Lors de son intervention à l’Assemblée nationale pour obtenir le soutien d’une majorité de députés à sa politique notamment budgétaire, le Premier ministre a joué sur deux tableaux.
Il a dressé un tableau pour le moins inquiétant de la situation du pays avec une production atone et une dette pharamineuse mais il a également dessiné un futur qui, selon lui, pourrait remettre la France en route au bénéfice de tous ses habitants.
► Voici
le discours de François Bayrou prononcé à l’Assemblée en vue d’obtenir la confiance
Mesdames et Messieurs les députés. Cette épreuve de vérité comme Chef du
gouvernement et avec l'assentiment du président de la République, je l'ai
voulu. J'ai voulu ce rendez-vous et certains d'entre vous, les plus nombreux,
les plus sensés probablement ont pensé que c'était déraisonnable, que c'était
un trop grand risque. Or je pense exactement le contraire. Le plus gros risque
était de ne pas en prendre, de laisser continuer les choses sans que rien ne
change, de faire de la politique comme d'habitude, de faire durer sans prendre
les décisions qui s'imposent jusqu'au moment où l'irréparable est là. Et où
l'on arrive au bord de la falaise.
Car ce dont nous traitons aujourd'hui, ce n'est pas une question politique,
c'est une question historique. Les questions politiques, ce sont celles qui
concernent les partis, les rivalités des uns avec les autres et les questions
de pouvoir. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les
peuples et les nations. Les questions politiques, ce sont celles qui concernent
les adultes qui se disputent tout le temps et les questions historiques se sont
celles qui concernent les enfants et le monde que nous leur construisons.
Les questions politiques, ce sont les questions pour la prochaine élection.
Mais les questions historiques, ce sont les questions pour la prochaine
génération. Des questions pour demain qui se joue aujourd'hui. Tous, nous
savons que notre pays, au-delà de l'orientation décisive qui va se trancher
aujourd'hui, se trouve devant un immense champ de questions qui vont appeler
dans les années qui viennent des changements profonds et je veux en quelques
minutes, vous citez les plus graves de ces questions.
Nous sommes devenus, depuis l'an 2001, pays qui produit moins que les autres.
Moins que ses voisins. Notre retard de production sur nos voisins les plus
proches, qu'ils soient allemands ou belges mesuré par le PIB par habitant et de
15%, notre retard est sur nos voisins néerlandais de plus de 30%, et ce malgré
les efforts faits ces dernières années sur la création d'entreprise, sur
l'emploi, sur l'investissement par exemple avec France 2030.
Imaginez ce que serait nos revenus familiaux et les ressources de l'État si
nous disposions de 15 ou 30% de plus à partager. Nos salaires de 15 à 30% plus
importants et les ressources de l'État de 15 à 30% plus abondantes. Si nous
avions la production de nos voisins, la France n'aurait aucun problème de
déficit, elle n'aurait pas de problème de dette. La production est donc une
urgence nationale.
Parallèlement. Et pas sans lien. Nous sommes devant un immense problème
d'éducation nationale, notre école, notre collège, notre lycée, nos universités
jadis autant d'exemples pour la planète entière, sont aujourd'hui déclassés
avec une chute sur la maîtrise des fondamentaux, sur l’écrit, sur la lecture,
sur la langue, sur l'arithmétique élémentaire avec des difficultés sur
l'orientation trop précoce, en tout cas pour moi, trop angoissante, trop
mécanique et n'assurant pas la promesse républicaine.
Égalité des chances, d'où qu'on vienne et s'il le faut, deuxième chance et
encore troisième chance, nous sommes devant une immense question de modèle
social inventé il y a 80 ans, sous l'inspiration du Conseil national de la
résistance et aujourd'hui gravement déficitaire, déstabilisé par le
déséquilibre démographique, par le vieillissement des Français et par le
déséquilibre du système des retraites.
Nous sommes devant une immense question du logement. Logement des familles,
parcours de la location à la propriété pour ceux qui le souhaitent, logement
des jeunes, logements des étudiants et même jusqu'au logement d'urgence, le
modèle est à réinventer.
Nous sommes le pays du monde qui a le mieux identifié l'enjeu écologique, le
développement durable, la production décarbonée. C'est une fierté. Mais en un
temps où cet enjeu est battu en brèche partout sur la planète, c'est un défi de
mobilisation générale.
Nous sommes devant une immense exigence et une inquiétude liées à la sécurité.
A la sécurité de tous les jours, au respect de l'intégrité des biens et des
personnes et nous savons que cette inquiétude, c'est d'abord celle des plus
fragiles. Et donc sécurité et justice, ce sont les deux faces de notre premier
devoir d'État. Nous sommes là devant la question que les migrations posent à
notre pays et à nos sociétés, les migrations liées aux différences de
développement, à la misère chez les uns avec une démographie expansive, à
l'abondance chez les autres, avec une population déclinante.
Sans compter la déstabilisation climatique. Nous avons donc 2deux obligations,
contrôler et maîtriser les arrivées et intégrer ceux qui sont et seront là, les
intégrer dans par le travail, par la langue, par l'engagement à respecter nos
principes de vie.
Et je dois ajouter l'aménagement du territoire dans l'Hexagone. Avec des
déséquilibres entre les métropoles et les nouveaux déserts français,
transports, équipements, centre de décision, les territoires sont en demande et
ont souvent l'impression que nul ne les entend et nos Outre-mer, avec des
enjeux de vie quotidienne et de destin dont nous savons qu'ils doivent être
totalement réinventés.
Enjeux que le gouvernement a saisi dès son installation. Tout cela est immense
et urgent. Magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite,
un peuple avec des capacités à nul autre pareil.
Au premier rang du monde pour les sciences fondamentales, pour
les mathématiques, pour la physique, pour la chimie, pour la génétique, pour la
pharmacie et pour les technologies, pour le cantique, pour l'algorithmique,
pour la robotique. Au premier rang dans le monde industriel à l'égard des
empires, pour le spatial, pour l'aviation, pour les hélicoptères, pour la
construction navale, pour les sous-marins, pour les centrales nucléaires.
Mais tout cela, c'est une économie qui a conquis les sommets et qui doit
reconstruire les camps de base. Rééquilibrer son commerce extérieur, à
commencer par le développement de l'agriculture, de l'industrie, de
l'automobile, tout secteur où nous avons des atouts à l'équipement de la maison
dont nous sommes presque absents.
Mais tout cela, toutes ces questions sont aujourd'hui soumises à la question
dont tout dépend, à la question vitale, d'urgence vitale ou notre pronostic
vital est engagé, dont dépend notre État, notre indépendance, nos services
publics, notre modèle social. C'est la question de la maîtrise de nos dépenses,
la question du surendettement.
Votre soutien, l'accord minimal sans lequel je ne pourrais pas poursuivre ma
mission, je le demande à l'Assemblée nationale sur un seul point, mais décisif,
le constat de la situation du pays. La France n'a pas connu de budget en
équilibre depuis 51 ans.
Depuis 51 ans, tous les ans, les dépenses s'accroissent, les déficits se
répètent et les dettes s'accumulent tous les ans. Nous dépensons plus que nos
ressources de l'année et souvent beaucoup plus.
Alors cela se justifie bien sûr lorsqu'il faut passer des crises. La crise des
subprimes, crise financière mondiale sous Nicolas Sarkozy et l'incroyable
succession de coups du sort depuis 2020, le covid19, la guerre en Ukraine, la
crise énergétique, l'inflation et les menaces de tout genre.
Mais nous ne reviendrons jamais en arrière. C'est devenu un
réflexe et pire encore, une addiction. Les dépenses ordinaires du pays, les
dépenses pour notre vie de tous les jours, pour les services publics, pour les
retraites, pour rembourser nos feuilles de Sécu, nous avons pris l'habitude de
les financer à crédit. Donc dépassements systématiques de dépenses chaque
année.
Pour acquitter chaque euro de dépenses, il a fallu chaque euro de dépassement
des dépenses, il a fallu emprunter comme une un ménage ou une entreprise
emprunte à la banque.
1€ de déficit, c'est 1€ de dette supplémentaire et l'addition des déficits par
milliards tous les ans nous a conduit à une écrasante accumulation. 3415 milliards
d'euros de dettes à l'heure précise où nous parlons. Cette accumulation a un
prix, c'est la ponction que le service de la dette représente tous les ans ce
qu'il faut payer aux créanciers pour les intérêts et la part du capital qu'on
doit rembourser, et cela on est obligé de l’acquitter, sinon c'est la
banqueroute. Si on ne le faisait pas, on ne trouverait plus à emprunter.
Or, nous ne pouvons pas vivre. Dans un pays comme le nôtre, sans emprunter pour
payer les fonctionnaires ou pour les retraites ou pour la Sécu, ni pour remplir
nos obligations, d'emprunteur d'ores et déjà, nos obligations de remboursement
annuel.
La part à rembourser du capital dépasse et de loin, dépasse ce que notre pays
produit en plus chaque année par sa croissance, par ses progrès en plus de
l'année précédente.
Il faut avoir les chiffres précis en tête parce que ces chiffres ne sont pas du
tout abstraits, ils disent une chose évidente et que nous ne pouvons pas faire
semblant d'ignorer. Chaque année. À notre rythme annuel de croissance et
d'inflation, chaque année, la France, en plus de l'année précédente, produit
pour un montant de 50 milliards d'euros environ. Face à ces 50 milliards en
moyenne. En 2020, les annuités qu'il nous fallait verser représentaient environ
30 milliards par an, 50 30 en 2024, c'était 60 milliards, cette année, 67
milliards l'année prochaine, en 2026, 75 milliards. L'année suivante, 85
milliards. Et à la fin de la décennie, dit la Cour des comptes, 107 milliards.
50 milliards créés par le travail. Plus de 100 milliards transférés à nos
créanciers. Le double. Autrement dit, tout le travail, l'inventivité du pays
pour progresser pendant une année. Tout ce progrès que nous voulons pour les
nôtres, pour nos enfants, est entièrement reversé à nos créanciers. Et la
majorité de nos créanciers, 60% sont étrangers. Ce sont donc des dépenses
obligatoires totalement improductives. Pas un emploi de plus, pas un service
amélioré, pas un équipement mis en place.
Notre pays travaille, croit s'enrichir et tous les ans s'appauvrit un peu plus.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est une silencieuse, souterraine.
Invisible et insupportable hémorragie. Si c'est insupportable, on ne doit pas
le supporter. C'est le sens de la déclaration du gouvernement devant
l'Assemblée nationale.
Comme capitaine du navire, informé de la voie d'eau qui s'élargit sans cesse,
le flot qui envahit nos cales. Je dis que notre devoir est d'abord et tout de
suite de nous mettre à l'étancher et de nous y mettre tous.
Alors on me dit, mais ce n'est pas urgent, ça peut attendre. Vous êtes trop
impatient, vous voulez aller trop vite. Le bateau flotte encore, il ne faut pas
troubler les passagers et l'équipage. Là est précisément la confrontation des
points de vue. Là est la prise de responsabilité de chacun.
Je dis au contraire que si nous voulons la sauvegarde du navire du navire sur
lequel nous sommes et sur lequel sont nos enfants il faut agir sans retard et
ce n'est pas hors d'atteinte, cela demande seulement la mobilisation de tous.
Et un effort modéré de chacun si l'on s'y prend à temps.
Mais il convient même brièvement d'élargir l'analyse, de dépasser les
conséquences que je décris sur la vie des Français et d'envisager, je veux le
faire devant vous, ce que seraient les conséquences sur le destin de la France,
de nous tous, d’où nous venions. Nous, nous sommes les héritiers de la France.
C'est ce destin unique entre le peuple d'une puissance moyenne par le nombre de
ses habitants mais à vocation universelle.
Qui nous a fait ce que nous sommes? Et aujourd'hui, le destin de la France,
notre nation écrite dans l'Histoire, se trouve menacée par nos quotidiennes
impérities. Pour une nation, la question de l'influence est vitale, la capacité
à faire rayonner ses valeurs. Nos valeurs françaises et universelles partout
menacées. Les droits de l'homme et d'abord le droit des femmes, le droit au
respect, à la liberté des femmes, le droit des enfants, le droit à la liberté
et au respect de la vie privée, le droit à la libre opinion, à la libre
conviction, le droit à la libre religion, à la libre philosophie. Le droit à se
former, cet ensemble de droits, comme il n'y en eut jamais de plus complet dans
le monde depuis que le monde est monde. Tout cela qui le défend sinon la
France ?
Et comment la France peut-elle défendre cet ensemble de valeurs, lui donner sens
en elle-même et par l'Union européenne si elle s'avère faible, si elle a perdu
sa crédibilité en perdant sa souveraineté.
C'est ainsi que nous ne sommes pas à cet instant, défenseur de nos seuls
intérêts, de notre santé, de notre prospérité. Nous sommes les défenseurs
menacés d'un bloc de valeurs lui aussi menacé. De notre capacité à
l'indépendance et à la souveraineté dépend notre capacité d'influence. Du
respect que la France impose aux autres dépend le respect correspondant à ses
valeurs.
La soumission à la dette, c'est comme la soumission par la force militaire
dominée par les armes ou dominé par nos créanciers. Du fait d'une dette qui
nous submerge, dans les deux cas, nous perdons notre liberté. Et dans les deux
cas, il ne tient qu’à nous-mêmes de nous émanciper, de retrouver le chemin de
la liberté, cela ne demande qu'un effort sur nous-mêmes.
C'est pourquoi la France, sous l'autorité du président de la République et par
le vote des parlementaires, a choisi un plan d'équipement de ses armées, de ces
hommes et de ces matériels, la loi de programmation militaire. Cette loi, vous
le savez, il est nécessaire non seulement de la respecter mais de l'aborder par
des investissements complémentaires décidés en raison des dangers de toute
nature auxquels notre pays et notre continent sont exposés. Ces investissements
complémentaires nécessaires sont inscrits pour 3 milliards supplémentaires dès
cette année dans le plan que nous avons présenté aux Français au mois de
juillet.
C'est pourquoi, de la même manière, le gouvernement propose un pays au pays, un
plan pour aller vers le désendettement, pour que la France échappe en peu
d'années à l'inexorable marée de dettes qui la submerge. En quatre années, et
c'est un délai raisonnable dans la vie d'un pays, de ses habitants.
Ce n'est pas que nous n'aurons plus de dettes, mais notre dette n'augmentera
plus et voilà le plan. Atteindre en en 2029 le seuil de 3% des déficits publics
annuels, seuil à partir duquel la dette n'augmente plus. Et si la dette
n'augmente plus, alors le travail des Français, leur inventivité, leur
créativité, leur confiance retrouvée remettront le pays à flot et nous le
croyons plus vite qu'on ne croit.
Tous nos y invite, les technologies d'un monde qui va de révolution,
révolution, l'intelligence artificielle, notre créativité intellectuelle,
culturelle, artistique, notre recherche. Si nous savons nous libérer de ces
chaînes qui nous entravent, alors tous les épanouissements seront ouverts aux
Français d'aujourd'hui et aux générations qui viennent.
Tout est prêt. Tout est en germe, ne manque que la détermination de ceux qui
veulent en sortir. Cela oblige à des efforts, mais des efforts modérés, je le
disais, des efforts qu'un pays doit considérer supportable, dépenser un peu
moins que ce qui était attendu ou programmé, freiner les dépenses, les étaler
dans le temps, mais affirmer devant nos concitoyens et à la face du monde que
si personne ne sera abandonné, ce sont abord et avant tout les plus jeunes
d'entre nous dont nous devons nous occuper.
J'ai été frappé des messages que j'ai reçus pour avoir évoqué les plus jeunes
et le poids qui pèse sur leur génération, il porte les plus jeunes. Ils portent
et vont porter pendant 20 ou 30 ans ou davantage encore, le poids des milliers
de milliards de dettes que leurs aînés ont contractés et qu'ils vont, eux,
devoir endosser. Elles n'ont pas été contractées pour équiper le pays comme il
aurait fallu, pour décider de leur avenir. Ces milliers de milliards de dettes
ont été consacrés à éponger les dépenses courantes de la vie de tous les jours
qu'un pays normal devrait assumer à chaque génération pour son compte depuis
des décennies.
Sur ce point, nous avons rompu le contrat de confiance entre générations. C'est
la base du contrat social. J'ai été frappé de vérifier combien les jeunes se
sentent une génération sacrifiée. Ils disent, nous n'aurons pas de retraite, la
retraite, ça sera jamais pour nous. Et c’est le double enjeu que ces jeunes
rencontrent, et souvent le double échec. Dans la recherche du travail et la
recherche du logement dans certaines villes et certaines régions, et sans
compter le logement étudiant, une génération qui ne se voit pas d'avenir
commun.
Cette situation pour nous, elle est insupportable du point de vue démocratique,
insupportable du point de vue civique. Autant que du point de vue moral. La
prise de conscience, c'est aussi celle-là, que les plus avancés en âge unissent
leurs efforts pour alléger la dette que les plus jeunes devront acquitter.
Ne leur dites pas que vous les aimez, que vous veillez sur eux si vous faites
semblant d'ignorer la charge écrasante accumulée sur leurs épaules.
Ayant vécu ces derniers mois cet exercice inédit et je crois sans précédent de
transparence entre citoyens, j'ai vu la puissance des forces qui veulent qu'on
continue à fermer les yeux. Alors certes, il y a un fait nouveau depuis
quelques semaines, depuis que nous avons commencé ce travail, la première
phrase de cela est devenue, «nous ne nions pas la situation». Mais ils ajoutent
aussitôt, «nous sommes en désaccord avec la méthode, avec les décisions prises,
avec le rythme du désendettement, avec l'identification des causes, et nous
combattrons cela de toutes nos forces, et c'est pourquoi nous voulons faire
tomber ce gouvernement qui nous invite à l'effort».
Ne croyez pas que j'ignore l'efficacité du discours, ce sont les immigrés qu'il
faut mettre à contribution. Ce sont les étrangers qui sont la cause de tout.
C'est auprès de cela que nous gaspillions notre argent. Et qu'il faut taper
dans la caisse. Ou bien, variante de la part des mêmes, c'est l'Europe. Nous
nous ruinons à respecter nos engagements, 20 milliards là, 10 milliards ici. Et
en effet, c'est plus facile. Je suis d'accord, je l'ai dit pour qu'on vérifie
mesure par mesure s'il y a des anomalies, des injustices au détriment de nos
compatriotes. J'ai pris la décision d'intervenir à ce sujet cette semaine sur
l'aide médicale d'État pour faire entrer dans la norme. Le rapport présenté par
Claude Evin et Patrick Stefanini qui ont rappelé que c'est le premier
gouvernement qui prend en compte le rapport depuis deux ans qu'il a été déposé.
Mais j'ai entendu des voix qui disaient, «tout ça nous soulève le cœur en tout
état de cause, l'addition des économies est très loin de représenter un ordre
de grandeur à la dimension du problème ou bien autre discours, ce sont les
riches qu'il faut faire payer». Et là encore, je ne sous-estime pas
l'efficacité du discours. Bernard Arnault est devenu une familière figure
emblématique. Lui et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d'une
pensée magique. Ils sont comme ces poupées vaudous dans lesquelles on plante
des aiguilles. Pour les atteindre, j'imagine au portefeuille.
On m'accordera que je ne suis ni un défenseur attitré, ni un stipendié de ses
réussites. Mais je n'oublie pas ce qu'elles font tous les jours. Pour le pays,
l'excédent du commerce extérieur dans le secteur du luxe, c'est 40 milliards
d'euros par an. Et la valorisation et l'image de la France qui contribue à
l'industrie comme au tourisme, représente des dizaines de milliers d'emplois.
Alors on nous dit, «il suffit de prendre ce qu'ils ont ou une large part de ce
qu'ils ont, ou chaque année 2% de ce qu'ils ont et les problèmes de la France
seront réglés».
On oublie 2 choses essentielles. La première est qu'un pays comme le nôtre a
besoin d'investisseurs. Le 1% des plus hauts contribuables assument une large
part de l'investissement privé dans l'appareil productif en France et on oublie
une deuxième conséquence. Dans le monde de frontières ouvertes, nous vivons, ceux
qui sont ciblés ont une réplique très simple et très immédiate. Ils ont
pléthore de pays où ils peuvent trouver un refuge fiscal en Europe même. Au
Luxembourg et la Belgique, les Pays-Bas pour les entreprises. Demandez à nos
voisins britanniques. Ils ont décidé de taxer les étrangers qui étaient
exonérés de fiscalité. Ceux-là ont déménagé. La conséquence immédiate a été l'explosion des
prix de l'immobilier à Milan.
Mentionnons au passage, et François Hollande le sait bien, que ce type de
fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel, qu'il a depuis longtemps
déclaré confiscatoire et donc inconstitutionnelle. Et je réaffirme ici qu'il
conviendra de trouver un type de contribution qui fasse. Que les très hauts
revenus et les très hauts patrimoines soient appelés à participer
spécifiquement à l'effort national et qu'un travail en profondeur soit conduit
pour éviter que soit mis en place ou que se perpétuent des stratégies
d'optimisation fiscale manifestement anti égalitaire et bien que juridiquement
correct, moralement discutable.
Et j'ai proposé dès la mi-juillet que les commissions parlementaires soient
invitées à participer à ce travail de mise au point de cette fiscalité de
solidarité. Les solutions de facilité, celles qu'on vante aux Français à
longueur de discours, ne suffiront jamais. Notons au passage qu'entre ceux qui
affirment nous allons instituer 20 ou 30 milliards d'impôts nouveaux et ceux
qui stipulent «pas 1€ d'impôt supplémentaire», entre ceux qui disent nous
allons prendre les ressources dépensées pour les étrangers et ceux qui
déclarent qu'ils s'y opposeront jour et nuit, et jusqu'au bout, la conjonction
des forces qui annonce qu'elles veulent additionner leur voix pour faire tomber
le gouvernement.
C'est un tohubohu qui se prépare pour la France et pardonnez-moi de le rappeler
à ce moment, le problème, la menace, le risque pour la France demeurera entier.
Parce que Mesdames et Messieurs les députés, vous avez le pouvoir de renverser
le gouvernement, mais vous n'avez pas le pouvoir d'effacer le réel. Le réel
demeurera inexorable, les dépenses continueront d'augmenter plus encore et le
poids de la dette, déjà insupportable, sera de plus en plus lourd. Et de plus
en plus cher. Il n'y a donc qu'un seul chemin pour que notre pays s'en sorte
aujourd'hui comme dans les années 50, quand le général De Gaulle est un peu
plus tôt, Pierre Mendès-France affirmait tous les deux dans le même sens pour
l'un, qu'un pays qui n'est pas capable d'équilibrer ses finances publiques est
un pays qui s'abandonne.
Je refuse que l'équilibre des finances publiques se fasse par l'accroissement
chronique de la dette. C'est la question précisément qui est posée aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les Députés, dans cette démarche inédite qui vise à
mettre tous les parlementaires face à leurs responsabilités, propre,
personnelle, humaine, tous ceux qui voient bien que quelque chose ne va pas,
même s'il est plus commode d'ignorer cette évidence, tant cette démarche il y a
une certaine idée de la démocratie et du gouvernement d'un peuple.
J'ai choisi de m'adresser à vous. Comme si le destin n'était pas écrit comme si
la réponse de l'Assemblée nationale à l'engagement de responsabilité n'avait
pas été annoncé partout, à corps et à cris, sur tous les tons et toutes les
antennes de la part du plus grand nombre des groupes de cette Assemblée. Grâce
à vous, en prenant au pied de la lettre nos principes énoncés à l'article 27 de
la Constitution, le droit de vote des membres du Parlement est personnel. Ce
qui veut dire, en principe que les mots d'ordre n'ont pas leur place ici. Ce
qui a sa place ici, c'est la conscience personnelle de chacun des députés de la
nation.
Tous les partis politiques qui ne font pas partie du gouvernement ont annoncé
leur décision de renverser ce gouvernement. Exploit tout relatif, permettez-moi
de le signaler, puisque ce gouvernement est sans majorité ni majorité absolue,
ni majorité relative. Gouvernement dont la chute irrévocable, je le sais bien,
était annoncé depuis la première minute de son existence.
Je veux apporter ici une précision. J'ai une haute idée des mouvements
politiques, je me suis engagé quand j'avais à peine plus de 20 ans dans celui
auquel j'adhérais encore aujourd'hui. Je ne l'ai jamais quitté, je l'ai défendu
quand nous n'étions qu'une poignée à y croire encore. Je l'ai porté envers et
contre tous et je suis fier de la génération de responsables qui m'entourent
aujourd'hui et je suis certain que sur beaucoup de ces bancs le même sentiment
d'intime fidélité et de fierté avec le parti auquel vous adhérez est partagé.
Mais les partis politiques ont aussi un défaut fondamental si précisément vu, y
compris à son détriment, par le général De Gaulle. C'est que leur logique,
toujours les conduit à la division. C'est une malédiction que nous vérifions à
cet instant. Notre pays a le plus urgent besoin de lucidité, il a le plus
urgent besoin d'unité et c'est la division qui menace de l'emporter qui menace
son image et sa réputation.
Les forces politiques qui annoncent qu'elles vont faire tomber le gouvernement,
ce sont les forces politiques les plus opposées entre elles, celles qui se
désignent comme ennemies, celles qui sont incompatibles par les idées autant
que par les arrière-pensées et qui échangent un tempo à l'autre de l'hémicycle,
les injures et les mises en cause, ce qu'elles préparent si leur logique de
division l'emporte, j'ai déjà utilisé le terme, c'est le tohu-bohu, le désordre
où chacun hurle dans son coin et dont rien de bon ne peut sortir.
Le gouvernement, par ma voix, engage devant vous sa responsabilité, ce qui
signifie que, par ma voix à la tribune, il dit, mesdames et messieurs les
députés, le problème dont vous nous vous saisissons comme représentant de la
nation nous paraît si grave, il implique si profondément chacun de nos
concitoyens qu'il requiert votre soutien.
Sans un soutien minimal de la part des Français représenté ici par leurs
députés, l'action exigente et courageuse que la situation implique n'a aucune
chance de pouvoir s'imposer. Et s'il n'y a pas ce soutien minimal, cette
entente minimale entre les grandes sensibilités du pays sur le constat et sur
l'impérieuse trajectoire de redressement, alors l'action du gouvernement serait
vouée à l'échec et pire encore, elle n'aurait pas de sens.
S'il s'agit toujours de faire semblant de ménager la chèvre pour obtenir le
chou, de se rendre aux logiques de marchandage et de division, de dissimuler
l'essentiel pour communiquer sur le secondaire, en sachant que si on continue
ça, c’est la marche vers l'accident.
Je vous le dis, je ne serai pas l'homme d'une telle politique. Je crois au
compromis, mais je crois au compromis quand il respecte l'essentiel, la vérité
des hommes et des choses. La hiérarchie des ordres et des urgences. Je crois
aux compromis qui ne se construisent pas sur l'ambiguïté. Requérir le soutien
du pays lorsqu'il faut agir, c'est pour moi l'article premier du contrat
démocratique.
Dans des domaines aussi sensibles, je n'ai jamais cru à l'épreuve de force. Je
crois à la conviction partagée et je crois qu'il convient de vérifier cet
accord de fond auprès des Français ou de leurs représentants chaque fois que
nécessaire.
Ma conviction, c'est qu’au fond, au point où nous en sommes arrivés, il ne
reste que deux chemins. Il y a un chemin sur lequel toute la planète, tout le
monde bascule, le chemin qui considère que la destinée des peuples c'est
d'obéir et que pour que s'installe cette logique autoritaire contre le droit
des peuples, les droits de l'homme et du citoyen, tous les coups sont permis.
Que la fin justifie les moyens notamment l'utilisation de tous les conflits, de
toutes les mésententes, de toutes les calomnies qu'il convient de faire
flamber.
Vous voyez sans peine l'Est lointain et même de l'Extrême-Orient
lointain. À cette Ouest qu'on croyait proche l'Ouest américain, combien cette
conception de la politique au bulldozer la loi du plus fort, le rapport de
force brutal paraisse imposer sous les applaudissements des uns et le
découragement des autres. Et nous, nous sommes là pour ranimer.
L'autre projet? Le projet même de la démocratie qui considère plus juste, plus
intéressant, plus fructueux de respecter le citoyen, même minoritaire, et de le
considérer comme partenaire et coresponsable de son propre destin. Cette
démarche, cette méthode fait de la vérité partagée avec les Français son arme
suprême, cette démarche, cette méthode, elles conduisent à l'unité du pays et
elles écartent la malédiction de la division perpétuelle.
Quelqu'un que j'aime beaucoup, le philosophe et militant Marc Sangnier, qui
siégea dans votre Assemblée deux fois après la Première Guerre mondiale et
après la deuxième, a défini ce projet de la démocratie
La démocratie est l'organisation sociale qui porte à son plus haut la
conscience et la responsabilité du citoyen, la conscience, c'est-à-dire la plus
juste, la plus lucide compréhension des choses et des événements, et la
responsabilité, c'est-à-dire l'engagement. Nous, citoyens, nous ne sommes pas
là pour être condamnés, soit à obéir, soit à la révolte. Nous sommes là pour
prendre notre part du destin, les yeux ouverts et la vérité comme boussole.
Nous sommes, nous le savons tous, un peuple qui s'interroge non pas seulement
sur son avenir, sur l'avenir du monde et de la planète, mais sur le chemin que
l'on peut emprunter pour construire cet avenir.
Ce que dit le moment que nous vivons, c'est qu'il y a un chemin et c'est le
seul pour la France, celui de la vérité partagée et du courage qu'on choisit
ensemble.
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