dimanche 6 décembre 2020

Une Semaine en Centrisme. Héritage giscardien: UDI plus que MoDem et LaREM, Macron mais ni Bayrou ni Lagarde

Valéry Giscard d’Estaing
Avec le décès de Valéry Giscard d’Estaing, les héritiers putatifs se sont rués dans les médias et se bousculent au portillon du meilleur fils spirituel, ce qui semble un peu étonnant et incongru au premier abord puisque l’ancien président de la république ne semblait plus guère en phase avec la modernité actuelle même s’il avait permis à celle des années 1970 et 1980 d’éclore et d’être un legs qui façonne la société Française d’aujourd’hui.

Ce sont évidemment les trois principales formations centristes et centrales ainsi que leurs leaders respectifs qui sont celles et ceux qui se réclament le plus du giscardisme et se posent en légataires, dépositaires ou continuateurs de ce courant de pensée politique: l’UDI (avec Jean-Christophe Lagarde), le MoDem (avec François Bayrou) et plus étonnamment, LaREM (avec Emmanuel Macron).

Pour savoir qui peut légitimement se prétendre héritier (et s’il y en existe un), il n’est pas inutile de rappeler quel était réellement le positionnement de celui que l’on surnommait Giscard ou VGE, au choix.

L’homme a toujours été libéral et de droite, en témoigne son parcours politique mais également les formations politiques auxquelles il a appartenu ou qu’il a créées ainsi que ses alliances politiques.

Pour autant, il a également était un moderniste et un progressiste, tout au moins dans la première partie de sa carrière politique, ce qui lui permettrait aujourd’hui d’être à la droite de l’axe central qui réunit les réformateurs libéraux de droite, les libéraux réformateurs de gauche et les libéraux sociaux progressistes du centre.

Ce positionnement lui conduisait à plutôt faire alliance avec la droite et de faire partie de la majorité qui soutenait le Général de Gaulle jusqu’en 1969 puis Georges Pompidou jusqu’en 1974, date à laquelle il a été élu président de la république avec les partis gaullistes et quelques formations de droite et de centre-droit.

Mais allié ne veut pas dire identique à cette droite plutôt nationaliste et conservatrice qui, in fine, caractérisait principalement les majorités gaullistes et leurs leaders.

Dès lors, il lui fallait agréger autour de lui les forces libérales et progressistes du pays jusqu’à la frontière de gauche représentée par le Parti socialiste et les Radicaux de gauche qui, à l’époque, avaient signé avec le Parti communiste, le Programme commun de gouvernement.

C’est en ce sens qu’il s’est tourné vers le Centre dont il n’était pas issu et dont son parti, les Républicains indépendants était assez éloigné, ne comptant guère de centristes en son sein, certains de ses membres se trouvant même à la droite de la Droite comme un Roger Chinaud.

Mais son libéralisme tempéré et son progressisme réel ainsi que sa volonté de réformer la France et la faire entrer dans le modernisme, sans oublier son européanisme, attira à lui l’entière galaxie centriste (une partie avait déjà rejoint Pompidou entre 1969 et 1974) avec ses figures emblématiques de l’époque comme Jean Lecanuet ou Jean-Jacques Servan-Schreiber.

C’est d’ailleurs ces derniers qui furent à l’origine de l’UDF, cette union de partis dans une confédération dont l’objectif – comme LaREM pour Emmanuel Macron aujourd’hui – était d’être le parti présidentiel derrière Giscard.

L’UDF, créée en 1978 avant les élections législatives, pouvait être une sorte de condensé de l’axe central de l’époque mais sans la frange sociale-libérale de gauche et avec un résidu d’une droite dure.

Reste que son ancrage au centre (et non du Centre) était sa réalité.

Dans le même temps, Valéry Giscard d’Estaing se positionna comme celui qui voulait réunir autour de lui deux Français sur trois, donc d’être central à défaut d’être centriste (étiquette qu’il ne revendiqua d’ailleurs jamais formellement comme c’est le cas d’Emmanuel Macron).

Pour autant, il est considéré comme le premier président centriste de la V° République par certains comme Macron est considéré comme le deuxième et qu’un parallèle entre les deux hommes est fait et ne manque pas d’arguments convaincants même si, ne l’oublions pas, le premier vient de la Droite et le second de la Gauche.

Enfin, il ne faut pas évacuer la fin de carrière politique de VGE qui revint vers la Droite (il adhéra même à l’UMP de Jacques Chirac et soutint Nicolas Sarkozy) et s’affirma in fine plus conservateur que libéral mais en ne reniant jamais ses réformes passées ainsi que son attachement à la construction européenne (en témoigne la «Constitution européenne» rédigée sous sa direction et signée par les chef d’Etat de l’UE en 2004 mais rejetée par référendum par les Français et les Néerlandais en 2005).

Dès lors, où se trouve principalement les héritiers du giscadisme?

Sans doute d’abord à l’UDI.

Cette formation créée en 2012 par Jean-Louis Borloo et actuellement dirigée par Jean-Christophe Lagarde a été bâtie à l’image de l’UDF première mouture, en tant que confédération réunissant plusieurs partis allant de la droite dure (CNIP) au centre-gauche (La gauche moderne) en passant par la droite modérée (Territoires en mouvement, Part libéral démocrate) le centre-droit (Parti radical puis Nouveau Centre qui rejoint la confédération plus tard), le centre (Force européenne démocrate et Alliance centriste) plus quelques transfuges de l’UMP et du MoDem.

Cela donna alors un melting pot politique qui se positionnait, en plus, exactement sur la même ligne que l’UDF.

D’ailleurs, l’UDI recevra un message d’encouragement de Valéry Giscard d’Estaing mais ce dernier demeurera membre de l’UMP ce qui montre que l’ancien président de la république était passé à autre chose (et ne portait pas en son cœur beaucoup des membres de l’UDI comme c’était le cas avec le MoDem et, en particulier, François Bayrou).

Le problème est que l’UDI n’est plus aujourd’hui une UDF bis, ayant perdu pratiquement toute sa diversité et étant devenue un parti monolithique qui se trouve sur une ligne politique entre droite et centre-droit sous la houlette de Jean-Christophe Lagarde.

Néanmoins, elle reste celle qui a le plus de ressemblance avec l’UDF telle que voulue par Giscard ce qui n’est pas le cas du MoDem beaucoup plus démocrate-chrétien et ayant un certain tropisme social-démocrate ou que LaREM dont une grande partie de la culture politique vient de la gauche (même si sa diversité la rapproche de l’UDF ce qui n’est pas le cas du MoDem à la ligne politique aussi monolithique que celle de l’UDI).

En revanche, au niveau des dirigeants de ces formations, ce ne sont, ni Lagarde, ni Bayrou qui ont une proximité avec VGE mais bel et bien Emmanuel Macron avec son «en même temps» qui se propose de réunir ces «deux Français sur trois» de la formule giscardienne.

De même, le but poursuivi par Emmanuel Macron et proche de celui de Valéry Giscard d’Estaing, mettre la France à niveau de la modernité et capable de lutter à armes égales avec les autres pays majeurs de la planète tout en approfondissant l’Union européenne dans un sens plus fédéral et intégrateur.

C’est d’ailleurs en ce sens – qui n’a rien d’une récupération politicienne – qu’il faut écouter et lire les hommages appuyés de l’actuel hôte de l’Elysée à son prédécesseur car ils sont tous les deux centraux même si Macron est plus centriste que Giscard.

Et, d’une certaine façon, Giscard est un inspirateur de Macron et Macron un continuateur de Giscard.

C’est comme cela qu’il faut comprendre ce passage de l’hommage de l’actuel président à l’ancien:

«Au moment où se tourne, avec la mort du président Giscard d’Estaing, une page de l’Histoire de notre pays, soyez sûrs que je mettrai avec vous tout en œuvre pour faire vivre cette flamme du progrès et de l’optimisme qui ne cessa de l’animer. »

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

 

 

Actualités du Centre. François Bayrou réélu à la tête du Mouvement démocrate

François Bayrou
Lors de la tenue du congrès du MoDem, ce 5 décembre, François Bayrou  été réélu à la tête de la formation centriste en obtenant 96,55% de voix (3,45% de vote blanc) avec un taux de participation de 34,26%.

Au-delà de ces chiffres, on constate que le Mouvement démocrate demeure cet outil politique au service de Bayrou qui l’a créé en 2007 au sortir de la présidentielle où il avait obtenu plus de 17% des suffrages et qui devait, au départ, l’emmener jusqu’à l’Elysée.

Treize ans plus tard et autant d’élections à la présidence du mouvement où il a été le seul candidat en lice avec des scores d’un unanimisme constant auprès des militants, le MoDem, confronté au pouvoir pour la première fois de son existence (5 ministres au gouvernement) mais aussi bénéficiant d’un groupe de 52 députés à l’Assemblée nationale, continue à être une formation dédiée à son chef (aucun concurrent pour la présidence, cumul de mandats, des troupes toujours prêtes à le défendre quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte) mais a du, par la force des choses, avoir une plus grande diversité dans sa communication et ses prises de position.

Menacé de disparition pure et simple avant la présidentielle de 2017, la victoire d’Emmanuel Macron a donc été, non seulement, une véritable bouée de sauvetage mais une réelle résurrection d’un parti menacé par la faillite et qui se vidait de ses militants.

Néanmoins, le MoDem a réussi à être un vrai parti et s’est peu à peu affirmé face à sa grande sœur, LaREM, jusqu’à devenir essentiel au président de la république et au gouvernement lorsque celle-ci a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée et en montrant une certaine fragilité inhérente à son origine récente et au recrutement de ses cadres.

La question qui se pose dans un futur proche au Mouvement démocrate est de savoir si sa bonne santé actuelle est seulement due aux largesses d’Emmanuel Macron en 2017 pour s’attacher le soutien de François Bayrou pour la présidentielle ou s’il a réussi à prendre un vrai envol politique et électoral avec une identité forte.

L’instant de vérité viendra en 2022 lors des prochaines élections générales (présidentielle et législatives).

Si Macron et LaREM perdent entraineront- ils dans leur chute un MoDem satellite ou ce dernier parviendra-t-il alors à faire reconnaitre par les électeurs sa petite musique personnelle?

 

► Voici le discours d’ouverture du Congrès de François Bayrou

C'est un congrès, j'allais dire extraordinaire, ce n'est pas le cas dans les statuts; dans les statuts, c’est congrès statutaire ordinaire tous les trois ans.
Il est extraordinaire par la période que nous traversons, par les contraintes que cette période nous impose. Il est extraordinaire aussi, en tout cas marqué d’une grande émotion parce que l’actualité a fait que cette semaine nous avons vécu la disparition de Valéry Giscard d'Estaing qui a évidemment été, pour cette grande famille du Centre français, une figure, une personnalité, une aventure extraordinaire que nous avons tous partagée et qui explique donc la raison pour laquelle ce congrès sera aussi marqué aussi d’une grande émotion, un sentiment de gravité, de responsabilité en raison de la situation du pays et d’une grande émotion en raison de cet événement qui a je crois beaucoup ému les Français.
C'est une un congrès à distance, pas à distance pour tout le monde.
Tout à l'heure, le Premier ministre, par exemple viendra s'exprimer à ma place sur cette tribune qui est à moitié virtuelle, à moitié réelle dans notre siège. Mais viendront aussi à distance tous les responsables de notre mouvement.
J'adresse un salut affectueux à Marielle qui s'exprimera pour la première fois depuis cinq mois tout à l'heure lors de la clôture de cette rencontre, aux membres du gouvernement de notre famille politique.
Je salue Jacqueline Gourault, je salue Marc Fesneau, je salue Geneviève Darrieussecq, je salue Sarah El Haïry qui s'exprimeront et je salue évidemment tous les responsables de notre maison.
Tous les membres du gouvernement s'exprimeront et vont s'exprimer aussi tous les responsables de terrain, de l'organisation de notre maison Jean-Noël Barrot, notre Secrétaire général et tous ceux parmi les parlementaires, parmi les groupes de l'Assemblée Nationale, du Sénat qui vont participer aux débats qui sont les nôtres.
Ceci est évidemment inédit, mais très important. Vous allez pouvoir y participer de manière interactive puisque c'est ainsi que ce congrès a été conçu.
C'est un congrès, vous le voyez bien et les membres du gouvernement le savent, les parlementaires le savent et chacun d'entre nous, citoyens, élus locaux ou citoyens de l'animation de la démocratie, citoyens de base comme l'on dit, mais c'est à la base que la démocratie se dessine.
Chacun d'entre nous y participons car nous vivons tous ensemble une crise d'une gravité absolument sans précédent, en tout cas sans précédent depuis la guerre et sans précédent aussi par sa nature puisque c'est une crise absolument inattendue qui surgit brutalement sur cette planète où l’on a bâti son équilibre sur un développement, sur les échanges. On avait l'impression que ce développement était irrésistible et que cette organisation aussi était irrésistible, que rien ne pouvait la mettre à mal.
Et on s'aperçoit qu'un simple virus, un million de fois plus petit qu’un grain de sable, vient mettre à bas ce que deux siècles de développement avaient organisé à la surface de la planète avec tous les avantages et tous les risques d'un développement de cette ampleur.
Et cette crise, d'abord sanitaire, a naturellement aussi aujourd'hui des conséquences dont chacun d'entre nous sait qu'elles vont être extrêmement lourdes, conséquences économiques, conséquences sociales, conséquences démocratiques.
Tout au long de la journée, nous allons réfléchir à ces conséquences et à cette crise, notamment le fait que cette crise ait bloqué nos concitoyens dans le confinement, dans leur lieu de résidence et leur lieu de travail, en ayant rendu plus difficile le travail en commun et en devant organiser le travail à distance.
Tout cela aura des conséquences très importantes sur l'organisation du territoire, du pays. Les grandes unités urbaines vont avoir des difficultés inédites et un nouvel aménagement du territoire va peut-être s'imposer et en tout cas.
C'est évidemment de cela que nous allons parler.
Cela signifie aussi que notre démocratie est mise à l'épreuve, qu'il faudra en inventer les formes nouvelles. Cela signifie que les grands chantiers de réforme que nous avions initiés, que le Gouvernement avait initiés, que le Président de la République avait initiés sont aujourd'hui sur le métier.
Comment les porter ? Comment les faire aboutir ? Dans quel calendrier ? Sachant aussi que, bien entendu, nous allons nous rapprocher de l'élection présidentielle qui sera organisée en 2023.
Tels sont les soucis d'un parti politique et d'un parti politique qui compte dans la majorité, qui est un des piliers de la majorité.
Nous aurons également des débats sur l'organisation de cette majorité, qui est forcément une question qui se pose aux forces politiques. Les oppositions sont divisées. Il faut que la majorité soit la plus unie possible et, en même temps, qu'elle sache additionner les forces des mouvements différents qui la forment, notamment le mouvement qui a été créé par le Président de la République, En Marche, et notre mouvement, le Mouvement démocrate, qui est son allié.
Tels sont les sujets et ils ne sont pas uniquement des sujets nationaux. Ce sont des sujets planétaires et européens. Nos Parlementaires européens, en plus des Députés et des Sénateurs de notre mouvement, vont aussi s'exprimer sur ces sujets avec la conscience qu'ils portent, en tout cas que les institutions européennes portent une part très importante des réponses qui sont celles de notre avenir national.
C'est un congrès sous une forme inédite, mais un congrès de plein exercice.
Le renouvellement des instances départementales et nationales a eu lieu. Nous en aurons, tout à l'heure, les résultats. Je reconnais qu'il n'y avait pas un suspens extraordinaire pour l'élection du Président et je vous en demande pardon, mais c'est ainsi que c'était organisé, avec les règles qui sont les nôtres.
Je suis très heureux que cette rencontre puisse avoir lieu.
Je veux remercier les équipes ayant rendu possible cette organisation, ayant eu l'imagination, la capacité, le dévouement, l'engagement de rendre possible cette organisation.
Tout à l'heure, vous entendrez ceux que vous avez portés aux responsabilités.
Je veux remercier particulièrement les membres du Gouvernement, car leur emploi du temps n'est pas facile. Marc Fesneau, Jacqueline Gourault, Nathalie Elimas, Sarah El Haïry et Geneviève Darrieussecq sont spécialement remerciés, de même que les Parlementaires sont spécialement remerciés. Ils sont tous sur le terrain.
J'espère qu'ils prendront cependant le temps de participer à cette rencontre.