mardi 11 mai 2021

Vues du Centre. Mitterrand, grand président ou intrigant roublard?

Par Jean-François Borrou

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.

François Mitterrand

Il y a les Mitterrandolâtres et les Tontonmaniaques, d’un côté, et, de l’autre, ceux qui n’ont jamais pu prononcer son nom autrement qu’en éructant un «Mitran» ou ceux qui ne le jugeaient que par ses manipulations et ses mensonges.

Au milieu, il y a François Mitterrand, celui qui fut président de la république de 1981 à 1995, qui occupa la scène politique de la Libération à sa mort et chez qui on peut piocher le meilleur, l’abolition de la peine de mort et son européanisme, et le pire, les écoutes de ses adversaires et ses amitiés pour des salauds et des collabos.

Surtout, il y a celui qui, quoi qu’on pense de lui, a prouvé que la France était toujours une démocratie sous la V° République en permettant la première alternance en portant la Gauche au pouvoir.

Une Gauche dont pourtant il avait peu à voir sauf dans la rhétorique et dans le fait qu’il l’ait choisie pour être l’outil et le marchepied de son ambition personnelle.

Sans doute était-il plutôt un homme de droite, voire du Centre bien qu’il n’ait jmais arrêté de critiquer ce dernier et de le ridiculiser avec des formules toutes faites.

Un Centre qui lui permit pourtant de gouverner lors de son deuxième mandat.

En réalité, il était avant tout imbu de sa personne et voulu être le Général de Gaulle de gauche tant l’homme du 18 juin était chez lui une obsession.

Car Mitterrand, c’était aussi et avant tout l’envie de pouvoir où l’on ne s’embarrasse pas d’un débat d’idées sauf pour l’instrumentaliser pour donner un vernis à celle-ci, ses opposants à l’intérieur du Parti socialiste en savent quelque chose, particulièrement les rocardiens!

Cette ambiguïté on la retrouve dans le bilan des années Mitterrand où l’on a vu la société se libéraliser mais aussi où la finance a pris une importance jamais vue dans le pays alors même qu’il n’avait pas de mots assez durs pour la blâmer.

Ici, on n’est pas dans le «en même temps» d’Emmanuel Macron mais plutôt dans une politique souvent à court terme où le gouvernement réagissait plus qu’il n’agissait sauf exceptions.

Ce fut le cas, par exemple, pour la libéralisation des ondes où il fut contraint, plus qu’il ne décida, d’autoriser, les radios libres qui devinrent par la suite des radios commerciales émettant uniquement pour gagner de l’argent avec des programmes d’une indigence honteuse.

Après les deux premières années dominées par une idéologie bornée qui a conduit la France à quelques encablures de la faillite, le tournant de la rigueur n’a été qu’une entreprise de rattrapage de toutes les erreurs et aveuglements commis.

Et on ne doit guère à François Mitterrand une gestion meilleure – rappelons qu’il n’y connaissait rien en économie et qu’il tenta de s’opposer à cette rigueur indispensable due à ses fautes – mais à des hommes de valeur qui se trouvaient à gauche comme Jacques Delors, Michel Rocard ou Jacques Attali, voire Laurent Fabius ou Lionel Jospin qui furent assez lucides pour l’empêcher de mener le pays à la banqueroute.

Mitterrand n’était ni ce génie adulée jusqu’à l’écœurement par ces groupies transis, ni ce diable honni par ses ennemis mais un homme qui réussit à être une sorte d’imposteur à son propre camp qu’il avait si bien grugé pour arriver à concrétiser son ambition.

In fine, pour un observateur extérieur, ce 10 mai 1981 est plutôt une date symbolique pour la Gauche plutôt qu’une commémoration d’une présidence qui a failli dans tellement de domaines.

D’ailleurs, pour de nombreux politistes et les historiens, il faut sans doute plus parler d’une défaite de Valéry Giscard d’Estaing que d’une victoire de François Mitterrand.

Quant aux militants et sympathisants de gauche qui furent si nombreux à se réjouir ce jour-là avec l’espérance de jours meilleurs – comment ne pas s’en rappeler –, les lendemains de fête furent de longues journées maussades de gueule de bois.

Jean-François Borrou