samedi 4 septembre 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. 96% des Français veulent du respect mais lequel?

Il y a, concomitamment, une demande de plus de respect dans la société et une absence de plus en plus grande de sa pratique.

Peut-être que cette forte demande ressort de cette immense absence.

J’ai dit maintes fois que le respect était la vertu la plus importante dans une démocratie républicaine et que cette dernière devait devenir en ce 21e siècle, une «respectocratie» tant la demande était prégnante et tant l’absence était ressentie dans des sociétés où monte inexorablement cette autonomie qui n’est pas celle, responsable, qui devrait légitimement accompagner la liberté mais sa perversion, celle qui est égoïste et égocentrique, celle qui réclame constamment de l’assistanat, celle qui porte fièrement son irresponsabilité, celle qui demeure constamment insatisfaite et, enfin, celle qui est complètement irrespectueuse de l’autre.

Mais, attention, la réalité de cette demande de respect ne doit pas cacher un avatar de cette autonomie négative, c’est-à-dire que cette demande est en fait uniquement pour soi-même et ne concerne pas les autres.

Car le respect n’a de valeur humaniste et démocratique que s’il est réciproque, symétrique et transitif.

Sinon, il n’est qu’un moyen de négation de l’autre, de domination sur l’autre quand il est réclamé sans contrepartie et fait alors furieusement penser à une société d’états comme l’était l’ancien régime avec la noblesse, le clergé et le tiers-état où le «respect» dû à ceux d’«en haut» n’était qu’un asservissement de ceux d’«en bas».

C’est d’ailleurs une des origines des règles de la politesse, politesse qui, seule, n’est qu’une hypocrisie si elle n’est pas reliée au vrai respect.

C’est pourquoi quand les Français expriment dans un récent sondage à 96% que le respect est la «valeur» la plus importante pour eux (et 75% qu’elle est «très importante»), on doit s’en réjouir tout en demeurent vigilant sur ce qui se cache derrière.

S’il s’agit autant d’une demande de reconnaissance de sa dignité que d’un mouvement altruiste et empathique, alors nous sommes sur la bonne voie.

Si l’on est dans ces phénomènes de la «sur-égalité» et de la «sur-reconnaissance» où toute demande de ce genre se base sur une demande égoïste et égocentrique d’être plus égal que l’autre, alors nous allons vers une société de plus en plus dure et violente.

L’absence de réel respect n’est pas une donnée nouvelle mais elle a pris une dimension nouvelle avec les progrès de la démocratie qui semblent parfois s’être accomplis en oubliant sur quels fondements celle-ci doit reposer pour ne pas être qu’une caricature licencieuse d’elle-même.

 

 

Vues du Centre. Afghanistan et l’improbable retour du néo-conservatisme

Par Aris de Hesselin

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.

Dernier soldat américain quittant Kaboul

Qui a vu, entendu et lu les reproches faits au centriste Joe Biden suite à sa décision de quitter l’Afghanistan n’ont pas du en croire leurs yeux et leurs oreilles.

Au-delà des émotions légitimes provenant de l’inquiétude sur les futurs agissements des talibans sur le peuple afghan, au-delà des attaques politiciennes émises par ses opposants systématiques où il leur fallait critiquer pour critiquer (s’il avait décidé de rester, les mêmes auraient trouver à y redire…), ce sont surtout les diatribes emphatiques d’une partie des commentateurs et de la presse qui sont surprenantes surtout quand on s’aperçoit qu’elles reprennent tous les poncifs des néo-conservateurs par ceux-là même qui n’ont cessé de les critiquer depuis l’époque de Ronald Reagan!

Rappelons que le néo-conservatisme, en matière de politique étrangère, est une idéologie le plus souvent portée par d’anciens activistes de gauche qui se sont convertis en faucons défenseurs d’un interventionnisme de droite dont l’objectif est l’importation de grès ou de force du modèle de la démocratie – en réalité, leur vision de la démocratie – dans le monde entier et d’une lutte sans merci contre tous les régimes liberticides.

On pensait que les faits avaient montré que ces thèses étaient spéculativement erronées et inapplicables concrètement face aux revers qu’elles ont subis à travers le monde ces dernières décennies, notamment avec l’invasion de l’Irak et le renversement du barbare sanguinaire Saddam Hussein dont les néo-conservateurs du cercle rapproché de George W Bush ont été les architectes puis les ardents promoteurs, ce qui, in fine, a renforcé l’Iran et permis l’émergence de Daesh tout en ayant un effet très limité sur une véritable démocratisation du pays.

Eh bien non puisque on les retrouve en pleine forme pour s’indigner du retrait américain d’Afghanistan!

Et ils se sont même fait des alliés de circonstance improbables tant à droite, au centre et à gauche, qui viennent nous dire que ce retrait est une honte parce qu’on laisse tomber un pays alors que, depuis vingt ans, on a essayé de le structurer et lui donner une assise démocratique minimum en dépensant des sommes astronomiques.

D’autant, que nous ne devons jamais oublier que nous ne sommes pas allés en Afghanistan pour faire du «nation building», construire un pays de toute pièce, mais pour le punir d’être allié avec Al Qaida, l’organisation terroriste des attentats d’une 11 septembre dont on fêtera dans quelques jours le triste vingtième anniversaire.

Comme l’a dit ici Alexandre Vatimbella, si les Américains avaient décidé de demeurer sur place, quelles accusations de néo-colonialisme et d’impérialisme n’aurait-on pas entendu des mêmes qui s’érigent en censeur facile de l’actuel président américain.

Tout cela ne veut pas dire que les Occidentaux n’ont pas fait d’erreurs dans leur gestion de l’Afghanistan au cours de ces deux décennies passées sur place – dont celle de n’avoir pas fait grand-chose pour lutter vraiment contre la corruption à tous les niveaux qui gangrènent le pays –, ni que le retrait n’a pas été une totale réussite, loin de là.

Reste que la décision de partir était la bonne et la débandade de l’armée afghane le prouve parce qu’elle aurait été identique quel que soit le moment où le retrait aurait eu lieu.

C’est un moment bien douloureux pour tous les défenseurs de la liberté de voir l’Afghanistan se rediriger vers les temps obscurs.

Mais cet échec de la démocratisation d’un pays dont le peuple n’a pas lutté –sauf rares exceptions – pour vivre libre quand la menace était là, doit nous faire réfléchir sur la manière dont nous devons promouvoir la démocratie dans le monde entier et aider tous ceux qui veulent leur liberté et leur dignité.

Parce que la démocratie est, reste et restera bien l’unique régime humaniste dont tout individu est légitime de le réclamer pour lui et pour les autres.

Aris de Hesselin

 

Actualités du Centre. Bayrou veut bâtir «un grand mouvement politique central» et «coopératif», une sorte d’UDF où chaque parti demeure autonome…

François Bayrou

François Bayrou tient à son «Parti démocrate à la française».

Mais, dans une interview au Figaro, il n’est pas très clair sur ce que cette structure devrait être.

Il semble qu’il plaide désormais pour que ce «grand mouvement politique central», soit en fait un organe «coopératif», une sorte de confédération comme l’était l’UDF créée en 1978 pour soutenir Valéry Giscard d’Estaing et dont il fut le dernier président avant de fonder le Mouvement démocrate en 2007 mais où l’autonomie de chaque formation politique qui en ferait partie serait totale.

En fait, il y aurait une sorte de direction qui représenterait chacune d’elle, plutôt donc un comité de liaison, et son seul but serait de soutenir Emmanuel Macron.

«Il faut faire un pas décisif vers l’unité, explique ainsi Bayrou. C’est d’autant plus nécessaire qu’entre ces organisations qui soutiennent le président de la République, en particulier LREM et le MoDem, il n’y a pas de divergence idéologique. Il y a seulement une histoire différente. Je pense que nous devons inventer un modèle nouveau, coopératif: chacun vient avec ce qu’il est et avec ce qu’il a, les sensibilités sont préservées, mais personne ne craint d’afficher son appartenance au même ensemble. Car aucune des organisations, seule, ne pourra entraîner les Français. Seul un mouvement unitaire et large, à vocation populaire, pourra rassembler, accueillir, et nous permettre de nous enraciner. Nous en avons un besoin urgent, pas pour une élection mais pour une ou plusieurs générations.»

Et il ajoute:

«Mais je n’ai jamais été pour une unification qui efface les identités. Il faut donc bâtir ensemble ce grand mouvement politique central. Une structure simple, populaire, à laquelle les Français pourront adhérer sans avoir à se demander à quelle chapelle ils devront appartenir. Et les sensibilités s’organiseront après, en évitant soigneusement les ferments de division.»

Mais là où cela devient plus nébuleux, c’est que ce mouvement n’aurait pas vocation à avoir un groupe parlementaire unique:

«Je n’en suis pas partisan. Par expérience, je sais qu’il est extrêmement difficile de faire vivre un groupe parlementaire trop nombreux. Plusieurs centaines de parlementaires dans le même groupe, en fait, c’est invivable. Les députés n’y trouvent pas leur place. L’idéal, c’est 80 ou 100 députés. Il n’y a donc pas d’inconvénients à avoir un pluralisme d’expression parlementaire au sein d’un large mouvement. Pourvu que ces groupes soient liés, qu’ils ne soient pas groupusculaires et ne se combattent pas entre eux.»

Voilà qui ressemble furieusement à la «Maison commune» proposée par les dirigeants de LaREM et refusée par ceux du MoDem!

Si l’on lit entre les lignes, on comprend que le leader centriste poursuit deux buts.

Le premier est de rééquilibrer la majorité présidentielle actuelle en mettant sur un pied d’égalité La République en marche et le Mouvement démocrate alors que la première est hégémonique vis-à-vis du second.

Le deuxième est de réclamer la direction de ce mouvement central en faisant jouer sa légitimité historique au centre de l’échiquier politique.

Reste que la proposition de Bayrou est peu claire d’autant qu’il semble ne plus vouloir créer un Parti démocrate qui serait le successeur du MoDem alors même que le président de son groupe parlementaire, Patrick Mignola, affirme partout le contraire.

Quoi qu’il en soit, on a bien compris que les initiatives du président du MoDem et de ses lieutenants vise à ne plus être l’appendice de LaREM en cas de nouvelle victoire aux élections générales de 2022 mais plutôt un partenaire à égalité.

Cependant, au-delà de tout arrangement politique, ce sont les urnes qui diront si cette ambition est légitime.