jeudi 28 décembre 2006

Actualités du Centre. UDF : François Bayrou est investi pour la présidentielle par 53,4 % des adhérents

53,4 % des adhérents de l'UDF ont apporté leur soutien à la candidature de François Bayrou, président de leur parti, à l'élection présidentielle, à l'issue d'un vote par correspondance selon les chiffres fournis par le parti centriste.
Les résultats définitifs du scrutin ont été validés par la Commission nationale d'arbitrage et de contrôle de l'UDF. Sur 33.531 électeurs inscrits, 18.149 ont voté soit une participation faible de 60,05 % qui peut s’expliquer par le fait que François Bayrou était le seul candidat en lice. 
M. Bayrou a reçu le soutien de 17.901 d'entre eux, soit 98 % des votants mais seulement 53,4 % des inscrits. Il y a eu 248 bulletins blancs ou nuls.

mardi 26 décembre 2006

Actualités du Centre. Peu de candidats à un gouvernement d’union nationale prônée par François Bayrou

Après la mise au point de Michel Rocard qui souhaite que son nom ne soit plus utilisé par François Bayrou comme exemple de personnalité de gauche qui pourrait dirigé le futur gouvernement d’union nationale en cas de victoire du leader de l’UDF à la présidentielle, c’est au tour de Bernard Kouchner de lui faire un pied de nez en déclarant qu’il serait partant pour un gouvernement d’union nationale en cas de victoire de… Nicolas Sarkozy ! François Bayrou a sans doute raison de dire que sa victoire en avril prochain créerait une dynamique qui faciliterait les ralliements, il n’empêche que l’idée d’un gouvernement réunissant personnalités de gauche et de droite sous direction centriste n’est pas encore à la mode dans le monde politique. Bien sûr, les Français sont majoritairement pour mais cela semble normal dans une vision de résolution des problèmes qui se posent de tout temps à un pays. Seulement, on sait que les électeurs de gauche voudraient une union nationale orientée à gauche et ceux de droite qu’elle aille évidemment vers la droite… De même, au moment de l’élection, jusqu’à présent, les électeurs de gauche retournent majoritairement à gauche et ceux de droite à droite.

Une Semaine en Centrisme. 2007, année cruciale pour les idées centristes

Les fêtes de Noël et celles du nouvel an sont généralement une trêve dans l’activité politique, surtout cette année avant le démarrage effectif de la campagne électorale de 2007 (présidentielle et législatives). On en profite aussi pour faire des bilans sur l’année qui vient de s’écouler. Le bilan du Centrisme en France est de ce point de vue mitigé. On notera avec grand plaisir que l’idée centriste est de nouveau dans le débat politique et que les leaders de droite et de gauche parlent de l’UDF comme d’un parti centriste et non plus de droite. De même, les citoyens perçoivent qu’il existe une différence entre l’UMP, le PS et l’UDF. Chacun des trois partis défend des visions différentes de la politique.
Mais cette reconnaissance médiatique et même populaire ne fait pas de l’UDF un parti plus fort et de François Bayrou d’un présidentiable crédible, au moins en cette fin d’année 2006. Il semble que le côté modérateur de François Bayrou soit apprécié ainsi que certains de ses coups de gueule (parfois étonnamment poujadistes pour un leader centriste) mais que l’on ne le voit pas (encore ?) à la tête du pays et que son programme reste beaucoup trop flou. D’ailleurs, l’UDF le dit bien elle-même, ce n’est pas d’un programme qu’il va s’agir pour les présidentielles mais d’un projet, c’est-à-dire d’une déclaration de bonnes intentions quant à la vision de la France dans les années à venir et concernant les réformes importantes à mener..
Un autre écueil auquel risque de devoir faire face François Bayrou est dans son électorat qui est traditionnellement de centre droit. Celui-ci a de plus en plus de mal à le suivre et n’apprécie que peu sa décision de ne pas se désister automatiquement pour le candidat de l’UMP si celui-ci le devance au premier tour et même de faire dire à certains de ses lieutenants que Ségolène Royal serait sans doute un meilleur choix. Car la perte de cet électorat traditionnel ne sera pas forcément compensée par l’arrivée en masse d’un électorat de centre gauche. Pour l’instant, les électeurs traditionnels semblent toujours là, rejoints par quelques nouveaux venus des franges de la gauche. Mais, plus la campagne avancera, plus François Bayrou devra préciser ses pensées et son positionnement et plus il sera à la merci d’une désaffection de masse des électeurs de centre droit.
D’autant que ceux-ci devront aussi se déterminer face à la présence probable de Jean-Marie Le Pen. Il est sûr que si celui-ci dépasse les 15 % et est proche des 20 % d’intention de vote, le réflexe « vote utile » jouera en faveur de l’UMP (et du PS encore plus, « traumatisme du 21 avril 2002 » oblige).
En cas d’échec de François Bayrou, c’est-à-dire s’il ne dépasse pas les 10-12 % de voix à la présidentielle, il se pourrait qu’une partie de l’UDF rejoigne la droite si celle-ci est au pouvoir. Dès lors, les législatives seraient une élection à hauts risques pour le parti centriste menacé de dislocation. Nous n’en sommes pas encore là mais 2007 s’annonce comme une année cruciale pour la France mais aussi pour l’avenir à court terme des idées centristes.

mercredi 20 décembre 2006

Actualités du Centre. 4 % des 18-24 ans se sentent proche de l’UDF

Selon un sondage Ipsos pour l’association Graines de Citoyens dévoilé le 18 décembre, 4 % des 18-24 ans se sentent proches (ou « le moins éloignés ») de l’UDF (42 % se sentent proches d’aucun parti, 25 % du PS, 14 % de l’UMP, 6 % des Verts, 5 % du Front National). Et, parmi les hommes politiques qui sont, selon eux,  « les plus à même de répondre aux préoccupations des jeunes » de leur âge, François Bayrou se classe quatrième (avec 24%) loin derrière Ségolène Royal (56 %) et Nicolas Sarkozy (44 %), après Olivier Besancenot (34 %) mais devant José Bové (13 %) et Jean-Marie Le Pen (11 %).
(Sondage réalisé du 23 au 30 novembre 2006 auprès d’un échantillon de 800 jeunes âgés de 18 à 25 ans pour l’association Graines de Citoyens.)

samedi 16 décembre 2006

Une Semaine en Centrisme. L’union nationale n’est pas le Centrisme

Unir la droite et la gauche autour du centre comme c’est le rêve de François Bayrou et sans doute sa seule chance de convaincre dans cet univers bipolaire dans lequel évolue la politique française depuis quelques décennies, ce n’est pas faire œuvre de Centrisme. Car, réduire le Centre au ciment qui unit la brique de droite et la brique de gauche est, à la fois, très réducteur et caricatural, renvoyant aux sempiternelles critiques du Centrisme qui estiment que ce courant n’est qu’une agrégation de modérés qui puisent leurs idées tantôt à gauche, tantôt à droite. Or, le Centrisme n’est pas du tout cela. Sa volonté est d’unir les hommes et les femmes autour de valeurs fortes pour faire progresser la société dans tous les domaines et en les faisant bénéficier, tous sans exception, du bien être qui en résulte. De ce point de vue, le début de campagne du candidat Bayrou n’est pas du Centre mais se veut au centre. Ce n’est pas du tout la même chose. Est-ce que cela suffira à faire monter le président de l’UDF dans les sondages et à créer une dynamique qui le portera à l’Elysée ? C’est ce qu’il pense mais il est bien trop tôt pour le dire. Mais gageons alors que, dans ce cas, les vieux réflexes des électeurs joueront à nouveau, d’autant que le traumatisme du 21 avril 2002 et les scores de Jean-Marie Le Pen dans les sondages ne sont pas exactement propices à faire éclater les courants politiques de gauche et de droite. Ils ne pourraient éclater que si un candidat du Centre avec une politique Centriste proposait de conduire une politique de juste équilibre et non de dosage politicien. Nous en sommes encore loin. Mais la campagne va être longue et nous verrons bien si des propositions véritablement centristes émergeront …

vendredi 15 décembre 2006

Actualités du Centre. A Lille, François Bayrou plaide pour un gouvernement d’union nationale

Pour le premier grand meeting de sa campagne présidentielle qui s’est tenu à Lille le 14 décembre, François Bayrou a, à nouveau, plaidé pour un gouvernement d’union nationale où les hommes politiques de droite et de gauche pourraient s’unir pour les grands défis qui s’annoncent, comme c’est le cas actuellement en Allemagne, situation de référence pour le président de l’UDF. Ce thème de l'union nationale devrait être récurrent tout au long de cette campagne. Extrait : 
« C’est parce que l’effort que nous avons à accomplir est immense, que j’ai pris la résolution que je défendrai devant les Français : je veux un changement de politique, pas seulement de la politique qu’on mène mais un changement de l’approche politique, de la méthode de la politique, c’est pourquoi investi de la confiance des Français, élu président de la République, je formerai un gouvernement différent des précédents, je nommerai un gouvernement avec des femmes et des hommes nouveaux et compétents, d’accord sur l’urgence des priorités, qui ne seront pas issus du même parti et qui au contraire représenteront les sensibilités différentes du peuple français. Je veux un gouvernement pluraliste dans lequel se sentiront représentés les républicains d’un bord et de l’autre qui ont, chacun, le droit d’exister et de défendre des valeurs qui enrichissent notre pays.
« Ce gouvernement par sa composition même dira deux choses au peuple français : quand il s’agit de l’essentiel, du sort de la France, les forces vives de notre peuple peuvent échapper à la division et sont capables de se rassembler, nous l’avons fait chaque fois dans notre Histoire quand il a fallu reconstruire la France. Il est temps de le concevoir et de le vouloir aujourd’hui. Deuxièmement, je voudrais attirer votre attention sur la composition de ce gouvernement qui représentera la diversité des Français, sa composition dira que les réformes à conduire ne sont pas conçues dans l’intérêt d’un camp, ni dans l’intérêt d’un clan, ou d’une classe sociale, mais dans la seule considération de l’intérêt général. Et la représentation pluraliste au sein du gouvernement sera pour les Français, une garantie du respect de l’intérêt général. »

dimanche 10 décembre 2006

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Le couple liberté-égalité : star des Français et garant du Bien vivre ensemble

Dans le dernier baromètre du Cevipof, 52 % des Français déclarent préférer l’égalité contre 48 % la liberté. Après correction des marges d’erreur (ce que les sondeurs et les médias français oublient souvent de préciser !), on peut dire que les deux concepts s’équilibrent. Les Français sont donc pour une société d’équilibre. Et le Centre est pour une politique de juste équilibre.

Car il est important d’expliquer que sans liberté, il n’y a pas d’égalité possible et que seule une égalité peut rendre effective la liberté dans la société. Le couple est lié à jamais dans une démocratie sociale. La liberté sans l’égalité produit une société où le plus fort est toujours gagnant sans pour autant le lier à la communauté dont il est issu et sans laquelle il n’aurait pu devenir le plu fort. L’égalité sans la liberté tend à nier la différence et donc l’essence même de l’individu qui ne peut que s’épanouir dans la liberté.

Bien évidemment, nous ne devons pas oublier que trop de liberté tue l’égalité, trop d’égalité tue la liberté mais aussi que trop de liberté tue la liberté et trop d’égalité tue l’égalité. L’histoire des pays européens est là pour nous rappeler les dangers des relations entre ces deux termes constitutifs des démocraties occidentales et qui sont un des héritages les plus forts des peuples qui y habitent. Mais il est tout aussi important de rappeler que ce couple doit avancer ensemble.

Car, en posant comme postulat déterministe que l’être humain naît libre, les libéraux ont fait un contresens. L’être humain ne naît pas libre car il naît dans et d’une communauté dont il est entièrement dépendant pendant au moins les premières années de sa vie. La dépendance n’est pas la liberté. Néanmoins, cela ne signifie pas qu’une sujétion aussi forte à la communauté soit définitive. D’autant que l’être humain en tant qu’être unique se possède lui-même.

Ainsi, l’être humain de totalement dépendant acquiert une autonomie de plus en plus grande au fil de sa vie mais aussi dans l’évolution de la société qui lui permet de demander une liberté de plus en plus grande. Cette demande de liberté vient alors se heurter à la solidarité qui lui a permis, comme être dépendant, d’être pris en charge par la communauté. Cependant, l’être humain n’étant jamais le produit d’une génération spontanée, ne peut donc jamais réfuter le communauté d’où il vient.

Néanmoins, le hasard de sa naissance fait que l’être humain peut revendiquer que n’ayant rien demandé à personne, il n’a de compte à rendre à personne. Cette posture métaphysique est recevable philosophiquement mais non politiquement, dans l’organisation de la cité. Là se situe également une limite de la liberté niée par les libéraux (qui ne reconnaissent qu’une limitation du fait de la liberté de l’autre) mais néanmoins réelle si l’on veut garantir le survie de la communauté. Ce n’est pas seulement la limitation vis-à-vis de la liberté de l’autre mais également de l’organisation de la société. Même un individualiste aussi forcené que Max Stirner le reconnaissait.

Dès lors, le bien vivre ensemble doit réunir ces deux composantes, liberté et égalité, cette dernière étant nécessaire à la solidarité. Et la solidarité ne peut être une simple décision de l’être libre, c’est-à-dire une contribution volontaire mais doit être une contribution obligatoire.

Une autre objection libérale affirme que les êtres humains ont les mêmes chances et les mêmes droits et que celui qui gagne est celui qui en veut le plus et qui est le meilleur et que ceci fait progresser les sociétés. L’initiative individuelle à finalité personnelle serait donc le moteur de la société et de son progrès. Pourtant, comme l’ont expliqué d’autres penseurs libéraux aussi important que John Rawls, pour que l’égalité des chances et des droits soit une réalité, il faudrait qu’il y ait eu, un jour, une sorte de situation zéro où tout le monde serait parti de la même condition. Or cette situation n’a jamais existé. L’inégalité existe donc dès le départ et elle provient, en grande partie, de la différence. Si cette différence crée de l’inégalité que l’on ne peut abolir sans risque liberticide et de marasme économique, l’inégalité elle crée de l’injustice et cette injustice doit être combattue.

Le Juste Equilibre, moteur d’une politique centriste ne peut donc que jouer de la balance sans fin entre liberté et égalité sachant qu’il ne faut jamais que le balancier aille trop dans un sens ou dans un autre au risque d’un délitement du lien social. Et c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui. L’individualisation croissante de la société et les revendications qui en découlent de la part de chaque individu provoquent un fort coup de balancier vers la liberté ou, ce que nous préférons appeler, l’intérêt égoïste qui cherche souvent sa justification dans la liberté.

En retour, les individus les plus floués – mais pas forcément les plus adeptes du lien social ! – demandent, dans une même démarche égoïste, plus d’égalité en espérant avoir sans peine ce qu’ils n’ont pu obtenir dans la jungle du chacun pour soi. Dès lors, le principale ennemi de ce couple star des Français est bien le peuple français lui-même dans sa quête effrénée d’individualisation (les peuples européens et nord-américains sont dans la même situation) !

Quant les Français auront enfin compris que le chacun pour soi ne mène nulle part sauf à être victime de celui qui est plus fort – et on trouve toujours quelqu’un de plus fort que soi -, ils pourront rebâtir un vrai lien social où la liberté et l’égalité seront des moteurs de la différence et de la solidarité et non de l’égoïsme et du repli sur soi. S’ouvrir à l’autre est aujourd’hui une obligation si nous voulons aborder les défis du XXI° siècle dans les meilleures conditions. Cette unité doit être non seulement française mais aussi européenne, ce qu’ont oublié les pourfendeurs de la Constitution Européenne.

La campagne présidentielle qui vient de commencer devrait être un forum pour que l’on comprenne bien que l’évolution des sociétés ou que leur « progrès » ne sont pas dans l’affirmation du « moi » contre les autres mais bien une affirmation de la différence de ce « moi » dans l’union avec la différence des « moi » des autres. Alors, le couple liberté / égalité aura donné naissance à la vraie fraternité. Voilà qui doit vous rappeler quelque chose…


Alexandre Vatimbella

Actualités du Centre. Les électeurs de centre-droit désertent François Bayrou

Selon le baromètre Le Figaro-RTL-LCI réalisé par TNS Sofres (les 6 et 7 décembre 2006 auprès de 1 000 personnes), 35 % des électeurs de François Bayrou lors de l’élection présidentielle de 2002 s’apprêtent à voter pour Nicolas Sarkozy. Et si le président de l’UDF peut demeurer stable à 8 % des intentions de vote, soit plus de 1 % supérieur à son score en 2002, c’est parce que la désaffection de ces électeurs de centre-droit est compensée par le ralliement à sa cause d’électeurs de centre-gauche. Une situation somme toute normale après les violentes attaques de François Bayrou contre l’UMP et le gouvernement cette dernière année. Reste à savoir si ces voix potentielles venues de gauche se transformeront en vote ou si elles retourneront vers leur famille d’origine, pour un vote utile qui sera sans doute dans toutes les têtes des électeurs de gauche suite au traumatisme de 2002 et de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour.

samedi 9 décembre 2006

Une Semaine en Centrisme. De la déclaration de François Bayrou

François Bayrou s’est donc déclaré candidat à l’élection présidentielle et l’UDF, dont il est le seul candidat déclaré, devrait confirmer cette candidature avant la fin du mois de décembre. S’engagera alors un long parcours semé d’embûches pour le président de l’UDF et il ne semble pas, en l’état actuel de l’opinion, qu’il est une grande chance de figurer au second tour. D’ailleurs, le croit-il, lui qui semble privilégié un bon score de premier tour afin de monnayer son désistement pour un poste de Premier ministre voir de ministre important ? Evidemment, il ne faut pas limiter cette candidature à cette stratégie car l’on peut donner crédit à François Bayrou d’avoir évolué sur ses convictions politiques et, surtout, sur son courage politique, en se situant de plus en plus au centre de l’échiquier politique et en prenant des postures centristes. Bien sûr, diront les mauvaises langues, c’était la seule voie qui lui restait pour exister politiquement et son score à l’élection présidentielle sera un révélateur et déterminera à cours sûr sa future existence politique.
Néanmoins, grâce à François Bayrou, le Centre possède une voix et il est important que celle-ci puisse se faire entendre même si certaines postures du candidat sont assez loin d’une véritable pensée centriste dans le sens où, par exemple, l’union nationale qu’il prône est plutôt une dilution des valeurs centristes (puisque chacun reste sur ses positions extrêmes mais accepte de gouverner ensemble pendant un cours laps de temps) qu’un ralliement à celles-ci qui, rappelons-le existent et sont fortes.
De ce point de vue, François Bayrou peut apparaître plutôt comme étant au centre et non du Centre, ce qui n’est pas du tout la même chose. Mais, répétons-le, le grand mérite de François Bayrou est de porter des valeurs centristes et de faire exister le Centre dans le débat à l’élection présidentielle.
Reste que l’image du Centre risque d’être brouillée s’il s’agit d’empiler des promesses électorales (ou de définir un « projet » comme le dit François Bayrou sans véritables promesses) pour faire plaisir à tout le monde et aller dans le sens du poil des électeurs. Déjà, le projet centriste (qui n’est pas encore totalement finalisé) recèle de nombreuses contradictions entre un constat assez clair et juste de la société – bien qu’un peu trop alarmiste – et des propositions qui ne règlent absolument pas les problèmes cruciaux auxquels la France va être confrontée dans les mois et les années à venir.
Cependant, une élection est un moment fort de la politique et, en particulier, l’élection du président de la république française. Et il est incontestable que le seul représentant du Centre est François Bayrou.

Actualités du Centre. François Bayrou: "Je ne crois plus à la guerre gauche contre droite"

N'y a-t-il pas un décalage entre le positionnement tranché au niveau national et celui des élus UDF qui collaborent avec leur partenaire de la majorité sur le terrain ? 
Le débat national est une chose et la vie locale une autre. Dans le débat national sur GDF-Suez, sur la privatisation des autoroutes, sur le CPE, nous avons dit notre désaccord, et nos choix n'étaient pas des choix d'opportunité, mais de lucidité. Si le clivage droite-gauche est déjà stupide au niveau national, le recopier dans tous les exécutifs locaux serait d'une totale absurdité. Le jour reviendra, j'en suis sûr, où l'on pourra avoir des majorités plus larges, plus rassembleuses, selon les villes ou les régions, comme dans les pays qui nous entourent.
Dans votre discours de candidat, vous évoquez des « objectifs raisonnables et républicains » : lesquels? 
D'abord de nouvelles institutions, avec une vraie représentativité des élus et une séparation réelle entre le législatif et l'exécutif. Une réforme de l'État avec un rééquilibrage des finances publiques. Une politique active de soutien à l'entreprise, surtout à la petite entreprise. Une politique obstinée de lutte contre l'exclusion par le retour à l'activité. Une politique d'éducation qui retrouve l'excellence républicaine sur tout le territoire, etc. Si je devais résumer tout cela dans une formule, je dirais : « Un pays fort où tout le monde a sa place. »
Vous dites vouloir « prendre le meilleur et les meilleurs ». Qu'entendez-vous concrètement par là? 
La France a besoin de toutes ses forces et, en particulier, de rendre compatibles les valeurs justes des camps différents. On a coutume de dire que l'esprit d'entreprise et l'ordre sont des valeurs de droite, que l'égalité et la solidarité sont de gauche, que la fraternité et la tolérance sont du centre. On a besoin de toutes ces valeurs-là, ensemble. Je propose de prendre le meilleur là où il se trouve, sans s'occuper de quel camp il vient.
Comment parvient-on à cela, alors que vous n'avez jamais été jusqu'ici un rassembleur? 
Je suis rassembleur par nature, et je vais le démontrer. Je ne crois plus à la guerre gauche contre droite. Si l'une des deux gagne encore en 2007, quelle qu'elle soit, la déception sera terrible au bout de six mois. Leur base est trop étroite et leur attitude trop sectaire pour faire partager aux Français une vision constructive capable de rassembler le pays
Propos recueillis par Jean-Yves Boulic et Roland Godefroy pour Ouest France

Actualités du Centre. 35 % des 18-30 ans se déclarent au centre

Les 18-30 ans sont plus nombreux à se déclarer politiquement à gauche ou au centre qu'à droite, particulièrement les femmes, selon un sondage Ifop pour Dimanche Ouest France. Selon cette étude, 35% des personnes de 18-30 ans interrogées disent se situer à gauche, 35% au centre, 22% à droite, 4% à l'extrême gauche et 2% à l'extrême droite.
Le positionnement à gauche ou au centre est particulièrement remarquable chez les femmes. Elles sont ainsi 40% à se dire à gauche (contre 28% pour les hommes), 35% au centre (contre 36%), 21% à droite (contre 25%), 2% (contre 5%) à l'extrême gauche et 0% à l'extrême droite (contre 2%).
D'après le même sondage, 92% des 18-30 ans considèrent que l'élection présidentielle de 2007 est une échéance « importante », dont 51% « très importante » et 41% « assez importante », avec de faibles écarts entre les hommes et les femmes.
Quatre-vingt cinq pour cent des sondés disent qu'ils iront « certainement » voter, 9% « probablement », 3% « probablement pas » et 3% « certainement pas ».
Après l'élection, les 18-30 ans souhaitent notamment des changements sur les questions de l'accès à l'emploi ou du parcours professionnel (51%), du pouvoir d'achat (34%), du prix et de l'accès au logement (30%), de la sécurité (23%) et de l'environnement (22%).
Les 18-30 ans sont 56% à se dire pessimistes pour l'avenir et 44% optimistes.
(Sondage réalisé du 23 novembre au 1er décembre auprès de 502 personnes âgées de 18 à 30 ans).

vendredi 8 décembre 2006

Actualités du Centre. François Bayrou jugé centriste par 56% de la population

Selon un sondage BVA-Orange (réalisé les 4 et 5 décembre dernier), François Bayrou est considéré par 56 % des Français comme un candidat du Centre à l’élection présidentielle (20 % considèrent qu'il est un candidat de droite et 11 % un candidat de gauche. En outre, 43% des Français pourraient éventuellement voter pour lui et 42% estiment que s’il était au pouvoir, il mènerait une politique vraiment différente de la droite aujourd’hui.
En outre, François Bayrou, dans une interview à BFM télévision a déclaré que son « diagnostic est qu’il faut une démarche politique nouvelle de rassemblement réformiste » en prenant pour exemple l’Allemagne qui est en train de se redresser économiquement avec au pouvoir, une coalition gouvernementale large.


samedi 2 décembre 2006

Actualités du Centre. François Bayrou (UDF) annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2007

Le président de l'UDF, François Bayrou   s'est déclaré samedi candidat à la présidentielle dans un discours prononcé depuis la petite commune de Serres-Castet (Pyrénées-Atlantiques). Décidé à dépasser le clivage gauche-droite, il s'est présenté au nom d'un « changement d'ère politique que la France attend ».
Voici le texte de sa déclaration :
« Mes chers amis,
Votre présence en cet instant est précieuse pour moi. 
Je vous ai invités en cet endroit que j’aime, où j’ai des racines, la place républicaine d’une mairie de village, dans les Pyrénées, un endroit à la fois beau et simple, pour vous dire ceci, qui m’engage, et qui va, pour beaucoup d’entre vous, vous engager aussi.
Je suis candidat à la présidence de la République.
Dans cinq mois, chacun des citoyens français, femmes et hommes, va choisir et décider.
Ces cinq mois sont très importants pour notre pays. Ces femmes et ces hommes, je vais aller les voir, les rencontrer, sinon tous, du moins le plus possible, leur parler à la télévision et à la radio, sur internet, dans la presse écrite, pour les convaincre de ceci : il faut que la France prenne un autre chemin.
Pendant ces années, les gouvernants, perdus dans leurs querelles, n’ont eu ni la volonté ni le courage nécessaires. Mais ce sont les Français qui ont payé les pots cassés.
Ce sont les Français qui sont au chômage. Deux millions d’entre eux, plus un million trois cents mille rmistes, plus les ASS et les minima sociaux divers, en tout quatre millions des nôtres.
Ce sont les Français qui paient la dette : 1150 milliards d’euros, qui coûtent tous les mois à chaque Français au travail, tous les mois 200 € en moyenne.
Ce sont les Français qui voient monter la violence. Nous avons des banlieues où la police ne peut plus entrer, avec des services publics disparus, et des générations détruites au point qu’elles en viennent à se glorifier de faire brûler des voitures, des commissariats, des bus. Et parfois, dans les bus, il y a des jeunes filles transformées en torche vivante. Et dans la cité de l’Ousse des Bois, il y a quelques mois, ce sont deux policiers qu’on a failli faire brûler.
La couleur de la peau, comme la religion ou l’origine, est redevenue une obsession. Les noirs se sentent sous-estimés, et dans certains quartiers, ce sont les blancs qui se sentent mal vus. 
Les fins de mois sont de plus en plus difficiles et, des petites retraites jusqu’aux salaires moyens, personne n’arrive plus à joindre les deux bouts.
Les chercheurs français prouvent qu’ils sont parmi les meilleurs du monde, mais c’est dans les laboratoires américains. Nous les avons formés, et ils les utilisent. Les créateurs d’entreprise qui ont réussi vont s’installer, les uns après les autres, en Belgique. Tout cela, c’est la substance de la France qui s’en va.
L’Europe qui était notre espoir est devenue notre découragement. Elle est sans inspiration, puisque l’inspiration ne peut venir que de la France.
Voilà notre pays, et j’en passe, et j’en oublie. Voilà sa situation réelle.
Chacune de ces crises est à elle seule immense. Chacune nécessiterait un immense effort national. Et nous, nous devons maintenant les affronter toutes ensemble
C’est pourquoi on ne peut plus continuer dans la guerre civile ridicule et sourde d’une moitié du pays contre l’autre. 
Chaque semaine, à l’Assemblée nationale, Voir la moitié de l’assemblée, avec le doigt accusateur, qui hurle : « c’est la faute de la gauche ! ». Et voir l’autre moitié, avec la même violence, hurler : « c’est la faute de la droite ! », d’abord on se dit que c’est ridicule, et puis on éprouve un sentiment de honte… 
Ce sont, pour la plupart, des gens intelligents, ils se sont succédés au pouvoir, sans aucune interruption, depuis vingt-cinq ans. C’est la politique, comme nous la faisons depuis cinquante ans, qui les rend bêtes.
On ne peut pas continuer comme cela. 
Je ne crois plus à cette guerre de la moitié de la France contre l’autre.
Les uns vous disent qu’il faut d’urgence battre la droite pour que ça aille mieux. Les autres qu’il faut à tout prix préserver la France de la gauche.
Et moi je dis : tout cela est vain. Ce n’est plus à l’échelle des problèmes. Ce n’est plus à l’échelle du temps.
Pour donner une chance à la France, il faut prendre le meilleur et les meilleurs. 
Ce que nous avons à faire est si difficile qu’il faut une volonté ferme capable de fédérer un soutien large.
Désormais, nous n’avons plus le temps de la querelle et de la guerre des camps. Nous n’avons plus le temps de continuer à nous invectiver, de défaire perpétuellement ce que les autres ont fait, avant qu’ils ne défassent à leur tour ce que vous allez faire.
Il nous reste une chance, une seule : rassembler notre pays, fixer des objectifs raisonnables et républicains, nous regrouper et faire reculer, pas à pas, mètre par mètre, avec acharnement, les échecs et le déclin.
Mais la division n’est pas seulement entre ces deux camps politiques. La division a pénétré partout dans notre société, en recherche perpétuelle de boucs émissaires. Pour l’un, les coupables, ce sont les juges qui sont tantôt laxistes, tantôt trop rigoureux. Pour l’autre, ce sont les professeurs qui ont trop de temps libre et se font payer grassement leurs heures de cours particuliers par des sociétés cotées en bourse. Pour d’autres, ce sont les syndicats qui sont coupables. Pour d’autres, ce sont les fonctionnaires. Pour d’autres, ce sont les paysans qui polluent. Pour certains, ce sont les écologistes qui abusent. Pour d’autres, ce sont les musulmans qu’il faut cibler, pour d’autres, l’obsession c’est le lobby gay…
Tout cela, cette recherche éperdue de boucs émissaires, c’est le signe d’un peuple qui va mal.
J’ai passé une partie de ma vie à réfléchir sur Henri IV. Si je l’ai tant aimé, ce n’est pas parce qu’il était béarnais, né dans le château que vous apercevez dans le lointain. Si je l’ai aimé, à quatre siècles de distance, c’est qu’il a voulu et accompli la réconciliation de son peuple, alors que tout conduisait à ce qu’il continue à se haïr.
L’esprit de rassemblement et de réconciliation, c’est ma conception de la fonction de chef d’État.
C’est le plus urgent besoin de la France.
Et il est des responsables publics qui le savent. Ce sont les maires, tous les jours, dans tous les villages de France.
Si je suis élu, je nommerai au gouvernement une équipe pluraliste, équilibrée, des démocrates, femmes et hommes, venus de bords différents avec mission de mettre en œuvre le même projet républicain, et cela non pas malgré leurs différences, mais en s’appuyant sur leurs différences.
Chacun gardera ses valeurs. Tant mieux ! Car on a besoin des valeurs des uns et des autres. L’esprit d’entreprendre, le goût de l’ordre, on les classe à droite ; la solidarité, l’égalité des droits, à gauche ; la tolérance, l’équilibre et l’équité, au centre. Nous avons besoin de toutes ces valeurs, en même temps. Et les écologistes ont raison de rappeler que nous sommes embarqués sur une petite planète, comme une Arche de Noé dans l’univers, et que nous sommes comptables de l’air qu’on y respire et des espèces, chacune des espèces, qui y sont embarquées, y compris la nôtre, l’espèce humaine à tête dure.
Ces valeurs, il faut cesser de les regarder comme antagonistes, il faut se rendre compte qu’on a besoin de les faire vivre ensemble.
Le temps des grandes querelles idéologiques, pour le moment, est derrière nous.
D’autant plus que nous, peuple français, nous avons un modèle de société qui est lui-même en péril, notre modèle de société républicain : si nous voulons le sauver, il va falloir mener le combat.
La pression du modèle matérialiste est immense et en face de ce modèle où l’argent est la valeur dominante, liberté, égalité, fraternité, cela ne pèse pas lourd.
Mais je dois vous dire, pour que tout soit clair entre nous, que ce sont mes valeurs. Que je suis de ce côté là. Et que je ne suis pas près d’y renoncer.
Reconstruire la République affaiblie, réimplanter l’État là où ça va mal dans la société française, notamment dans les banlieues, équilibrer les finances publiques qui sont à bout de souffle, soutenir l’esprit d’entreprise, l’esprit de création, l’esprit de recherche, sortir de l’exclusion le million trois cent mille Rmistes en leur offrant non seulement un chèque de survie mais une activité, faire respecter et progresser l’école républicaine et non pas la mépriser, faire respecter et mieux armer la justice de notre pays, permettre aux femmes de mieux vivre leur vie multiple, combattre la solitude et la violence qui nous minent, reprendre à la base l’idéal européen, tout cela c’est un effort immense.
Cet effort ne peut être conduit avec succès que par des volontés républicaines qui acceptent de travailler ensemble.
Et elles ne travailleront ensemble qu’autour d’un président ayant reçu pour les fédérer un mandat du peuple. Personne ne résiste à la décision clairement exprimée du peuple souverain. Le peuple donne mandat au président et le président organise le gouvernement nouveau et la majorité nouvelle.
Voilà la clé de cette élection. Voilà la clé de ce changement d’ère politique.
C’est une constante dans notre histoire. Chaque fois que la France a voulu se redresser, c’est cette voie qu’elle a choisie. C’est ce qu’a imposé Charles de Gaulle à la Libération et en 1958. C’est ce qu’ont voulu Pierre Mendès-France, Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, Michel Rocard et Jacques Delors.
Ne croyez pas que ce mouvement soit seulement français et que la France quand elle l’entreprendra sera pionnière et isolée. 
Mes chers amis, partout autour de nous, les peuples, contre tous les pronostics, imposent ce choix à des gouvernants rétifs. Cela vient de se produire, vous le savez, dans le plus grand pays de l’Union européenne, chez nos voisins allemands. Cela vient de se produire en Autriche, cela vient de se produire aux Pays-Bas. Cela se produira en France.
Bien sûr, c’est un peu plus difficile en France, en raison de nos institutions verrouillées. Mais nous allons les déverrouiller.
C’est un mouvement des temps ! Les peuples ont compris plus vite que leurs dirigeants que le temps du simplisme est révolu. Que le monde est complexe. Que la société éclate en archipels, tous différents, chacun avec sa logique, ne comprenant pas les autres, et qu’il faut beaucoup de compréhension, beaucoup de tolérance, pour les rassembler et les faire vivre ensemble. Les peuples l’ont compris parce qu’ils le vivent et d’abord dans leur famille.
C’est pourquoi ils disent à leurs dirigeants : s’il vous plaît, montrez-nous l’exemple.
C’est cet exemple que j’ai choisi d’incarner, aidé par votre soutien et votre amitié, aidé par la magnifique équipe qui m’entoure, et aidé par les miens. La France n’a pas seulement besoin d’un changement de visages ou de génération. Elle a besoin de changer de logique. Elle a besoin de temps nouveaux.
Nombreux sont ceux qui disent : nous aimons la France de toutes nos forces. Aujourd’hui elle a besoin de toutes nos forces. Je m’engage et nous nous engageons à les réunir pour servir notre peuple et notre pays. »

vendredi 1 décembre 2006

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Tout se passe-t-il au centre?

Où va se passer l’élection présidentielle ? A Droite, à Gauche, au Centre ? Sur les valeurs, sur l’économie, sur la sécurité, sur le social ? Au regard des qualités des candidats ou de leur image sur papier glacé (un femme, un fonceur, un rassembleur, etc.). Il est souvent difficile de prédire ce qui sera, en fin de compte, l’élément essentiel qui déterminera le corps électoral à choisir un candidat parmi les autres. Reste que plusieurs indices montrent que le positionnement au centre risque de (re)jouer un rôle majeur en 2007.

Bien évidemment, comme d’habitude, les candidats vont ratisser large avec un discours à la fois « marqué » pour mobiliser l’électorat traditionnel de leur camp et « consensuel » pour ratisser le plus large possible, vers cet électorat « modéré » qui se situe au centre de l’échiquier politique. Mais, ce qui risque d’être nouveau en avril prochain, c’est le rôle central du discours consensuel.

Alors que les temps étaient récemment à une distinction tranchée, droite contre gauche, il semble que le balancier politique soit de nouveau stabilisé au centre. C’est ce que semble, en tout cas, signifier les résultats des récentes élections à mi-mandat américaines et c’est ce que semblent montrer les positionnements des différents candidats à l’élection présidentielle de 2007. Serions-nous enfin dans l’universalité de la « Troisième voie » chère à Bill Clinton, celle qui fut reprise par un Tony Blair qui édifia son « blairisme » sur ce socle ? Universalité qui serait d’autant plus prégnante que l’évolution de la Droite et de la Gauche se fait, depuis des années, vers le Centre et non vers les extrêmes, ce qui permet, d’ailleurs, la résurgence des partis extrémistes des deux côtés du spectre politique. Mais, même s’il ne faut pas nier ce mouvement, reste que Droite et Gauche ne sont pas le Centre.

Qu’est-ce donc que le Centre exactement ? Cette question est loin d’être sans intérêt puisqu’un candidat à l’élection présidentielle, François Bayrou, revendique cette étiquette (« centriste révolutionnaire », précise-t-il) et que les médias – en attendant, peut-être, les électeurs – lui porte de plus en plus une attention particulière. Rappelons, rapidement, que le Centre est aussi vieux que la Droite et la Gauche. Il naquit, comme ses deux compères, lors de la Révolution et fut même la force politique dominante à l’Assemblée Constituante.

Souvent, le Centre a été défini comme une mouvance souple qui pratiquait le compromis, voire la compromission. Ses dirigeants étaient plutôt associés à des hommes politiques ambitieux qui, comme un Edgar Faure, pouvaient naviguer sans aucun scrupule de gauche à droite selon les modes politiques et les strapontins offerts (même si Edgar Faure fut un homme politique des plus brillants).

Ce serait faire injure aux militants centristes que de ramener le Centrisme au seul opportunisme politique. Car, être au Centre, c’est se définir comme un humaniste qui recherche avant tout à réconcilier les citoyens, à les faire avancer tous ensemble, même si leurs intérêts individuels peuvent être divergents, afin de bâtir une société équilibrée où chacun doit avoir la sensation qu’il compte et que ses revendications sont prises en compte. C’est bâtir une communauté réconciliée parce qu’unie dans un même élan solidaire permettant l’épanouissement de chacun.

Dès lors, le Centre est une pensée éminemment unitaire et pragmatique, un libéralisme social par évidence. Libéral parce que le Centre reconnaît que le moteur du progrès et de l’évolution de la société passe par la liberté. Social parce que le Centre sait que la sécurité des citoyens, à tous les niveaux, passe par la solidarité et une organisation qui ne laisse personne sur les côtés de la route.

Une fois le Centre défini, on voit que n’y est pas qui veut. Et si l’élection se fait au centre, ceux qui essaient de ratisser large ne le font souvent que pour obtenir les quelques voix qui feront la différence. Car la plupart des candidats sont des diviseurs et non des rassembleurs même s’ils affirment le contraire. Proposer, par exemple, dans des slogans réducteurs de « faire payer les riches » ou de « remettre la France au travail », c’est nier, d’un côté, la liberté nécessaire au bien être du pays et, de l’autre, injurier ceux qui travaillent dur ou ceux qui ne parviennent pas à trouver un emploi.

C’est pourquoi, seul le Centre, dans une politique de juste équilibre, peut réconcilier les Français entre eux, réconcilier les Français avec leur pays, réconcilier les Français avec la politique. Seule cette dernière réconciliation peut permettre de gérer le présent en pensant à l’avenir et de prévoir l’avenir en construisant le présent. Et les défis ne manquent pas…


Alexandre Vatimbella

mercredi 29 novembre 2006

Actualités du Centre. Alain Duhamel: François Bayrou invente l'extrême centre

Evidemment, on parlera bien davantage de la déclaration officielle de candidature de Nicolas Sarkozy que de la sienne : François Bayrou est habitué à être traité en second rôle par les médias. Il a même relevé depuis longtemps que plus ceux-ci sont puissants, plus chiche est la place qu'ils lui réservent. Qu'il s'agisse du temps de passage et du nombre d'interventions à la télévision et à la radio, de la fréquence des couvertures des news magazines ou des titres à la une des quotidiens, Nicolas Sarkozy est traité en empereur, Ségolène Royal en reine de France, le Béarnais, lui, doit se contenter des miettes réservées à un hobereau de province. Les Guignols de l'Info, généralement plus malins, le griment en benêt bégayant, alors qu'il s'impose comme un excellent orateur. Il a choisi samedi prochain 2 décembre, anniversaire de la victoire d'Austerlitz mais aussi du coup d'Etat du futur Napoléon III, pour se lancer officiellement dans la bataille présidentielle. Cela ne suffira pas pour que son initiative soit saluée comme une date historique. François Bayrou fait partie de ces hommes politiques qui ont toujours besoin de démontrer qu'ils sont sous-estimés.- 15 % des personnes interrogées se disent au Centre.
Dans la campagne présidentielle, qui passe cette semaine de sa phase préliminaire à la compétition proprement dite, le président de l'UDF constitue cependant un mystère et détient au moins l'une des clefs du scrutin. Actuellement, les sondages lui attribuent entre 6 % et 12 %, du simple au double, selon les instituts. Outre que cela entretient des interrogations sur la fiabilité de ces évaluations, deux constatations peuvent être faites : François Bayrou se situe cette fois-ci à un niveau d'intentions de vote nettement plus élevé qu'il y a cinq ans, à cinq mois de ce 21 avril 2002 où il obtint deux millions de voix et 6,84 % des suffrages exprimés. Il peut donc aspirer à un score sensiblement supérieur s'il réalise une bonne campagne. Par ailleurs, son image personnelle n'a jamais été aussi bonne dans les enquêtes d'opinion. Il y a aujourd'hui un intérêt perceptible pour François Bayrou qui a fait la preuve de son indépendance vis-à-vis de l'UMP et du gouvernement. Il a voté la motion de censure présentée par le PS, refuse d'approuver le budget, critique avec véhémence les choix de Dominique de Villepin, mais surtout ne laisse pas passer une occasion de se démarquer violemment de Nicolas Sarkozy. Même s'il a voté auparavant nombre de lois présentées par la droite sous cette législature, François Bayrou a ostensiblement choisi la liberté en 2006. Il n'est certes pas de gauche, toutes ses prises de position économiques le prouvent, il ne peut plus être classé comme un allié de la droite. François Bayrou s'est émancipé.- 15 % des personnes interrogées se disent au Centre.
Du coup, il apparaît comme le porteur de deux secrets : peut-il effectuer dans l'opinion publique une percée qui lui permettrait de surgir en troisième homme, au détriment de Jean-Marie Le Pen ? Et s'il ne se qualifie pas pour le second tour, ce qui semble de loin le plus vraisemblable, de quel poids pèsera-t-il sur la décision finale ? Dans pratiquement tous les sondages, le président du Front national le devance aujourd'hui largement (sauf dans le dernier Ifop- Paris Match qui les place à égalité). Les circonstances servent une fois de plus le vieux leader de l'extrême droite, qu'il s'agisse de l'insécurité des personnes, des polémiques sur l'immigration ou du brusque ralentissement de la croissance. S'il s'agit d'annoncer l'apocalypse, de chevaucher les pires démons, de faire trembler la France entière, personne ne peut rivaliser avec Jean-Marie Le Pen. La campagne actuelle de François Bayrou se différencie cependant délibérément de ses campagnes précédentes. Cette fois, le plus célèbre Béarnais depuis Henri IV (son idole) ne fait pas dans la nuance et la finesse : s'il maintient ses options traditionnelles (l'Europe, la laïcité, l'économie de marché, la régulation sociale), il change carrément de ton. Le président de l'UDF invente l'extrême centre, comme il y a une extrême droite et une extrême gauche. Il se campe en candidat anti-système, dénonce avec violence l'oligarchie au pouvoir, joue à l'imprécateur face au PS et à l'UMP, annonce la révolution démocratique, prêche une croisade en faveur de la libération des Français, assujettis malgré eux à un dualisme artificiel dont il veut les sauver. Il n'a pas de mots assez durs pour les deux partis dominants mais appelle en même temps à un gouvernement d'union rassemblant centristes, gaullistes sociaux et sociaux-démocrates modernistes, seule condition à ses yeux pour surmonter réellement les blocages français.- 15 % des personnes interrogées se disent au Centre.
Il y a là une rhétorique de la colère à la Péguy ou à la Bernanos et des accents de dénonciation grandiloquente qui flirtent avec la démocratie d'opinion ambiante, frisent le populisme et ne craignent pas une pointe de démagogie. François Bayrou s'enhardit, se lance dans l'inconnu, charge les yeux bandés, quitte à galoper aux confins de territoires ambigus. Avec quelle efficacité ? Mystère. S'il atteint, a fortiori s'il dépasse la barre symbolique des 10 %, il devient cependant une puissance moyenne, avec laquelle Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy devront compter. Dans ce cas-là, le prix du ralliement sera une réforme institutionnelle drastique et, notamment, l'introduction d'un mode de scrutin à l'allemande, ce nouveau Graal des centristes.

(Libération du 29 novembre 2006).

mercredi 6 septembre 2006

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Inventer un futur de fraternité

Tentons modestement de prendre de la hauteur. Le monde du XXI° siècle est le fruit d’une mutation de grande ampleur qui a débuté dans le courant du XIX° siècle. Cette mutation a engendré des adaptations successives, parfois par paliers, des sociétés et des personnes. Depuis quelques décennies, dans ce que nous pouvons appeler sans conteste un « nouveau monde », des questions fondamentales sur l’humain et son existence se posent avec plus d’acuité. Celle qui semble la plus importante, voire la plus urgente à résoudre, est l’avenir de la planète, notre avenir. Depuis que l’être humain peut détruire consciemment ou inconsciemment le monde (guerre nucléaire, destruction de l’environnement à grande échelle), l’humanité n’a en effet pas pu ou voulu s’unir pour résoudre les problèmes cruciaux qui ne pourront l’être qu’avec l’aide et la participation de tous les habitants de la planète. C’est la seule porte de sortie vers le haut, c’est-à-dire pacifiquement. L’autre porte de sortie est l’éclatement d’un conflit généralisé qui « rééquilibrera » le monde comme cela s’est produit tout au long de l’histoire. Ce qui permet de dire à certains que la guerre fera toujours partie de l’environnement humain.

Cependant, nous ne devons pas être dupe, non plus, d’un discours du catastrophisme (« tout va mal ») et de la mémoire courte (« c’était mieux avant »). Le monde tel qu’il est aujourd’hui est meilleur que celui dans lequel vivaient nos ancêtres sauf peut-être pour la classe la plus favorisée et encore. Tout simplement parce que 6 milliards de personnes n’auraient jamais pu vivre ensemble il y a même cinquante ou soixante ans. L’espérance de vie ayant déjà explosée à l’époque, gageons qu’une grande partie serait morte de maladies, de faim, de manque d’hygiène, etc. Donc, une partie des gens qui vivent aujourd’hui et se plaignent de leur sort ne serait même plus en vie, pire, n’aurait jamais existé pour se plaindre ! Sans doute, certains penseront que cela aurait été mieux sauf, sans doute, s’ils avaient été les sacrifiés... Désormais, selon les experts, l’âge auquel on devient « vieux » est de soixante-quinze ans et il devrait continuer à croître. Ce qui, par ailleurs, pose avec force l’organisation de la vie, notamment celle du travail.

Le produit du « progrès » est la société d’aujourd’hui. Maîtriser cette dernière est effectivement important mais pourquoi faire ? Revenir en arrière ? Continuer à aller de l’avant ? Mais quel arrière ? Quel avant ? Les sciences, la technologie, la biologie ont changé notre rapport à l’environnement et à la vie engendrant des espoirs mais aussi des peurs. Des avancées ont eu lieu mais sont apparues de nouvelles problématiques. L’électricité, le téléphone, l’électronique, l’ordinateur, la télévision, la voiture, l’avion, les antibiotiques, l’hygiène, parmi tant d’autres, ont bouleversé notre vie. Tout comme l’installation du chauffage, de l’eau courante ou de salle de bains dans les logements et la présence du réfrigérateur congélateur dans la cuisine. Qui peut réellement prétendre en toute connaissance de cause et sans catastrophisme démagogique que nous serions plus malheureux ?

Reste que beaucoup de problèmes d’aujourd’hui proviennent de l’évolution de nos sociétés et du progrès économique, social, technique et scientifique qui ont permis de formidables avancées et des sociétés plus riches, des avancées spectaculaires dans l’allongement de la durée de vie et dans la santé des humains avec leur nombre de plus en plus grand. Toute réflexion sur les problèmes d’aujourd’hui comme les problèmes environnementaux, les problèmes de richesse, etc. doit se demander où nous en serions sans les évolutions du XIX° et du XX° siècles. Le risque inhérent à notre présence sur terre fait que nous sommes mortels et que nous créons depuis toujours des conditions à notre disparition (avec une bonne hygiène, la peste de 1346 n’aurait pas eu de telles répercussions). Mais comment juger et faire des choses quand notre espérance de vie est passée de 30 à 90 ans ce qui a généré de nouveaux défis.

D’autant que nous sommes également, nous les Français mais aussi nous les Européens et nous les Occidentaux, responsables de ce qui nous arrive (baisse démographique, baisse du travail etc.). C’est nous, par exemple, qui avons voulu la mondialisation, d’abord pour inonder la planète de nos produits à la fin du XIX° siècle puis pour les fabriquer moins cher à l’étranger dès le milieu du XX° siècle et faire encore plus de profit, pour acheter moins cher et vivre dans un confort encore plus grand. Et d’ailleurs, cette mondialisation a eu des effets largement positifs sur le long terme.

Reste que la mondialisation est en train de produire son contraire, le nationalisme économique. Que ce soit en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine (les récents déboires du TGV et les problèmes de SEB voulant racheter une usine chinoise le démontrent) et en Inde (où Coca Cola et Pepsi sont victimes d’une campagne de dénigrement orchestrée par les partis ultra-nationalistes), on parle de préférence nationale, d’invasion étrangère et autres expressions qui nous renvoient à quelques années en arrière, au début du XX° siècle… Tout ça n’est guère réjouissant.

Mais la mondialisation ne pourra vraiment réussir si elle n’a pas une dimension humaine. Celle-ci manque est c’est elle qui rend craintifs les peuples. Mais le nationalisme (qui n’a rien à voir avec la fierté d’appartenir à une communauté nationale) recèle tellement de dangers qu’il nous faut préférer la mondialisation quoiqu’il advienne. L’échange entre les peuples est toujours une ouverture vers l’autre. Le protectionnisme est la fermeture à l’autre, la méfiance de l’autre et le rejet de l’autre. Des éléments qui sont parmi les causes principales des guerres…

De même pour la pollution et l’utilisation des ressources naturelles. Même si il est impossible de dire quel est le « meilleur » climat pour la Terre et que nous savons maintenant que des villes comme Paris étaient largement plus polluées au début du XX° siècle qu’elles le sont en ce début de troisième millénaire.

Ce ne sont pas les autres pays qui sont responsables de nos problèmes, c’est nous.

Notre angoisse pourtant est là. Il faut dire que le monde change, souvent à la vitesse grand V et les personnes, partout dans le monde, sont désorientées. Il n’y a pas qu’en France ou en Europe que les résistances sont importantes. Mais, en Europe, ancien continent dominant la planète au siècle précédent, le niveau de vie et les protections sociales ont créé une sorte de bulle de protection - arrachée souvent de haute lutte - à laquelle les peuples sont viscéralement attachés pour des raisons fort compréhensibles. Rappelons que les enquêtes d’opinion montrent que les Européens sont prêts à gagner moins pour plus de protection et de loisirs que les Américains.

Les citoyens français sont aujourd’hui attachés à un confort et les clivages droite-gauche ne jouent plus pour les séparer sur ce terrain. Peu de gens veulent en effet moins de protection sociale, moins de sécurité, moins de guichets à la poste, etc. Nous sommes dans une société où la demande de sécurité et d’assistanat est d’autant plus importante que l’offre est plus importante qu’auparavant grâce au formidable enrichissement de nos sociétés. Revenir en arrière ou tout simplement figer les choses semblent impossible. D’autant que les gens n’ont plus confiance en l’avenir. Si demain n’est pas meilleur qu’aujourd’hui, pourquoi prendre des risques ? Il s’agit donc, pour réformer, de proposer une alternative et une vraie espérance. Mais, devant tant d’espoirs déçus, il est sûr que les citoyens ne sont pas prêts à se lancer dans le vide sans que les résultats précèdent leur changement de vision et de position. C’est donc à une certaine quadrature du cercle que nous sommes confrontés…

Aussi inquiétant, les Français sont ceux qui acceptent le moins les règles du marché, qui sont les plus pessimistes sur leurs valeurs quant à les sauvegarder et dans ce quelles peuvent les sortir de la crise. Plus inquiétant car, outre le fait que l’on ne sait pas très bien par quoi on pourrait remplacer le marché, l’adaptation au monde est une nécessité lorsqu’on ne peut pas ou plus le contrôler.

Dès lors, il faut proposer un « Contrat pour la France » et une relance de l’Europe. Et ce contrat, cette relance, pour s’attaquer aux problèmes intérieurs de la France comme aux problèmes du monde, doivent mettre en avant la notion de… fraternité ! Nous avons absolument besoin de fraternité ! Lien social dans le pays (si trop de liberté tue l’égalité et si trop d’égalité tue la liberté, c’est bien de fraternité, de lien social dont nous avons besoin), lien humain dans le monde (le devenir de nos civilisations en dépend et à terme le devenir de l’espèce), ces liens non seulement nous sauveront mais nous permettront de continuer à aller de l’avant, non pas parce que c’est mieux ou par une dévotion au dieu progrès mais parce que c’est la condition de la vie qui est un combat qui recommence tous les matins quand nous nous levons.

Alexandre Vatimbella

samedi 22 juillet 2006

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Une politique de Juste Equilibre

Nous voilà au début de ce XXI° siècle qui suscita tant de fantasmes, d’angoisses mais aussi d’espoirs dans les générations précédentes. Et pourtant, notre monde n’a guère changé par rapport au « vieux » XX° siècle que nous pensons avoir définitivement laissé derrière nous avec ses formidables avancées technologiques et économiques mais également avec ses terribles et sans précédent accès de barbarie … Il faut dire que dans la plupart des pays du monde, le « XXI° siècle » ne veut rien dire, si ce n’est que l’Occident est passé d’un millénaire à l’autre parce qu’il se base sur un calendrier spécifique (avec comme point de départ la naissance de Jésus) dont, de surcroît, le calcul est erroné… Ceci pour rappeler que ce XXI° siècle est, bien évidemment, le fils naturel du XX° et que les questions qui se posaient « à cette époque » demeurent toujours d’actualité. Il n’y a pas eu de mur de séparation entre un « avant » et un « après » avec un an 2000 où, reprenant la vision idéaliste de certains romanciers de science fiction des deux siècles précédents, nous aurions pénétrés dans un monde de paix, de progrès infini, d’abondance et de bonheur où nous voyageons tous dans des voitures volantes !

Et pourtant, il est vrai, qu’en dehors des symboles, nous sommes sans doute entrés voici quelques décennies dans une nouvelle ère caractérisée par l’explosion des technologies de l’information et une accélération vertigineuse des échanges et des interactions internationaux. Ce qui n’est pas sans conséquence sur notre existence et notre place sur cette planète. Ainsi de nombreux « mondes » cohabitent, des civilisations se côtoient et se mélangent (grâce aux moyens de transport et d’informations ainsi qu’aux images). Paradoxalement ces univers semblent, dans le même temps, s’éloigner de plus en plus quant à leur niveau de développement (certains humains, les plus nombreux, sont dans un dénuement presque total où seule la question de la survie quotidienne a un sens, d’autres se trouvent dans une abondance et dans des questionnements métaphysiques et psychologiques de la « post-modernité » voire de « l’hyper-modernité »…) même si une frange nombreuse issue de pays asiatiques, de pays européens ex-communistes et de pays sud-américains rejoint à pas de géant le niveau de vie des populations des pays occidentaux. L’existence de ce paradoxe demeure malgré l’émergence depuis 60 ans d’une « culture mondiale » dont les référents seraient les baskets, les sodas gazeux et les films d’Hollywood où les particularismes locaux ne se contentent plus de les assimiler mais les détournent désormais pour en faire souvent des moyens de combat contre un « impérialisme vécu » (mais pas toujours démontrable) de l’Occident et, en particulier, des Etats-Unis d’Amérique.

De fait, l’économie se mondialise de plus en plus et les pays d’Europe, pris chacun individuellement, compte de moins en moins dans le « concert des nations », remplacés par d’autres comme la Chine mais aussi l’Inde (en attendant sans doute le Brésil) qui deviennent rapidement de vraies puissances économiques et politiques à part entière, même si de nombreux experts estiment que la « bulle chinoise » pourrait crever incessamment sous peu et que le miracle indien n’est peut-être pas aussi fantastique. Reste que, de toute manière, les accidents de parcours ne remettront pas en cause le développement à long terme de ces pays. Avec des problèmes cruciaux qui dépassent les simples délocalisations (ainsi que la « fin du modèle social européen ») et qui peuvent se résumer par cette expression familière « il n’y en aura pas pour tout le monde ». En effet, un des défis auxquels la planète devra faire face dans peu de temps concerne la répartition des matières premières et donc de la richesse. Si la croissance chinoise et indienne demeure soutenue, les experts estiment que, dans les années à venir, la production pétrolière suffira tout juste à étancher la soif d’or noir des Etats-Unis, de la Chine et de l’Inde (sans parler de l’acier, du charbon, etc.). Quid des autres pays ?! Comment ferons-nous si, entre temps, nous n’avons pas trouvé des gisements importants et des moyens de les exploiter rapidement ? Comment ferons nous si nous n’avons pas inventé de vraies énergies de substitution, si nous n’avons pas développé celles qui existent déjà comme les biocarburants, comme la gaz liquéfié ? Comment ferons-nous si nous ne parvenons pas à fusionner les atomes d’hydrogène comme le laisse espérer le projet Iter (International thermonuclear experimental reactor) ? Comment ferons-nous si nous ne nous décidons pas à revoir certains de nos modes de consommation, si nous ne produisons pas des biens moins « gourmands » d’or noir comme la voiture hybride mi-essence mi- électricité qui existe déjà ? Serons-nous obligés, nous autres Européens, d’aller nous servir de force (ou de tenter de le faire) ? Tout comme les autres pays et continents ? Ce service par la force s’appelle la guerre. Il faut en être conscient pour ne pas se retrouver demain sans autre alternative…

Une guerre qui pourrait éclater pour de multiples autres motifs. Un des plus évidents est l’eau potable. Dans peu de temps, les Etats-Unis - comme de nombreux autres pays - vont manquer d’eau. Au lieu de s’en inquiéter outre mesure, les autorités politiques américaines lorgnent déjà sur les réserves quasi-inépuisables du voisin canadien en l’appelant à une « solidarité » qui ressemble beaucoup à une injonction... Celui-ci a déjà prévenu qu’il ne saurait être pillé de son or bleu sans réagir. Mais que vaut la puissance armée du Canada devant celle des Etats-Unis dans une question aussi essentielle qu’est l’approvisionnement en eau potable. Sans eau, pas de vie… Espérons que nous serons capables de nous entendre et que de nouvelles avancées technologiques nous permettront de désaliniser l’eau de mer et de dépolluer l’eau des lacs et des rivières ainsi que des nappes phréatiques à des coûts acceptables (car toutes ces techniques existent déjà). Sur une planète où la surface est constituée à 70 % d’eau (dont malheureusement près de 98 % est de l’eau de mer), il serait absurde de mourir de soif. Et, pourtant, c’est une réalité quotidienne dans de nombreux pays pauvres…

Une guerre n’est pas inévitable, heureusement. Le génie créateur des êtres humains et un certain instinct de préservation peut l’éviter. Pour cela, il nous faut créer des interdépendances internationales et des relations de plus en plus étroites entre tous les peuples du monde. Pour cela, nous possédons un modèle : l’Union européenne. Car, quels que soient ses manquements, l’Europe unie a su démontrer, ad minima, que l’on pouvait s’entendre entre anciens ennemis afin de bâtir un avenir commun dans la paix et la coopération. Et c’est déjà énorme. Si les Etats-Unis veulent l’eau du Canada, pourquoi ne pas partager ce qu’ils ont et que le Canada n’a pas ? De même, pour le pétrole, entre l’Union européenne et la Russie. On peut décider en commun une répartition en même temps que des programmes ambitieux de substitution avec, concomitamment, des plans de réduction de la consommation au niveau mondial.

De toute façon, il faudra bien s’entendre pour éviter une catastrophe environnementale qui menace la planète tout entière. Et le plus tôt sera le mieux. Même si le pire n’est pas toujours sûr, nous devons prendre des mesures au niveau mondial afin de remettre en état l’écosystème mondial. Un écosystème peut-être pas aussi malade que veulent le faire croire des oiseaux de mauvais augure toujours prêts à jouer au catastrophisme mais, tout de même, bien mal en point. Il ne faudrait surtout pas s’en remettre au destin salvateur et en la croyance de la toute puissance de la race humaine pour relativiser la situation. L’histoire nous enseigne que des civilisations évoluées et brillantes ont disparu faute d’avoir réussi à gérer leurs ressources naturelles déclinantes et à prendre les bonnes décisions au bon moment. Un problème qui ne se règlera qu’avec l’accord et la participation de tous les peuples.

On voit bien que tout devient interdépendant au niveau mondial. Dès lors, il faut vite accélérer la mondialisation en lui donnant ce caractère politique qu’elle n’a pas assez aujourd’hui. D’autant que d’autres menaces planent sur nos têtes comme des épidémies mondiales ou des dérives totalitaires dangereuses pour une paix toujours fragile.

Le principal défi du XXI° siècle sera bien cette mondialisation politique et économique. Et cette mondialisation, il faut l’affirmer haut et fort, est une chance unique pour l’humanité tout entière afin de la sauver et de la projeter dans un monde de paix et de bien-être. Un monde où l’on pourra traiter la pauvreté mais aussi le chômage, la violence, les questions concernant la protection sociale et tous les problèmes qui assaillent chacun des pays de la planète. Vaste programme si l’on veut bien se rappeler que les humains ont consacré plus de jours à la guerre qu’à la paix dans leur histoire et que la majeure partie de ces humains vit encore dans des conditions extrêmement précaires avec une pauvreté qui, loin de s’éradiquer, croît même dans les pays développés où le pourcentage de ceux qui glissent dans l’extrême précarité augmente chaque année.

Une mondialisation, d’autre part, qui ne doit et ne peut pas faire peur aux Français qui en bénéficient tous les jours même si les médias et les contempteurs d’une ouverture sur le monde tentent d’en démontrer les effets dévastateurs. La France est un des pays occidentaux les plus ouverts et les plus préparés à la compétition mondiale. Bien sûr, notre pays ne peut en rester à ce constat et un formidable défi l’attend dans les années à venir. Pour paraphraser Winston Churchill, du sang, de la sueur et des larmes seront au rendez-vous. Mais depuis quand les êtres humains n’ont plus à se battre pour assurer leur avenir et celui de leurs enfants ? Depuis quand les situations acquises le demeurent pour l’éternité sans éveiller l’envie chez ceux qui sont en bas de l’échelle ? Depuis quand, notre planète est devenu le Paradis ? Il faut de la lucidité et du courage chez les politiques pour expliquer que tout se gagne, que tout s’est toujours gagné et que rien ne se garde sans effort.

L’obligation d’innovation
Le quotidien Herald Tribune posait, début 2005, cette question simple : « Qu’est-ce qui sera encore « Made in Europe » quand les enfants d’aujourd’hui auront grandi ? ». Question simple mais essentielle qui va conditionner notre avenir face, par exemple, au différentiel de coût de fabrication entre l’Europe et la Chine et l’Inde mais aussi parce que ces deux pays sont en train de former des élites qui n’auront rien à envier aux nôtres en matière de puissance créatrice si nous n’évoluons pas à leur rythme. La réponse, tout aussi simple et essentielle, est que cela dépendra de notre capacité à demeurer dans le peloton de tête en matière technologique, c’est-à-dire de notre capacité à créer et à innover. Car, quelle que soit la politique choisie en France et en Europe, celle-ci devra s’appuyer obligatoirement sur la nécessaire et incontournable innovation.

L’innovation représente à la fois un risque et l’indispensable ingrédient, non seulement, de la croissance économique mais aussi du progrès social ainsi que du développement d’une démocratie. En passant d’une économie de pénurie à une économie de croissance, en bâtissant une protection sociale de plus en plus sophistiquée, en réalisant une démocratie de plus en plus approfondie (toute société totalitaire voit d’un mauvais œil l’innovation, la création et la réforme), les pays développés se sont mis dans l’obligation d’innovation. Et la « globalisation » impose, dans un monde ouvert, interdépendant mais également en concurrence, cette incontournable innovation afin d’être en mesure de faire la course en tête, c’est-à-dire de pérenniser les acquis économiques, sociaux et politiques ainsi que de les dynamiser. Si ce n’est pas le cas, il faudra faire de douloureux ajustements…

Cette innovation demande, en matière économique, par exemple, la mise en place de centre de recherches, des incitations fiscales et des moyens pour la Recherche & Développement afin de développer de nouvelles technologies et les appliquer, une stratégie de rapprochement entre l’industrie et l’université, la création de pôles d’innovation ou « clusters » où se retrouvent les chercheurs, les universitaires et les start-up développant les technologies d’avenir. D’autant que, selon Christian Blanc (auteur d’un rapport intitulé « Pour un écosystème de la croissance ») l’alternative est simple : « Pour retrouver un avantage comparatif, notre économie a le choix : s’aligner sur le modèle asiatique ou faire le course en tête dans l’innovation ». Et il ajoute : « Plus que les handicaps fréquemment invoqués sur le poids de la fiscalité ou les coûts de production, la perception d’une France trop peu compétitive repose avant tout sur son faible positionnement dans le domaine de l’innovation ».

Une innovation que beaucoup de politiques semblent découvrir alors que l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950) avait déjà expliqué, il y a longtemps, la nécessaire revitalisation d’une économie de croissance par le processus de « destruction créatrice » qui veut que des activités anciennes disparaissent constamment pour laisser la place à de nouvelles. Et, il y a plus de trente ans, Jean-Jacques Servan-Schreiber écrivait déjà : « L’essor d’une économie moderne résulte essentiellement de son aptitude à créer l’innovation – à inventer sans cesse, par la recherche, des procédés moins coûteux, des produits plus adaptés, des réponses plus raffinées à des besoins diversifiés – puis à l’intégrer au processus de production ».

Cependant, décréter l’innovation n’a de sens que si l’on met en place les outils nécessaires à sa réalisation. Et ceux-ci doivent concerner tous les secteurs de la vie économique, sociale et politique.

Pour une politique de Juste Equilibre
Quelle politique pourra faire face au plus grand défi jamais posé à l’humanité en tant que communauté depuis qu’elle a réussi à maîtriser partiellement son environnement ? Une politique basée sur le respect, la tolérance, la solidarité et la liberté, des valeurs essentielles pour l’être humain qui, depuis une cinquantaine d’années, est en perte de repères facilement identifiables. Une politique centriste, une politique du Juste équilibre. Une politique que doit adopter la France pour se sortir de ses problèmes structurels et ne plus grever son avenir. Une politique que doit adopter l’Europe pour offrir un futur réellement attrayant aux peuples qui la composent. Une politique que doit adopter la communauté mondiale pour assurer son existence dans la paix et dans l’espérance d’un développement du bien-être partagé. Une politique qui nécessite une certaine révolution culturelle dans les pratiques politiques mais qui est la seule à pouvoir nous permettre d’envisager l’avenir avec confiance.

Penser le Centrisme et le Centre, c’est aller au-delà du positionnement central et d’un milieu entouré d’extrêmes qui renvoie à des « modérés » assez flous dans leurs idées politiques et au portrait assez fuyant. Car, le Centre n’est pas milieu mais équilibre. Un Juste équilibre, c’est ce qui définit sa politique, c’est-à-dire cette recherche constante de cette ligne où tel un fil-de-fériste, le Centrisme tangue avant d’avancer en ayant trouvé la bonne balance.

Cette vision dynamique et au-delà d’un simple partage des extrêmes - puisque définissant positivement un courant de pensée - ne fait pourtant pas fi de l’histoire politique, ni des hommes qui se sont positionnés au Centre. Ainsi, cette volonté constante de ne pas tomber dans la démagogie d’une idéologie promettant tout et n’importe quoi, cette vision d’une société apaisée où tout le monde trouverait sa place, cette revendication de la liberté comme fondement essentiel de la personne humaine mais aussi le rappel de la solidarité nécessaire dans une société qui unit les êtres humains sont des héritages que le Centre du Juste équilibre revendique, les succès comme les échecs qui ont jalonné depuis plus de deux cent vingt ans le parcours du centre politique.


Alexandre Vatimbella

samedi 1 juillet 2006

Actualités du Centre. 15 % de Centristes en France / 10 % de proches de l'UDF

Le Cevipof (Centre de Recherche Politiques de Sciences Po) vient de publier un nouveau baromètre politique à un an des élections présidentielles françaises. Celui-ci a vocation a été répété encore trois fois avant le premier tour (en septembre, novembre et janvier prochains). Ce baromètre, effectué auprès de plus de 7 000 personnes est un outil d'observation politique de grande qualité.
En ce qui concerne la vision du Centre par les FrançaisLe Cevipof (Centre de Recherche Politiques de Sciences Po) vient de publier un nouveau baromètre politique à un an des élections présidentielles françaises. Celui-ci a vocation a été répété encore trois fois avant le premier tour (en septembre, novembre et janvier prochains). Ce baromètre, effectué auprès de plus de 7 000 personnes est un outil d'observation politique de grande qualité.
- 15 % des personnes interrogées se disent au Centre.
- 10 % des personnes interrogées se disent  proches de l'UDF.
Un des points les plus surprenants est le faible pourcentage de personnes se positionnant au Centre par rapport aux estimations d'autres enquêtes d'opinion et de sondages. En réalit", le baromètre du Cevipof a introduit une nouvelle question sur ce positionnement alors qu'autrefois tous ceux qui répondaient qu'ils ne se situaient ni à Droite, ni à Gauche, étaient catalogués du Centre. Ce n'est plus le cas dorénavant. Et cette catégorie ni-ni continuent à prospérer puisqu'elle représente 37 %  des Français. Il s'agit de personnes qui n'ont plus confiance dans la politique et dans les politiques pour résoudre les problèmes qui se posent au pays..

vendredi 9 juin 2006

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Refus du réel, réformisme et conservatisme : changer le monde sans changer de monde

L’art du politique, c’est de concilier le désirable avec le possible.
(Aristide Briand)


Dans sa fable intitulée « Les quatre réformateurs », l’auteur de « L’Ile au Trésor » et de « Doctor Jekyll and Mister Hyde, Robert Louis Stevenson, conclut que pour réformer réellement le monde, il faudrait supprimer… l’humanité ! On le voit, le débat sur la difficulté de la réforme en politique ne date pas d’aujourd’hui et, au risque de détruire des images d’Epinal sur la « permanence » supposée des temps anciens et l’immobilisme de leurs dirigeants, la volonté de réformer a toujours existé. Rappelons, par exemple, que Richelieu se heurta à de multiples oppositions lorsqu’il voulut dépoussiérer l’Etat français en profondeur ce qui laissa inachevée sa volonté d’édifier une machine administrative moderne.

Au vu de l’impossibilité de cette action radicale prônée par l’écrivain écossais qui, il faut en convenir, éviterait bien des blocages, nous devons nous questionner sur ce qu’est la réforme, sur sa nature, sur sa nécessité sociale, sur sa réalité. Mais nous devons aussi nous interroger sur le fondement même de la légitimité de la réforme. Plus important, la réforme n’est pas la solution miracle. Ainsi, réformer n’est pas un bien en soi et conserver n’est pas une tare rédhibitoire.

Ce constat banal et de bon sens implique que nous répondions à cette question : que faut-il réformer et que faut-il conserver ? Qu’est-ce qui doit être changement et qu’est-ce qui doit être permanence ? Le manque de réflexion globale des politiques à ce sujet amène actuellement à des situations explosives. Et pour tenter de les désamorcer, fleurit, de tous côtés, une démagogie qui s’apparente à une lâcheté qui, tôt ou tard, mène à des impasses.

Tout cela parce qu’il ne faudrait pas effaroucher les Français qui seraient, soi-disant, viscéralement contre la réforme et génétiquement incapables de regarder en face et lucidement la situation de leur pays. On ne peut nier, c’est vrai, que les Français sont souvent dans le déni du réel en adoptant des comportements que l’on peut qualifier parfois d’aberrants. Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002 (et il faut l’espérer, pas à celle de 2007 !), le non à la constitution européenne, la mobilisation contre le CPE sont autant de manifestations d’une résistance au changement et du refus du monde qui nous entoure.

Cependant, dans une sorte de schizophrénie collective, un récent sondage montre que les Français sont très majoritairement conscients qu’il faut réformer. 93 % estiment même que les réformes sont urgentes ! Mais dans quel sens voient-ils ces réformes ? Tout est là. Reconnaître qu’il faut plus de flexibilité dans le monde du travail est courageux et responsable. Demander que toutes les protections sociales soient conservées voire augmentées laisse plus dubitatif.

Quoiqu’il en soit, cet apparent paradoxe mérite d’être pris en compte car, dans notre démocratie moderne, il ne suffit plus que le gouvernement gouverne et le parlement vote la loi, il faut aussi tenir compte de l’opinion publique et, surtout, de son évolution quasiment au jour le jour qui peut être déroutante. Est-ce un bien ou un mal ? Tout dépend de la réelle profondeur de ces mouvements d’opinion et de l’état d’information des citoyens lorsqu’ils s’expriment sur tel ou tel sujet.

Cette mise sous tutelle, voire cette neutralisation, de la décision politique par l’opinion publique peut être dangereuse puisqu’elle est susceptible d’engager, à la fois, le présent du pays et son avenir. Elle l’est d’autant plus que l’opinion publique peut s’exprimer sans aucune retenue puisque, comme nous ne sommes pas dans un système de démocratie directe, elle est par définition irresponsable, son pouvoir n’étant pas institutionnalisé. Sa responsabilité éventuelle ne sera engagée que devant l’Histoire. Autant dire qu’il sera trop tard pour éviter ses possibles conséquences négatives…

Les citoyens sont aujourd’hui attachés à un confort où les clivages droite-gauche ne jouent pas pour les séparer sur ce terrain. Peu de gens veulent en effet moins de protection sociale, moins de sécurité, moins de guichets à la poste, etc. Nous sommes dans une société où la demande de sécurité et d’assistanat est d’autant plus importante que l’offre est plus importante qu’auparavant grâce au formidable enrichissement de nos sociétés.

Revenir en arrière ou tout simplement figer les choses semblent impossible. D’autant que les gens n’ont plus confiance en l’avenir. Si demain n’est pas meilleur qu’aujourd’hui, pourquoi prendre des risques ? Il s’agit donc, pour réformer, de proposer une alternative et une vraie espérance. Mais, devant tant d’espoirs déçus, il est sûr que les citoyens ne sont pas prêts à se lancer dans le vide sans que les résultats précèdent leur changement de vision et l’évolution de leur position. C’est donc à une certaine quadrature du cercle que nous sommes confrontés…

L’absolue nécessité de la reconnaissance du réel
Mais revenons au réel. Pour pouvoir agir efficacement, le politique doit reconnaître son existence. Une de ses missions est de partager ce savoir sur le réel avec la population. Ce partage est une part importante de sa responsabilité politique. Il doit aussi savoir et faire savoir ce qui est modifiable de ce qui ne l’est pas.

Ce réel se confronte d’abord aux demandes des citoyens. Celles-ci sont évidemment paradoxales et contradictoires. Chaque électeur demande plus pour lui et moins pour les autres avec des exigences inconciliables (plus de services publics et moins d’impôts, par exemple).

Ce réel se confronte ensuite aux promesses des politiques, promesses faites en réponses à ces demandes. Promesses qui peuvent être sincères mais qui ont aussi pour but de fidéliser une clientèle en la flattant et ce, au-delà de toute innovation et, plus grave, de toute responsabilité. Cette façon d’agir se retrouve aussi dans les médias. Alors que les politiques devraient former les citoyens et les journalistes les informer, on se retrouve devant une configuration avant tout « clientéliste » : les politiques parlent à des électeurs, les journalistes à des lecteurs. Le lien n’est pas civique mais commercial. Dès lors, « vendre sa soupe » est plus important que d’éveiller une conscience politique.

Ce réel se confronte aussi aux possibilités des politiques, à leur capacités et leurs marges de manœuvres pour agir sur ce réel et le modifier par rapport à la demande de leurs électeurs.

Enfin, ce réel se confronte à la transcendance. Car la politique doit également insuffler un idéal et donner de l’espoir (à ne pas confondre avec la démagogie !). Cette dimension – ajoutée aux mythes et aux rituels nécessaires à la cohésion sociale – vient souvent (mais pas toujours) en contradiction avec le réel. Nous avons besoin de mythes fondateurs, de rêves d’espérance. Nous avons besoin de transcendance. C’est ce qui nous fait agir, nous, les êtres humains.

C’est pourquoi il est urgent, entre le principe de réalité, les demandes des électeurs et les promesses des politiques, de trouver un dénominateur commun pour que les promesses s’inspirent du principe de réalité ainsi que les demandes – souvent contradictoires – des électeurs.

Pour un « idéal pragmatique », moteur de l’action
Ce dénominateur commun, que l’on pourrait appeler un « idéal pragmatique », doit être élaboré démocratiquement. Il doit prendre en compte le réel en essayant de remédier aux dysfonctionnements de la société par des améliorations et, quand c’est possible, par des réformes. De même, il doit s’attacher à préserver du mieux possible ce qui fait consensus avec le soucis constant de demeurer dans la réalité. Pour appliquer les mesures qui en résulteront avec le moins de démagogie possible, il faut des politiques courageux et responsables. Alors, et seulement alors, le cercle pourra redevenir un cercle vertueux !

En résumé, pour savoir ce que nous pouvons réellement réformer, ce que nous devons changer et ce que nous devons garder, nous devons constamment en revenir au réel. Néanmoins, toute politique cohérente et réaliste, mêlant le plus efficacement possible conservatisme et réformisme, doit prendre en compte l’aspiration humaine à la transcendance, aspiration qui permet de réunir les énergies et d’avancer. Il faut donc poser toutes les questions sur la place publique avant de dégager un consensus.

Cependant, tant que les politiques ne s’appuieront pas sur le réel et n’en feront pas un élément central de leur action politique, il ne peut y avoir de politique efficace. Cela ne signifie pas qu’il faille complètement évacuer la part de rêve de la politique. Mais ce rêve ne peut remplacer la réalité au risque de provoquer de graves crises à périodes répétées.

In fine, au-delà du constat de ce monde, au-delà de la pensée politique, il y a l’action. Car, quel que soit le constat, quel que soit l’idéal, ceux-ci doivent se matérialiser dans l’action qui tendra vers l’idéal contre le constat – mais pas sans l’avoir fait - parce que la politique, c’est se confronter au réel afin de l’améliorer par rapport à son idéal. Et ce, quel que soit le résultat de l’action.

Cette action politique doit permette de bien gouverner. Et bien gouverner, c’est avoir des valeurs et prendre en compte la réalité pour agir avec les unes sur l’autre.

L’action politique véritablement efficace est un mélange étudié de réformes et de conservation dans le cadre d’une analyse du réel et de sa prise en compte. Parce que le monde est permanence, parce que le monde est changement, parce que le monde est tel qu’il est. Cette vision de l’action politique peut sembler manquer de panache mais elle est la plus courageuse. Point de rhétorique mensongère, point de promesses intenables, point de populisme enflammant. Non, juste une volonté de bien gouverner pour le bien de tous. Y a-t-il un politique prêt à relever ce défi du courage et de la volonté ?

La réalité ne s’enferme pas, en effet, dans les promesses. Dès lors, il faut s’interroger sur les programmes politiques électoraux. Promettre des choses intenables peut éveiller une dynamique. Cependant, celle-ci retombe très vite et alimente le ressentiment des citoyens et leurs visions du « tous menteurs » et « tous pourris ». Ne vaut-il pas mieux définir une ligne de conduite s’appuyant sur des valeurs fortes et une morale politique, ligne de conduite qui peut alors se confronter à la réalité et à ses fluctuations sans manquer à sa parole ? Une ligne de conduite qui pourrait prendre comme formule celle, fameuse, du président américain Andrew Jackson, « Droits égaux pour tous, privilèges pour personne ».

Nous serions alors dans la revalorisation du politique et dans l’action politique courageuse. Car, comme l’écrit le philosophe Clément Rosset, « Il est beaucoup plus difficile – et surtout plus courageux – d’améliorer le monde que de le jeter, tout entier, aux cabinets ». Et ne serait-ce pas une bonne manière de réconcilier les Français avec le politique ?!



Alexandre Vatimbella