mardi 12 novembre 2019

Actualités du Centre. Roumanie – Présidentielle: les candidats centristes éliminés au premier tour


Comme prévu par les sondages, le deuxième tour de l’élection présidentielle en Roumanie opposera le candidat de droite libérale et favori, Klaus Iohannis (Parti national libéral) qui a obtenu 36,51% des voix lors du premier tour qui s’est déroulé le dimanche 10 novembre, président sortant, et la socialiste Viorica Dancila (Parti social-démocrate) qui a obtenu 23,45% des voix, ancienne premier ministre renversée il y a peu.
Quand aux trois candidats centristes ils occupent les places suivantes avec le candidat de l’USR (Union sauver la Roumanie), Dan Barna, qui obtient 14,19% des voix, celui de l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates) et de Pro Romania, Mircea Diaconu, qui obtient 9,17% des voix, et celui du PMP (Parti mouvement populaire), Theodor Paleologu, qui obtient 5,69% des voix.
Le Centre divisé obtient ainsi 29,O5% des voix.
A noter que cette présidentielle vient alors le pays a, depuis une semaine un nouveau premier ministre (véritable détenteur du pouvoir), Ludovic Orban, le chef du PNL qui, après avoir renversé le gouvernement social-démocrate le 10 octobre dernier suite au vote d’une motion de censure, a réussi à trouver une courte majorité au Parlement (où les Chambre des députés et le Sénat, réunies en assemblée unique votent la confiance) de sept sièges grâce à une alliance qui a réuni notamment trois des quatre partis centristes, l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates), le PMP (Parti du mouvement populaire) et l’USR (Union sauvez la Roumanie).
Seul le PRO (Pro Romania, centre-gauche) n’a pas accordé sa confiance à Ludovic Orban.
Mais cette alliance n’est pas une coalition gouvernementale et Orban – en attendant les législatives de l’année prochaine – devra gouverner sans majorité.


Actualités du Centre. Espagne – La débâcle de Ciudadanos aux législatives provoque la démission de Rivera et met l’existence du Centre en jeu


L’avenir du Centre en Espagne est-il en jeu?
Cette question n’est pas seulement rhétorique alors que le 10 novembre le parti centriste Ciudadanos vient de connaître une débâcle sans précédent depuis sa création en mars 2006 puis son entrée au Parlement en 2014 et que, dans la foulée, son leader historique et fondateur, Albert Rivera, a non seulement démissionné de son poste de président mais aussi de député, affirmant quitter la vie politique.
Pour bien visualiser celle-ci, Ciudadanos a perdu lors du scrutin de dimanche dernier par rapport à celui d’avril, soit en six mois, plus de 60% de ses électeurs (6,1% des voix contre 15,7%) et 82% de ses députés (10 contre 57)!
Ce désastre politique vient essentiellement d’une impossibilité pour les Espagnols de comprendre la logique partisane du parti qui n’a pas su, à la fois, expliquer avec la conviction suffisante celle-ci et le sentiment qu’il trahissait ses valeurs centristes.
Il est une sorte de victime – consentante, malheureusement – du chaos de la situation politique que vit l’Espagne depuis plusieurs années où corruption, populisme, extrémisme, esprit partisan primant sur l’intérêt national et pression constante des indépendantistes dans de nombreuses régions (en particulier en Catalogne, d’où est issu Ciudadanos) s’intriquent entre eux pour créer un mélange détonant.
Ainsi, alors que le bipartisme semblait avoir remporté le combat avec deux grandes formations, le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) et ce qui est devenu le PP (Parti populaire), les scandales sur fond de crise économique agrémentés par des décisions désastreuses (comme celle qui créa la crise immobilière sans précédent) permirent, non seulement, aux centristes de réexister (ils avaient dirigé le pays après la démocratisation voulue par le roi Juan Carlos suite à la mort du dictateur Franco grâce à L’Union du centre démocratique et son leader, Adolfo Suarez) alors qu’ils avaient pratiquement disparu du paysage politique, mais aussi à l’extrême-gauche populiste de prendre son envol (avec Podemos) et, depuis peu, à l’extrême-droite nostalgique du franquisme de revenir en force (avec Vox qui est désormais la troisième formation du pays).
D’un bipartisme on es passé en quelques années à un multipartisme éclaté (car il faut aussi compter les mouvements nationalistes indépendantiste).
Les positions forte de Ciudadanos pour une société de liberté, contre la corruption généralisée (d’où son appellation de «Citoyens» pour se distinguer des partis classiques), pour un libéralisme social et, surtout, pour l’absolue défense de l’intégrité du pays face à tous les mouvements indépendantistes, lui avaient attiré de nombreuses sympathies et soutiens.
Son jeune leader (en 2006, il avait alors 26 ans et en a aujourd’hui 39), l’avocat catalan, Albert Rivera permit grâce à sa jeunesse et son dynamisme d’en faire en quelques années la troisième force du pays et, pour beaucoup, la prochaine à diriger le pays.
C’est sans doute cet emballement qui a été une des causes de la chute.
Car Ciudadanos s’est voulu gardien du temple démocrate et républicain face à des manœuvres politiciennes indignes des autres partis (ce qui était tout à son honneur et à l’esprit de sa création) mais s’est retrouvé coincé dans des contradictions dont la formation centriste n’a pu sortir.
Ainsi, plus proche de la social-démocratie du PSOE que du conservatisme traditionnel du PP, Ciudadanos a refusé d’envisager de gouverner avec les socialistes parce que ceux-ci, non seulement, faisaient les yeux doux à l’extrême-gauche avec lesquels ils ne partagent pas grand-chose et qui, pour faire un gouvernement, faisait du chantage aux postes, mais essayaient également de s’entendre avec des mouvements indépendantistes afin d’avoir une majorité au Parlement, notamment avec ceux de Catalogne.
Pour Albert Rivera et ses troupes, il s’agissait de deux lignes rouges que l’on peut comprendre venant d’un parti centriste.
Cependant, dans cette opposition frontale au PSOE, Ciudadanos s’est voulu aussi un parti responsable qui se devait de montrer ses capacités à gouverner.
Il s’est alors tourné vers le PP pour des «pactes de gouvernement» dans des régions et des municipalités sur des programmes qui n’avaient rien de scandaleux.
Sauf que pour occuper le pouvoir dans ces collectivités territoriales, les centristes et les droitistes avaient besoin de l’appui (ou de la non-opposition) de l’extrême-droite.
Rivera a toujours affirmé qu’une autre ligne rouge était un accord avec Vox.
Mais cela n’a pas été le cas pour le PP.
Et dans un jeu politique qui a semblé être une tambouille politicienne peu ragoûtante, le PP a négocié avec Vox, puis obtenant son appui, a formé une alliance avec Ciudadanos qui, lui, affirmait qu’il n’avait rien négocié avec l’extrême-droite!
Si techniquement cela était vrai et que Ciudadanos n’a vraiment aucune accointance avec les admirateurs de Franco, dans les faits, ces alliances avaient été permises par ces derniers qu’on le veuille ou non.
Le refus de gouverner avec les socialistes afin d’éviter une énième crise politique et celui d’accepter tacitement l’aide de l’extrême-droite pour gérer régions et mairies ont été très mal perçus par les Espagnols et, surtout, par les électeurs de Ciudadanos qui lui ont fait payer dans les urnes ce qui ressemble à une inconséquence alors même que les valeurs sur lesquelles s’appuie le parti sont bien centristes.
Cette dégringolade pourrait signifier un effacement du Centre pour un bout de temps (comme ce fut le cas des Liberal democrats au Royaume Uni après leur passage pitoyable au pouvoir dans une alliance entre leur leader Nick Clegg et le conservateur David Cameron) voire un retour à la case groupusculaire...
Cependant, à l’issu des élections de dimanche, rien n’est réglé en Espagne puisque, si les socialistes ont gagné le scrutin, ils ne bénéficient toujours pas d’une majorité et que le PP s’est renforcé sans oublier que Vox, désormais, devance Podemos.
D’où de nouvelles batailles politiques en perspective qui pourraient remettre en selle – même si cela sera difficile à court terme – des centristes aujourd’hui désemparés.