vendredi 11 novembre 2016

Actualités du Centre. Macron entre progressisme, volontarisme et déterminisme économique

Dans une interview au Nouvel Observateur, Emmanuel Macron détaille un peu plus les grandes lignes de son programme dans certains domaines comme l’éducation ou le droit du travail.
Le magazine a ainsi recensé huit mesures:
- L’autonomie des établissements dans le primaire parce qu’il estime que tout se joue dans le primaire qui a donc également besoin de moyens supplémentaires.
- La réforme de la carte scolaire afin d’assurer une véritable mixité sociale avec des écoles qui accueillent des publics divers et qui permette aux enfants des quartiers d’aller dans les établissements des centres-villes.
- Une durée du travail en fonction de l’âge qui permettrait aux jeunes qui le veulent de travailler plus et aux vieux qui le souhaitent de travailler moins.
- La fin des 35 heures pour les jeunes: «Quand on est jeune, 35 heures ce n’est pas assez. On veut travailler plus, on veut apprendre son job. Et puis, il y a un principe de réalité. Un entrepreneur raisonne ainsi: ce jeune n’est pas qualifié, je veux bien l’embaucher mais il va apprendre son job en entrant dans mon entreprise, donc il faut qu’il effectue davantage d’heures.»
- une retraite à la carte où l’on pourrait partir «à 60 ans, à 65 ans ou à 67 ans». «Il faut pouvoir moduler selon les individus et les situations. Si on se contente d’appliquer des critères de pénibilité de manière arbitraire, on ne fera que recréer des régimes spéciaux.»
- Un droit au chômage pour les travailleurs indépendants et les autoentrepreneurs: «Nous devrons donner des droits nouveaux et rentrer dans une logique beaucoup plus transparente, qui ne sera plus pensée en fonction de la durée et du montant des cotisations, mais qui protégera des aléas de la vie professionnelle ceux qui aujourd’hui ne sont pas couverts. En particulier ceux qui sont au régime de la microentreprise ou les indépendants.»
- Le droit au chômage en cas de démission
- Une nationalisation de l’Unédic (assurance-chômage)

Dans cette interview, qui marque également des proximités avec le Centrisme, il navigue entre progressisme, volontarisme et déterminisme économique avec toujours une touche de populisme mais aussi un rappel aux valeurs de la démocratie républicaine.

- Progressisme
«Quand on est progressiste, on a une responsabilité particulière, celle de transformer la société. La recomposition politique que je porte pourra changer les choses, parce qu’elle s’appuie sur un discours de vérité et sur une méthode. Il faut enfin être clair sur les valeurs. Moi, je crois à l’émancipation par le travail, à l’universalité des droits et à l’individualisation de leur prescription, à plus d’agilité. Mais je ne crois pas à l’anomie, ni à l’individu laissé à la brutalité de la société ou du marché du travail. Je suis contre la stigmatisation de l’’assistanat’, contre le déterminisme social. Si vous êtes clair sur les valeurs, vous pouvez faire bouger les acteurs. Il faut leur donner un cap.»

- Volontarisme
A la question «pourquoi réussiriez-vous où d’autres ont échoué ?», il répond «parce que j’ai l’optimisme de la volonté».
De même, pour lui, «la France n’est ni une identité ni une idée, c’est une volonté, c’est une projection».
Emmanuel Macron reprend l’idée sarkozyste développée particulièrement en 2007 lors de la campagne présidentielle face à Ségolène Royal, que la volonté est la mère de tout changement dans la société.
Or, cette vision est battue en brèche depuis de nombreuses années car elle fait fi de la réalité.
Parfois, elle est même dangereuse parce qu’elle laisse à penser qu’il suffit de dire puis d’essayer de faire pour que tout change.
Et quand rien ou peu change réellement, la déception de la population est d’autant plus grande qu’on lui a laissé croire que c’était possible.
C’est également une des raisons du rejet des politiques qui le suscite eux-mêmes par ce genre de simplification qui façonne la vision de la population que décidément. si rien ne change, ce n’est pas la faute à la réalité mais à ceux qui prétendaient qu’on pouvait la changer.

- Déterminisme économique
«Dans de trop nombreux endroits, ceux où les pouvoirs publics ont été le moins efficaces, cette France (ndlr: celle des quartiers) a basculé du côté des communautarismes et parfois du salafisme. C’est celle-là, d’ailleurs, qui est perçue par la seconde (ndlr: celle de la ‘périphérie’) comme une source d’insécurité culturelle, parce qu’elle renvoie une image de gens qui se construisent contre la République. C’est là où le discours sur l’identité ne me paraît pas être une fatalité. Le fait religieux y est présent, mais c’est une démarche politique qui est menée par certains contre la République, qui instrumentalisent la frustration économique et sociale. Pourquoi des enfants de deuxième ou troisième génération d’immigrés versent-ils dans le fondamentalisme religieux, dans la haine de la République, contrairement à leurs parents ? Parce qu’il y a du ressentiment économique et social, parce qu’ils sont assignés à résidence, parce qu’on ne leur propose aucune mobilité et que derrière on a un imaginaire défaitiste qui s’est structuré. Et c’est dans ce contexte que les discours de haine contre la République peuvent prospérer.»
Emmanuel Macron tombe dans le piège d’une vision primaire très répandue à gauche qui incrimine uniquement la situation économique et sociale afin d’expliquer le salafisme, l’extrêmisme et le terrorisme islamique.
Or tous les experts sérieux et indépendants savent que si celle-ci entre évidemment en compte, elle n’est pas la seule et sans doute pas la principale cause de l’extrémisme musulman et de la conversion vers celui-ci de nombreux jeunes des banlieues et d’ailleurs.

- Populisme
«La crise que l’on traverse est d’abord une crise des élites politiques. Elles ont acté qu’on pouvait laisser les choses se gérer comme avant, qu’il y avait une sorte de fatalité. C’est le cynisme de l’alternance qui distribue les places à tour de rôle, c’est aussi le cynisme de la peur qui fait croire aux Français que leur pays part à vau-l’eau, qu’il est fragile… Mais il y a aussi une trahison d’une partie des élites économiques qui considère depuis longtemps que le destin du pays n’est plus leur sujet. Je ne connais pas d’autre pays développé où des dirigeants dénigrent à ce point leur pays.»

- Les valeurs
«L’erreur politique, c’est de pousser les gens vers une très profonde transformation économique et sociale tout en trahissant les valeurs. Ça, c’est une erreur fondamentale, parce qu’il ne faut pas bouger sur les valeurs. Il faut être absolument intraitable. Notre pays a toujours été porté par son universalisme. La France n’est elle-même que quand elle se dépasse, quand elle porte ses valeurs de fraternité au-delà d’elle-même, quand elle réussit à créer des choses qui étaient impensables. La bataille qui est la nôtre, c’est de rendre les individus capables.»



Présidentielle USA 2016. Et si tout cela n’était qu’un jeu pour Donald Trump?

Après le candidat Donald violent et grossier de la campagne, voilà venu le président élu Trump consensuel et plein de compliments pour tous ceux qu’il détestait hier, rendant hommage à Hillary Clinton pour tous les services qu’elle a rendus à la nation alors qu’il voulait (et veut peut-être toujours) la mettre en prison et trouvant en Barack Obama un homme formidable alors qu’il l’insultait hier, prétendant qu’il était un usurpateur qu’il fallait destitué.
Un Trump qui n’a pas hésité à dire, dans son discours de victoire, tout le contraire de ce qu’il a dit durant son entière campagne, se présentant comme un homme de l’union et du consensus.
Puis, de nouveau, voici revenu le vociférateur en chef et complotiste convaincu qui s’en prend désormais aux jeunes qui manifestent, de New York à San Francisco en passant par Portland et Oakland, en prétendant qu’ils sont manipulés par les médias qui sont contre lui depuis toujours.
La mascarade continue donc comme si, pour Donald Trump, tout cela n’était qu’un jeu dont il a gagné la première manche comme on gagne au poker menteur…
Au lieu de nous rassurer, cette éventualité est glaçante car elle recèle l’idée que tout sera bon pour gagner la partie, tout sera bon pour qu’il se valorise quand il le faudra et par tous les moyens possibles, même les plus sales, sans se préoccuper de respecter des principes ou des valeurs.
N’est-ce pas qu’un jeu?!
L’élection de Donald Trump montre, encore plus aujourd’hui qu’hier et peut-être moins que demain, comment est manipulable la démocratie et ses règles.
Trump n’est, malheureusement, pas le premier démagogue populiste à séduire le peuple et il ne sera pas le dernier que ce soit aux Etats-Unis, en Europe et dans le monde entier.
Ceux qui croyaient que la démocratie républicaine pouvait résister sans se protéger contre ces personnages troubles – comme ceux qui croient qu’il suffit d’agiter son drapeau pour faire peur à ses ennemis extérieurs et les faire fuir – doivent redescendre sur terre une bonne fois pour toute.
Les médias d’information en continu qui doivent se nourrir à tout moment de n’importe quelle information pour justifier leur existence et faire de l’audience pour la financer ainsi qu’internet qui peut déverser tous les mensonges, toutes les thèses complotistes, toutes les rumeurs avec délectation font que n’importe quel bateleur d’estrade connecté est désormais capable de surfer sur toutes les peurs, les angoisses et la crédulité (pour ne pas dire la bêtise) des êtres humains mais aussi leurs haines et leurs bassesses.
Et il ne faut guère compter sur la responsabilité des journalistes et encore moins sur celles des internautes pour inverser cette tendance forte.
C’est par un engagement politique fort et sans concession en faveur de la démocratie républicaine que nous pourrons éviter le pire dans les années qui viennent – quand exactement? cela est encore une donnée manquante – et qui surviendra certainement si nous ne réagissons pas.
Car la politique est ce qu’elle est.
Parfois elle prend une hauteur extrême, parfois elle est d’une extrême bassesse, comme nous le constatons quotidiennement.
D’autres fois, elle est pragmatique à l’extrême pour sauver notre système démocratique.
C’est là qu’il faut situer les réactions pleines de dignité de Barack Obama, d’Hillary Clinton, voire de Bernie Sanders à la victoire de Donald Trump.
Car ce dernier est bien le prochain président des Etats-Unis et la nation américaine est bien plus grande et bien plus forte que le passage, serait-ce même pour huit années, d’un clown pathétique et dangereux à la Maison blanche.
Mais pour que ce ne soit pas un très mauvais cauchemar la vigilance de tous les instants doit être la règle pour les vrais démocrates.
Il faut espérer qu’elle ne doive pas se transformer en résistance.
Parce que, pour les démocrates républicains, monsieur Trump, ce n’est pas un jeu.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC