lundi 10 septembre 2018

Actualités du Centre. L’alliance Macron-Verhofstadt, premier pas d’un axe central européen?

Guy Verhostadt
On sait qu’Emmanuel Macron veut réunir tous les progressistes des 27 pays de l’Union européenne lors des prochaines élections au Parlement européen de 2019 afin de créer une dynamique pour un renouveau de la construction européenne et pour faire barrage à la montée des nationalismes populistes.
Une tâche ardue mais qui vient peut-être de trouver sa naissance effective avec la prochaine alliance entre le président français et Guy Verhostadt, ancien premier ministre belge et président du groupe ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) réunissant l’ensemble des centristes au Parlement européen (dont l’UDI et le Mouvement démocrate) ainsi qu’une parti des libéraux de droite et de gauche.
Une alliance qui pourrait s’appeler «Génération Europe».
C’est en tout cas ce que vient de révéler Guy Verhostadt lors d’une interview au quotidien Ouest France.
Cette alliance pourrait préfigurer un axe central européen où les libéraux de droite, du centre et de gauche pro-européens formeraient une large alliance dans le prochain Parlement européen et, peut-être, lors des élections qui conditionneront sa composition politique.
Extraits de l’interview de Guy Verhostadt:
- Comment votre groupe va-t-il se positionner aux prochaines européennes?
Après la rencontre entre le Hongrois Orban et l’Italien Salvini, la lutte, en 2019, sera une lutte entre les populistes nationalistes d’une part, et une alternative pro-européenne. Avec Emmanuel Macron, on n’a pas seulement la même analyse, mais plus ou moins les mêmes propositions. Le discours de la Sorbonne est très largement soutenu chez les partis de l’ADLE. On est prêt à créer avec Macron cette alternative.
- A faire partir du même groupe après les élections?
Oui, c’est évident.
- Sous l’étiquette ADLE? Sous un nouveau nom?
Je ne sais pas, on est en train d’en discuter. Mais ce sera quelque chose de nouveau, un mouvement. Une alternative pro-européenne aux nationalistes. Notre groupe est prêt à y participer dès maintenant, sans attendre.
- Vous allez faire campagne ensemble?
Je pense qu’il faut se présenter ensemble, oui.
- Sous un même étendard?
Chaque parti va garder ses symboles, mais on crée un mouvement plus large. L’objectif c’est de créer un groupe décisif dans le futur parlement, un outil pour arrêter la vague nationaliste.
- Pour dire quoi?
On peut tout dire sauf que l’Union européenne marche bien. La grande différence entre les nationalistes et nous, ce n’est pas sur l’analyse. C’est sur les recettes. Il y a une crise européenne, il faut la reconnaître. Ne pas le faire, comme le font les partis classiques qui disent qu’on avance à petits pas, c’est de la mauvaise politique. En néerlandais, il y a un proverbe, pour cela. Les mauvais docteurs et leurs demi-mesures laissent les plaies puruler.
- Macron est contre la logique des « Spitzenkandidaten », (la tête de liste du parti arrivé en tête devient président de la Commission européenne), or vous avez toujours été pour. Vous avez changé d’avis?
On était très pour et on est devenu très critiques. On aime les Spitzenkandidaten pour lesquels les gens peuvent voter, mais la justification démocratique, c’était la liste transnationale. Et pour des raisons purement politiciennes, le PPE n’en a pas voulu. Or, en refusant les listes transnationales, ils ont tué le Spitzencandidate. C’est eux qui l’ont tué. Cela reste un système où c’est madame Merkel qui décide qui est le prochain président de la Commission. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que le vrai candidat du PPE, c’est monsieur Orban.
- Votre mouvement aura une tête de liste?
Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Quand on était parmi les principaux défenseurs du système du Spitzen, comme une étape vers une démocratie transnationale européenne, ceux qui ont voulu promouvoir ce principe sont en train de le tuer. Castaner parle d’anomalie démocratique si on garde un candidat sans liste transnationale, sans base démocratique. Il n’a pas tort.
- Vous ferez vos propres listes transnationales?
Nous devons avoir dans notre mouvement des partis paneuropéens, comme Volt qui est né l’an passé. Ils ont les mêmes idées. Ensuite, nous devons mettre comme condition pour faire partie de notre mouvement et de notre groupe que sur votre liste vous avez aussi des gens qui ne sont pas de votre nationalité. Pour créer cette démocratie transnationale.
- Que proposez-vous sur la crise migratoire ?
Les gens pensent que la crise migratoire, c’est l’Europe. Ce n’est pas la réalité, c’est le manque d’Europe le problème. C’est justement parce qu’il y a un système d’asile basé sur le pays d’entrée, qui nie la solidarité, qu’on est dans l’impasse. (…)
- La méthode des petits pas est morte?
C’est fini, oui. Il faut une refondation européenne, notamment sur la manière de décider. Comment voulez-vous dans un monde dominé par l’empire chinois, l’Inde, les Américains, la Fédération russe, et nous, on se réunirait quatre fois par an on déciderait à l’unanimité à vingt-sept ? Cela ne fonctionne pas.
Les Américains ont été capables, neuf mois après le début de la crise financière, de lancer un missile à trois étages : nettoyage des banques (400 milliards de dollars), plan d’investissement sur dix ans (900 milliards), un plan de quantitative easing de 1 200 milliards. Et tout cela en neuf mois. Et deux ans après ils étaient sortis des problèmes, et nous dix ans après on discute encore sur le nettoyage des banques, sur un fond qui ferait un tiers du fond américain. Et le quantitative easing on l’a fait à la fin, mais pour éviter la déflation et pas pour relancer l’économie.
Ce système qui est un brin confédéral, un brin intergouvernemental, un brin requérant l’unanimité, ne peut plus fonctionner. On prend les décisions, mais toujours trop tard. Et les décisions sont toujours trop molles, pas à la hauteur de l’enjeu.
- C’est un système à bout de souffle selon vous?
Mais naturellement. Si on ne fait pas gaffe, cela va disparaître. Rien n’est éternel. Heureusement, on a le Brexit. Il illustre la vague populiste, mais il a provoqué aussi une sorte de résurrection de l’attachement à l’UE au sein des opinions publiques. Au Danemark les sondages disent clairement que les gens ne veulent plus quitter le navire. On voit les difficultés, le chaos que crée la sortie de Grande-Bretagne.
Même les populistes n’osent plus dire qu’ils veulent sortir de l’UE. Et ils se jettent sur la question migratoire. Donc, on voit un changement dans leur langage. Ils voulaient tous sortir de l’euro, Le Pen, Salvini, Strache. Et maintenant ils restent. Ils voient que les gens ne le veulent pas. Nous les pro-européens, on doit se saisir de l’opinion publique qui est consciente de tout cela. Et cesser avec les demi-mesures qui ne résolvent rien. C’est une occasion à saisir maintenant. La prochaine crise peut achever l’UE.


Une Semaine en Centrisme. Droite: Pécresse-Larcher-Wauquiez, trois faces d’un même combat hégémonique?

Wauquiez, Larcher, Pécresse
Invité aux universités d’été de l’UDI, Gérard Larcher, le président du Sénat et cacique LR, a affirmé: «Je suis venu aujourd'hui en ami. J'ai fait le choix de rester à LR, mais j'ai une conviction: je crois qu'il n'y a pas d'alternance possible sans la Droite et le Centre».
Quant à Valérie Pécresse, lors des rencontres des juppéistes à Bordeaux, elle a expliqué: «Je suis membre de LR, je le reste. Je veux peser sur la ligne de ma famille politique».
Peu importe que Laurent Wauquiez, tout en raillant les centristes et la modération, dépasse tous les jours la ligne rouge en reprenant les idées du Rassemblement national, en parlant comme Marine Le Pen ou en tournant le dos à certains fondamentaux idéologiques de LR.
Dès lors, nous voilà face à un triptyque bien hétérogène mais qui cohabite ensemble.
Et si, en définitive, cette confrontation n’était qu’une simple posture pour éviter l’implosion, plus, pour permettre à LR une nouvelle hégémonie à droite après la claque reçue en 2017 où tous les observateurs voyaient le parti s’installer l’Elysée et être majoritaire à l’Assemblée nationale?
Et si Pécresse avait en charge l’aile libérale de la Droite pendant que Wauquiez s’occupait de l’aile radicale et Larcher (en binôme avec Jean-Pierre Raffarin) était la figure de la «vieille droite» qui rassure?
Personne ne dit ici qu’ils sont de mèches comme c'était également le cas entre François Mitterrand, Michel Rocard et Jean-Pierre Chevènement au PS lorsque ce parti est un attrape-tout de la Gauche dans les années 1970-1990.
Mais cette répartition de fait de personnes qui, aucune, n’ont quitté ou manifesté l’envie de quitter LR pourrait bien être une sorte d’alliance objective pour ratisser large du centre-droit à l’extrême-droite, de Lagarde à Le Pen, de Borloo à Dupont-Aignan.
Même si rien n’est explicite ou officiel, n’oublions pas que c’était le but originel de l’UMP (qui attira nombre de centristes sous Chirac puis nombre de frontistes sous Sarkozy) et, plus encore, de LR lorsque cette dernière a remplacé en 2015 la formation voulue par Jacques Chirac et mise en place par Alain Juppé après l’élection présidentielle de 2002 où Jean-Marie Le Pen avait atteint le deuxième tour.
A l’époque, il s’agissait surtout de siphonner l’UDF et le FN de leurs électeurs et de provoquer des ralliements de militants et d’élus venus essentiellement du Centre.
Aujourd’hui, l’objectif de LR reste le même avec la volonté de siphonner également les militants et les élus d’extrême-droite, voire de faire des alliances avec l’hériter du FN, le Rassemblement national, comme le veulent majoritairement les sympathisants des deux formations.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC