mercredi 28 septembre 2016

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Faut-il désespérer de la démocratie?

A l’image de son année de campagne, Donald Trump, lors du débat qui l’a opposé à Hillary Clinton, lundi, a menti une cinquantaine de fois, a coupé la parole de son adversaire de manière intempestive une vingtaine de fois, l’a attaquée personnellement sans relâche et n’a pas été capable de se montrer présidentiable tout en présentant ses propositions de manière brouillonne.
Après le débat, il a fait ce qu’il fait d’habitude en se déclarant vainqueur puis, lorsque l’entière médiasphère a dit le contraire, il a accusé le micro (pour les bruits de sa respiration), le modérateur, les journalistes, sa «gentillesse» envers Clinton d’être responsable de sa mauvaise prestation avant de promettre qu’il serait plus méchant pour le deuxième rendez-vous avec la candidate démocrate.
Le plus incompréhensible et le plus inquiétant, ce n’est pas son comportement d’égocentrique narcissique utilisant le mensonge et l’insulte comme principales armes politiques.
Non, c’est que cette contre-performance comme toutes ses bourdes, ses âneries, ses insultes, ses mensonges et ses bêtises, ne l’ont pas déjà disqualifié et depuis longtemps dans la course à la présidence selon les sondages.
D’où cette question que l’on doit désormais se poser: faut-il désespérer de la démocratie?
Elle n’est pas nouvelle, bien sûr.
Dès son instauration aux Etats-Unis puis en France au XVIII° siècle, l’interrogation était de mise et pas seulement chez ses adversaires.
On pouvait évidemment se la poser lorsqu’Hitler est arrivé au pouvoir grâce aux institutions démocratiques.
On pouvait encore plus se la poser à la fin de la Deuxième guerre mondiale lorsque l’on a découvert les horreurs des crimes nazis.
Et nombre de dirigeants totalitaires ou autoritaires qui ont conquis le pouvoir ces dernies temps, comme Chavez ou Poutine ont également conquis le pouvoir dans les urnes.
Le premier a ruiné son pays où l’on ne mange plus à sa fin et où la malaria est de retour.
Quant au deuxième, il est un danger pour la paix dans le monde, n’ayant pas hésité, comme vient de le confirmer une commission d’enquête, à abattre un avion de ligne au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014 et à tuer sans discernement hommes, femmes et enfants dans les bombardements en Syrie et même les convois humanitaires de l’ONU.
Et les pleurs sincères de millions de Soviétiques et de Chinois lors de la mort de Staline et de Mao, deux des trois plus gros bouchers du XX° siècle avec Hitler, interpellent tous les démocrates, dont les centristes, qui pensent qu’il faut malgré tout faire confiance au peuple.
Avec Churchill, ils se disent, avec raison, que c’est le moins mauvais système pour gouverner les humains.
Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut demeurer les bras croisés en attendant que les dérives de la démocratie la détruisent de l’intérieur.
Car, contrairement à ce que disent les démagogues et les populistes avant d’arriver au pouvoir avant de s’attaquer aux libertés et de trafiquer les élections pour s’y maintenir, le peuple n’a pas toujours raison.
Il lui arrive de se tromper comme lorsqu’il a élu Hitler, comme lorsqu’il a élu Poutine, comme lorsqu’il risque d’élire Trump ou Le Pen, porter au pouvoir l’AfD en Allemagne ou l’UKIP en Grande Bretagne.
Donc, à la question, certains attendent le résultat du scrutin le 8 novembre pour répondre par l’affirmative.
Si Trump est battu, même d’une courte tête, ils pousseront un ouf de soulagement et clameront partout que la démocratie est plus forte que les populistes démagogues et que le peuple, dans son infinie sagesse, a su faire le bon choix.
Un peu comme nous avons réagi en France en 2002 lorsque Jacques Chirac a écrasé Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle.
Sauf que, depuis, le Front national a remporté les élections européennes et régionales (même si l’UMP a revendiqué la victoire qu’elle n’a pu obtenir qu’avec l’appui des centristes).
Sauf que Marine Le Pen est, pour l’instant et selon les sondages, à coup sûr au deuxième tour.
Faudra-t-il, pour vraiment se réveiller et lutter contre cette gangrène de la démocratie que sont des démagogues et ces mouvements populistes que Trump l’emporte puis que, six mois plus tard, ce soit Marine Le Pen?!
Le problème n’est pas l’idée de démocratie républicaine libérale qui est en cause mais bien son application.
C’est cette dernière qu’il faut repenser avec la mise en œuvre de mesures pour que le peuple, cette base sur laquelle s’appuie l’idée de démocratie, soit en capacité de choisir en toute connaissance de cause et de manière responsable ses dirigeants et non pas des bateleurs d’estrade prêts à tout pour s’emparer du pouvoir à leur profit ou leurs fantasmes dangereux.
Cela passe par le savoir, c’est-à-dire l’instruction et l’information.
Force est de constater un certain échec du côté de la première et une grande irresponsabilité du côté de la seconde.
Mais cela passe également par le respect des uns envers des autres et de la société envers ses membres.
Sans oublier un personnel politique à la hauteur des enjeux.
Peut-être que c’est demander trop et que l’humain étant ce qu’il est, la démocratie républicaine est vouée à être un système systématiquement en danger, survivant grâce à une alchimie miraculeuse dont l’équilibre peut se rompre à tout moment.
Reste que le désespoir ne peut être de mise lorsque l’on regarde autour de soi, dans le monde entier, et que l’on voit tant de gens se battre et mourir pour la liberté que seule la démocratie peut leur offrir.