mercredi 14 juin 2017

Actualités du Centre. Bayrou affirme travailler «en équipe et en confiance» avec Macron et Philippe


Emmanuel Macron & François Bayrou
Alors qu’il se trouve fragilisé au sein de la majorité présidentielle suite à son comportement emporté face à plusieurs affaires politico-médiatico-judiciaires, François Bayrou, dans une interview au Monde a tenté d’accréditer la thèse selon laquelle tout se passait bien entre lui, Emmanuel Macron et le premier ministre Edouard Philippe avec lequel il s’est d’ailleurs affiché à la sortie du Conseil des ministres de ce jour.
Ainsi, à la question de savoir si les deux hommes à la tête de l’Etat lui avaient fait part «de leur désapprobation», il a répondu, «nullement» car  «ce n’est pas le style de nos rapports», ajoutant que «nous sommes des responsables politiques confirmés, travaillant en équipe et en confiance» et «c’est cela qui est précieux».
Quant aux rapports entre La République en marche et le MoDem, il les qualifie de «complémentaires»:
«En Marche ! est un mouvement neuf, en éclosion. Le MoDem est un courant politique qui a une longue histoire et un corpus de valeurs très clairement identifié, une habitude de vie et d’engagement en commun. C’est un grand courant de la vie politique nationale qui connaît une magnifique résurgence. Les deux mouvements sont donc profondément complémentaires, et nous ne serons pas trop de deux pour affronter les défis qui viennent.»
De même, face aux critiques sur ses propos peu en ligne avec la discipline gouvernementale, il affirme que le MoDem n’est pas «extérieur à la majorité» mais «au cœur de la majorité, et même au centre de cette majorité».
D’autant qu’il se dit persuadé qu’«on est écouté quand on est en phase, et quand on est créatif et entraînant. Or il se trouve que je me sens en totale confiance avec le président de la République. Je dois même vous avouer que cela ne m’est jamais arrivé de toute ma vie politique. La capacité qui a été la sienne, en quelques heures, d’incarner la fonction et de faire comprendre aux Français la conception qu’il en avait, de leur donner ainsi de la fierté, est une des raisons essentielles du succès des législatives».
Pour autant, concernant sa liberté de parole, il indique: «je n’ai pas l’intention de me mettre un bâillon, ni de devenir d’un coup inodore, incolore et sans saveur. Quand j’ai quelque chose à dire à quelqu’un, surtout en privé, je le dis. Je suis ministre de la justice, et pour moi la justice n’est pas seulement une institution elle est aussi une valeur».

Une Semaine en Centrisme. Bayrou veut instaurer un rapport de force dans la nouvelle majorité

François Bayrou
François Bayrou a toujours été un homme politique difficilement gérable, surtout depuis son score de 18,57% au premier tour de la présidentielle de 2007.
Sa volte-face pour la présidentielle de 2017 où, après avoir soutenu Alain Juppé tout en ayant voulu se présenter, il s’est allié à Emmanuel Macron qu’il avait très durement critiqué voire insulté, montre, à la fois, sa souplesse et sa volonté d’être toujours au centre de la scène politico-médiatique.
Déçu de n’être pas nommé premier ministre alors qu’il est convaincu d’avoir été le principal responsable de la victoire de Macron (qui, selon le président du MoDem, lui a «volé» son positionnement central et son «ni, ni» ainsi que son idée d’un mouvement politique issu de la société civile), il s’est senti floué lors du dévoilement de la première liste des investitures de La République en marche pour les législatives.
Ayant réussi à la faire évoluer dans son sens et son intérêt puis ayant été nommé ministre de la Justice mais, surtout, ministre d’Etat et troisième figure du gouvernement, il a estimé que le rapport de force qu’il avait instauré lors de cet épisode avait totalement payé.
De plus, en analysant les résultats du premier tour des législatives, il a compris que ne pouvant peser numériquement sur la prochaine majorité présidentielle – LREM aura une majorité sans besoin de l’apport des députés élus sous la bannière MoDem –, il ne pourrait peser et survivre sur le moyen et long terme que dans une sorte d’autonomie agressive vis-à-vis d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, le tout en revendiquant une «liberté de parole» au mépris d’une discipline gouvernementale.
Cependant, s’il estime que de pouvoir dire ce qu’il veut, quand il veut et sans l’autorisation de quiconque est l’attribut d’un homme politique «libre», il sait très bien aussi que c’est la manière de se bâtir une sorte de baronnie indépendante voire frondeuse à l’intérieur même du royaume de la majorité présidentielle et d’être, ou indéboulonnable de par la crise politique que son éviction susciterait, ou prêt à jouer sa propre carte avec ses nombreux députés qui auront été acquis uniquement grâce à… La République en marche!
Sans doute que les attaques concernant les assistants parlementaires des députés européens du Mouvement démocrate l’ont raidit dans cette posture mais celle-ci lui permet également de jouer de sa nouvelle stature pour pratiquer ce rapport de force dont il pense sortir vainqueur dans tous les cas de figure.
C’est un pari que fait François Bayrou comme il en a fait beaucoup au cours de sa carrière politique, parfois gagnants, souvent perdants.
Cependant, il va devoir jouer serrer parce que, pour les Français et depuis longtemps comme en témoignent les sondages, il n’est pas perçu comme un représentant de la «nouvelle» politique mais plutôt comme celui de la «vieille» classe politicienne.
De ce point de vue, si Emmanuel Macron, lassé et énervé de son comportement, lui appliquait le «dégagisme» tellement à la mode actuellement, il est fort probable que cela ne serait pas mal reçu par l’opinion publique.
Pas sûr, non plus, que toutes ses troupes le suivent dans ce qui serait une nouvelle traversée du désert, comme celle qu’il a vécu après la présidentielle de 2012.
Nous n’en sommes pas encore là et il est possible que des arrangements soient trouvés pour éviter ce cas de figure.
Quoi qu’il en soit, tout ce que fait François Bayrou ne doit pas être analysé comme des «couacs» mais certainement comme un agir mûrement réfléchi à défaut d’être sûrement payant.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

Vues du Centre – Aris de Hesselin. Macron doit-il vite se séparer de Bayrou?

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.

François Bayrou & Emmanuel Macron
Depuis la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, François Bayrou s’est montré ingérable, provoquant un affrontement avec le nouveau président et son équipe à propos des investitures pour les législatives (au cours duquel il s’est également fâché avec Jean Arthuis), un autre avec les journalistes qui ont enquêté sur les accusations concernant les assistants des parlementaires européens du MoDem et un autre avec le Premier ministre en lui répondant que, malgré ses fonctions de ministre de la Justice, il interviendrait où, quand, comment il le voudrait au risque de mélanger les genres, de mettre dans l’embarras le gouvernement et de porter atteinte à l’image et à la popularité du président.
Ça fait beaucoup en très peu de temps, beaucoup trop pour que le leader centriste s’en sorte sans aucune sanction, lui qui semble se prendre pour un vice-président.
Ici je ne parle pas d’un point de vue judiciaire mais uniquement politique.
D’autant qu’on voit bien qu’il est aussi ingérable pour Macron qu’il l’était pour Juppé et qu’il n’en fait et fera toujours qu’à sa tête et pour son propre intérêt, ce qui a créé, au fil des années, un désert autour de lui (il a bien eu du mal à trouver des candidats crédibles pour ces législatives).
Dès lors, Emmanuel Macron n’aurait-il pas intérêt à se séparer de lui dès que possible pour éviter de futures crises qui pourraient être bien plus graves?
Ma réponse est, oui.
La chance du président de la république, c’est qu’il aura une majorité le 18 juin sans même l’apport des députés élus sous la bannière du Mouvement démocrate.
Il devrait la saisir.
Néanmoins, il est fort probable qu’il décide de continuer un bout de chemin avec François Bayrou.
Selon moi, il commettra une erreur pour son quinquennat.
Il est bien préférable de casser cette alliance avant que la situation empire et que le clash qui s’en suivra nécessairement ait un coût politique nettement plus important.
Si la séparation a lieu aujourd’hui, elle sera passée par pertes et profits d’un début de mandat et d’un ajustement que comprendront les Français.
En revanche, si elle a lieu alors que le président et son gouvernement – à l’intérieur duquel se trouveront des membres du MoDem – connaîtront des difficultés, elle sera beaucoup plus lourde à porter et aura des conséquences négatives bien plus graves.
Dans cette histoire, je me place dans l’optique de faire réussir le projet centriste d’Emmanuel Macron.
Et dans cette perspective, je ne crois pas que François Bayrou pourra être un atout à cette réussite, bien au contraire.

Aris de Hesselin