mercredi 13 janvier 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le savoir au cœur même de la démocratie

La démocratie ne saurait fonctionner sans des individus formés et informés, capables de comprendre les enjeux de l’existence et d’analyser les situations, c’est-à-dire des citoyens responsables et respectueux.

Tout cela moi et d’autres le disent et le redisent sans cesse avec souvent des haussements d’épaules pour toute réponse.

Ce qui vient de se passer dans la plus vieille démocratie du monde et première puissance mondiale vient nous rappeler l’indépassable équation, la seule qui peut faire vivre la démocratie dans la durée.

Je rappellerai ici que le régime démocratique le plus long, celui des Etats-Unis, n’a pas encore 250 ans, une goutte d’eau dans l’Histoire de l’Humanité.

Evidemment, au cours des siècles, que ce soit dans la Grèce et la Rome antiques mais également dans les cités italiennes du XIV° siècle, on a beaucoup parlé de démocratie et de liberté, on l’a même pratiquée de temps à autre, ce qui démontre que ces deux phares humanistes ont toujours été présentes dans l’esprit des humains et ne sont pas des concepts portés par quelques penseurs et politiques.

Toujours est-il qu’à partir de la fin du XVIII° siècle, tant aux Etats-Unis qu’en France, l’idéal démocratique devient une réalité.

Oh, certes de manière imparfaite et avec des allers-retours mais les humains ont prouvé que l’on pouvait à la dimension d’un Etat-nation construire un système où la liberté et l’égalité sont ses deux mamelles et, surtout, qu’il peut fonctionner.

Mais de sa faiblesse constitutive – la confiance qu’il fait aux individus qu’ils seront responsables et respectueux – résulte qu’il ne peut s’ancrer durablement que si l’œuvre de diffuser le plus et le mieux possible le savoir à tous fonctionne.

Or, même si des progrès fantastiques ont été fait ces deux cents dernières années, nous sommes encore loin d’avoir des citoyens capables de prendre soin et de protéger la démocratie, c’est-à-dire leur liberté, leur égalité, leur fraternité et leur dignité.

Les propos tenus devant les médias et sur les réseaux sociaux par les émeutiers de Washington font froid dans le dos sur l’ignorance de cette multitude menée par quelques activistes extrémistes qui incitent à la violence et à la haine, deux comportements si faciles à susciter chez une foultitude qui s’auto-excite.

Ce sont la même logorrhée que l’on a pu entendre lors du mouvement de foule des gilets jaunes en France, des brexiters au Royaume Uni, des chavistes au Venezuela, des partisans de Bolsonaro au Brésil et de ceux de Salvini en Italie et dans bien d’autres pays démocratiques ces dernières années.

Partout des élucubrations qui bâtissent des théories du complot abracadabrantesques de la part de gens qui sont souvent d’une ignorance crasse et qui porte en eux misanthropie et intolérance au plus haut degré, ce que les médias en mal de gros titres appelle sans cesse «colère» mais qui n’est en fait qu’une ignoble rage barbare qui s’exprime évidemment le mieux quand on est entre soi et que, soudain, le «courage» du nombre, qui n’est en réalité que le plus haut degré de la couardise, permet de s’attaquer à tout ce que l’on vomit sans jamais réellement savoir pourquoi.

Et puis, après, cette odieuse audace téméraire vous fuit comme ce séditieux du Capitole interrogé par une chaîne de télévision américaine sur le pas de sa porte et qui, pour toute excuse d’avoir été reconnu comme étant entré dans le bâtiment, disait penaud parce que tout à coup seul sans ses congénères, «Je me trouvais au mauvais endroit, au mauvais moment».

Gageons que si le putsch fomenté par les partisans de Trump avait réussi, il se serait glorifié de sa présence et aurait fanfaronné avec ses amis complotistes.

Ces mêmes lâchetés se retrouvent dans tous les mouvements de foule.

Et elles s’y retrouveront tant que nous n’auront pas des citoyens dignes de la démocratie.

Car oui, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Ce n’est pas à la démocratie de dévoyer ses valeurs, ses principes et ses règles pour s’adapter à des factieux et à des terroristes mais bien à nous, individus, de mériter ses bienfaits, bienfaits qui font que lorsqu’ils ne sont pas présents, des hommes et des femmes luttent jusqu’à donner leurs vies pour les (re)conquérir.

Soyons, habitants des démocraties, à la hauteur de leur combat en chérissant ce que tant d’autres nous envient et que beaucoup d’entre nous salissent de manière inacceptable, inadmissible et insupportable.

Et n’oublions pas que la démocratie, ça se mérite.

 

L’Humeur du Centriste. La haine des réseaux sociaux ne fait pas une politique

Or donc Trump dans sa première déclaration après l’assaut du Capitole par ses fans qu’il avait lui-même excités à l’entreprendre, a indiqué qu’il ne regrette rien et trouve même que son comportement a été «approprié».

Voilà une raison supplémentaire qui donne raison aux réseaux sociaux d’avoir fermer ses comptes au motif évident qu’il incite à la sédition et à la violence (et au Congrès d’entreprendre une nouvelle procédure d’impeachment).

Car, au fur et à mesure que les informations sortent et sont recoupées, nous sommes bien face à une tentative de coup d’Etat par des extrémistes violents qui f aisaient la chasse aux élus dans les couloirs du Capitole et chantaient qu’il fallait pendre Mike Pence le vice-président qui refusait d’obtempérer à Trump en inversant les résultats de la présidentielle gagnée par le centriste Joe Biden.

Mais, de manière surprenante, des voix de personnalités politiques notamment centristes, se sont élevées pour dire que son bannissement de ces réseaux n’était pas acceptable au nom de la liberté d’expression.

Encore plus surprenant, ce sont les mêmes qui s’indignaient auparavant que l’on n’agisse pas contre ses messages ou contre ceux d’autres populistes dangereux comme Erdogan par exemple, fustigeant l’irresponsabilité des responsables des réseaux sociaux.

Faudrait savoir, messieurs et mesdames les inconséquents!

Ces mêmes prétendent maintenant que ce n’est pas aux réseaux sociaux de virer un de leurs utilisateurs mais que cette décision revient aux Etats et aux pouvoirs publics.

Mais à quel titre dénier le pouvoir à leurs propriétaires et de quel droit le donner à la puissance publique?

Tous ces réseaux sont en effet des entreprises privées, ce que l’on peut regretter mais qui est la réalité.

Elles n’ont pas répondu à des appels d’offre de l’Etat, ni ne sont des concessionnaires d’un service public mais leurs créations viennent de cerveaux d’individus qui se sont lancés dans le bain sans aucune aide des pouvoirs publics.

En fait ces voix qui s’indigent pour tout et son contraire, confondent tout.

Une entreprise commerciale ne peut effectivement pas faire un refus de vente ou, pour ce qui est des services, interdire a priori à ceux qui remplissent les critères pour les utiliser de le faire.

En revanche, si des personnes ne respectent pas les règles édictées pour l’utilisation de ces services, règles qu’elles acceptent en les utilisant, ces entreprises, qu’elles gèrent des réseaux sociaux, des clubs de gym ou des cinémas, peuvent prendre des mesures pour interdire l’accès ou exclure celles-ci, ce qui est le cas aujourd’hui avec Twitter ou Facebook.

Bien entendu, répondront nos voix qui affirment se battre pour la liberté d’expression, elles ne l’ont pas fait systématiquement, encore qu’il faille encore une fois revenir à la réalité, c’est-à-dire à l’incitation par Trump à un coup d’Etat violent et non à des propos partisans excessifs.

Et même s’il y avait des traitements inégaux entre les incitateurs à la haine et à la violence, ce qu’il faut demander à ces réseaux sociaux, c’est que tous soient traités comme l’est Trump aujourd’hui et non pas de manière laxiste où pour des motifs souvent uniquement commerciaux, on laisse s’exprimer des personnes indignes dont les propos relèvent des tribunaux.

Leur demander de bannir ceux qui dépassent les bornes est une évidence, ce qui n’est d’ailleurs souvent que l’application de leur propres règles…

Mais prétendre qu’un Twitter ou qu’un Facebook n’a pas le droit de radier un de ses utilisateurs parce que c’est du domaine du politique est une interprétation complètement erronée, à la fois, de ce que sont ces entreprises et des services qu’elles proposent.

On sent ici que les critiques de Twitter en l’espèce n’ont que haine pour les réseaux sociaux privés même s’ils en sont souvent des utilisateurs quotidiens voire même compulsifs!

Qu’ils n’oublient pas que les réseaux sociaux ne sont que le miroir de nos sociétés et ce qu’on y voit, ce qu’on y entend, se passaient auparavant dans les cafés du commerce, rien de nouveau quant à l’intensité de la haine et de la violence exprimées.

Ce n’est pas en faisant intervenir l’Etat dans les discussions et les propos tenus qu’on règlera le problème (on fera en sorte de le déplacer ailleurs) mais bien par toute une politique du savoir qui passe par un citoyen formé et informé.

C’est sans doute plus difficile à faire que de jeter l’anathème sur les messagers même si ces derniers ne peuvent se dire irresponsable de ce qui se passe sur leurs réseaux en prétendant qu’ils n’en peuvent mais.

Centristement votre.

Le Centriste