mardi 4 juillet 2017

Actualités du Centre. Philippe se met dans les pas de Chaban-Delmas et Rocard

Edouard Philippe
Jacques Chaban-Delmas, premier ministre de Georges Pompidou, et Michel Rocard, premier ministre de François Mitterrand, auraient eu une place de choix dans l’axe central qui réunit les humanistes progressistes de droite, de gauche et du Centre.
On peut même dire qu’ils en ont été des précurseurs avec quelques autres, de Jean Lecanuet à Jacques Delors en passant par Simone Veil.

Ainsi, il n’est pas anodin que le premier ministre d’Emmanuel Macron ait commencé son discours de politique générale à l’Assemblée nationale afin d’obtenir la confiance de celle-ci en se mettant dans les pas et en rendant hommage aux deux hommes qui ont payé un prix politique fort pour avoir voulu dépassé et transcendé les clivages partisans obsolètes et qui divisent le pays souvent de manière totalement superficielle.

Dès lors, c’est un bien un gouvernement central et même centriste que Philippe est venu présenter aux députés avec cette volonté de créer une politique de juste équilibre, notamment dans le cadre d’une relation harmonieuse entre la liberté et l’égalité.

Le premier ministre s’est mis sous les auspices de la vertu pour accomplir sa mission: «je parle bien de confiance et pas de morale. Je ne serai pas l’arbitre des élégances, je crois au vieux mot romain de vertu, qui comprend rectitude et courage».

De même, il s’est dit confiant dans une politique progressiste: «malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste, la vie m’a appris qu’avec le temps, le progrès l’emportait toujours».




Actualités du Centre. Des maires LR et UDI souhaitent la réussite de Macron

Dans une tribune libre intitulée «Vu des territoires, le devoir de réussir», publiée par le quotidien l’Opinion le 3 juillet, vingt-deux maires appartenant aux partis LR et UDI et se rattachant à un mouvement baptisé «Territoires constructifs» estiment que la droite modérée et le Centre ne peuvent «espérer l’échec du gouvernement».
Cette tribune est signée, entre autres (voir l’ensemble des signataires plus bas) par Christophe Béchu, Jean-Yves de Chaisemartin, Jean Dionis du Séjour, Brigitte Fouré, Louis Giscard d’Estaing, Pierre Méhaignerie, Franck Reynier et Frédéric Valletoux.

- Le texte de la tribune:
Voilà six mois, la famille de la droite et du centre se rêvait en un groupe majoritaire écrasant à l’Assemblée nationale. Après une présidentielle ratée et à l’issue des législatives, le bilan est rude.
La défaite moins ample qu’annoncée ne doit pas faire oublier que, jamais sous la Ve République, la droite et le centre n’ont eu une représentation aussi faible à l’Assemblée. Le cataclysme électoral que nous venons de vivre, oblige chacun, au niveau national comme dans les territoires que nous représentons, à une réflexion sur ce qui s’est passé, sur ce qu’il advient et sur ce qu’il convient de faire.
Parmi les éléments du diagnostic, retenons les plus forts à nos yeux.
À droite comme à gauche, les primaires peuvent conduire à une radicalité invalidante : nonobstant l’affaire Pénélope, le projet porté par François Fillon était-il de nature à convaincre une majorité de Français ? N’ayant plus la force d’abandonner leur soutien à des chefs de file qui reviennent sur leur parole, les partis ont perdu leur crédibilité. Ils ne savent plus attirer de nouveaux adhérents, ni suffisamment intégrer les forces de la société civile. Il nous faut tenir compte du désamour dont nos formations politiques sont victimes et coupables.
Emmanuel Macron a été élu pour bien des raisons, parmi lesquelles notre propre faiblesse. L’ancienne forme militante a été bousculée par des formes plus agiles et peut-être plus éphémères ; le dynamisme a payé. Mais enfin, la double crise de notre système partisan et de notre système représentatif aurait pu connaître des conséquences plus dramatiques. Nous n’avons pas élu un Donald Trump et nous n’avons pas voté pour un Brexit.
Vu de l’extérieur, ce rassemblement est d’abord un enthousiasme, l’énergie première de la politique
Large rassemblement. Avec l’élection d’Emmanuel Macron, avec la nomination d’Edouard Philippe, le tableau de la vie politique française a quelque chose de changé ; des éléments indéfinissables obligent à modifier notre point de vue. Le clivage droite-gauche semble dépassé, au moins pour un temps. Le macronisme appelle encore sur bien des points une clarification idéologique, mais il pose les bases d’un large rassemblement.
Vu de l’extérieur, ce rassemblement est d’abord un enthousiasme, l’énergie première de la politique. Ensuite, il paraît être le rendez-vous des réformateurs, de tous ceux qui refusent la sinistrose. Vu de nos mairies, de nos territoires, la figure d’Édouard Philippe, maire du Havre, rassure. Vu de nos familles politiques, nous devons convenir que, malgré quelques divergences, nous sommes d’accord avec une large part du projet. Tout cela rend l’opposition tactique incompréhensible, voire mesquine. On ne peut pas espérer l’échec du gouvernement.
Nous devons donner une chance à ce nouveau destin. Les formes politiques restent à préciser, mais l’état d’esprit est clair : soyons constructifs
Que le FN ou La France insoumise s’opposent sur des bases politiques ou idéologiques, soit. Mais une opposition à Emmanuel Macron qui viendrait d’anciens soutiens d’Alain Juppé aurait-elle un sens ? On comprend que certains jugent que leur devoir est de préparer l’alternance demain ; ils comprendront que le nôtre pourrait être de réussir aujourd’hui.
Nous devons donner une chance à ce nouveau destin. Les formes politiques restent à préciser, mais l’état d’esprit est clair : soyons constructifs.
Constructifs car personne ne veut que la France perde encore cinq ans. Constructifs car nos concitoyens attendent des résultats concrets pour améliorer leur vie quotidienne. Constructifs au point d’espérer la réussite du quinquennat et celle du gouvernement. Constructifs aussi à hauteur de la crise de la représentation et des difficultés économiques du pays. Constructifs car le renouvellement des méthodes politiques est indispensable au retour d’une société de confiance. Constructifs car rien ne sera réglé facilement.
Bonnes volontés. Cela ne signifie pas donner un blanc-seing, ni être d’accord sur tout. Le programme du quinquennat doit être renforcé et parfois repositionné sur des axes fondamentaux dont certaines des réformes fiscales ou le rétablissement d’une autorité bienveillante qui est d’abord une autorité. Le respect de nos règles de vie collective est l’une des conditions pour que le «vivre ensemble» soit autre chose qu’une incantation. Si le projet d’une «France start-up» porté par le principe d’efficacité nous convient, il faut rappeler que les principes d’inclusion et d’équité restent la quille du navire sociétal. Nous l’éprouvons au quotidien dans les territoires que nous représentons.
Nous voulons tirer les leçons de nos échecs et participer à la modernisation de la vie politique. Nous saluons la création d’un groupe «LR constructifs – UDI – Indépendants» à l’Assemblée nationale et nous pensons que la démarche doit aller au-delà. Le non-cumul des mandats éloigne les parlementaires des territoires ; les élus locaux devront également être écoutés. Nous souhaitons un dialogue constructif avec le gouvernement. Avec notre sensibilité, avec parfois nos réserves, nous sommes prêts à soutenir toute initiative utile. N’en doutons pas, les difficultés qu’il faudra bientôt surmonter appellent des bonnes volontés partout dans le pays.

- Les signataires de cette tribune:
Christophe Béchu est maire LR d’Angers et sénateur du Maine-et-Loire ; Arnaud de Belenet est maire LR de Bailly-Romainvilliers, président de Val d’Europe et conseiller départemental de Seine-et-Marne ; Xavier Bonnefont est maire LR d’Angoulême ; Jean-Yves de Chaisemartin est maire UDI de Paimpol et vice-président du conseil départemental des Côtes d’Armor ; Alain Chrétien est maire LR de Vesoul et président de la communauté d’agglomération de Vesoul ; François Decoster est maire UDI de Saint-Omer et vice-président de la Région Hauts-de-France ; Vincent Delahaye est maire UDI de Massy et sénateur de l’Essonne ; Jean Dionis du Séjour est maire UDI d’Agen et président de la communauté d’agglomération d’Agen ; Dominique Faure est maire UDI de Saint-Orens de Gameville ; Brigitte Fouré est maire UDI d’Amiens et vice-présidente de la Région Hauts-de-France ; Louis Giscard d’Estaing est maire UDI de Chamalières; Patrick Leclerc est maire de Landerneau; Frédéric Leturque est maire UDI d’Arras et vice-président de la Région Hauts-de-France ; Pierre Méhaignerie est maire UDI de Vitré et président de Vitré Communauté ; Nicolas Méary est maire UDI de Brétigny-sur-Orge et vice-président du conseil départemental de l’Essonne ; Jean-Paul Michel est maire UDI de Lagny-sur-Marne et président de Marne-et-Gondoire, François-Xavier Priollaud est maire UDI de Louviers et vice-président de la Région Normandie ; Franck Reynier est maire UDI de Montélimar et président de Montélimar Agglomération ; Alexandra Rosetti est maire UDI de Voisins-le-Bretonneux​; Marie-Hélène Thoraval est maire LR de Romans-sur-Isère ; Frédéric Valletoux est maire LR de Fontainebleau et conseiller régional d’Ile-de-France ; Francisque Vigouroux est maire UDI d’Igny.


Actualités du Centre. Discours d’Emmanuel Macron au Congrès et réactions des groupes centristes

Emmanuel Macron au Congrès à Versailles
Voici l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron, Président de la République, délivré lors du Congrès réuni à Versailles le 3 juillet 2017.

Il est suivi des réactions des groupes centristes à l’Assemblée nationale et au Sénat.



 Discours d’Emmanuel Macron, Président de la République

«En son article 18, la Constitution permet au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en congrès. Il est des heures qui, de cette possibilité, font une nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là. Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la force en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des institutions que je veux changer et des principes d’actions que j’entends suivre.

I. Ce sont mille chemins différents qui nous ont conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir. Et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la source : le simple amour de la patrie. Certains font de la politique depuis longtemps ; pour d’autres, au nombre desquels je me range, c’est loin d’être le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez, selon vos convictions, le gouvernement que j’ai nommé. Mais à la fin nous savons tous que quelque chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage. Oui, le simple amour de la patrie - que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de Haute Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à travailler, dans les déserts industriels, mais aussi dans la gaieté surprenante des commencements. De cet amour nous tirons tous, je crois, la même impatience, qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de cette même origine. Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs d’une circonscription, ne change rien à sa force. Qu’il ait été porté par le suffrage direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature. Qu’il ait été obtenu voici un certain temps déjà, ou bien récemment à l’issue d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes, ne change rien à l’obligation collective qui pèse sur nous. Cette obligation est celle d’une transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles ou avec les années agitées – toutes au résultat également décevant. C’est par cette voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué, la confiance en nous, la force nécessaire pour accomplir nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le peuple français, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour enfin le réconcilier avec lui-même. En vous élisant, dans votre nouveauté radicale, à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à l’égard de ce monde politique fait de querelles stériles et d’ambitions creuses où nous avions vécu jusqu’alors. C’est à une manière de voir la politique qu’il a donné congé. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes nouveaux, les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance profonde. Je suis sûr que vous en êtes tous aussi conscients que moi. Et je sais bien, aussi, que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par nature aux mouvements du temps, les espoirs nouveaux que l’expression du suffrage universel direct a fait naître. Etre fidèle à ce que le peuple français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence renforcée, une dignité particulière. Les mauvaises habitudes reviennent vite. Marqués par une époque de cynisme, de découragement, et j’ose le dire de platitude, nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de les démentir. Et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui attendent, qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas voté. Tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité de leurs dirigeants politiques ont conduit vers des choix extrêmes, d’un bord ou de l’autre de l’échiquier politique, et qui sont des choix dont la France, dans sa grandeur comme dans son bonheur, n’a rien à attendre. Ce mandat du peuple que nous avons reçu, quel est-il exactement? Pour le savoir, il faut sortir de ce climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant. Il y faut un effort parce que ces faux procès sont nombreux. S’agit-il de réformer le droit du travail, pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en ont pas? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de l’univers mondialisé ou de satisfaire au diktat de Bruxelles. S’agit-il de réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de nos renoncements? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social. S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous bradons nos libertés. Eh bien, rien de tout cela n’est vrai. Derrière tous ces faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop longtemps notre débat public : le déni de réalité, le refus de voir le réel en face. L’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire. Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple français est plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien. Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes. Ce mandat du peuple, donc, quel est-il?

A. C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes et les dérèglements du monde. Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont extrêmement puissantes. Aliénation à la nouvelle division du travail qui s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres et des emplois. Aliénation à la misère, à la pauvreté, ou même seulement à l’insatisfaction, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde, qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soit la sienne dans la société. Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette publique. Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires en ordre. Aliénation à la terreur islamiste, si nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui céder de nos valeurs, de nos principes. Aliénation de notre avenir, si nous ne parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la planète. Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les aliments que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, nous sont imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition internationale devenue anarchique. Je crois fermement que sur tous ces points, le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.

B. Mais c’est aussi le mandat du projet progressiste, d’un projet de changement et de transformation profonds. Nos concitoyens ont fait le choix d’un pays qui se remette en marche. Ils l’ont fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien, que, dans un monde bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie créatrice la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse, se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur collectif. Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne, celle du Gouvernement et la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle est dévolue à tous, chacun pour sa part. La France possède des trésors de créativité et des ressources inépuisables. En disant cela je ne pense pas seulement à nos médailles Fields, à nos prix Nobel, aux grands artistes, aux grands chercheurs, aux créateurs d’entreprises, aux grands serviteurs de l’Etat, civils et militaires. Je pense à chaque Française, à chaque Français, soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui. Elle est là, la vraie richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité où il y avait de la division. De redonner à ceux qui sont exclus la simple dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national. De permettre à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs projets. De rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font. Le mandat du peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même, c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accommode d’aucune exclusion. Seulement voilà: jusqu’ici, nous avons fait fausse route. Nous avons préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que par ses choix récents notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement nouvelle. Je refuse de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité il faudrait renoncer à l’excellence, pas plus que pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences. De faire tout cela, en quelque sorte, "en même temps". Cette voie désoriente tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il en est ainsi à chaque période de renouveau et nous n’avons pas à nous en inquiéter. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les porteurs.

C. Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la confiance et de la transparence. Nous sommes un vieux peuple politique. La politique est importante pour nous. Et c’est parce qu’elle l’est que les Français avaient fini par s’exaspérer de voir l’espérance confisquée par des professionnels.. Vous êtes aujourd’hui, ici, l’expression de ce désir de changement qu’il nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi porter sur les comportements. Il ne peut y avoir de réforme sans confiance. Il ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître comme le monde des petits arrangements, à mille lieues des préoccupations des Français. La loi que le gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre but. Nous avons déjà changé depuis plusieurs années et nous avons changé en bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal autrefois, l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêt, tout ce qui relève de la corruption ordinaire, presque impalpable. Pour autant, nul n’est irréprochable. Car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige, la perfection n’existe pas. Oui, nous voulons une société de la confiance. Pour cela une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour. Mais nous voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon généralisés, qui était jusque-là la conséquence de l’impunité de quelques puissants, ne nous plaît pas davantage. La loi du gouvernement sera votée, je n’en doute pas. Mais après qu’elle l’aura été, j’appelle à la retenue, à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites, et où la reconnaissance de l’innocence, des mois, des années plus tard, ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation initiale. Cette frénésie est indigne de nous et des principes de la République.

D. Le mandat du peuple, c’est enfin le mandat de la fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de rester fidèle à l’histoire de la France. Encore faut-il s’entendre sur le sens que l’on donne à ces mots. Ces dernières années, l’histoire a été prise en otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et celle de la repentance, l’histoire identitaire et l’histoire multiculturelle, l’histoire fermée et l’histoire ouverte. Il n’appartient pas aux pouvoirs, exécutif ou ou législatif, de décréter le roman national, que l’on veuille lui donner une forme "réactionnaire" ou une forme "progressiste". Cela ne signifie pas que l’histoire de France n’existe pas. Qu’il ne faut pas en être fier tout en regardant lucidement ses coins d’ombres et ses bassesses. Mais pour nous, elle doit prendre la forme, non d’un commentaire, mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du passé, nous en nourrir et les prolonger. Et à la fin, nous aussi, nous aussi nous aurons fait l’histoire, sans nous être réclamés abusivement de ce qu’elle pourrait être, mais en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le meilleur. C’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser que toute nouveauté est forcément bonne. Ce n’est pas d’épouser toutes les modes du temps. C’est, à chaque moment, pas après pas, de discerner ce qui doit être amendé, corrigé, rectifié, ce qui doit être à certains endroits plus profondément refondé, ce qui manque à la société pour devenir plus juste et plus efficace, ou, plus exactement, plus efficace parce que plus juste, plus juste parce que plus efficace. C’est une éthique de l’action et de la responsabilité partagée. C’est la fidélité à notre histoire et à notre projet républicain en acte. Car la République, ce n’est pas des lois figées, des principes abstraits. C’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, chaque jour resculpté et repensé à l’épreuve du réel. L’action politique n’a de sens que si elle est accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son destin, de sa valeur indépassable et de sa grandeur. Cette idée, la France la porte depuis longtemps. Rien d’autre ne doit compter à nos yeux. Ce n’est pas la société des entrepreneurs que nous voulons, ou la société de l’équilibre des finances publiques, ou la société de l’innovation. Tout cela est bien, tout cela est utile. Mais ce ne sont que des instruments au service de la seule cause qui vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis bien longtemps. Et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre nous, et ici même, sur les moyens. Mais je suis sûr que nous ne différons pas sur ce but, et le savoir, et nous le rappeler sans cesse, devrait rendre à notre débat public cette dignité et cette grandeur, qui sur fond de tant d’abandons et d’échecs collectifs, lui ont cruellement manqué ces dernières années. C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire notre politique pour les cinq ans qui viennent. Vous l’aurez compris, vous le savez déjà, intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et de demi-mesures. Les Français ne sont pas animés par une curiosité patiente, mais par une exigence intransigeante. C’est la transformation profonde qu’ils attendent. Qu’ils espèrent. Qu’ils exigent. Ne la redoutons pas. Embrassons-la au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous en connaissez les jalons, sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements seront tenus. Les réformes et ces transformations profondes auxquelles je me suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, que j’ai nommé afin qu’il en soit le dépositaire à la tête du gouvernement, en présentera la mise en œuvre dans son discours de politique générale.

II. Tout cela ne sera possible que si nous avons une République forte. Il n’est pas de République forte sans institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux crises et aux turbulences. Elles ont démontré leur solidité. Mais comme toutes les institutions, elles sont aussi ce que les hommes en font. Depuis plusieurs décennies maintenant, l’esprit qui les a fait naître s’est abîmé au gré des renoncements et des mauvaises habitudes. En tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois principes: l’efficacité, la représentativité, et la responsabilité.

A. Il faut du temps pour penser la loi. Du temps pour la concevoir, la discuter et la voter. Du temps aussi pour s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la prolifération législative. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et, certainement, de son sens. Telles circonstances, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur. Car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels, et pour donner un cap. Elle accompagne de manière évidente les débuts d’un mandat, mais légiférer moins, c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation inédite. C’est cela, le rôle du Parlement. Légiférer moins, c’est mieux allouer le temps parlementaire. C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation. Voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste du Parlement. Nos sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour qu’un texte de loi produise ses pleins effets sans se heurter au principe de réalité. La voix des citoyens concernés par les textes que vous votez ne saurait être perçue comme attentatoire à la dignité législative. Elle est la vie, elle est le réel. Elle est ce pour quoi vous œuvrez. Bien s’assurer de la pertinence d’une loi et de ses effets dans le temps pour la corriger ou y revenir est aujourd’hui devenu une ardente obligation. Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’une évaluation complète de tous les textes importants, comme aujourd’hui celles sur le dialogue social ou encore sur la lutte contre le terrorisme dont nous avons récemment jeté les bases, soit menée dans les deux ans suivant leur mise en application. Il est même souhaitable qu’on évalue l’utilité des lois plus anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger les lois qui auraient par le passé été trop vite adoptées, mal construites, ou dont l’existence aujourd’hui représenterait un frein à la bonne marche de la société française. Enfin, le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre au travail parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite. Songez à l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des droits d’auteurs, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité nationale. Il faut qu’au temps long du travail législatif soit ajoutée la faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée. Je pense même que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en commission. Tout cela doit être sérieusement étudié. Je n’ignore rien des contraintes qui pèsent sur vous. Le manque de moyens, le manque d’équipes, le manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre : la réduction du nombre des parlementaires. Un Parlement moins nombreux, mais renforcé dans ses moyens, c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux. C’est pourquoi je proposerai une réduction d’un tiers du nombre de membres des trois assemblées constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets favorables sur la qualité générale du travail parlementaire. Les Français, pour leur majeure partie, en sont également certains. Cette réforme, qui devra être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République, n’a pas pour but de nourrir l’antiparlementarisme, au contraire. Elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids. Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à- vis du Parlement. C’est pourquoi j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma première expression politique depuis mon élection. Trop de mes prédécesseurs se sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action ni d’avoir exposé le cap de leur mandat. Trop d’entre eux aussi ont pris des initiatives dont le Parlement n’était que secondairement informé pour que je me satisfasse d’en reconduire la méthode. Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous rendre compte. Si la considération et la bienveillance que cela traduit à l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable, c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du Président de la République une conception vague que masquent mal l’arrogance doctrinaire ou le sectarisme. Il est toujours préoccupant que des représentants du peuple se soustraient aux règles de la constitution qui les a fait élire. Sieyès et Mirabeau ne désertèrent pas si promptement le mandat que leur avait confié le peuple. Le Président de la République doit fixer le sens du quinquennat et c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au Premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps. C’est à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres, de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens. C’est pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs clairs dont annuellement ils me rendront compte ainsi qu’au Premier ministre. De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La réduction que j’ai voulue à dix du nombre de collaborateurs de cabinet comme le renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répond à cette priorité. Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration disposant de la pleine confiance du gouvernement la connaissance directe de la politique de leur ministre, et ainsi d’en faciliter la conduite. Soumis eux-mêmes à l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions de mise en œuvre de leur politique. Je veux une administration plus déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les territoires les moyens d’agir et de réussir. Car à la fin notre démocratie ne se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le réel.

B. Le souci d’efficacité ne suffira pas à rendre à notre démocratie l’oxygène dont trop longtemps elle fut privée. S’il faut en finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien avec la République du souffle court, des petits calculs et de la routine. Nous ne retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le changement que pour les autres mais pas pour elles. La réalité est plurielle, la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui s’affaiblissent dans l’entre soi. Nous avons fait entrer ici la grande diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements. Nous ne l’avons pas composée comme un nuancier savant : nous avons simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait l’accès. Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage. Mais parce que c’est la dignité du débat démocratique et votre ardente responsabilité. La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées. C’est à cette même fin que nous limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Car il s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous la pression de l’exaspération citoyenne mais deviendra le rythme normal de la respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie. Il est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les situations acquises quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner le mouvement vivant de la société française. Le Conseil Economique, Social et Environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue constructif et de propositions suivies d’effets. Cette intention fondatrice s’est un peu perdue. Je souhaite qu’on renoue avec elle. Le CESE doit devenir la Chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation. Pour cela nous devons revoir, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers, de fond en comble les règles de sa représentativité. Celle-ci étant acquise, nous ferons de cette assemblée le carrefour des consultations publiques. L’Etat ne travaille pas, il ne réforme pas, sans consulter. L’actuel CESE doit pouvoir devenir le forum de notre République. Il réunira toutes les sensibilités et toutes les compétences, du monde de l’entreprise et du travail, des entrepreneurs et des syndicats, des salariés comme des indépendants, donnera un lieu d’expression aux associations et aux ONG, et deviendra ainsi pour l’Etat la grande instance consultative qui fait aujourd’hui défaut. Dans le même temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions des Français puissent être présentées à la représentation nationale. Là aussi, il en va de la représentativité de notre démocratie. Une représentativité qui ne vivrait pas seulement une fois tous les cinq ans mais au quotidien dans l’action du législateur. Fondé sur une représentativité plus grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique et plus particulièrement le débat parlementaire retrouveront leur vitalité. Le désir d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos institutions et il rejoindra cet autre principe souverain dont trop souvent nous nous sommes départis, celui de responsabilité.

C. Une activité parlementaire revivifiée par un cap clair, des débats mieux construits, des impacts évalués, des procédures adaptées aux objectifs, c’est un Parlement plus apte à exercer sa mission de contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif est affaiblie. Je souhaite qu’au Parlement la majorité comme les oppositions puissent avoir encore davantage de moyens pour donner un contour et une exigence à la responsabilité politique de l’exécutif. Les ministres eux-mêmes doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires. C’est pour cette raison que je souhaite la suppression de la Cour de Justice de la République. Il faudra trouver la bonne organisation mais nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception. Faire vivre la responsabilité partout dans nos institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite que nous accomplissions enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, et en limitant l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet. A tout le moins ce conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces magistrats. C’est un changement profond des pratiques que j’appelle de mes vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et constitutionnelle que cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Madame la Garde des Sceaux, à Monsieur le ministre de l’Intérieur et aux présidents des deux chambres de me faire pour l’automne des propositions concrètes permettant d’atteindre cet objectif. Je souhaite que la totalité des transformations profondes que je viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement besoin soit parachevée d’ici un an et que l’on se garde des demi-mesures et des aménagements cosmétiques. Ces réformes seront soumises au vote du Parlement mais si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum. Car il s’agit ici de rien moins que retisser entre les Français et la République le rapport qui s’est dissous dans l’exercice mécanique du pouvoir. En faisant progressivement du mandat électif un statut, nous avons effacé ce qui en est la nature profonde : le lien avec le citoyen. Je ne parle pas de cette proximité avec l’électeur que je sais souvent réelle et sincère. Je parle de ce lien politique qui naît de l’élection et crée entre l’électeur et l’élu un pacte, un contrat – pas seulement moral, mais politique au sens le plus fort de ce terme, c’est-à- dire exprimant le sens même de la citoyenneté. Je veux réveiller ce sens du pacte civique. Je veux que l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre partagé entre le mandataire et le mandant, et non au fil des circonstances. C’est cela, le sens de ce contrat social qui fonde la République, et dont le sens s’est tellement perdu. La politique ici rejoint la morale. Ce que nous ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de confiance. Nous savons tous combien notre France est diverse et combien est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action. La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir. Conjurons cette peur. Osons expérimenter et déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins, fondés sur la confiance et sur la responsabilité. Nombre de nos territoires l’attendent. La conférence des territoires qui sera bientôt lancée et sera conduite par le Premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais aussi de trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales, et de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales. Et je pense en particulier aux collectivités d’outre-mer qui doivent avoir tous les moyens pour réussir. C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République contractuelle que d’ores et déjà nous faisons avancer dans la société et le monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la réalité de l’entreprise une capacité plus grande à en réguler le quotidien, non dans le rapport de force, mais dans un cadre convenu et partagé. Nous savons tous que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile supportable. La France a vécu assez d’épreuves et connu assez de grandeurs pour n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En retrouvant l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout entière le sentiment de retrouver la maîtrise de son destin et la fierté de reprendre en main le fil de son histoire. C’est la condition même de la réconciliation de notre pays.

III. Pour être au rendez-vous que le Peuple nous a donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi j’aurai besoin pour notre République de la mobilisation de tous autour de quelques grands principes d’action. Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement. C’est la tâche du Premier ministre et je n’égrènerai pas ici tous les secteurs les métiers et les territoires. Que chacun sache néanmoins que ces grands principes valent pour tous.

A. Le premier doit être la recherche d’une liberté forte. En matière économique, sociale, territoriale, culturelle, notre devoir est d’émanciper nos concitoyens. C’est-à-dire leur permettre de ne pas subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir. De pouvoir "faire" là où trop souvent nos règles entravent au prétexte de protéger. Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objectif à la fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique. Trop de nos concitoyens se sentent encore prisonniers de leurs origines sociales, de leur condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or l’enclavement, l’isolement, l’absence d’accès aux transports assignent à résidence des millions de nos compatriotes. La liberté forte que nous avons à bâtir, c’est ce combat pour les mobilités physiques et numériques, afin que nul de nos territoires ne soit exclu du progrès et de l’accès. C’est le combat de la mobilité économique et sociale par le travail et par l’effort pour tous nos concitoyens, quel que soit leur quartier, leur prénom et leur origine. C’est le combat pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes. Ce beau combat dont notre pays a perdu il y a quelques jours une figure essentielle en Madame Simone Veil. La liberté forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la liberté est ce qui réconcilie liberté et égalité, justice et efficacité. La liberté d’expérimenter, mais aussi la liberté de se tromper sont des libertés qui restent à construire. On n’embarque plus dans son existence pour un voyage au long cours. Nos vies sont explorations, tentatives, recherche. Sachons inventer cette liberté-là avec les nouvelles protections individuelles qui vont avec, en assurant l’éducation, la formation et les sécurités utiles aux grandes étapes de la vie pour pouvoir construire une existence. C’est tout le sens des transformations économiques et sociales profondes que le gouvernement aura à conduire dans les prochains mois: libérer et protéger, permettre d’innover en construisant une place pour chacun. Vouloir la liberté forte en ces temps de terrorisme, c’est assurer la sécurité de chacun et garantir le plein respect des libertés individuelles. Je veux ici vous parler avec franchise du terrorisme islamiste et des moyens de le combattre. Que devons-nous aux victimes? Que devons-nous à ceux qui sont morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces assassinats marqués du sceau de la lâcheté, de la bêtise et de l’aveuglement? Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration. Nous leur devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs et à nos principes. Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire. D’un côté, je rétablirai les libertés des Français en levant l’état d’urgence à l’automne, parce que ces libertés sont la condition de l’existence d’une démocratie forte. Parce que les abandonner c’est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps les adversaires de la démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que si elle voulait combattre il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C’est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes ni en termes d’efficacité. Mais d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles devront viser explicitement les terroristes à l’exclusion de tous les autres Français. Elles comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées sous la surveillance du juge judiciaire, dans le respect intégral et permanent de nos exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté. La démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec d’autant plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous constitue. J’en prends l’engagement devant vous, et, au-delà, devant le peuple français. Rappelons-nous que c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été écrite et votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit que l’autorité judiciaire est la gardienne de nos libertés. Montrons-nous dignes de la fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves. Enfin, la liberté forte c’est toujours, en France, la liberté de conscience. C’est-à- dire la liberté intellectuelle, morale, spirituelle. De cette liberté, la France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés. Elles sont au cœur de mon action car, en cette matière, rien n’est jamais acquis. Les progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des Lumières. La laïcité en est l’indispensable corollaire. A ces principes et à ces ambitions, la République a su ne rien céder car ils sont la condition même de l’autonomie de nos concitoyens. De cette culture libérale, ouverte, généreuse, nous devons refaire ensemble la singularité de la France car c’est par là que toujours elle sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture française doivent occuper une place éminente, associant tous les Français de métropole et d’outre-mer.

B. Cette liberté ne se tiendrait pas si notre deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre fraternité. Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante-cinq millions d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible précisément car ce qui le tient est plus fort que des règles ou des organisations. C’est un engagement chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais abstraite et froide mais qu’elle n’est  pleine et entière que par ce lien fraternel qui nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur. L’un des drames de notre pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible pour ceux que les dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en permanence sur les marges. Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’actions, sans nous laisser arrêter par de vieilles habitudes, en associant l’Etat, les collectivités, les associations, les fondations, toutes les entités qui, privées ou publiques, œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes. Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de tous. La représentation nationale y trouvera un enjeu, un défi, à sa mesure, à votre mesure. Ne vous y trompez pas. Cette question est la plus profonde, la plus sérieuse qui soit. Notre société de la compétition et de l’efficacité est menacée à chaque instant de perdre son humanité, de perdre son âme. Pourquoi ? simplement parce qu’elle est portée à considérer les personnes non selon leur dignité intrinsèque, mais selon leur utilité sociale, et de manière tout aussi grave, en sous-estimant l’utilité sociale qu’elles peuvent avoir. Ainsi les plus jeunes sont mis indéfiniment à l’épreuve, les plus âgés, au rebut. Les chômeurs sont pointés du doigt. Mais ce sont aussi les réfugiés, vus comme un fardeau et non comme une chance. Les détenus, qui sont oubliés dans des prisons dégradées, sans espoir d’amendement. Les exclus, les sans-abris, qui sont vus comme des problèmes plus que comme des humains. Les personnes en situation de handicap, réduits à leur apparence au mépris de leur vie. C’est la « part maudite » de notre société, pour reprendre la belle formule de Georges Bataille, qui dit tant de ce que nous sommes. Le regard que la société jette sur eux est bien le même : c’est, en vérité, une absence de regard. Nous passons sans les voir. Nous refusons même jusqu’au témoignage de leur fragilité. Je voudrais le dire avec force : cela n’est pas digne de nous. Cette France nouvelle que nous voulons faire advenir, elle est la leur autant que la nôtre. Il nous faut nous en souvenir, et, chacun où le suffrage nous a placés, penser en conséquence l’action politique que nous avons à définir. Car en définitive, le sentiment d’appartenance existe moins qu’avant. Nos sociétés modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des égoïsmes, des idées de chacun. Mais là encore il nous revient, dans l’action politique, de résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui sont à l’œuvre et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en donne les moyens. L’appartenance ne se décrète pas. Aussi cette solidarité doit-elle trouver des formes concrètes. L’école en est le premier creuset. Notre université ensuite. Notre culture. Ce sont là les formes concrètes de ce qui nous unit et ce qu’il nous faut . La langue, l’accès au savoir et à l’éducation, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un peuple. Face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons savoir forger un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place. Enfin, il y a le service national que j’ai proposé. Il faut que les jeunes Français réapprennent à se connaitre et j’ose le dire à s’aimer, au-delà des différences d’origine, de milieu, de métier. Et il faut qu’ils réapprennent, au contact de ces actions essentielles de l’Etat que sont la défense, la sécurité civile ou l’action humanitaire et civique, que notre démocratie ne vaut que par l’exercice de notre citoyenneté, et ne dure, dans sa beauté, dans sa grandeur, dans les valeurs qu’elle défend, que par l’engagement personnel de chacun. Il faut que notre jeunesse puisse apprendre de ceux qui parmi elle ont fait le choix du dévouement et du courage, au péril parfois de leur vie.

C. Le troisième principe d’action de notre mobilisation, c’est l’intelligence française. Par intelligence je pense évidemment aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs ; je pense aux écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force ; je pense aux peintres ou aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique. Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous y parviendrons qu’au prix d’un véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple, continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile, tout en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre, la persécution politique, religieuse, ethnique et sexuelle. Ceux qu’on appelait en 1946 les combattants de la liberté. Redonner sa place à l’intelligence française c’est faire de notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde. Le lieu où se concevra et se créera une société qui retrouve ses équilibres : la production et la distribution plutôt que l’accumulation, l’alimentation saine et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions. Redonner sa place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Ce ne sont pas les Français qu’il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public, c’est l’Etat lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, dans le droit du travail en particulier. Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’Etat, de ses mécanismes de vérification et de contrôle. C’est de leur redonner, et à eux seuls, les moyens de peser efficacement sur leur destin. Tout sera fait pour rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée. Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun , à chaque territoire, à ceux qui se sentent déclassés, de réussir, de s’engager.

D. J’en viens à présent au dernier principe de l’action que j’entends mener: construire la paix. Nous le savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois neuf et fidèle à sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile. La déflagration mondiale n’est plus le spectre que brandissent les pessimistes : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les affirmations de puissance reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se développent dans de multiples régions avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance. Les guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de barbarie. Les alliances d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de lui-même, les régimes autoritaires et les démocraties illibérales fleurissent. L’espace cybernétique propage et amplifie les instruments de cette guerre du tout contre tous. La dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en tous genres, détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire. Cela nous impose des devoirs. Les plus graves sans doute qu’une nation puisse porter. Celui de maintenir ouverte la voie de la négociation, du dialogue et de la paix face aux entreprises les plus sinistres. La vocation de la France, sa fidélité à son histoire est de savoir construire la paix et promouvoir la dignité des personnes. C’est pourquoi partout nous devons agir d’abord pour protéger nos intérêts et au premier chef notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter contre le terrorisme et contre le fanatisme. Dans notre intérêt comme dans celui des peuples concernés. Et je tiens là l’engagement de nos armées chaque jour depuis tant de mois. Mais une telle action ne peut être efficace que si elle s’inscrit dans la durée et vise donc à construire les solutions politiques permettant la sortie de crise. Je ne vous proposerai pas de nous substituer à d’autres peuples car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux états faillis. Toujours la France doit respecter la souveraineté des peuples. Mais partout où les libertés ne sont pas respectées, nous œuvrerons, à travers notre diplomatie et nos actions de développement, afin d’aider les minorités, de travailler au service des sociétés pour le respect des droits. Cela suppose un travail exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie à faire, du Mali à la Syrie en passant par le Golfe, en échangeant en profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit construire des équilibres multiples, même si parfois ils deviennent fragiles. Notre outil militaire revêt dans ces circonstances une importance majeure. J’ai déjà ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de voûte de notre sécurité, la protection de nos concitoyens et de nos intérêts, l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont menacées. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière globale en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement permettent de créer les conditions d’une paix durable. L’indépendance que j’appelle de mes vœux ne veut pas dire solitude. La France sera fidèle à toutes ses Alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet engagement qui font honneur à notre pays. Vous le voyez, les menaces n’ont jamais été si grandes. L’ordre multilatéral est sans doute aujourd’hui plus nécessaire que jamais alors précisément qu’il est fragilisé. Dans les années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité, les libertés, la planète face au réchauffement climatique tout ce qui constitue notre bien commun universel et qui chaque fois est remis en cause. C’est cela mon cap, et aucun autre. Ce cours du monde vient éprouver notre résistance et notre cohérence. C’est à titre d’exemple ce que nous vivons avec les grandes crises migratoires qui traversent l’Afrique, la Méditerranée, et à nouveau bousculent l’Europe. Nous devons à la fois mieux les prévenir par une politique de sécurité et de développement ambitieuse, et mieux les endiguer par une politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour cela mener de manière coordonnée en Europe une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel car ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques et sans abandonner l’indispensable maintien de nos frontières. Pour réussir à tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que jamais nous avons besoin de l’Europe or elle est affaiblie par les divisions et par le doute qui s’est installé dans notre peuple. Pourtant l’Europe est chez nous autant que nous sommes en Europe, parce qu’il est impossible de penser notre destinée continentale autrement qu’au travers du projet Européen. L’Europe, c’est nous ; et c’est aussi autre chose que nous-mêmes. C’est à la fois l’intime et l’étranger. Elle est gravée dans la chair de notre histoire. Hier dans les conflits les plus meurtriers mais aussi dans des dialogues philosophiques, scientifiques, artistiques qui ont tissé l’histoire de l’humanité, aujourd’hui dans un effort de concorde et de paix sans précédent. Négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociations techniques, c’est abdiquer notre histoire, c’est diminuer la France. Or la construction européenne est fragilisée par la prolifération bureaucratique et par le scepticisme croissant qui en découle. Je crois fermement à l’Europe, mais je ne trouve pas ce scepticisme injustifié. Je vous propose de reprendre de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers et des méandres de la technique. La décennie qui vient de s’achever a été pour l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises mais nous avons perdu le cap. Face à cet échec, qu’il faut avoir le courage de regarder en face et dont le "Brexit" n’est qu’un symptôme, certains voudraient nous faire croire qu’il n’y a d’autre choix que l’abandon de l’euro, de l’Union, le retour des frontières et la résurrection du passé, d’ailleurs idéalisé, de la souveraineté. Je tiens que cette option serait tragique et pour la France et pour l’Europe. Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son essence : une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’Etats décidés à faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des personnes et des biens – et notamment de la jeunesse, en matière de sécurité, en matière monétaire et fiscale mais aussi culturelle et politique. Les pays de l’Europe pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, mais dessine un espace où une certaine idée de la valeur de l’homme, et l’exigence de justice sociale, sont reconnus comme prééminents, doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence, fût-ce au prix d’un examen sans complaisance de notre fonctionnement actuel. Il revient à la France d’en prendre l’initiative. Je souhaite le faire grâce et par le travail étroit que j’ai d’ores et déjà engagé avec la Chancelière d’Allemagne. D’ici la fin de l’année, sur cette base, nous lancerons partout en Europe des conventions démocratiques. Libre à chacun ensuite d’y souscrire ou non. Mais le temps n’est plus aux raccommodages. Il faut donc reprendre l’Europe à son début, si je puis dire, à son origine même, et faire revivre le désir d’Europe. Comment? Précisément, en ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux démagogues ou aux extrémistes. En ne faisant pas de l’Europe un syndic de gestion de crise, qui cherche chaque  jour à allonger son règlement intérieur parce que les voisins ne se font plus confiance. Mais surtout en retrouvant le souffle premier de l’engagement européen, cette certitude où furent les visionnaires des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe que la plus belle part de nos histoires et de nos cultures s’exprimerait non dans la rivalité, encore moins dans la guerre, mais dans l’union des forces. N’est-ce pas cette union dont notre temps a besoin ? Les défis de la modernité ont ceci de commun qu’ils dépassent nos frontières nationales mais requièrent, pour être affrontés, une vision commune du monde et de l’homme, une vision trempée aux mêmes sources, forgée par les mêmes épreuves. Ces défis sont la transition écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la nature ; la transition numérique, qui réécrit les règles sociales et nous oblige à réinventer ce droit continental où depuis tant de siècles nous avons voulu que la norme respecte l’homme ; c’est enfin le défi de l’humanisme contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel nous répondrons par une Défense plus européenne en cours d’édification, mais aussi par une Europe de la culture et de l’innovation. La paix n’est pas seulement le socle de l’Europe, elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir, ici et dans le monde. Nous romprons avec les facilités que nous nous étions données au cours des années précédentes pour être à la hauteur de ce que le moment exige de nous. Fernand Braudel le disait, "L’Europe ne sera pas si elle ne s’appuie sur ces vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent encore profondément, d’un mot si l’on néglige tous ses humanismes vivants". Ne les négligeons plus.

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Nous connaissons à présent l’enthousiasme des commencements, mais la gravité des circonstances nous empêche d’en ressentir aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. La construction européenne est en crise. Nos équilibres financiers sont dégradés, notre dette considérable. L’investissement productif est faible. Le chômage atteint des niveaux insupportables. La pauvreté s’étend, et aussi la dureté de la vie. Mais le peuple français nous a fait connaitre ses volontés, et nous en serons les serviteurs. Il y aura des traverses, il y aura de l’imprévu, il y aura des oppositions, toutes les oppositions de ce vieux monde que nous devons quitter pour renaître. Mais nous ne nous laisserons pas décourager. Devant chaque difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt. Je suis sûr que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement les Français retrouvent leur fierté. Le peuple français ne nous demande pas seulement de l’efficacité. L’efficacité est un instrument, et puis on peut être tout à fait efficace au service d’une mauvaise cause. Il nous demande ce que la philosophe Simone Weil appelait l’effectivité. C’est-à- dire l’application concrète, tangible, visible, des principes qui nous guident. Le refus d’être pris en défaut, et de clamer des principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche l’application. Le principe d’effectivité, c’est d’abord, pour vous, pour moi, pour le gouvernement, de ne jamais cesser de se demander si nous sommes en pratique fidèle à nos principes, c’est-à- dire d’abord à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. Je le dis sans ambages. Aujourd’hui, nous sommes loin du compte et le peuple français nous a fait savoir que cela ne pouvait plus durer. Nous devons à chaque instant être à la hauteur de cet esprit français par l’engagement de tous. Ce que nous avons à accomplir, c’est une véritable révolution. Voici plus de 30 ans que nous nous accommodons d'un double discours, les grands principes d'un côté, Le langage politique de l'autre, et entre les deux rien, le néant des réalisations caché par l'accumulation des lois et réglementations de toutes sortes. Nous sommes ici, vous comme moi, pour changer cet ordre des choses. Pour renouer avec ce courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui, n’ayant su aller nulle part, sont revenus de tout. Car, ne vous y trompez pas, les forces adverses continuent d'être puissantes, non pas tant au Parlement ou dans la rue que tout simplement dans les têtes. En chacun de nous il y a un cynique qui sommeille. Et c'est en chacun de nous qu'il faut le faire taire, jour après jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu'elle est la plus grande, la plus belle qui soit: faire à l'homme, enfin, un pays digne de lui.


Réactions des groupes centristes au discours d’Emmanuel Macron

- Richard Ferrand, pour le groupe La République en Marche de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues parlementaires, c’est le 16 novembre 2015 que j’assistais pour la première fois à une réunion du Congrès. L’histoire commandait alors que les représentants de la nation se rassemblent. En souvenir de ce jour, je veux rendre hommage à la mémoire de toutes les victimes du terrorisme et exprimer nos sentiments solidaires dans la peine à toutes les familles qui ont perdu l’un des leurs.
Mesdames et messieurs, Emmanuel Macron avait annoncé tôt dans sa campagne qu’il s’exprimerait chaque année devant le Parlement réuni. Je salue cette pratique nouvelle qui permettra au Président de la République de faire partager sa vision et de rendre compte de son action à la représentation nationale.
Les points cardinaux posés aujourd’hui par le Président de la République seront ceux de notre boussole pour le travail de la XVlégislature de l’Assemblée nationale.
Face aux défis, l’heure n’est plus au statu quo ni à l’immobilisme mais à l’action. Nos objectifs sont clairs, y compris pour ce qui est des évolutions institutionnelles nécessaires. Ils consistent à donner corps, avec le Gouvernement, au contrat passé entre le Président de la République et nos concitoyens pour la réalisation des chantiers essentiels à l’avenir de notre pays. Ce contrat engage toute la majorité issue des urnes, pour remettre la France en marche, pour permettre aux Françaises et aux Français de redevenir maîtres de leur destin et à la nation de retrouver le mouvement créateur d’une grande histoire. Aujourd’hui est la première étape.
Nous avons l’obligation absolue de réussir. Les Françaises et les Français ne veulent plus seulement des intentions et encore moins des dogmes ; ils veulent des solutions, des actes et des résultats.
Il s’agit d’abord de libérer notre pays des carcans et des blocages qui freinent l’activité et pénalisent la cohésion, pour renouer avec la prospérité, le progrès, le mouvement, l’inventivité, créer plus de justice et d’égalité. Il nous incombe collectivement de décrisper les tensions inutiles, de permettre un souffle et un élan nouveaux, de donner, en priorité à la jeunesse, de nouvelles espérances. Certaines règles, devenues obsolètes – nous le savons toutes et tous –, doivent être modernisées, allégées, voire abolies. Cela passe par une action publique plus efficace, plus rapide, plus ciblée. Il appartiendra au Parlement de s’en assurer, notamment en axant davantage son travail sur l’évaluation et le contrôle des politiques publiques.
Nous devons également bâtir une France et une Europe protégeant des dangers réels que rencontrent nos concitoyens au XXIsiècle, et non de dangers passés, fantasmés ou faussement exacerbés. Chacune et chacun, dans notre pays, doit demain trouver les clés pour s’accomplir. Nous devrons donc dresser de nouvelles protections plus adaptées, plus audacieuses, plus agiles, d’abord pour assurer notre sécurité, en particulier face à la menace terroriste, mais aussi pour protéger chacune et chacun contre les aléas de la vie, dans un monde en constante évolution, en améliorant et en calibrant mieux notre formation, en transformant notre système de santé et notre politique du logement, en réformant l’assurance chômage, afin qu’elle devienne un droit universel pour chacun, et en investissant massivement dans la transition écologique et énergétique pour un nouveau modèle de croissance. Nous n’y parviendrons que par la relance d’une Europe ambitieuse, tournée vers l’avenir, qui investit et trace des perspectives partagées.
Mais ce n’est pas tout. Il nous faut aussi réconcilier. Réconcilions les territoires en garantissant l’égalité républicaine sans jamais imposer un modèle unique, en réinvestissant dans la France qui se sent laissée pour compte, en encourageant les nouveaux circuits économiques dans la France rurale et agricole, en amplifiant une ambitieuse politique de rénovation urbaine pour lutter contre la pauvreté et le handicap social, en développant les réseaux de transports pour désenclaver, relier, rapprocher les territoires ! Réconcilions aussi les Français avec l’avenir, le progrès, l’espoir d’une vie meilleure pour les générations suivantes, avec leurs représentants politiques, mais aussi entre eux ! Monsieur le Président de la République l’a évoqué, cela passe prioritairement par l’éducation et la culture, qui constituent le socle et la condition de notre cohésion nationale. La transmission des savoirs fondamentaux, de notre culture et de nos valeurs républicaines, au premier rang desquelles figure la laïcité, doit être remise au cœur du projet de notre école et de nos universités.
Un chantier majeur, au cœur de l’intervention du Président de la République, est celui du renouveau démocratique. Nous devons redonner confiance dans la vie publique. Nous devons également reconstruire un projet politique pour l’Europe, levier de notre influence et de notre puissance.
Libérer, protéger, réconcilier : tels sont les points cardinaux de notre travail parlementaire à venir. Les Françaises et les Français nous ont fait confiance en élisant une majorité à l’Assemblée nationale pour qu’elle tienne ce cap et apporte les réponses attendues.
Président du groupe La République en Marche, je mesure l’exigence de cette mission et la responsabilité collective qui est désormais la nôtre. Notre groupe présente un renouvellement visible des visages. À nous, toutes et tous, de renouveler ensemble les usages et les pratiques. Il nous incombe ainsi de démontrer que la politique n’est pas affaire de posture mais un engagement au service de la nation, ancré dans le quotidien des Françaises et des Français et fidèle aux promesses faites.
L’enjeu n’est évidemment pas de changer les personnes pour conserver les pratiques. Bien au contraire, le travail parlementaire doit être rénové pour être en phase avec les attentes de notre peuple. Les pistes ouvertes par le Président de la République sont celles que nous devrons explorer.
D’ores et déjà, nos députés seront entièrement investis, tant à l’Assemblée qu’auprès des habitants de leur circonscription, déterminés – je le sais, ils l’ont dit – à accomplir un travail parlementaire plus exigeant et plus approfondi.
Nous portons la volonté d’une exigence de co-construction, en faisant preuve d’ouverture vers les autres, une exigence bienveillante envers le Gouvernement et pragmatique dans toutes nos décisions. Chaque fois qu’une idée nous paraîtra bénéficier à la France, nous la soutiendrons bien volontiers, sans en contrôler l’appellation d’origine.
Alors, mes chers collègues, évaluons, corrigeons, améliorons, simplifions et choisissons de ne légiférer que sur l’essentiel ! Sinon, nous deviendrons des fabricants de normes, dont on sait, sur le terrain, que leur multiplication freine l’action et l’inventivité. Pour changer la réalité, il faut commencer par la regarder en face, même lorsque cela cogne. Vis-à-vis de notre pays et de nos concitoyens, nous avons le devoir de tendre vers l’idéal, afin de redonner l’énergie de l’espérance collective et sortir de cette forme de délectation morose qui a paralysé notre pays ces dernières années.
Soyons-en sûrs, ce sont les forces de la liberté et les liens d’une société fraternelle qui nous libéreront de ces « forces de l’aliénation » évoquées par le Président de la République. Nous devons ensemble développer une éthique de la méthode et des résultats pour que notre efficacité collective soit reconnue. Mes chers collègues, prenons la mesure de l’histoire et marchons, marchons pour que l’espoir abreuve nos sillons.

- Marc Fesneau, pour le groupe du mouvement démocrate et apparentés de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues, c’est un jour solennel que celui où le Président de la République, convoquant le Congrès à Versailles, s’adresse à l’ensemble des parlementaires et, à travers eux, au peuple français. La gravité du lieu et du moment doit nous inciter à prendre la mesure de ce qui nous réunit.
Le Président de la République a choisi de s’exprimer devant l’ensemble des hommes et des femmes que les Français, par l’exercice de leur droit de citoyen, ont voulu investir des pouvoirs qui sont ceux de la nation tout entière, dans le seul but de répondre aux défis se posant à notre pays. Il a souhaité présenter devant le Parlement les grandes lignes de son action, en définir le sens et en fixer le cap. La solennité de l’instant nous impose donc à tous, députés et sénateurs, un devoir de responsabilité.
Responsabilité du rôle qui est désormais le nôtre face aux Français, lesquels attendent de leurs représentants et de leurs gouvernants qu’ils répondent de manière déterminée et efficace aux problèmes de notre temps. Nous savons combien ils sont nombreux et combien ils sont lourds, tant la situation n’a cessé de se dégrader aux cours des dernières décennies, nourrissant la colère d’une grande part de notre peuple, las d’attendre des résultats.
Responsabilité surtout quant aux comptes que nous aurons collectivement à rendre de notre action à la fin de notre mandat. Ne doutons pas que les Français sauront nous rappeler à nos devoirs et à nos engagements. Ils seront aussi implacables avec nous, si nous devions faillir, qu’ils auront été enthousiastes à souhaiter un profond changement pour le pays.
Les campagnes qui s’achèvent ont laissé un goût amer à tous ceux qui chérissent l’action politique. La campagne présidentielle, tout d’abord, a vu accéder au deuxième tour, et pour la deuxième fois, un candidat issu des extrêmes ; lors de la campagne des législatives, ensuite, les citoyens se sont largement détournés de ce scrutin pourtant si crucial. Disons-le simplement : la reconquête des cœurs et de l’attention des Français ne se fera que par l’obtention de résultats nets et durables garantissant l’avenir de notre pays, et par le rétablissement de la confiance entre les représentants du peuple que nous sommes et les citoyens.
Cette responsabilité historique, le groupe Modem, depuis longtemps investi sur ce sujet, entend l’assumer pleinement au sein de la majorité que vous conduisez, monsieur le Premier ministre, et aux côtés du Président de la République. La majorité que nous formons veut être au service des Français. Nous nous reconnaissons parfaitement dans le cap proposé par le chef de l’État depuis le début de son mandat et exprimé ce jour devant le Congrès.
Je le dis et je l’assume au nom de notre groupe : aujourd’hui, notre responsabilité de parlementaires est de permettre au Gouvernement de mettre en œuvre le plus tôt possible les propositions du candidat Emmanuel Macron, que les Français ont placé en tête du premier tour de l’élection présidentielle avant de l’élire par la suite. Notre volonté est donc, simplement, d’agir et d’agir vite pour que les Français, après avoir choisi par deux fois, en conscience et en toute liberté, les réformes proposées par la majorité, puissent voir se réaliser les changements qu’ils attendent depuis si longtemps.
La ligne sur laquelle nous nous engageons est une ligne de crête car jamais, dans notre histoire récente, la défiance n’a été aussi grande vis-à-vis du monde politique. Nous sommes tous les porte-voix du peuple français. Nous devons nous souvenir que si nous avons tous une terre d’élection, nous assumons individuellement une part de la souveraineté de tout un peuple, de ses espoirs, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition.
Depuis longtemps, nous avons identifié ce mal qui ronge notre démocratie, détachant peu à peu les citoyens de leurs élus. L’action résolue des élus du mouvement démocrate en faveur d’un rapprochement des citoyens avec leurs institutions témoigne de notre volonté de rendre notre démocratie plus représentative et plus ouverte.
La loi pour la confiance dans notre vie démocratique va ainsi dans le sens d’un renforcement de nos institutions, d’une amélioration de l’efficacité de notre fonctionnement et d’une meilleure réponse aux exigences du temps. Le non-cumul des mandats, y compris dans la durée, l’impératif d’exemplarité des élus, l’encadrement renforcé de nos activités, tout cela doit permettre de ramener la confiance chez nos concitoyens. Il s’agit de la condition même de la légitimité de la parole et de l’action politiques, sans quoi aucune réforme durable ne sera possible.
L’abstention, toujours plus forte à chaque élection, rend d’autant plus nécessaire une telle réforme, et les autres réformes institutionnelles annoncées aujourd’hui par le Président de la République, garant de nos institutions, y concourront. Ainsi, la question d’une juste représentation de toutes les forces politiques dans nos assemblées, de la proportionnelle pour garantir aux Français leur plus juste et plus équitable représentation, est posée. C’est une question centrale pour notre vie et notre respiration démocratiques.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, vous le savez, notre peuple ne se retrouve et ne se réunit jamais mieux qu’autour d’idéaux, qu’autour d’un grand dessein et d’une vision. Les Français connaissent toute la profondeur des temps et de l’histoire ; ils savent la portée de notre message universel qui, depuis toujours, fait de lui un peuple soucieux des autres. Quand ses représentants ne sont pas à la hauteur de cette histoire, c’est toute la France qui se perd et son message qui s’affaiblit. Quand, au contraire, ils le sont, et en premier lieu le chef de l’État, l’unité et le rayonnement redeviennent possibles.
Le Président de la République s’inscrit pleinement et de plain-pied dans cette volonté de restaurer notre pays dans ce qu’il a de si spécifique dans son fonctionnement et, en même temps, de si universel. En à peine deux mois, la réaffirmation des positions traditionnelles de la France est perceptible. Que ce soit récemment, au G7 sur les enjeux économiques mondiaux, ou concernant l’enjeu capital du climat, ou bien encore celui de la sécurité, la voix de la France est devenue enfin audible. En Europe aussi, nous nous réjouissons de voir la France renouer avec l’idéal et le projet originel européens, y compris dans le lien indéfectible que nous avons avec l’Allemagne. Le Président de la République a su nouer ce dialogue nouveau avec les Français, avec la France et avec nos partenaires internationaux.
Tout reste à faire, bien entendu, mais nous le sentons partout, dans nos territoires : plus que jamais, la France semble prête à bouger, à changer, à tenter. Elle attend désormais que nous soyons au rendez-vous de l’espérance qui s’est levée ce printemps. Elle attend que, par nos actes, notre capacité de dialogue et notre écoute, nous réformions. Elle attend et espère peut-être surtout de retrouver la confiance en ceux qui la gouvernent et en elle-même. Cet élan, chers collègues, il nous faut le soutenir hardiment, avec lucidité, avec exigence, avec toute la force du profond renouvellement qui s’est opéré ces derniers mois et avec cette volonté que beaucoup d’entre nous incarnons sur ces bancs.
Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas se payer de mots que de considérer votre action comme porteuse d’une nouvelle ambition pour la France. La voix de la France est attendue et écoutée, et nous nous réjouissons qu’elle soit celle de la tolérance, du dialogue, de l’ouverture, de l’idéal de liberté, de ces valeurs européennes et humanistes qui nous sont chères. Votre action pourra s’appuyer sur les parlementaires de la majorité présidentielle et du groupe au nom duquel je m’exprime aujourd’hui.
« L’esprit de conquête », selon les mots mêmes du Président de la République, parle à l’imaginaire de notre pays et fonde notre destin commun. C’est d’un tel souffle dont notre pays a besoin. L’élection d’Emmanuel Macron, la constitution d’une majorité claire autour de vous, monsieur le Premier ministre, suscitent espoirs et attentes. À nous désormais d’être au rendez-vous fixé avec le peuple français et que le Président de la République est venu exprimer cet après-midi devant notre congrès : celui de nous confronter au réel pour mieux servir notre idéal ; celui d’institutions modernisées, lisibles, permettant le débat et la vie démocratique ; celui enfin d’un pays fier et sûr de lui-même, qui parle au reste du monde.

- Vincent Capo-Canellas, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants-Union centriste du Sénat.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est sans doute un moment singulier qui nous réunit, si l’on considère le calendrier ; mais le sujet majeur n’est pas là.
« Au fond, tout au long de ma vie, j’ai eu la chance de pouvoir ouvrir des brèches dans le conformisme ambiant » : ces quelques mots de Simone Veil résonnent tout particulièrement. Simone Veil l’Européenne, partisane du rapprochement franco-allemand ; Simone Veil la réformatrice, qui a su tisser des liens entre des bords politiques souvent artificiellement opposés ; Simone Veil, qui a traduit l’aspiration de la société française à évoluer avec son temps, quitte à dépasser le conformisme ambiant.
Ensemble, nous portons, je le crois, la même aspiration à ouvrir sereinement le débat sur l’avenir du pays. Oui, de Simone Veil, je retiendrai d’abord l’ardente obligation de dépasser les conformismes, au nombre desquels la coupure artificielle entre les Français en deux camps qui s’affrontent et stérilisent le débat.
Le centre a toujours porté ce message. La nécessité, celle d’un système politique à bout de souffle, nous conduit à revisiter ce vieux clivage. L’impérieux besoin de réformer le pays nous y invite. La situation de nos finances publiques nous y contraint. Nous devons d’abord faire face au terrorisme, assurer ensemble la sécurité de nos compatriotes, éradiquer les terroristes, répondre à ce défi à notre mode de vie, à nos valeurs, à notre conception de la liberté. Face aux terroristes, nous devons bien sûr être unis.
Nous devons aussi faire face au défi territorial, éviter les territoires de relégation, du moins ceux perçus comme tels. Chacun mesure qu’il y a, dans le monde rural comme en banlieue, du désespoir. Les Français, au terme d’une campagne certes inédite, nous ont placés devant cette évidence : comme le disait Valéry Giscard d’Estaing, pour réformer, il faut rassembler deux Français sur trois.
Nous sommes, sans équivoque, à un moment clé. Après tant de tergiversations, ce quinquennat doit réussir et enfin être utile. Nous devons franchir ensemble ce pas décisif que nos voisins européens ont su franchir : bâtir un socle de réformes ; nous verrons ensuite si les vieux clivages reviennent.
Aujourd’hui, l’urgence nous rappelle celle qu’invoquait en son temps Pierre Mendès France : celle de gouverner, donc de choisir. La réalité financière illustre la vérité des analyses de Raymond Barre sur l’évolution de la dépense publique. Le besoin d’ingénierie sociale nous invite également à reprendre les analyses de Michel Rocard. Il existe surtout un besoin de restaurer la grandeur de la France, qui doit nous conduire à garder toujours dans nos têtes le message de rassemblement du général de Gaulle.
Monsieur le Premier ministre, vous vous trouvez dans une configuration inédite, novatrice, et le groupe de l’Union centriste du Sénat est heureux que vous soyez là. Notre ancienne collègue Jacqueline Gourault appartient à votre gouvernement. Le groupe qui, au Sénat, réunit depuis des années des sénateurs de l’UDI et du Modem soutiendra largement l’action de réforme du Gouvernement. Nous aurons sans doute, au Sénat, à trouver dans les semaines qui viennent, et même au-delà, des majorités d’idées.
Évidemment nous aurons des sujets de débats : la place des collectivités locales, leur autonomie financière, notamment au regard du projet d’exonération de la taxe d’habitation. Sur les questions sociétales, votre vision suscitera également des interrogations.
Nous serons surtout exigeants : exigeants sur la maîtrise des dépenses publiques et la réduction de la dette ; exigeants sur la défense du parlementarisme et de la démocratie locale, qui ne doivent pas être mis en cause comme une facilité offerte à l’opinion, quand bien même nous devons améliorer l’efficacité de nos travaux ; exigeants sur les conditions de nos débats politiques, pleinement ouverts au Parlement ; exigeants sur la démocratie sociale et le dialogue social, qu’il faut rénover mais qui doivent être les moteurs de la transformation de notre économie et de sa compétitivité.
Nous serons bien sûr force de proposition sur l’Europe. L’enjeu est d’abord de retrouver auprès de nos partenaires une capacité à promouvoir les réformes de la zone euro : intégration plus poussée, budget commun. La priorité est aussi à une Europe qui protège. À ce titre, la prise de conscience de la nécessité pour les Européens d’assurer eux-mêmes leur défense est une bonne chose. Nous voulons inscrire la France dans une Europe puissante, nous protégeant de la mondialisation, renforçant notre souveraineté et contribuant à ce que la France rayonne dans le monde à la hauteur de son message.
Concernant les relations internationales, que le Président de la République a abordées, il nous faut plus que jamais conforter nos alliances historiques et nouer des partenariats stratégiques, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi parce que notre sécurité intérieure se joue à l’extérieur. Pour vaincre la stratégie de la terreur des extrémistes religieux dévoyés, pour lutter à long terme contre le terrorisme, la politique que nous mènerons à l’extérieur de nos frontières, au Moyen-Orient, au Proche-Orient, sera également déterminante.
Nous serons également vigilants s’agissant du climat. Les engagements pris à la COP21 doivent être respectés. La France a une responsabilité particulière : à la suite de Jean-Louis Borloo, nous pensons qu’elle doit être pleinement exemplaire et novatrice, la transformation écologique étant un élément de la solution à nos difficultés.
Au-delà, la modernisation de notre économie est nécessaire. Celle du marché du travail est un préalable : c’est une nécessité pour l’emploi. Nous ne pouvons rester parmi les rares pays affichant un tel niveau de chômage. Nous devons tirer les conséquences de la mondialisation, mesurer avec lucidité les mutations technologiques. Il faut s’en saisir, ne pas les subir. Il y a, dans notre beau pays, une aspiration à la liberté dans l’économie, dans les parcours de vie, et une attente de protection nouvelle face à ces changements.
II y a deux préalables à la réussite : le rétablissement de la confiance dans l’action publique et le retour à une maîtrise des finances publiques ; je souhaite conclure sur ces deux points.
En matière institutionnelle, le Président de la République a annoncé tout à l’heure un certain nombre de propositions : nous les examinerons avec beaucoup d’intérêt. Notre groupe a toujours défendu l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le système représentatif. Aujourd’hui, nous ne pouvons que saluer le cap fixé par l’exécutif. Notre groupe participera autant que possible à l’identification du nécessaire et éternel compromis entre gouvernabilité et représentativité. De même, nous sommes favorables à la réduction du nombre de parlementaires mais, là encore, la question du nombre ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.
Concernant enfin la maîtrise de nos dépenses et de la dette, la reconnaissance par la Cour des comptes que le projet de loi de finances pour 2017 soumis à la représentation nationale était manifestement entaché d’insincérité sonne comme un ultime rappel à l’ordre. Le vrai risque est maintenant celui des marchés financiers : il est latent. Nous devons nous fixer l’objectif de sortir de la procédure européenne de déficit excessif.
Le Parlement prendra toute sa place dans l’effort de redressement du pays, un Parlement qui mesure à sa juste valeur l’attente de l’opinion et qui, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, poursuivra sa rénovation, comme le Sénat, pour ce qui le concerne, l’a déjà largement engagée autour de son Président. Nous serons ouverts aux propositions du Gouvernement. Il s’agit, pour une fois, de faire mentir Raymond Aron, selon lequel « la France fait de temps en temps une révolution mais jamais de réformes ». Aujourd’hui, la vraie révolution est de réussir les réformes.

- Franck Riester, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants de l’Assemblée nationale.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, le Président de la République vient de rappeler dans cet hémicycle à quel point la France traverse une période inédite de son histoire ; nous partageons tous ce constat lucide.
Les finances publiques de la nation sont dans un état préoccupant, les chiffres sont là : la dette est au plus haut et les déficits ne sont pas réduits. Alors que François Hollande avait promis aux Français que le déficit public serait ramené à 3 % du PIB dès 2013, il s’élèvera encore à 3,2 % en 2017, au mépris des engagements européens de la France.
Dans le même temps, nos concitoyens ont le sentiment, chaque jour davantage, que nos services publics se dégradent. Les habitants des territoires ruraux, en particulier, se sentent abandonnés, sacrifiés sur l’autel de la mondialisation.
Cette fracture territoriale qui divise les Français n’en est qu’une parmi tant d’autres. Regardons la réalité en face, cela fait des années que nos politiques publiques sont en échec : échec à produire des résultats visibles par les Français, échec à améliorer leur quotidien. Nous le constatons chaque jour sur le terrain, auprès de nos compatriotes. Ne nous étonnons pas si la France doute d’elle-même et si les Français sont divisés.
Mes chers collègues, nos concitoyens nous ont transmis un message clair lors de la dernière élection présidentielle. Par leur vote, ils ont exprimé leur colère, leur rejet d’un système qui leur coûte tant et leur apporte si peu. En élisant le Président de la République au deuxième tour de l’élection présidentielle, ils ont eu l’audace du renouvellement et le courage de l’espérance, cette espérance d’une France qui, retrouvant sa place en Europe et dans le concert des nations, leur apporte protection et prospérité.
Cette espérance ne doit pas être déçue. Ce quinquennat doit donc être une réussite pour la France. Nous avons le devoir d’améliorer la vie de nos compatriotes. Ne rien faire ou, pire, continuer comme avant, ce serait les trahir. Ainsi, humanistes, femmes et hommes de la droite et du centre, notamment issus de l’UDI et des Républicains, nous avons décidé de nous rassembler au sein du groupe Les Constructifs, nouvelle force parlementaire à l’Assemblée nationale. Nos convictions sont fortes, nous les défendrons.
Pour autant, unis dans une démarche d’opposition constructive, nous souhaitons travailler de façon libre et responsable avec le Gouvernement. Habités par la volonté d’agir, le devoir de réformer, nous sommes décidés à moderniser le pays. En dépassant les vieux réflexes partisans, nos prises de position seront motivées exclusivement par le service de l’intérêt général.
Pour nous, l’urgence est de répondre aux grands défis auxquels la France est confrontée, en premier lieu à la nécessaire régénération de notre démocratie. Il est indispensable, comme le Président de la République l’a évoqué, de moderniser l’action publique et de retisser le lien de confiance entre les citoyens et les élus. Veillons néanmoins à ne pas compromettre l’équilibre bénéfique entre renouvellement et expérience. Prenons garde également à ne pas tomber dans un anti-parlementarisme démagogique. Les parlementaires ont besoin de moyens pour s’acquitter pleinement de leur fonction législative, de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Nous voulons aussi réformer le processus législatif pour le rendre à la fois plus concentré dans le temps et plus collaboratif avec les citoyens, la société civile.
Le Président de la République a également parlé de l’Europe. Européens convaincus, nous nous réjouissons de la relance du couple franco-allemand, moteur de la dynamique européenne. Nous sommes persuadés que seule l’action conjuguée de ces deux pays permettra à l’Union européenne de se refonder pour mieux protéger les peuples et faire face plus efficacement, par exemple, aux nouveaux défis de la mondialisation ou des flux migratoires.
Cet engagement prend une résonance particulière au moment de la disparition de Simone Veil. Témoin et victime des déchirements et des abominations de l’histoire du continent, elle a placé la réconciliation franco-allemande et la construction européenne au centre de son engagement. L’exemple de sa vie doit inspirer notre action politique.
Notre groupe entend prendre aussi toute sa part au projet de redressement de la France, en formulant des propositions crédibles, utiles et efficaces pour notre nation.
Nous devons moderniser en profondeur l’État ainsi que l’organisation politique et administrative française ; c’est stratégique, c’est la clé de la maîtrise durable de la dépense publique.
Nous devons en finir avec l’augmentation de la fiscalité.
Nous regardons avec bienveillance l’idée de nouveaux « accords de confiance » avec les territoires.
Nous devons améliorer la compétitivité de nos entreprises. Dans la compétition internationale, notre pays doit adapter son cadre fiscal, normatif, social et valoriser le travail ; ce sont des conditions déterminantes du retour au plein-emploi.
Nous devons aussi restaurer l’autorité de l’État. Il faut mettre fin au sous-investissement chronique dans la justice de ce pays, source de tant de maux au sein de notre société.
Nous devons renforcer notre défense nationale pour faire face notamment à la menace toujours aussi vive du terrorisme islamiste.
Nous devons placer la France à l’avant-garde de la transition écologique en faisant notamment de la croissante verte une réalité.
Nous devons réaffirmer le rôle éminent de la culture et de l’éducation dans notre projet politique : en éveillant les esprits, celles-ci doivent permettre de donner du sens aux évolutions du monde contemporain et de former des citoyens libres.
Enfin, nous devons conduire la transformation numérique de notre société, enjeu de souveraineté considérable si nous ne voulons pas devenir les colonies des géants de l’internet américain ou chinois.
La prise de conscience de cette situation au plus haut niveau et la réponse que nous apporterons à ces enjeux sont essentielles d’un point de vue tant économique que social et sociétal.
Mesdames et messieurs, chers collègues, la France et les Français disposent d’atouts et de forces considérables pour relever tous ces défis. Je pense notamment à la complémentarité de nos espaces urbains, ruraux, ultramarins, à cette envie de créer, d’innover, de construire qui anime nos compatriotes mais aussi et surtout à cette immense richesse qu’est la diversité française, à condition de la regarder avec lucidité et bienveillance, et de respecter chaque citoyen en lui permettant de s’épanouir et de donner le meilleur de lui-même. Chaque citoyen compte. Libérons les énergies du pays ! Mettons-nous au travail sans attendre !

- François Patriat, pour le groupe La République en Marche du Sénat.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le chef de l’État a tracé le chemin. Il nous est ainsi donné de vivre un événement exceptionnel pour créer un véritable élan : la France a besoin d’un choc de confiance, d’un souffle d’une profondeur historique et de concret.
Le Président de la République n’est pas venu ici nous entretenir d’un petit changement politique ou d’un simple changement de majorité parlementaire : il nous a invités à contribuer à un changement de monde, n’ayons pas peur des mots. En 1960, John Kennedy proposait à ses concitoyens de réactiver le plus vieux, le plus grand, le plus beau mythe américain en inventant la Nouvelle frontière : lutte pour les droits civiques, affirmation d’un leadership actif sur le monde libre et conquête de l’espace. Face au grand désarroi social de notre pays, nous avons à notre tour un grand mythe à proposer aux Français pour donner un sens, c’est-à-dire une direction et une signification à notre action et à leur mobilisation. Nous devons en quelque sorte continuer à réinventer la République. Car si la démocratie est un état dont on peut se satisfaire, la République, elle, est un projet toujours inachevé.
Nous allons engager ensemble cet immense chantier politique autour de trois mots-clés avancés par le chef de l’État durant sa campagne : le rassemblement, la confiance, la bienveillance.
Les Français doivent d’abord se rassembler, et nous allons y œuvrer, comme un symbole et un exemple, d’abord entre nous, en nous persuadant qu’un adversaire n’est jamais un ennemi. Pour ma part, je ne considère aucun membre de cette assemblée comme un ennemi.
Mais des ennemis, nous en avons surabondamment, avec ces fanatiques qui ont trahi leur Dieu, ces serviteurs de la peur, prêcheurs de haine et porteurs de mort. Ils croient nous décourager car ils ne comprennent pas la force des valeurs universelles et spécialement de notre foi dans l’unité fondamentale de la condition humaine. Nous sommes plus forts qu’eux, en prenant en considération un paradoxe que nous devons assumer : dans le pire des terroristes, il y a aussi un homme.
Si nous sommes capables de protéger nos concitoyens contre les menaces extérieures et intérieures vis-à-vis de leur sécurité, nous aurons fait beaucoup pour les rassembler. C’est pourquoi la réaffirmation de la place d’une France à nouveau respectée en Europe et dans le monde n’est pas un jeu de rôle théâtral mais bien une priorité de la politique nationale.
Le deuxième mot-clé, c’est la confiance. Il faut en finir avec la démagogie sinistre de ceux qui nous chantent le refrain du déclinisme et clament les slogans honteux de leur complexe d’infériorité collective. Il faut en finir avec ces prophètes d’apocalypse aux petits pieds.Bien au contraire, la France doit afficher sa confiance en elle-même, dans le talent de ses inventeurs, dans le génie de ses créateurs, dans l’incroyable vitalité de ses entrepreneurs. Nous n’avons qu’une chose à faire mais elle est difficile : libérer les initiatives, donner toutes leurs chances juridiques et financières à ceux qui veulent créer et donc favoriser l’emploi. Un seul exemple suffira, je le prends dans le secteur essentiel de l’environnement, que le chef de l’État vient d’évoquer : on peut entretenir, comme dans le système ancien de la droite et de la gauche, la nostalgie coûteuse d’un monde révolu – il est révélateur que les énergies de la pollution soient qualifiées de « fossiles » ; à l’inverse, nous pouvons dire et démontrer qu’une conversion radicale aux énergies du futur générera des milliers d’emplois, c’est-à-dire, pour notre jeunesse, de la confiance retrouvée dans l’avenir.
J’ajoute à ce mot-clé de confiance une dimension d’émancipation, pour la métropole, bien sûr, mais aussi pour les outre-mer, qui l’attendent impatiemment.
Décidément, nous ne voulons pas de ce monde décrit par le Grand Inquisiteur dans Les Frères Karamazov, où le pouvoir prive les citoyens de leur liberté, dont ils ont peur, en échange de la prise en charge de toutes leurs responsabilités. Nous avons au contraire la plus grande confiance dans la liberté.
Toutefois, nous savons aussi – c’est le sens du mot-clé bienveillance – que, dans un monde globalisé, champ d’une âpre compétition, certains sont moins armés, moins formés, moins bien disposés, parfois même handicapés. Dans ce cas, lorsqu’elle est seule, « c’est la liberté qui opprime », Lacordaire l’a dit avant moi. Ceux-là ont droit à la protection que confère la solidarité voulue par toute société digne de ce nom.
La réforme du code du travail ne sera qu’un premier pas. Toutes les formes de libération des forces créatrices doivent s’accompagner des garanties qui assureront notre cohésion. C’est l’équilibre difficile entre le libéralisme économique et la protection sociale qui définit exactement le progressisme dont nous nous réclamons.
Voilà ce que j’appelle « réinventer la République » et je suis très fier, comme beaucoup d’entre vous, j’en suis sûr, d’avoir été associé par le chef de l’État à la définition de ce nouvel horizon militant. Je veux en particulier lui rendre hommage pour avoir imaginé, le premier, que cet immense effort est possible. On attribue souvent à Sénèque, Lénine ou d’autres encore cette formule lumineuse que vous avez tous reprise : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Va pour Lénine ou un autre ! je salue cette puissante résurgence du volontarisme politique qu’incarnent aujourd’hui le chef de l’État et le Gouvernement.
Mes chers collègues, j’entends bien sûr parler, ici et là, de « dérive monarchique », de « pouvoir jupitérien » ou d’« excès d’autorité » à propos de l’adresse du Président au Congrès. Je vous dis que tenir de tels propos, c’est préférer les petites histoires à l’histoire, à cette histoire qui nous convoque et qui nous jugera.
Dans le pays des Lumières et à la veille de l’anniversaire de la déclaration d’indépendance américaine, nous sommes réunis pour inventer l’avenir. Alors, foin des cartes d’identité du passé, foin des étiquettes dépassées ! La République en Marche n’est ni de droite ni de gauche – on le lui a beaucoup reproché –, elle n’est pas au milieu non plus ; elle est en avant.