dimanche 6 novembre 2005

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Notre devoir de citoyen

« Il n’y a pas de situations désespérées ; il y a seulement des hommes qui désespèrent des situations. », dit ce proverbe chinois particulièrement adapté à la situation présente de notre pays mais aussi de la plupart des autres nations du monde. Certaines périodes de l’histoire de l’Humanité sont des charnières entre l’ancien et le nouveau, entre le déclin et le (re)nouveau, entre les risques de sombrer dans une crise majeure et la chance de rebondir en construisant le nouveau paradigme idéal. Nous sommes sans doute à l’un de ces moments dont le président américain, Franklin D. Roosevelt, affirmait – en parlant des années 30 qui subirent la grande dépression et se terminèrent par la plus grande boucherie de tous les temps - que la génération qui est aux commandes « a un rendez-vous avec le destin. ». Nous sommes dans un temps où les enjeux doivent nous transcender pour ne penser qu’à notre mission, clairement définie par un état des lieux sans équivoque, d’inventer un nouveau présent en pensant à l’avenir. Cette mission, à nous tous, « simples citoyens » de la France et du monde, ne réside pas dans ce que nous voulons faire, ni même dans ce que nous pouvons faire mais dans ce que nous devons faire. Nous avons un devoir à accomplir pour notre génération ainsi que pour celles qui la suivront. Il n’y a rien de pompeux ou d’emphatique dans cette affirmation, ni même d’alarmiste. De même, il ne s’agit pas de tomber dans une « mode » du prophétisme du malheur et de la recherche des hommes ou des idéologies providentiels. A toutes les époques, des augures ont stigmatisé les temps présents, faisant du « sursaut nécessaire » leur unique fond de commerce. Toujours ils se sont trompés en trompant les crédules du pessimisme. Mais, tout comme il convient de ne jamais dramatiser outrancièrement les enjeux, il ne faut pas, non plus, les relativiser en manquant de sens politique. La donne est encore de notre côté, mais pour combien de temps ?

Depuis la mise au point de l’arme nucléaire à la fin de la dernière guerre puis avec le développement effréné de nos économies, nous savons que nous pouvons détruire le monde ou, ce qui revient au même pour nous, l’Humanité. Evidemment, le pire n’est jamais sûr et certains prétendent que le progrès humain suffira à nous faire trouver des solutions adéquates sans pour autant devoir renoncer à notre développement. D’autres rappellent que cette vision est par trop optimiste et que les civilisations meurent, l’histoire nous l’ayant prouvé à maintes reprises (comme, par exemple, celle des Mayas), parce que celles-ci n’avaient pas réussi à maîtriser leur développement qui détruisit leur environnement après l’avoir trop u(tili)sé. Sans attendre de savoir qui a raison, nous pourrions peut-être agir en incluant ces deux données. Oui, nous trouverons des solutions. Oui, nous devons faire en sorte de ne pas les rendre inopérantes par une situation sans point de retour.

On pourrait également affirmer qu’il est primordial de s’attaquer aux vrais problèmes. Car, quand on les cache, on ne peut, non seulement s’y attaquer, mais on ne peut encore moins les résoudre puisqu’on affirme qu’ils n’existent pas (la « crise des banlieues » en est un exemple frappant). Ce cercle vicieux est devenu un mode opératoire banal et général dans les sphères du politique. En adoptant des mesurettes et en remettant à demain la prise en charge des grands défis, on ne fait qu’une chose : on augmente leur probabilité de ne pouvoir être résolus. Il nous faut donc une détermination forte et possédant un sens afin d’entraîner tous les citoyens dans ce challenge crucial. En son temps, Franklin D. Roosevelt, pour sortir de la crise de 1929, avait élaboré un programme dit des « 100 jours » (celui auquel Dominique de Villepin faisait sans doute référence pour son propre programme et non celui des 100 jours du retour de Napoléon…). Pendant ce laps de temps, de très nombreuses mesures furent décidées, non pas pour sortir de la crise immédiatement – ce qui ne fut vraiment réalisé qu’en 1946 ! – mais pour donner les bonnes directions et restaurer la confiance.

Il ne s’agit pas de s’inspirer du programme du président américain qui n’est plus d’actualité mais de s’inspirer de ce volontarisme qui permit un dynamisme certain même si les résultats concrets du New Deal prêtent toujours à discussion. Rappelons-nous cette donnée essentielle : oui, les peuples possèdent le pouvoir de changer les choses. Et celle qui en découle : oui, le volontarisme politique peut donner le nouvel élan indispensable. Sans Schuman et Monnet, pas d’Europe. Sans de Gaulle, pas de sursaut de la France en 1940, sans Churchill, pas de résistance héroïque au nazisme, sans Clemenceau, pas de sursaut national, sans Lincoln, pas d’Etats-Unis modernes pour ne prendre que quelques exemples. Et si les politiques mettaient autant d’énergie à s’attaquer aux défis du monde qu’à se faire élire, nous pourrions, sans doute, déplace des montagnes… A l’inverse, un pays qui n’ose pas, pire, qui renonce, ne doit pas se plaindre de sa malchance.

C’est dans cette optique qu’il nous faut une « France puissance ». Battons-nous pour demeurer un grand pays, non pas pour des rêves d’une « grandeur » surannée et sans aucun intérêt mais parce qu’un grand pays décide de son avenir, un grand pays décide de l’avenir du monde, un grand pays porte en lui une économie forte et des potentialités de développement. Mais, pour être un grand pays, il faut accepter les efforts. Sans efforts, nous deviendrons un pays sans voix, un pays résigné et nous remettrons notre destinée, notre présent et notre futur dans les mains des autres. Et pour demeurer ce grand pays, nous avons besoin de l’Europe qui seule peut nous garantir notre statut. Si l’Europe ne peut se faire sans la France, la France ne peut se développer sans l’Europe.

Alors, ne perdons pas de temps. La plus grande faute des gouvernants n’est pas d’agir mal mais de ne pas agir du tout. On ne pourra jamais reprocher à un leader d’avoir essayé honnêtement et de bonne foi mais on pourra lui en vouloir de son manque de courage politique.

Alexandre Vatimbella