vendredi 29 décembre 2017

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. 2017, année charnière mais vers quoi?

2017 a été la première année de pouvoir d’Emmanuel Macron mais aussi de Donald Trump.
En une phrase, voilà résumée toute l’ambiguïté, tout le paradoxe, tout l’irrationnel d’une année que l’on pourrait qualifiée par le néologisme d’«oxymorale».
Et pourtant, si le système électoral étasunien n’avait pas été d’un autre âge, aujourd’hui les centristes pourraient s’enorgueillir d’avoir un président centriste en France et une présidente centriste aux Etats-Unis.
Imaginez la complémentarité des deux centristes avec le plus jeune président de la V° République en France et la première femme présidente aux Etats-Unis, tous deux reconnus pour leur compétence même par leurs adversaires.
Deux vrais centristes défenseurs intransigeants de la démocratie républicaine et de ses valeurs.
Cela aurait eu de la «gueule» comme on dit.
Et cela n’aurait pas été de trop face à la montée des extrémismes et des populismes un peu partout dans le monde.
Avoir deux mains fermes face à la Russie de Poutine, à la Chine de Xi Jinping, à la Corée du Nord, à l’Iran, au Venezuela et face au terrorisme islamique tout en tendant deux autres mains pour travailler ensemble à la paix et à la prospérité dans le monde, voilà qui aurait changé la donne.
Mais avant de dire que les Américains sont tombés dans le populisme démagogique de bas étage et de la pire espèce pour faire de cet anti-américanisme primaire que nous aimons tant en France, n’oublions pas que, comme dans notre pays, les électeurs ont majoritairement dit non à celui-ci en se mobilisant pour lui faire barrage, d’abord lors des primaires démocrates où Hillary Clinton a battu sans contestation possible le gauchiste populiste Bernie Sanders puis lors de l’élection générale où près de trois millions de personnes de plus que les électeurs de Trump ont voté pour elle.
Oui, seul ce système électoral d’un autre âge dont je parlais plus haut nous met aujourd’hui dans un monde où la première puissance mondiale est gouvernée par un clown et, plus grave, sans doute quelque peu déséquilibré mentalement et dont les réactions sont imprévisibles et les mensonges toujours aussi grotesques.
Ne vient-il pas d’affirmer que l’Obamacare (assurance-santé) était morte au moment où des millions de ses compatriotes viennent d’y souscrire?!
Ne vient-il pas d’affirmer l’inexistence du réchauffement climatique par les températures particulièrement froide sur la côte Est des Etats-Unis, confondant, comme la si bien dit un scientifique, météo et climat?!
On ne refait pas l’Histoire et, comme tout bon centriste, il faut vivre pragmatiquement dans la réalité parce que c’est la seule façon d’agir pour changer la donne.
Or donc, cette année 2017 a été charnière de quelque chose que l’on verra sans doute émerger de façon plus claire au cours de 2018 et dans les années suivantes.
Ce n’est pas que je ne veuille pas faire un peu de prospective ou que rien n’est assez évident pour qu’on puisse se hasarder à celle-ci mais plutôt qu’il y a un scénario plutôt positif et un scénario plutôt négatif.
Le premier, le scénario positif, ne passe pas par la Russie ou la Chine mais ne passe pas non plus par les Etats-Unis – une première depuis fort longtemps – où, tant que Trump sera au pouvoir et soutenu par une majorité républicaine dont la plupart des élus sont d’une médiocrité extrême, rien de bon ne pourra venir de ce pays jusque là leader du «monde libre».
Et s’il faut espérer qu’en novembre 2018 le Congrès bascule du côté démocrate – avec également l’élections d’un nombre d’élus républicains plus modérés en réaction à la gouvernance extrémiste de Trump – lors des «mid-term elections» (élection de mi-mandat en référence à celui du président), cela n’impactera évidemment pas l’année qui vient.
Quant à ceux qui espèrent, comme moi, la destitution de Donald Trump pour s’en débarrasser, ils seront sans doute déçus car il y a très peu de chance qu’elle survienne même si tout ce qui lui est reproché sera sans doute confirmé.
Le scénario positif ne pourra venir que de l’Union européenne, d’une mobilisation de la communauté internationale des peuples et non des Etats et de pays comme la France, voire l’Allemagne si elle trouve une issue à sa crise gouvernementale (ce qui ne sera pas le cas avant mars selon les spécialistes de la politique d’outre-Rhin).
L’Union européenne peut-elle être un moteur pour la construction d’un monde plus apaisé?
Oui, si l’on se base sur le projet européen; non, si l’on s’en tient à la réalité d’aujourd’hui.
Car même si le Brexit ne l’impacte pas comme on pouvait le craindre mais va plutôt déclasser la Grande Bretagne, les tensions à l’intérieur de l’UE sont forte avec des pays gouvernés par des populistes comme la Pologne (qui s’est mise en dehors de la légalité européenne avec ses lois sur la justice), la Hongrie (avec un pouvoir qui fait la chasse aux opposants), l’Autriche (avec un gouvernement où l’extrême-droite contrôle trois grands ministères dont celui de l’Intérieur), la Grèce (où l’extrême-gauche au pouvoir est capable de faire retomber le pays dans la crise à tout moment par des décisions démagogiques) et d’autres qui vont connaître des moments difficiles avec des élections (comme en Italie) ou des crises politiques (comme en Espagne ou en Allemagne).
Mais l’Union européenne, en même temps qu’elle est une entité existante, est également une dynamique agissante et une espérance.
Et c’est bien dans ces deux dernières incarnations qu’elle peut être un moteur pour apaiser les tensions, pour promouvoir l’humanisme et pour empêcher que les pousse-au-crime et les va-t-en guerre au pouvoir (Poutine, Trump, Xi Jinping, Kim Jong-un, Duterte, Maduro, Al-Assad, Khamenei, Netanyahou, etc.) et ceux qui pourraient y accéder provoquent des chaos irréversibles et des atteintes à la liberté et à la dignité humaine.
Bien sûr, il ne faut pas être naïf, la tâche sera dure mais l’on peut aussi espérer en un sursaut dans les pays démocratiques, par exemple, aux Etats-Unis avec la perte des élections par les républicains, la destitution du premier ministre israélien (dont on rappelle les multiples affaires de corruption qui le touchent depuis longtemps) et le réveil – hypothétique, il est vrai – de peuples trompés comme en Russie ou aux Philippines (celui du peuple vénézuélien n’ayant malheureusement pas abouti à chasser les fossoyeurs chavistes du pays).
Le deuxième scénario, le négatif, on l’aura compris, mettra sur le devant de la scène les pays et les dirigeants dont on vient de parler en mal, avec une montée en puissance de l’autocrate Poutine (qui sera réélu président en 2018 dans une élection truquée dès le départ), du dictateur Xi Jinping (qui a verrouillé le système pour un règne sans fin avec une répression de plus en plus forte) face à un Trump toujours aussi inconséquent et incapable, sans aucune capacité à résister aux deux premiers nommés quand ce n’est pas dans une propension inquiétante à faire pire qu’eux…
Ce monde encore plus instable ainsi que les exemples de réussite de l’autocrate et du dictateur précités, pourraient permettre à l’Iran, à la Corée du Nord, à la Syrie, au Venezuela, entre autres, mais aussi aux organisations terroristes (malgré leur défaite en Irak et en Syrie) de (re)monter en puissance.
Un monde moins sûr, moins coopératif, moins ouvert où, devant les menaces, les peuples inquiets pourraient se tourner de plus en plus vers des «hommes forts» et des «régimes de fer», rappelant de bien mauvais souvenirs.
Encore une fois, les deux scénarii sont possibles à l’heure où j’écris.
Ceux qui en doute ou qui pensent qu’il ne s’agit, pour le scénario négatif, que de catastrophisme, je leur conseille vivement de rouvrir leurs livres d’Histoire et de lire ce qui se passait juste avant la Première guerre mondiale.
En n’oubliant pas que nombre d’historiens sont désormais convaincus, qu’en réalité, la Première et la Deuxième guerre mondiale ne sont qu’une seule avec une longue trêve de vingt ans…
Face à la montée des nationalismes, des radicalismes religieux et idéologiques, des xénophobies et des racismes, le combat d’une mondialisation humaniste est plus que jamais indispensable.
Car, comme l’écrivait le grand historien Arnold Toynbee il y a déjà près de cinquante ans, «L’Humanité court assurément à sa perte si elle ne parvient pas à former une communauté, telle une grande famille».
Nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas prévenus.