vendredi 26 juillet 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie au risque de la démago-populo-médio-médiacratie

La démago-populo-médio-médiacratie (dpmm) c’est-à-dire une médiacratie démagogique, populiste et de la médiocrité tire déjà vers le bas le projet démocratique, le pervertit de l’intérieur en en changeant et en contaminant plus ou moins rapidement les diverses composantes de sa substance et, surtout, à terme le menace de disparition.
Si la démagogie, le populisme et la médiocrité alliés à la médiatisation outrancière et irresponsable de la société ne sont pas des phénomènes nouveaux, ils prennent une importance en ce début de XXI° siècle où la démocratie républicaine devient ce lieu politique sinistré où le nombrilisme, c'est-à-dire les désirs et la toute-puissance de l’individu autonomisé égocentrique assisté irresponsable insatisfait irrespectueux veulent s’imposer au nom d’une conception libertario-hédoniste et atomisée de la liberté – qui n’est alors que la licence – et, surtout, de l’égalité – qui n’est alors que de l’égalitarisme – ainsi que le relativisme qui va mettre des revendications humanistes et criminelles sur le même plan au nom du respect des cultures et des différences des peuples.
Pour ceux qui douteraient, juste quelques noms de ceux qui sévissent dans le cadre de cette dpmm dans ce qui sont encore des démocraties républicaines (même si certaines sont déjà fortement contaminées): Donald Trump, Boris Johnson, Gilets jaunes, BFMTV, Mediapart, Fox news, Matteo Salvini, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Steve Bannon, Podémos, Nigel Farage, Tea party, Syriza, Vox, Viktor Orban, Jair Bolsonaro, Recep Erdogan, Benjamin Netanyahu, AfD, Jarosław Kaczyński, Luigi di Maio (et cet inventaire, vous l’aurez compris, est loin d’être exhaustif).
Grâce à ce maelström qui devient immaitrisable, des personnages loufoques, clownesques ou, pire, dangereux ainsi que des criminels peuvent s’imposer ou imposer leurs actes à la société mondiale.
La démago-populo-médio-médiacratie peut dès lors remplacer la démocratie républicaine en tant que système politique (et ne plus être seulement un virus la contaminant) qui va produire et permettre l’avènement final d’individus à l’autonomisation égocentrique assistée irresponsable insatisfaite irrespectueuse qui, par leurs demandes extravagantes, permettront l’émergence de régimes populistes violents et liberticides au nom d’un «peuple» qui est une fiction mais s’appuyant en revanche sur des masses plus ou moins informes et aux revendications parfois contraires.
La grande question est de savoir si cette dpmm est in fine un travers et une déviation grave de la démocratie républicaine – qui est elle-même un système qui se base sur l’ensemble de la communauté, sur les classes moyennes et dont l’objectif est de rendre la vie meilleure avec une transmission du savoir et de l’information qui permettent à l’individu de devenir une personne responsable – ou, beaucoup plus inquiétant, si elle n’est que le futur de celle-ci.
En une question essentielle: peut-on arrêter cette marche vers le précipice?
En réalité, il n’y a pas, à ce moment historique précis de ce processus en cours, de réponse, ce qui est déjà assez anxiogène.
En effet, la démocratie républicaine qui, rappelons-le, est un système politique qui a été introduit – imparfaitement – au moment où les colonies américaines de la Grande-Bretagne sont devenues les Etats-Unis d’Amérique puis lors de la Révolution française (où elle ne dura que peu de temps) avant de se diffuser lentement dans les sociétés du XIX° siècle (avec une menace de disparition totale de la planète lors de la Guerre de sécession, les Etats-Unis étant alors la seule nation démocratique et républicaine) et de prendre son véritable essor au cours du XX° siècle avec son pic d’intensité dans les décennies 1980-2000, se trouve face à l’avenir que contiennent ses promesses d’émancipation de l’individu dans son statut de personne avec toutes les contradictions qu’elle véhicule depuis sa première expérience jusqu’à toutes celles qui se sont accumulées au fil de son fonctionnement.
Pour le dire plus clairement, rien n’indique que l’avenir des sociétés humaines soit la démocratie républicaine mais rien n’indique, non plus, le contraire.
Mais ce qui est sûr, c’est que, sans la mobilisation de tous les défenseurs de la démocratie républicaine, celle-ci n’a aucune chance de perdurer nulle part.
Dès lors, c’est bien un combat que ceux-ci doivent mener tout en ne mésestimant pas, ni la force de ses ennemis intérieurs, ni les défauts même de ce régime et peut-être même la fiction sur laquelle elle s’est établie, c'est-à-dire la possibilité de créer ce nouvel individu capable de vivre sa liberté dans la responsabilité, respectueux, solidaire et tolérant vis-à-vis de l’autre.
Oui, une des interrogations que ce début de XXI° siècle porte en lui, c’est bien de savoir si la démocratie républicaine peut s’appliquer comme système dominant, voire hégémonique, c'est-à-dire si tous les habitants de cette planète (et donc tous ceux qui vivent actuellement dans une démocratie républicaine) sont capables de vivre en démocratie républicaine, d’en respecter les règles et les valeurs.
Et force est de dire qu’aucune réponse positive catégorique n’est rationnellement possible, ce qui nous renvoie malheureusement aux critiques des pourfendeurs de la démocratie qui ont toujours estimé qu’elle ne pouvait pas réellement fonctionner dans la durée (ni même du tout, ce qui est faux).
Pour autant, si la démocratie républicaine est bien un pari sur l’humain, elle est aussi le cadre le plus propice à l’épanouissement des intelligences et des talents tout en garantissant à chacun l’intégrité de son individualité, de sa différence.
Alors oui, même si les vents semblent contraires, il faut continuer à naviguer et à se dresser contre la fatalité qui n’est peut-être pas aussi fatale qu’on le craint.