Les ennuis du RN et le début de la rivalité Bardella-Le Pen, la marginalisation de LFI, l’incapacité du PS ou de LR de mettre sur pied une majorité alternative, la calendrier électoral qui empêche toute législative avant minimum août et une nouvelle dissolution ainsi que la situation internationale qui a fait taire pour l’instant les appels à la démission d’Emmanuel Macron qui a désormais passé le cap des huit ans de présidence, voilà qui concoure à faire en sorte que le gouvernement Bayrou est en place depuis plus de six mois.
Pour autant, il serait malhonnête de ne pas reconnaitre la capacité du Premier ministre à avoir mis en place une stratégie pour demeurer à Matignon.
La technique de Bayrou, c’est d’avoir le moins de prise possible sur les sujets que les oppositions ont qualifié d’inacceptables et de dépassement de ligne rouge et/ou qui pourraient permettre à LFI et au RN de voter ensemble une motion de censure.
A l’opposé, c’est de présenter des textes qui peuvent obtenir un consensus au Parlement ou qui sont directement issu de celui-ci, ce qui permet de ne pas être accusé d’en être l’initiateur si cela tourne mal.
Bien entendu, il serait tout aussi malhonnête de dire que Bayrou n’est pas monté au créneau sur certaines questions fondamentales et essentielles comme la dette et qu’il n’y pas eu de textes importants comme ceux sur la fin de vie, sur le narcotrafic ou sur l’agriculture et qu’il devrait y en avoir un sur la proportionnelle sans oublier le Budget dont celui de 2025 a été voté sous son gouvernement.
En tout cas, jusqu’à présent, François Bayrou a bien navigué – malgré une popularité très limitée – mais sa longévité est principalement due à la stratégie des oppositions voire aux composantes de sa propre majorité relative.
Le RN n’a pas intérêt à voter une motion de censure à n’importe quel moment et pour n’importe quoi, n’étant pas dans la stratégie du chaos de LFI mais, bien au contraire, toujours dans celle de la dédiabolisation qui passe par une image de parti responsable, capable de gouverner et qui veut absolument remporter la présidentielle de 2027 et pas forcément les législatives de 2025 ou 2026.
Le PS a besoin de se démarquer de LFI et de retrouver de la crédibilité chez les électeurs de centre-gauche s’il veut redevenir un parti de gouvernement.
LR n’a pas trop intérêt à compter ses troupes et doit montrer que la droite de gouvernement est toujours capable d’exercer le pouvoir d’où a présence dans l’équipe de Bayrou.
Seuls LFI, les communistes et les écologistes sont prêts à tout moment à voter n’importe quelle censure…
Bien sûr, le RN, le PS et même LR – et c’est désormais le cas également d’Horizons et de Renaissance – ne se privent pas de critiquer le Gouvernement et le Premier ministre en les menaçant de manière plus ou moins explicite de les censurer dans le jeu politique, voire politicien, traditionnel.
Mais ils ne sont sans doute pas encore prêts à passer à l’action si cela devait entraîner de nouvelles élections législatives immédiatement, ce qui demeure du choix du Président de la République.
C’est sans doute pourquoi le PS s’est empressé de déposer une motion de censure avant que le délai d’un an soit atteint afin d’éviter que si celle-ci est couronnée de succès, il y ait des législatives où il devrait assumer sa décision de créer de l’instabilité que tous les sondages montrent est une crainte des Français…
Après, cette analyse peut être contredite à tout moment car un «coup de chaud» plus ou moins irrationnel d’un côté comme de l’autre de l’échiquier politique peut survenir n’importe quand, voire si des opportunités de prise de pouvoir se dégagent sachant que Bayrou et son gouvernement sont à la merci d’un vote de cette majorité de députés qui ne sont pas ses soutiens.
Quoi qu’il en soit et en dehors de son bilan, le fait d’être en place depuis plus de six mois peut quand même être porté en partie au crédit de Bayrou et à la manière dont il gouverne ou, pour certains, ne gouverne pas…
Nicolas Levé