samedi 2 décembre 2006

Actualités du Centre. François Bayrou (UDF) annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2007

Le président de l'UDF, François Bayrou   s'est déclaré samedi candidat à la présidentielle dans un discours prononcé depuis la petite commune de Serres-Castet (Pyrénées-Atlantiques). Décidé à dépasser le clivage gauche-droite, il s'est présenté au nom d'un « changement d'ère politique que la France attend ».
Voici le texte de sa déclaration :
« Mes chers amis,
Votre présence en cet instant est précieuse pour moi. 
Je vous ai invités en cet endroit que j’aime, où j’ai des racines, la place républicaine d’une mairie de village, dans les Pyrénées, un endroit à la fois beau et simple, pour vous dire ceci, qui m’engage, et qui va, pour beaucoup d’entre vous, vous engager aussi.
Je suis candidat à la présidence de la République.
Dans cinq mois, chacun des citoyens français, femmes et hommes, va choisir et décider.
Ces cinq mois sont très importants pour notre pays. Ces femmes et ces hommes, je vais aller les voir, les rencontrer, sinon tous, du moins le plus possible, leur parler à la télévision et à la radio, sur internet, dans la presse écrite, pour les convaincre de ceci : il faut que la France prenne un autre chemin.
Pendant ces années, les gouvernants, perdus dans leurs querelles, n’ont eu ni la volonté ni le courage nécessaires. Mais ce sont les Français qui ont payé les pots cassés.
Ce sont les Français qui sont au chômage. Deux millions d’entre eux, plus un million trois cents mille rmistes, plus les ASS et les minima sociaux divers, en tout quatre millions des nôtres.
Ce sont les Français qui paient la dette : 1150 milliards d’euros, qui coûtent tous les mois à chaque Français au travail, tous les mois 200 € en moyenne.
Ce sont les Français qui voient monter la violence. Nous avons des banlieues où la police ne peut plus entrer, avec des services publics disparus, et des générations détruites au point qu’elles en viennent à se glorifier de faire brûler des voitures, des commissariats, des bus. Et parfois, dans les bus, il y a des jeunes filles transformées en torche vivante. Et dans la cité de l’Ousse des Bois, il y a quelques mois, ce sont deux policiers qu’on a failli faire brûler.
La couleur de la peau, comme la religion ou l’origine, est redevenue une obsession. Les noirs se sentent sous-estimés, et dans certains quartiers, ce sont les blancs qui se sentent mal vus. 
Les fins de mois sont de plus en plus difficiles et, des petites retraites jusqu’aux salaires moyens, personne n’arrive plus à joindre les deux bouts.
Les chercheurs français prouvent qu’ils sont parmi les meilleurs du monde, mais c’est dans les laboratoires américains. Nous les avons formés, et ils les utilisent. Les créateurs d’entreprise qui ont réussi vont s’installer, les uns après les autres, en Belgique. Tout cela, c’est la substance de la France qui s’en va.
L’Europe qui était notre espoir est devenue notre découragement. Elle est sans inspiration, puisque l’inspiration ne peut venir que de la France.
Voilà notre pays, et j’en passe, et j’en oublie. Voilà sa situation réelle.
Chacune de ces crises est à elle seule immense. Chacune nécessiterait un immense effort national. Et nous, nous devons maintenant les affronter toutes ensemble
C’est pourquoi on ne peut plus continuer dans la guerre civile ridicule et sourde d’une moitié du pays contre l’autre. 
Chaque semaine, à l’Assemblée nationale, Voir la moitié de l’assemblée, avec le doigt accusateur, qui hurle : « c’est la faute de la gauche ! ». Et voir l’autre moitié, avec la même violence, hurler : « c’est la faute de la droite ! », d’abord on se dit que c’est ridicule, et puis on éprouve un sentiment de honte… 
Ce sont, pour la plupart, des gens intelligents, ils se sont succédés au pouvoir, sans aucune interruption, depuis vingt-cinq ans. C’est la politique, comme nous la faisons depuis cinquante ans, qui les rend bêtes.
On ne peut pas continuer comme cela. 
Je ne crois plus à cette guerre de la moitié de la France contre l’autre.
Les uns vous disent qu’il faut d’urgence battre la droite pour que ça aille mieux. Les autres qu’il faut à tout prix préserver la France de la gauche.
Et moi je dis : tout cela est vain. Ce n’est plus à l’échelle des problèmes. Ce n’est plus à l’échelle du temps.
Pour donner une chance à la France, il faut prendre le meilleur et les meilleurs. 
Ce que nous avons à faire est si difficile qu’il faut une volonté ferme capable de fédérer un soutien large.
Désormais, nous n’avons plus le temps de la querelle et de la guerre des camps. Nous n’avons plus le temps de continuer à nous invectiver, de défaire perpétuellement ce que les autres ont fait, avant qu’ils ne défassent à leur tour ce que vous allez faire.
Il nous reste une chance, une seule : rassembler notre pays, fixer des objectifs raisonnables et républicains, nous regrouper et faire reculer, pas à pas, mètre par mètre, avec acharnement, les échecs et le déclin.
Mais la division n’est pas seulement entre ces deux camps politiques. La division a pénétré partout dans notre société, en recherche perpétuelle de boucs émissaires. Pour l’un, les coupables, ce sont les juges qui sont tantôt laxistes, tantôt trop rigoureux. Pour l’autre, ce sont les professeurs qui ont trop de temps libre et se font payer grassement leurs heures de cours particuliers par des sociétés cotées en bourse. Pour d’autres, ce sont les syndicats qui sont coupables. Pour d’autres, ce sont les fonctionnaires. Pour d’autres, ce sont les paysans qui polluent. Pour certains, ce sont les écologistes qui abusent. Pour d’autres, ce sont les musulmans qu’il faut cibler, pour d’autres, l’obsession c’est le lobby gay…
Tout cela, cette recherche éperdue de boucs émissaires, c’est le signe d’un peuple qui va mal.
J’ai passé une partie de ma vie à réfléchir sur Henri IV. Si je l’ai tant aimé, ce n’est pas parce qu’il était béarnais, né dans le château que vous apercevez dans le lointain. Si je l’ai aimé, à quatre siècles de distance, c’est qu’il a voulu et accompli la réconciliation de son peuple, alors que tout conduisait à ce qu’il continue à se haïr.
L’esprit de rassemblement et de réconciliation, c’est ma conception de la fonction de chef d’État.
C’est le plus urgent besoin de la France.
Et il est des responsables publics qui le savent. Ce sont les maires, tous les jours, dans tous les villages de France.
Si je suis élu, je nommerai au gouvernement une équipe pluraliste, équilibrée, des démocrates, femmes et hommes, venus de bords différents avec mission de mettre en œuvre le même projet républicain, et cela non pas malgré leurs différences, mais en s’appuyant sur leurs différences.
Chacun gardera ses valeurs. Tant mieux ! Car on a besoin des valeurs des uns et des autres. L’esprit d’entreprendre, le goût de l’ordre, on les classe à droite ; la solidarité, l’égalité des droits, à gauche ; la tolérance, l’équilibre et l’équité, au centre. Nous avons besoin de toutes ces valeurs, en même temps. Et les écologistes ont raison de rappeler que nous sommes embarqués sur une petite planète, comme une Arche de Noé dans l’univers, et que nous sommes comptables de l’air qu’on y respire et des espèces, chacune des espèces, qui y sont embarquées, y compris la nôtre, l’espèce humaine à tête dure.
Ces valeurs, il faut cesser de les regarder comme antagonistes, il faut se rendre compte qu’on a besoin de les faire vivre ensemble.
Le temps des grandes querelles idéologiques, pour le moment, est derrière nous.
D’autant plus que nous, peuple français, nous avons un modèle de société qui est lui-même en péril, notre modèle de société républicain : si nous voulons le sauver, il va falloir mener le combat.
La pression du modèle matérialiste est immense et en face de ce modèle où l’argent est la valeur dominante, liberté, égalité, fraternité, cela ne pèse pas lourd.
Mais je dois vous dire, pour que tout soit clair entre nous, que ce sont mes valeurs. Que je suis de ce côté là. Et que je ne suis pas près d’y renoncer.
Reconstruire la République affaiblie, réimplanter l’État là où ça va mal dans la société française, notamment dans les banlieues, équilibrer les finances publiques qui sont à bout de souffle, soutenir l’esprit d’entreprise, l’esprit de création, l’esprit de recherche, sortir de l’exclusion le million trois cent mille Rmistes en leur offrant non seulement un chèque de survie mais une activité, faire respecter et progresser l’école républicaine et non pas la mépriser, faire respecter et mieux armer la justice de notre pays, permettre aux femmes de mieux vivre leur vie multiple, combattre la solitude et la violence qui nous minent, reprendre à la base l’idéal européen, tout cela c’est un effort immense.
Cet effort ne peut être conduit avec succès que par des volontés républicaines qui acceptent de travailler ensemble.
Et elles ne travailleront ensemble qu’autour d’un président ayant reçu pour les fédérer un mandat du peuple. Personne ne résiste à la décision clairement exprimée du peuple souverain. Le peuple donne mandat au président et le président organise le gouvernement nouveau et la majorité nouvelle.
Voilà la clé de cette élection. Voilà la clé de ce changement d’ère politique.
C’est une constante dans notre histoire. Chaque fois que la France a voulu se redresser, c’est cette voie qu’elle a choisie. C’est ce qu’a imposé Charles de Gaulle à la Libération et en 1958. C’est ce qu’ont voulu Pierre Mendès-France, Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, Michel Rocard et Jacques Delors.
Ne croyez pas que ce mouvement soit seulement français et que la France quand elle l’entreprendra sera pionnière et isolée. 
Mes chers amis, partout autour de nous, les peuples, contre tous les pronostics, imposent ce choix à des gouvernants rétifs. Cela vient de se produire, vous le savez, dans le plus grand pays de l’Union européenne, chez nos voisins allemands. Cela vient de se produire en Autriche, cela vient de se produire aux Pays-Bas. Cela se produira en France.
Bien sûr, c’est un peu plus difficile en France, en raison de nos institutions verrouillées. Mais nous allons les déverrouiller.
C’est un mouvement des temps ! Les peuples ont compris plus vite que leurs dirigeants que le temps du simplisme est révolu. Que le monde est complexe. Que la société éclate en archipels, tous différents, chacun avec sa logique, ne comprenant pas les autres, et qu’il faut beaucoup de compréhension, beaucoup de tolérance, pour les rassembler et les faire vivre ensemble. Les peuples l’ont compris parce qu’ils le vivent et d’abord dans leur famille.
C’est pourquoi ils disent à leurs dirigeants : s’il vous plaît, montrez-nous l’exemple.
C’est cet exemple que j’ai choisi d’incarner, aidé par votre soutien et votre amitié, aidé par la magnifique équipe qui m’entoure, et aidé par les miens. La France n’a pas seulement besoin d’un changement de visages ou de génération. Elle a besoin de changer de logique. Elle a besoin de temps nouveaux.
Nombreux sont ceux qui disent : nous aimons la France de toutes nos forces. Aujourd’hui elle a besoin de toutes nos forces. Je m’engage et nous nous engageons à les réunir pour servir notre peuple et notre pays. »