mercredi 16 mai 2018

Une Semaine en Centrisme. Pourquoi Bayrou présente Macron comme un président non-partisan (et se trompe)

François Bayrou & Emmanuel Macron
Pour François Bayrou, Emmanuel Macron n’est plus centriste ou central – ou en tout cas, il l’est mais en creux.
Sa nouvelle façon de désigner l’action de Président de la république est de le déclarer non-partisan, adepte du «en même temps» qui signifierait cette absence partisane comme il l’a dit dans deux interviews consécutives au Parisien et à Sud Ouest.
Mais il fait un contresens.
Comme toute personnalité politique quelle qu’elle soit, Emmanuel Macron est partisan, il défend une ligne politique, des valeurs, des principes et une philosophie politique.
En revanche, en se situant au centre, comme centriste ou central, en faisant du «en même temps» son principe d’action et du «et de gauche, et de droite» couplé ou «ni de gauche, ni de droite» son positionnement, il affirme qu’il n’est pas clientélisme.
En cela, il pratique le Centrisme qui, face aux clientélismes de gauche et de droite, les transcende avec son principe du «juste équilibre» dont le «en même temps» est le pendant.
François Bayrou n’est pas censé ignorer cela.
Alors, son appellation de «non partisan» qu’il accole à Emmanuel Macron recouvre trois choses.
D’abord, Bayrou, dans sa posture gaullienne et dans son appel constant ces dernières années à une «union nationale», à l’unité des forces démocratiques, veut faire passer l’idée que la fonction présidentielle n’est pas partisane.
Or si elle est «non partisane» pour un certain nombre de domaines et de prérogatives du chef de l’Etat, elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais dans le domaine de l’action politique puisque sous la V° République, il est élu par le suffrage universel, sur un programme partisan dont il possède les pouvoirs pour le mettre en place.
Ensuite, comme nous l’avons vu plus haut, le Centre est, pour François Bayrou, une sorte de point d’appui pour ratisser large et unir le plus grand nombre dans le cadre d’un rassemblement du style «unité nationale».
Or, le Centre et le Centrisme n’ont pas vocation à se diluer dans une union qui noie son identité, sa personnalité et ses idées.
Même si le Centrisme veut servir tout le monde «en même temps» par le «juste équilibre», il n’est pas une nébuleuse à laquelle tous pourraient s’agréger tellement il serait malléable et modelable.
Enfin, le président du Mouvement démocrate, et c’est de bonne guerre, tente de déminer les attaques venues de la Droite et de la Gauche et, beaucoup, des médias, qui présentent sans cesse Macron comme un président de droite et le président des riches.
En voulant faire de lui un «non partisan», il explique qu’il ne recherche que l’intérêt général.
Or, là aussi, Bayrou se trompe puisqu’il devrait savoir que la mise en route des réformes impliquait de d’abord «libérer» l’économie avant de «protéger» le social pour reprendre la distinction faite par le Premier ministre, Edouard Philippe dans une interview au quotidien Le Monde.
Dès lors, on est bien dans la phase de la libération (même si des mesures de protection ont été prises) et on sera dans la phase de protection après, selon le calendrier proposé par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


Actualités du Centre. Le Gouvernement ne compte pas revenir sur les 15% de proportionnelle

Edouard Philippe
Dans une interview au quotidien Le Monde, le Premier ministre, Edouard Philippe, estime que, pour ce qui concerne, la réforme des institutions et en matière d’introduction d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives, le Président de la république a fait les gestes qu’il fallait et que le niveau de 15% de députés élus à la proportionnelle ne devrait pas bouger.
Une position qui risque de braquer les partis centristes de l’UDI et du Mouvement démocrate qui plaident pour une beaucoup plus forte dose de proportionnelle, autour des 25%.
En revanche, sur l’organisation du travail parlementaire et sur les prérogatives du Parlement, il estime que des compromis sont possibles.
En outre, il réfute les critiques, portées notamment par François Bayrou, selon lesquelles il n’y aurait pas de volet social suffisant à la politique menée par le pouvoir.
Par ailleurs, il estime que le macronisme est «un programme, une volonté, une façon d'appréhender la France dans un monde qui s'est transformé».
Voici les principaux extraits de cette interview:
- Le jour de la passation des pouvoirs à Matignon, le 15  mai 2017, vous disiez à Bernard Cazeneuve être de droite. Aujourd'hui, les Français perçoivent la politique de votre gouvernement comme de droite. Vous assumez?
J'assume parfaitement toute la politique que nous menons. D'autant que cette politique est la mise en œuvre des engagements du président. Et que deux élections – la présidentielle, puis les législatives – ont conforté la volonté de transformation du pays.
- Certains dans la majorité, comme François Bayrou, ont pourtant le sentiment que vous avez plus libéré que protégé…
Il est sain que des voix s'expriment au sein de la majorité pour apporter leur sensibilité. Le «libérer» est sans doute plus visible à leurs yeux que le «protéger». C'est parce que nous inventons de nouveaux mécanismes de protection. Nous avons pris de nombreuses mesures pour remettre en marche l'ascenseur social : le dédoublement des classes de CP dans les zones défavorisées, la police de sécurité du quotidien, nos mesures en faveur de la formation ou l'apprentissage.
- En fait, vous faites du Juppé sans Juppé?
Non, je suis là pour faire du Macron, pas du Juppé. Emmanuel Macron n'est pas Alain Juppé. Ils sont différents à bien des égards, même s'ils ont tous deux porté au moment de la campagne des projets inspirés par une volonté semblable de transformer le pays, de le réparer, de l'inscrire dans une Europe à laquelle ils croient, d'ouvrir le jeu politique.
- Etes-vous toujours de droite?
Je viens de la droite. Mais un an après mon arrivée à Matignon, je ne me pose plus cette question, et les Français ne me la posent pas non plus. Je mets en œuvre les engagements du président Une seule chose m'intéresse : que les Français perçoivent que notre politique est efficace, qu'elle permet de réparer le pays, après des années d'immobilisme.
- Qu'est-ce que le macronisme?
C'est un programme, une volonté, une façon d'appréhender la France dans un monde qui s'est transformé.
- M. Macron affirme que les mesures prises en faveur des plus aisés vont relancer l'investissement, et que les ordonnances travail, qui facilitent les licenciements, vont faire baisser le chômage. Votre politique est-elle un pari?
L'honnêteté intellectuelle invite à être prudent en matière de prédiction. Les économistes savent souvent expliquer le passé, mais ils ont rarement des certitudes sur l'avenir. Je m'appuie pour ma part sur des réalités. J'observe que l'introduction de l'impôt sur la fortune a conduit, avec d'autres facteurs, de nombreux investisseurs à quitter le pays. J'observe que notre taux de chômage est plus élevé que celui d'autres pays européens qui ont pris des décisions comparables à celles que nous sommes en train de prendre. Notre pays est aujourd'hui jugé comme ayant une économie plus attractive, c'est un fait.
- Etes-vous d'accord avec la théorie des premiers de cordée du chef de l'Etat?
Il s'agit d'une image plus que d'une théorie ! Elle montre que dans un pays, il y a toujours un lien entre tout le monde. L'image de la cordée a cette vertu extraordinaire dans un monde perçu souvent comme individualiste : elle rappelle qu'on est tous attachés. La cordée est le contraire de l'individualisme.
- Après la réforme des retraites en  2019, le gros du programme aura été fait. Quel est le plan pour le deuxième temps du quinquennat ?
Il n'y a pas de temps 1 et de temps 2 du quinquennat. Je ne crois pas ceux qui disent qu'on aura terminé en  2019 l'ensemble du programme, et qu'après il n'y aura plus rien à faire. Il y a immensément à faire dans le pays pour le réparer. Le programme de travail sera dense jusqu'au bout.
- Quelles sont les marges de négociation avec l'opposition sur la réforme constitutionnelle ?
Il y a trois blocs. Un premier sur la modernisation du Conseil supérieur de la magistrature, les ex-présidents de la République qui ne pourront plus siéger automatiquement au Conseil constitutionnel ou encore la suppression de la Cour de justice de la République. Sur ces points, nous avons un accord. Il y a un deuxième bloc, qui comprend les engagements du président : réduction d'un tiers du nombre de parlementaires, limitation du cumul des mandats dans le temps et introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives. Là-dessus, je considère que le président, dans ses consultations, a fait les gestes pour dégager un accord politique. Puis il y a un troisième paquet, sur la fabrique de la loi et le contrôle parlementaire. Sur ce dernier volet, notre objectif est d'avoir une discussion parlementaire riche sur la meilleure façon d'arriver à une forme d'efficacité réciproque.
- La recomposition politique impulsée par M. Macron est-elle terminée ?
Les cultures de droite et de gauche continuent d'irriguer le débat public et de marquer l'appartenance des individus. Les gens me disent: «Je suis plutôt de droite ou plutôt de gauche, mais j'aime bien ce que vous faites.» Je pense que l'erreur des partis, et leur échec considérable jusqu'en  2017, vient de ce qu'ils n'ont pas voulu comprendre que raisonner exclusivement en ces termes, au-delà des évolutions du monde, c'était très appauvrissant. La recomposition est encore en cours et les européennes vont continuer à la traduire.