et ses idées en position de force dans une alliance pour le second tour.
L’évidence pour un courant de pensée majeur et indépendant est d’avoir un candidat à la reine des élections qui est la présidentielle dans notre système politique actuel.
Renoncer à s’y présenter, c’est admettre que l’on est incapable de la gagner mais aussi incapable de bien y figurer et d’en retirer un avantage politique.
Si l’on regarde bien les résultats des dernières présidentielles, il semble clair que les centristes ont existé plus ou moins bien (autour de 7% en 2002, 18,5% en 2007 et 9% en 2012).
Pour autant, ils ont été incapables de bien négocier leur force électorale pour gouverner ou même influencer le pouvoir issu de ces élections.
Il faut évidemment que cela change.
Cependant, ce n’est pas en refusant d’être présent au premier tour de la présidentielle de 2017 que les centristes pourront peser réellement et non à la marge sur la gouvernance de la France.
En décidant de participer à la primaire de la Droite – où les quelques milliers de militants ne feront pas le poids face aux dizaines de milliers de l’UMP, sans parler des sympathisants et ce même en cas d’un mouvement populaire en faveur des partis centristes –  et en se désistant pour un des candidats présent au second tour de celle-ci et en se ralliant au vainqueur, les centristes auront quelques miettes et quelques promesses mais elles seront loin de valoir celles qu’ils pourraient obtenir dans des négociations entre les deux tours d’une présidentielle où c’est la victoire finale qui est en jeu, installant une pression sur celui qui veut rallier derrière son nom.
Une réalité même si le vainqueur de la primaire s’appelle Alain Juppé.
Reste une troisième alternative qui serait de ne pas participer directement à la présidentielle en se préparant avant tout pour les législatives qui suivront et en tentant d’influencer le choix des candidats de Droite (Juppé) et de Gauche (Valls) puis en s’engageant pour l’un d’entre eux (plus Juppé que Valls mais que se passerait-il si c’était Sarkozy-Valls?).
Les centristes se retrouveraient dans une configuration qu’ils ont connue en 1995 avec leur soutien raté à Edouard Balladur.
Mais, en misant sur le bon cheval, ils pourraient, en amont, négocier un vrai contrat de gouvernement avec une vraie alliance électorale.
Cette dernière solution n’est évidemment pas la meilleure alors que l’élection présidentielle est un passage obligé pour les grands courants politiques d’exister et de peser.
Mais, à défaut d’être présent directement, ne vaut-il pas mieux ne pas y aller que de se ridiculiser dans une primaire à droite comme Jean-Michel Baylet se ridiculisa en 2011 dans la primaire à gauche, où le président des Radicaux de gauche obtint laborieusement 0,64% des voix…