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mercredi 25 juin 2025

Chronique centriste. La cause de la «longévité» de Bayrou: ses «qualités» ou la «conjoncture politique»?


Les ennuis du RN et le début de la rivalité Bardella-Le Pen, la marginalisation de LFI, l’incapacité du PS ou de LR de mettre sur pied une majorité alternative, la calendrier électoral qui empêche toute législative avant minimum août et une nouvelle dissolution ainsi que la situation internationale qui a fait taire pour l’instant les appels à la démission d’Emmanuel Macron qui a désormais passé le cap des huit ans de présidence, voilà qui concoure à faire en sorte que le gouvernement Bayrou est en place depuis plus de six mois.

Pour autant, il serait malhonnête de ne pas reconnaitre la capacité du Premier ministre à avoir mis en place une stratégie pour demeurer à Matignon.

La technique de Bayrou, c’est d’avoir le moins de prise possible sur les sujets que les oppositions ont qualifié d’inacceptables et de dépassement de ligne rouge et/ou qui pourraient permettre à LFI et au RN de voter ensemble une motion de censure.

A l’opposé, c’est de présenter des textes qui peuvent obtenir un consensus au Parlement ou qui sont directement issu de celui-ci, ce qui permet de ne pas être accusé d’en être l’initiateur si cela tourne mal.

Bien entendu, il serait tout aussi malhonnête de dire que Bayrou n’est pas monté au créneau sur certaines questions fondamentales et essentielles comme la dette et qu’il n’y pas eu de textes importants comme ceux sur la fin de vie, sur le narcotrafic ou sur l’agriculture et qu’il devrait y en avoir un sur la proportionnelle sans oublier le Budget dont celui de 2025 a été voté sous son gouvernement.

En tout cas, jusqu’à présent, François Bayrou a bien navigué – malgré une popularité très limitée – mais sa longévité est principalement due à la stratégie des oppositions voire aux composantes de sa propre majorité relative.

Le RN n’a pas intérêt à voter une motion de censure à n’importe quel moment et pour n’importe quoi, n’étant pas dans la stratégie du chaos de LFI mais, bien au contraire, toujours dans celle de la dédiabolisation qui passe par une image de parti responsable, capable de gouverner et qui veut absolument remporter la présidentielle de 2027 et pas forcément les législatives de 2025 ou 2026.

Le PS a besoin de se démarquer de LFI et de retrouver de la crédibilité chez les électeurs de centre-gauche s’il veut redevenir un parti de gouvernement.

LR n’a pas trop intérêt à compter ses troupes et doit montrer que la droite de gouvernement est toujours capable d’exercer le pouvoir d’où a présence dans l’équipe de Bayrou.

Seuls LFI, les communistes et les écologistes sont prêts à tout moment à voter n’importe quelle censure…

Bien sûr, le RN, le PS et même LR – et c’est désormais le cas également d’Horizons et de Renaissance – ne se privent pas de critiquer le Gouvernement et le Premier ministre en les menaçant de manière plus ou moins explicite de les censurer dans le jeu politique, voire politicien, traditionnel.

Mais ils ne sont sans doute pas encore prêts à passer à l’action si cela devait entraîner de nouvelles élections législatives immédiatement, ce qui demeure du choix du Président de la République.

C’est sans doute pourquoi le PS s’est empressé de déposer une motion de censure avant que le délai d’un an soit atteint afin d’éviter que si celle-ci est couronnée de succès, il y ait des législatives où il devrait assumer sa décision de créer de l’instabilité que tous les sondages montrent est une crainte des Français…

Après, cette analyse peut être contredite à tout moment car un «coup de chaud» plus ou moins irrationnel d’un côté comme de l’autre de l’échiquier politique peut survenir n’importe quand, voire si des opportunités de prise de pouvoir se dégagent sachant que Bayrou et son gouvernement sont à la merci d’un vote de cette majorité de députés qui ne sont pas ses soutiens.

Quoi qu’il en soit et en dehors de son bilan, le fait d’être en place depuis plus de six mois peut quand même être porté en partie au crédit de Bayrou et à la manière dont il gouverne ou, pour certains, ne gouverne pas…

Nicolas Levé

 


dimanche 1 juin 2025

Chronique centriste. Où se trouve politiquement aujourd’hui Renaissance?


Accusé d’être en phase de droitisation, de courir après Les républicains de Retailleau, voire, pire, d’épouser et de récupérer des thèmes du Rassemblement national, où se situe aujourd’hui politiquement le parti, originairement baptisé En marche!, créé par Président de la République?

Occupant la principale place de l’axe central (allant des sociaux-démocrates au libéraux de droite en passant par les libéraux sociaux du Centre), étant central à cet axe voire centriste dans nombre de ses prises de position, Renaissance est-il devenu un parti de droite comme le laisse entendre certains dont plusieurs membres du MoDem et ce qui interroge quelques membres même du parti?

Si l’on parle des thématiques qui sont mises en avant ces derniers temps par Gabriel Attal et ses amis, on voit qu’il s’agit de sécurité, d’immigration, de respect de l’autre, de baisse de la pression fiscale.

En soi, ces thèmes ne sont ni de gauche, ni de droite contrairement à ce que les extrêmes tentent souvent de faire croire.

D’autant que l’ADN de Renaissance c’est aussi une lutte sans merci contre les autocratismes et les totalitarismes ainsi qu’une défense intransigeante de la démocratie républicaine libérale.

Mais, évidemment, c’est de la manière de les aborder et des mesures avancées qui sont des marqueurs partisans.

On peut s’en faire une idée en analysant le document que vient d’éditer Renaissance «Une république ferme, une France apaisée» qui tourne autour de ces quatre chapitres:

- Sécurité, dissuader plus et prévenir mieux pour arrêter de subir la délinquance 
- Justice, restaurer la confiance, stopper la récidive, réinsérer par le travail
- Immigration, le travail, condition de l’immigration comme de l’intégration
- Valeurs républicaines, donner à la république les armes pour se défendre, combattre les discriminations.

Encore faut-il préciser comme le fait Gabriel Attal qu’il ne s’agit que de la restitution d’une des trois premières conventions thématiques qu’il a organisées sachant que les deux prochaines porteront sur «notre nouveau modèle économique et social et sur la transition écologique».

Pour autant, pour prendre les thèmes de la sécurité, de la justice de l’immigration et des valeurs républicaines pour la première convention est un choix assumé comme il le précise:

«Pour nos premières propositions, nous avons choisi de nous pencher sur les travaux de notre convention consacrée au respect de l’autorité, de nos lois et de nos frontières. Ce choix n’est pas anodin. Ces défis sont le quotidien des Français. Ils sont la garantie d’une vie apaisée et la condition d’une confiance dans l’avenir. Ils sont le fondement de leur confiance dans la puissance de l’État et de notre capacité à agir.»

Et de poursuivre:

«Nous le voyons chaque jour dans nos communes et à travers les témoignages des Français : le compte n’y est pas. La délinquance ne cesse de muter et les délinquants conservent encore trop souvent un temps d’avance sur nous. La Justice est encore trop lente et la confiance de nos concitoyens est ébranlée. Le contrôle de nos frontières reste un défi. Enfin, dans certains territoires, l’entrisme islamiste et le séparatisme continuent à progresser, comme autant de bombes à retardement.»

On pourrait voir là un discours plutôt de droite mais Gabriel ajoute que ce qu’il retient comme lignes forces c’est, par exemple, que «le meilleur délit, c’est celui qui n’a pas eu lieu» et qu’il faut d’abord «miser beaucoup plus sur la dissuasion ainsi que sur «la prévention, depuis la violence des mineurs jusqu’à la réinsertion des détenus», ce qui n’est pas un argumentaire de droite.

De même en ce qui concerne les valeurs de la république, «c’est la fermeté la plus stricte pour combattre toutes les formes d’entrisme mais aussi de discriminations : la République peut être d’autant plus ferme qu’elle est juste» et que celle-ci passe aussi par «proposer une alternative à la jeunesse – celle de la méritocratie, de l’ascension sociale, de l’égal accès à l’emploi, au logement et aux services publics», ce qui n’est pas non plus un marqueur de droite.

Surtout, il y a une volonté de mobilisation envers les enfants et les jeunes:

«Au cœur des propositions de cette convention, on trouve notamment un pilier de notre projet de société : la protection de l’enfance et de la jeunesse. C’est par là que nous voulons commencer, si nous voulons construire une société apaisée. Des plateformes numériques les plus agressives aux réseaux islamistes, en passant par les extrêmes de tout bord, tous veulent influencer nos enfants et nos jeunes. Alors, j’assume de vouloir construire une «bulle de protection» autour de notre jeunesse. Protection face à la violence, face aux idéologies radicales, face aux addictions. Protection en affirmant la force du savoir. Protection de ceux qui permettront à notre République de se défendre.»

Ici on est bien dans une vision centrale et centriste.

Alors, sans doute, le discours qui accompagne ces positionnements peut paraitre parfois un peu ferme voire martial.

Mais Gabriel Attal s’en justifie en disant que «nous avons besoin de mettre fin à une culture politique française en matière régalienne : des discours tapageurs, peu suivis d’effets, qui ne font que renforcer le sentiment d’impuissance» et que «respecter les Français, c’est leur faire des propositions claires».

Plus qu’un revirement, le parti dirigé par Gabriel Attal a pris conscience, à la fois, de certaines réalités de la société actuelle et de l’état d’esprit des Français face à celles-ci.

Cela en fait-il un copieur de l’extrême-droite?

Non, loin de là, mais la manière parfois de dire les choses et certaines postures peuvent être dérangeantes ainsi que des mesures préconisées dans le feu de l’action qui semblent surtout montrer qu’on n’est pas laxiste pour ne pas laisser le terrain à celle-ci.

Mais cela n’est pas que le fait de Renaissance dans cette ère où l’affichage est devenu encore plus le moyen de communiquer en politique.

Et les attaques contre les dérives droitières de Renaissance de la part d’une partie du MoDem en font partie avec une volonté de se confronter systématiquement à toutes les initiatives d’Attal comme la proposition de faire d’Alfred Dreyfus, un général posthume.

Toujours est-il que l’on ne peut en l’état prétendre que Renaissance a tourné le dos au projet politique d’Emmanuel Macron et que le parti a amorcé sa droitisation.

Reste à le confirmer dans une campagne électorale, ce qui sera le cas dans peu de temps.

Nicolas Levé

 

 


mardi 18 mars 2025

Vues du Centre. Ça fait longtemps que les Etats-Unis flirtent avec le populisme démagogique et extrémiste

Par Aris de Hesselin et Nicolas Levé


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste. 
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste. 
Nicolas Levé est directeur des études du CREC 

Les Pères fondateurs des États-Unis voulaient absolument éviter qu’un populiste démagogue puisse se faire élire comme président du pays.

Ils avaient imaginé plusieurs garde-fous dont le vote à deux échelons pour la présidentielle et un gouvernement (président, congrès, cour suprême) où chaque institution pouvaient bloquer les deux autres par un équilibre du pouvoir – baptisé «check and balances» – cher à Montesquieu, principale source de leur inspiration pour la Constitution, car ils préféraient l’inaction à la mauvaise action.

Cela n’a pas empêché dès 1828 l’élection pour deux mandats d’Andrew Jackson.

Cela n’a pas empêché l’élection pour deux mandats de Ronald Reagan en 1980.

Cela n’a pas empêché l’élection et la réélection de Donald Trump.

Oui, les États-Unis ont beaucoup flirté avec le populisme démagogique et extrémiste.

Sans remonter à la présidence fort controversée de Jackson, de 1829 à 1837, un ancien général esclavagiste et antisystème à la démagogie en faveur des petits fermiers et des ouvriers, a-t-on déjà oublié Ronald Reagan et sa présidence marquée par le démantèlement des services publics avec, comme le fait Trump aujourd’hui, la nomination de gens incompétents à des postes ministériels dont il ne croyait même pas à leur utilité et à celle de leur mission afin de saborder les administrations dont ils avaient la charge?

Un Reagan qui s’est appuyé sur une base extrémiste composée entre autres des évangélistes les plus réactionnaires, comme Trump aujourd’hui et dont les compétences pour gouverner ont toujours été questionnées, comme Trump aujourd’hui.

Dès lors, quand un peuple a élu deux fois quelqu’un comme Reagan, il peut élire deux fois un type comme Trump.

Mais Trump est certainement plus dangereux que Jackson ou Reagan, car il est ouvertement contre la démocratie républicaine libérale ce que n’étaient pas ces deux derniers présidents.

De même, ceux-ci ont toujours reconnu le suffrage universel et les fondements même du régime en place aux Etats-Unis à l’inverse de Trump.

De plus, ils ont combattu les ennemis de l’Amérique alors que Trump fait alliance avec eux et menace ses alliés.

Trump est donc un échelon supplémentaire dans le populisme étasunien mais certainement pas une bizarrerie sortie de nulle part.

Et si Jackson était démocrate, le courant populiste extrémiste a depuis migré au Parti républicain où il était déjà embryonnaire dans les années 1970 mais qui est monté en puissance dans les années 1980 et s’est encore renforcée dans les années 2000 avec la présidence de George W Bush pour atteindre son apothéose aujourd’hui.

Seule résistance réellement capable de faire barrage à ce populisme dévastateur, l’aile centriste du Parti démocrate qui a pu gagner les élections de 1992 avec Bill Clinton, de 2008 avec Barack Obama et de 2020 avec Joe Biden (sans oublier la victoire en nombre de voix d’Al Gore en 2000 et d’Hillary Clinton en 2016).

Reste que ce populisme fait également partie de la posture et des discours politiques commun aux deux principaux partis.

Ainsi, à chaque élection présidentielle, leurs candidats qui sont en quête d’une première expérience déclarent que s’ils sont élus, ils iront faire le ménage à Washington et mettront aux pas les politiciens du Congrès ainsi que les bureaucrates des administrations.

Plus curieux, souvent cette même rhétorique est utilisée par les présidents sortants qui se représentent pour un nouveau mandat…

Aris de Hesselin
Nicolas Levé

 

 


jeudi 26 décembre 2024

Vues du Centre. Bayrou: Matignon va-t-il lui barrer l’Elysée?

Par Nicolas Levé et Alexandre Vatimbella


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste. 
Alexandre Vatimbella est éditorialiste au CREC et son fondateur 
Nicolas Levé est directeur des études du CREC 

Si Matignon est souvent le tremplin des prétentions élyséennes (Pompidou et Chirac par exemple), ne va-t-il pas être le tombeau des ambitions de François Bayrou qui a toujours rêvé de s’installer dans le fauteuil présidentiel.

Oui et Non.

Oui, sans doute, parce que son passage risque d’être court et qu’il ne dispose d’aucune majorité pour mettre en œuvre sa vision politique.

Ce sera alors la démonstration de son peu de capacité à gouverner et unir, lui qui part déjà avec un handicap certain pour une présidentielle, son socle de 10% seulement de l’électorat.

Non, peut-être, s’il arrive à gouverner dans la situation politique explosive du moment en appliquant les principes du consensus et du compromis dans une sorte d’union nationale, lui permettant à la fois de durer quelque peu (au moins jusqu’à ce que la possibilité de dissolution par le Président de la République soit à nouveau effective) et de prouver sa capacité à réunir l’axe central.

Sa difficulté à former une équipe où se retrouvent toutes les forces de l’axe central (des sociaux-démocrates aux libéraux en passant par les libéraux-sociaux) avec, en sus, une partie de la droite conservatrice (aile droite de LR) ne plaide pas en faveur d’un gouvernement capable de prendre des mesures importantes et de s’inscrire dans la durée.

Sans oublier les ambitions présidentielles des deux candidats extrémistes et populistes, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui, tous deux, dans une sorte d’harmonie consensuelle, demandent la démission d’Emmanuel Macron.

Si l’on peut penser que les gesticulations grotesques du «leader maximo» de LFI n’auront guère d’influence sur un retrait du Président de la République, à l’opposé, les déboires judiciaires de la cheffe du RN qui pourrait l’amener à une peine d’inéligibilité donc à faire une croix sur l’Elysée, sont un motif suffisant pour que l’extrême-droite joue sur la politique du pire et le chaos afin de provoquer une crise de régime et espérer que celle-ci emporte Emmanuel Macron avant que la justice ne rende son verdict contre Marine Le Pen.

En revanche, l’effet catastrophique d’une nouvelle motion de censure votée par les extrêmes des deux bords – seule manière, rappelons-le, de faire tomber un gouvernement actuellement – est peut-être un atout pour pouvoir gouverner, c’est-à-dire agir et réformer, voter le budget ainsi qu’une loi établissant la proportionnelle, par exemple.

D’autant que le pays connaîtrait de très graves difficultés qui pourraient être imputées aux extrêmes et donc réduire leur chance à la prochaine présidentielle, qu’elle survienne maintenant ou en 2027.

Mais les débuts laborieux du centriste ont peut-être aussi montré ses limites dans ses compétences à occuper les plus hautes fonctions de l’Etat.

Ses plus récentes interventions ont été plus convaincantes, ce qui peut démontrer une capacité à reprendre la main.

Autre difficulté pour le président-fondateur du MoDem, des médias largement hostiles et agressifs à son encontre – encore plus que contre Michel Barnier – qui semblent parier de manière irresponsable sur son échec et le chaos qui s’ensuivrait.

Il y a donc de fortes probabilités que la tâche de François Bayrou soit quasi-impossible mais il existe néanmoins quelques éléments qui peuvent déjouer sa chute dans les semaines à venir.

C’est donc maintenant qu’il saura si l’Elysée reste possible ou si c’est un rêve qui s’évanouit…

Nicolas Levé
Alexandre Vatimbella