Histoire du Centre en France

Le Centre
Au cœur de l’histoire politique

Le Centre en tant que pensée politique autonome existe depuis peu -  le milieu du XX° siècle - et cette pensée centriste ne prendra véritablement son essor qu’après la deuxième guerre mondiale. En revanche, un centre de la vie politique, où se sont retrouvés des partis et des personnalités soit rejetés par les extrémistes, soit, ce qui est plus intéressant, se positionnant comme modérés, existe depuis plus de deux cents ans. Cependant, si le mot «centre» apparaît à la fin du XIII° siècle, le terme «centriste», lui, ne fait son entrée officielle en politique qu’en 1922 Quant à celui de «centrisme», il est utilisé pour la première fois en 1936.

1791
Naissance du Centre

Un centre politique est apparu lors de la Révolution française. Dans l’Assemblée de 1791, la force principale (plus de 300 députés) mais inorganisée, est constituée par des députés pour qui prévalent l'attachement aux principes et aux conquêtes de 1789. Ils craignent la surenchère des proches du roi et ceux des révolutionnaires extrémistes. C'est en 1793 qu'ils seront baptisés la «Plaine» (ou du terme plus péjoratif de «Marais» par leurs détracteurs). Ce terme vient de l'opposition entre eux et les Montagnards qui sont les révolutionnaires extrémistes et qui ont décidé de se placer en haut et à gauche de l'Assemblée (puis, lorsqu'ils prendront plus de place, en haut à gauche et à droite).
Sous la Restauration (1814-1830) des ministères modérés gouvernèrent la France par intermittence sans pour autant se qualifier de centriste ou d’un terme équivalent.

1830
Les centristes sont orléanistes

Le Centre prend vraiment son envol politique sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), avec l’apparition de l’Orléanisme qui est alors une conjonction des modérés de gauche et de droite et que certains baptisent «conjonction des centres» (selon un dictionnaire politique de 1842, c’est le centre qui gouverne en France)


1848
Les centristes «bleus»

L’éphémère Deuxième République sera gouvernée «au centre» par les «bleus», les républicains (Alphonse de Lamartine, Etienne Arago, Adolphe Crémieux, Louis-Antoine Garnier-Pagès, Louis-Eugène Cavaignac entre autres) aussi hostiles au retour de la monarchie défendue par les «blancs» que par le socialisme défendue par les «rouges» avec Alexandre Ledru-Rollin.
Cette donne politique, on la retrouvera sous le Second Empire, après la période autoritaire, lorsque les circonstances obligent Napoléon III à un règne plus ouvert, baptisé «Empire libéral», donc plus consensuel avec la figure d’Emile Ollivier.

1870
Les débuts du Centrisme républicain

C’est au cours des régimes républicains qui se sont succédé depuis l’avènement de la Troisième République en 1870 qu’un Centre se structure vraiment d’abord comme force politique puis comme une pensée politique autonome. De la fin du XIX° siècle jusqu’en 1958, de nombreux partis «centristes» ont existé et le «gouvernement au centre» a été souvent de mise avec des coalitions de type «Concentration», «Conjonction des centres» (de 1896 à 1898 avec le ministère Méline) ou «Troisième force» (de 1947 à 1951 et de 1956 à 1958 où se retrouvaient les radicaux, les socialistes et le MRP (Mouvement Républicain Populaire, parti démocrate-chrétien progressiste). Néanmoins, on peut affirmer que peu de partis furent réellement centristes, à part sans doute le MRP - et encore - et qu’il n’y eut jamais réellement de «gouvernement du Centre». Reste que la politique modérée mise en œuvre chaque fois qu’il y eut «gouvernement au centre» n’est pas sans filiation avec certaines valeurs mises en avant par le Centre.
Pour autant, cette filiation demeure lointaine. Car ce centre et ce centrisme n’ont été, pendant longtemps, qu’une simple localisation sur l’échiquier politique de partis et de personnalités qui ne se reconnaissaient ni dans la droite extrême, ni dans la gauche extrême ou, pire encore, qui se retrouvaient au centre malgré eux (comme le Parti Radical avec un programme de gauche et une pratique de droite ainsi qu’un positionnement de «parti charnière», c’est-à-dire de formation politique d’appoint nécessaire pour bâtir une majorité). Ainsi, point de «pensée centriste» et encore moins de «politique centriste». Aucun modèle idéal centriste, aucun paradigme centriste, non plus.

Le Centre sous la V° République

Les héritiers du MRP de la IV° République (qui se mit «en sommeil» en 1967 après avoir quitté le gouvernement en 1962) furent d’abord plus à droite que lui, avec des partis comme le Centre démocrate (1966) qui vit le jour après l’élection présidentielle de 1965 et qui regroupait les partis qui avaient soutenu la candidature de Jean Lecanuet ou le Centre démocratie et progrès (1969) qui est issu d’une scission d’avec le Centre Démocrate.
Dans les années 1970, les Démocrates chrétiens s’allièrent à d’autres centristes ce qui donna, notamment, le Mouvement Réformateur créé par le Centre Démocrate, le Parti Radical et quelques autres composantes centristes le 3 novembre
Toute cette mouvance centriste se déchira au cours de la fin des années soixante et le début des années soixante-dix jusqu’à ce que Valéry Giscard d’Estaing (droite modérée) parvienne à la présidence de la république française en 1974 (avec 50,66 % des voix au second tour) et les réunisse autour puis au sein de l’UDF créée le 1er février 1978.
L’Union pour la démocratie française ou UDF a été conçue et voulue par Valéry Giscard d’Estaing pour se doter d’un parti de centre-droit qui pouvait faire concurrence aux Gaullistes alors première force politique de droite en vue des élections législatives de 1978. Cette «union» s’en sortit assez bien et devint une force politique à part entière.
A la fin des années 1990, l’UDF a évolué vers plus d’homogénéité (récupérée essentiellement par Force Démocrate, anciennement appelée CDS, créée en 1995 par François Bayrou) et affirma à partir de 1999 (1) et, surtout, depuis les élections présidentielles de 2002, sa vocation à être ce parti du Centre en développant une pensée autonome à partir d’un héritage diversifié provenant notamment de ses origines libérales mais aussi de la démocratie chrétienne (2).
Le positionnement centriste de l’UDF fut remis en cause lors de l’élection présidentielle de 2007. François Bayrou, une nouvelle fois candidat, joua une partition plus proche de la gauche que de la droite sans réel propositions centristes. Cela lui permit de faire un très bon score - 18,57% - au premier tour mais pas de participer au second tour qui vit la victoire de Nicolas Sarkozy, le candidat de la droite. l’UDF se transforma alors en Mouvement démocrate où la référence centriste ne fut plus utilisée que pour se différencier de l’UMP, le parti du nouveau président français, Nicolas Sarkozy, et du Parti socialiste avec un curseur se situe néanmoins nettement au centre-gauche.
L’élection présidentielle de 2007 a également vu la création entre les deux tours de l’élection d’une nouvelle formation politique, le Nouveau Centre, qui a soutenu Nicolas Sarkozy au second tour et qui a participé sans interruption au gouvernement de ce dernier de 2007 à 2012 et a fait partie, à l’Assemblée Nationale, de la majorité présidentielle sans grande indépendance.
Cette séparation entre un Mouvement démocrate lorgnant à gauche et un Nouveau Centre faisant de même à droite a laissé orphelins un certain nombre de centristes qui préfèrent un parti centriste central. C’est dans ce sens que Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne et ancien membre de l’UDF, a créé en juin 2009 un parti, l’Alliance Centriste. Mais cette tentative n’a pas abouti à réunifier le Centre.
Lors de la présidentielle de 2012, François Bayrou crut pouvoir rééditer son score et sa performance de 2007 mais il n’obtint que 9,3% des voix lors du premier tour. Les élections législatives qui suivirent furent cruelles pour les centristes qui perdirent de nombreux députés C’est alors que Jean-Louis Borloo (Parti radical) avec l’aide de quelques centristes comme Jean-Christophe Lagarde, François Sauvadet et Maurice Leroy, décida de fonder le 18 septembre 2012 l’UDI (Union des démocrates et indépendants) qui réunit l’ensemble des partis centristes (Nouveau centre, Force européenne démocrate, Alliance centriste, Parti radical, Gauche moderne) sauf le Mouvement démocrate et le Parti radical de gauche.
Pendant tout le quinquennat de François Hollande (2012-2017), les partis centristes ne comptèrent que pour peu de chose politiquement parlant même si le gouvernement du premier ministre Manuel Valls s’orienta vers une politique social-libérale réformiste de centre-gauche. Dans ce gouvernement se trouvait un ministre de l’économie du nom d’Emmanuel Macron. Celui-ci décida de créer un mouvement En marche! et de se présenter à l’élection présidentielle de 2017 sous l’étiquette de social libéral progressiste «ni gauche, ni droite» et «en même temps» de gauche et de droite. Un positionnement centriste qui lui permit, à la surprise de tous, de remporter l’élection. Lors de l’élection législative qui suivit, son parti La république en marche a obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Dans le même temps, le Mouvement démocrate de François Bayrou, allié de Macron, a obtenu près de 50 sièges. Quant à l’UDI, elle a obtenu 18 sièges.

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