mardi 19 novembre 2019

L’Humeur du Centriste. A quel jeu pervers jouent le parti de François Bayrou?!

François Bayrou & Patrick Mignola
Une majorité présidentielle cela sert, on le croyait jusqu’à présent, à mettre en œuvre les promesses de campagne du chef de l’Etat élu mais aussi d’être solidaire dans les moments difficiles avec l’exécutif.
Cette dernière évidence (mais parfois la première également) semble être complètement oubliée par le Mouvement démocrate avec, nouvel épisode de sa volonté de s’émanciper de LaREM une étrange tribune du président du groupe à l’Assemblée nationale, Patrick Mignola, écrite largement par François Bayrou et cosignée ce qui est tout aussi étrange par les deux principaux responsables de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, son président, et son second, Hervé Marseille (et approuvée par tous les députés MoDem même si certains affirment, selon franceinfo qu’on leur «a forcé la main» et que le texte est trop agressif).
Cette réunification des centristes autour d’un texte qui demande un «Grenelle du XXI° siècle» afin de «lutter contre les inégalités» avec une «augmentation des salaires» ressemble fort à une nouvelle contestation par le MoDem de la politique suivie par le Gouvernement.
Décidément, la culture d’opposition systématique du MoDem, héritée de ses années de traversée du désert initiée par Bayrou pour assouvir son ambition présidentielle dévorante, a du mal à être dépassée.
Mais cette tribune est aussi le énième épisode d’un parti qui tente de trouver sa légitimité propre (tous ses députés ont été des «cadeaux» de Macron) et son identité (au-delà d’être des béni-oui-oui de Bayrou) d’où cette volonté quasi-existentielle de vouloir sans cesse s’émanciper de sa qualité d’appendice de LaREM en se distanciant de cette dernière voire en s’y opposant plus ou moins frontalement.
D’ailleurs, Mignola, en bon petit soldat de Français Bayrou ne dit pas autre chose quand il avoue que cet appel a comme but de «ne pas céder à la tentation du parti unique».
Et il ne craint pas d’affirmer que son contenu est partagé par la majorité d’En marche!...
Parce que la réaction du parti présidentiel n’a guère été enthousiasmante, au contraire, avec cette impatience de plus en plus grande devant ce que l’on considère comme des coups de couteaux dans le dos, spécialement dans les moments délicats comme si le MoDem tentait alors systématiquement de prendre ses distances pour ne pas être mis dans le même sac que LaREM, voire de récolter des bénéfices électoraux futurs.
Comme l’explique un membre de cette dernière dans Le Figaro:
«Les relations se compliquent. Bayrou a demandé un plan B à Paris, il joue les poils à gratter sur les retraites, on découvre parfois dans l’Hémicycle des amendements du MoDem contre l’avis du gouvernement…»
Personne n’a ainsi oublié les attaques dures de Bayrou contre Macron et son gouvernement avant et, surtout, au début de la crise du mouvement de foule des «gilets jaunes» mais aussi depuis le début du quinquennat avec un systématisme parfois étonnant.
On n’a pas oublié non plus que Mignola avait même, dans les colonnes du même Figaro, qualifié la France sous Macron de pays «illibéral», rien que ca!
Et il en rajoute une couche en prétendant «que la majorité n'assume pas ce pour quoi elle est là, c'est-à-dire la lutte contre l'inégalité».
Voilà qui fera plaisir aux macronistes!
Ce que ne semblent pas comprendre les responsables du parti centriste, c’est qu’ils seront considérés, quoi qu’il arrive, comme comptables, autant que ceux de LaREM de la politique suivie au cours de cette présidence mais que leurs critiques, en revanche, donneront du carburant à tous ceux qui sont dans l’opposition, voire à tous les séditieux qui manifestent violemment.
Et l’on se dit que si cette opposition quelque peu pathologique est la seule capacité de proposition du Mouvement démocrate, alors celui-ci a de quoi se faire du mouron pour son avenir…

Centristement votre.

Le Centriste

Présidentielle USA 2020. Primaires démocrates – Quand un trop-plein de candidats centristes risque de faire perdre le Centre


Joe Biden, Kamala Harris, Amy Klobuchar, Cory Booker et même Pete Buttigieg qui s’est récemment recentré avec maintenant l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg et l’ex-gouverneur du Massachussetts, Deval Patrick, sans oublier quelques second couteaux (Castro, Delaney, Bullock et Bennet), le nombre des candidats centristes à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020 montre, sans doute, la vitalité du courant centriste à l’intérieur du parti mais aussi risque de le faire perdre face à la gauche qui est représentée uniquement par Elizabeth Warren et Bernie Sanders voire Gabbard et des originaux comme Steyer, Yang ou Williamson.
Bien sûr, Biden est toujours en tête nationalement devant Warren et Sanders et loin devant ses concurrents centristes (dans l’ordre, Buttigieg, Harris, Bloomberg, Booker, Klobuchar Castro, Delaney, Bullock et Bennet) mais il risque de perdre les pourcentages nécessaires pour l’emporter et être désigné comme le candidat du Parti démocrate lors de la Convention qui se déroulera à Milwaukee (Wisconsin) du 13 au 16 juillet prochain.
Avant cela, il faudra passer par toutes les primaires et les caucus avec un premier rendez-vous le 3 février prochain, avec le caucus de l’Etat d’Iowa puis le 11 février avec la premières primaire dans celui du New Hampshire.
Même s’il s’agit de petits Etats (et que le mécanisme du caucus est très décrié pour son mode de fonctionnement), ils ont souvent permis à des «outsiders» ou des «mavericks» (personnalités indépendantes) de faire de bons scores, voire de l’emporter, créant ainsi une dynamique qui a permis à certains d’entre eux (comme Barack Obama ou Bill Clinton) de l’emporter alors même qu’ils ne faisaient absolument pas partie des favoris.
C’est ici que la faiblesse du trop plein de candidats centristes est criarde avec une dispersion des votes qui fait que Biden est en seconde position dans les sondages dans le New Hampshire derrière Warren et en troisième position dans ceux qui concernent l’Iowa, devancé par Warren mais, surtout, par Buttigieg – qui est en tête actuellement – alors même qu’il possède entre 10 et 15 points d’avance sur la première dans les sondages sérieux et autour de 25 points d’avance sur le second.
Un Buttigieg dont les médias s’amourachent actuellement (comme ce fut le cas pour O’Rourke qui a depuis jeté l’éponge puis pour Harris qui ne dépasse plus les 5% d’intentions de vote) mais qui n’a, pour l’instant, aucune chance de remporter les primaires.
En revanche, il pourrait avoir la possibilité de faire perdre Biden et, si celui-ci demeure le principal candidat centriste, le Centre.
Ce qui pourrait être également le cas des candidatures de Deval Patrick et, surtout, de Michael Bloomberg.
Ce dernier s’est déclaré candidat pace qu’il estime que Biden n’est pas assez fort pour l’emporter face à Warren et Sanders.
Mais c’est surtout son ambition ancienne – à chaque fois contrariée par son indécision – de se présenter à la présidentielle qui l’a une nouvelle fois démangé et amené à se déclarer.
Du Centre depuis toujours, il est pourtant en capacité de faire perdre celui-ci en 2020.
Dans les sondages sérieux, le courant centriste devance actuellement celui de gauche (liberal et socialiste) de quelques points.
Mais ce dernier est essentiellement regroupé autour de deux candidats (Warren et Sanders) alors que la dispersion chez le premier est beaucoup plus grande d’où la possibilité que le candidat du Centre le mieux placé – quel qu’il soit – manque des quelques points nécessaires pour s’imposer.
Bien entendu, le nombre de candidats va diminuer dans les semaines à venir comme c’est toujours le cas et il ne restera plus que les principaux.
Cependant, la dispersion centriste sera sans doute encore plus importante que celle de gauche.
Au-delà de la possibilité de la défaite du courant centriste lors des primaires démocrates, c’est bien la victoire contre le candidat républicain (Donald Trump aujourd’hui mais la procédure d’impeachment pourrait changer la donne soit par sa destitution, soit par sa renonciation à se présenter, soit en perdant le soutien du Parti républicain) qui serait remise en cause avec Elizabeth Warren ou Bernie Sanders qui seront sans doute incapables de convaincre ce qui reste d’électeurs de droite modérés et surtout les fameux «independents» (non-affiliés à un parti) de tendance centriste et qui font souvent les vainqueurs notamment par leur vote dans les Etats-clés.
Car même s’ils devancent Trump dans les sondages (avec une marge moins grande que Biden), il ne faut pas oublier que la présidentielle est une élection à deux niveaux avec la désignation de grands électeurs Etat par Etat.
C’est ce système archaïque qui a permis à Trump de battre Hillary Clinton en 2016 avec près de trois millions de voix en moins que la démocrate grâce à ses victoires dans certains Etats-clés de par le vote en sa faveur de seulement quelques milliers d’«independents» voire de l’abstention de certains d’entre eux (sans oublier les abstentions des électeurs de gauche suite aux campagnes de dénigrement contre Clinton venues en particulier des soutiens à Bernie Sanders voire au socialiste lui-même).
Ce scénario catastrophe pourrait donc se reproduire en 2020, ce qui serait un cauchemar pour les démocrates mais aussi pour tous les défenseurs de la démocratie.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC