jeudi 24 mars 2016

Actualités du Centre. Lassalle utilise l’argumentation de Bayrou pour le critiquer et se présenter à la présidentielle

Jean Lassalle
Le départ de son unique député et ami, Jean Lassalle, n’a pas entamé la confiance de François Bayrou en sa capacité de réunir le Centre alors même que cet épisode est le dernier d’un long processus qui a vu la plupart des élus et des proches du président du Mouvement démocrate s’éloigner de lui.
Ce qui est le plus dérangeant pour lui est que Jean Lassalle utilise exactement la même argumentation qu’il a construite au fil des ans pour proclamer son indépendance et sa légitimité à être le seul réel centriste ainsi qu'à justifier ses multiples candidatures à l'Elysée.
Ainsi, le député de Pyrénées-Atlantiques a estimé, dans un entretien au Figaro, que le soutien apporté par François Bayrou à Alain Juppé était mortifère pour le Centre car le maire de Bordeaux «représente l’homme de l’UMP (…) la plus formidable machine à concasser du centriste».
Rappelons, en effet, que l’UMP, ancêtre de LR, fut créée pou regrouper la Droite et le Centre dans un même parti, initiative mise en place par Jacques Chirac et menée par Alain Juppé.
Au moment de sa création en 2002, François Bayrou n’avait pas eu de mots assez durs pour fustiger cette initiative ainsi que les ralliements de nombre de centristes de l’UDF, en estimant que celle-ci était en partie dirigée contre un Centre indépendant.
De même, Lassalle a réaffirmé son intention d’aller jusqu’au bout de sa candidature à l’élection présidentielle.
Il reconnait ben entendu être assez isolé et compte sur le soutien des Français pour y parvenir.
Une petite musique dont la partition fut déjà jouée par François Bayrou!
Il sera un «candidat populaire», le représentant de «la troisième voie indépendante», celle que Bayrou a justement laissé tombé, selon ses dires.
Il prévoit que tout l’establishment sera contre lui pendant que les instituts de sondage minoreront ses intentions de vote.
Et de préciser: «Je pense que mon heure est venue (…) je n’ai jamais perdu d’élections personnelles. (…) Et le temps des anonymes est venu, celui des inattendus».
Là aussi, la ressemblance avec la rhétorique de Bayrou est évidente.
Enfin, la rupture avec le président du MoDem semble complète puisque Lassalle précise que «Si Bayrou est candidat, nous serons candidats tous les deux».
Même s’il tient à expliquer que s’il s’est mis en congé du Mouvement démocrate, c’est pour ne pas «gêner» le parti et son président qu’il «embête» déjà assez en se présentant.


Une Semaine en centrisme. Sociaux-libéraux: faibles politiquement et incompatibles avec les centristes?

Emmanuel Macron, emblème du social-libéralisme
«Le mélange de libéralisme économique et de libéralisme culturel qui caractérise les sociaux-libéraux ne permet pas de penser qu’il existe un espace centriste de recomposition de la vie politique française qui permettrait aux réformistes de gauche et de droite de se retrouver. Les sociaux-libéraux ne sont pas des centristes et ne votent qu’en faibles proportions pour les candidats du Centre. Ce ne sont pas non plus de jeunes ‘bobos’ prêts à prendre la relève réaliste du socialisme archaïque. Les sociaux-libéraux occupent une position périphérique dans le paysage politique et il semble bien dangereux d’appuyer une stratégie électorale sur leur soutien. On mesure ici la fracture entre la demande politique, toujours très fortement clivée par les enjeux économiques ou sociaux, et la construction de l’offre politique par un personnel politique pris dans ses jeux d’appareil.»
Telle est la conclusion sans appel d’une «note» signée par Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et publiée par le Cevipof de Sciences Po Paris.
On l’a compris, celle-ci tend à démontrer la faiblesse des sociaux-libéraux (dont le potentiel électoral est estimé à un petit 6%) et leur incompatibilité politique et électorale avec les centristes et les réformistes de droite.
Pour son auteur, l’axe central réunissant déjà idéologiquement ces trois groupes et peut-être, demain, une réalité électorale et politique dans une grande coalition, est une vue de l’esprit.
Précisons immédiatement que cette étude semble vouloir démontrer a priori l’incompatibilité des divers acteurs de l’espace central ainsi qu’une surface électorale des plus limitées pour le social-libéralisme.
Qu’on en juge par les «vérités» assénées: «Les sociaux-libéraux ne sont pas des centristes qui s’ignorent»; «Même si les sociaux-libéraux sont favorables au marché sur le plan économique, l’ensemble de leurs valeurs culturelles les situe clairement à gauche. Ils ne peuvent donc être considérés comme des électeurs de droite ou du centre ‘récupérables’ par des stratégies d’union au centre»; «Les sociaux-libéraux sont peu nombreux à gauche et ne se rapprochent de la droite que sur le terrain économique»; «L’électorat social-libéral représente à peine 6%».
Mais, l’étude vaut néanmoins la peine d’être discutée car l’union de ces divers courants proches n’est évidemment pas une évidence et pourrait même ne jamais se réaliser.

Rappelons d’abord ce qu’est un social-libéral selon les termes mêmes utilisés par celui qui en est actuellement la figure emblématique, Emmanuel Macron.
«C’est le clivage entre les progressistes et les conservateurs qui a du sens. Mais il y a des gens à gauche qui ne sont pas progressistes et des gens à droite qui voudraient l’être. Ma gauche, c’est une gauche qui donne des droits par la liberté. Ce n’est pas une gauche qui se ferme et se recroqueville. J’assume d’être libéral. Je rappelle que, historiquement, le libéralisme est une valeur de gauche, de défense de l’égalité des droits.» (Interview au Parisien magazine du 12 novembre 2015)
 «En économie, le libéralisme n’était ni de droite ni de gauche.» (Conférence au Medef février 2016)
«J’ai toujours exprimé un choix clair en faveur d’un libéralisme économique et politique, avec un socle de solidarité collective, de régulation.» (Interview Express, 2015)
«Qu'on me dise libéral? Ce mot a beaucoup de significations. Si libéral veut dire abolir toutes les règles, je ne le suis en aucun cas. Si c'est trouver les bons endroits pour trouver la règle, déverrouiller les énergies, je veux bien assumer ce terme.» (Emission Des paroles et des actes, France 2, mars 2015)

Plus globalement, le social-libéralisme ou socialisme libéral est un courant de la gauche qui est positionné à la droite de la gauche et dont la vision est celle d’une société où si la liberté est toujours pensée à travers le prisme de l’égalitarisme, néanmoins, en matière économique, prône une liberté d’entreprendre ainsi que les règles du marché, bien loin d’une économie planifiée et contrôlée.
Les chefs de file politiques français de ce courant sont Emmanuel Macron et, à un degré moindre, Manuel Valls qui préfère s’auto-définir comme un «social-réformiste» dont on pourrait dire qu’il se situe entre le social-libéralisme de Macron et la social-démocratie de Hollande.
Ses tenants viennent de la gauche antiautoritaire voire libertaire et sont dans la droite ligne d’un John Stuart Mill, héraut du libéralisme «social» au XIX° siècle mais aussi de l’Américain John Rawls (avec sa théorie de la justice) ou de l’Indien Amartya Sen.
Car, à l’inverse de ce que prétend l’étude, il n’y a pas qu’un libéralisme mais de multiples qui ont tous comme socle la liberté mais qui divergent sur nombre d’autres questions.
Pour schématiser, le libéralisme c’est John Locke et John Stuart Mill, Friedrich Hayek et John Rawls, Benjamin Constant et Charles Renouvier, John Stuart Mill et Léon Bourgeois, de Robert Nozick et Ronald Dworkin.
En outre, aucun politologue sérieux n’a jamais prétendu que les sociaux-libéraux étaient des centristes qui s’ignorent, ni même qu’ils n’étaient pas de gauche.
Les déclarations à l’emporte-pièce sur ce sujet que l’on a pu entendre viennent, d’une part, de membres de l’extrême-gauche, de la gauche radicale et des frondeurs du PS (qui dénient aux sociaux-libéraux le label «gauche») et d’autre part de membres de l’UDI comme Jean-Christophe Lagarde ou Hervé Morin.
Celles des deux derniers cités sont, avant tout, une tentative politicienne de récupération d’Emmanuel Macron et se placent dans un jeu tacticien de division du gouvernement Valls.
En revanche, le social-libéralisme est certainement plus proche du libéralisme social des centristes que du socialisme de l’aile gauche du parti socialiste et sans doute même que la social-démocratie du président de la république.
Et l’on peut aussi concevoir qu’il est plus proche des réformistes de la droite modérée que du Front de gauche.
Dès lors, on peut raisonnablement penser qu’il y a des convergences de vues entre les sociaux-libéraux, les libéraux sociaux et les réformistes de droite qui peut se concrétiser dans une coalition gouvernementale (et non dans un grand parti central).
D’autant que le Centre n’est pas et n’a jamais été monolithique, du fait même de ses trois principales racines politiques, le libéralisme, la démocratie-chrétienne et le radicalisme.
Ainsi, la frange de «gauche» du Centre et le centre-gauche sont extrêmement proches des sociaux-libéraux tant au niveau politique, économique, social et sociétal.

Par ailleurs, l’étude publiée par le Cevipof évalue le potentiel électoral du social-libéralisme à 6%.
Ce chiffre est sorti de nulle part puisque les sociaux-libéraux ne se sont présentés en tant que tels à aucune élection et aucun sondage sur leur capacité électorale n’existe encore.
Luc Rouhan, pour aboutir à ce pourcentage a croisé les résultats des élections régionales, peu représentatives des positionnements politiques des Français, et des indices qu’il a attribué à trois questions posée dans le sondage IPSOS pour l’«Enquête électoral française 2017» que mène actuellement le Cevipof en plusieurs vagues.
Ces questions sont: «Faut-il faire davantage confiance aux entreprises et leur donner plus de liberté?»; «Faut-il donner davantage de liberté de licenciement aux entreprises?»; «Faut-il réduire le nombre des fonctionnaires?»
On peut légitimement se poser la question d’un biais dans le choix de l’élection de référence, surtout dans le choix de ces questions sachant qu’elles sont généralement celles qui unissent l’électorat de droite en matière économique et sociale…
Mais ce qui est étrange c’est qu’il existe de nombreux sondages où l’on a testé la popularité ainsi que les scores au premier tour de la présidentielle de Manuel Macron et que l’étude n’en fait aucunement mention.
Car si l’on prend les sondages sur l’élection présidentielle (on laissera de côté les baromètres de popularité qui sont évidemment moins significatifs en l’espèce), le ministre de l’Economie est bien au-delà des 10% d’intentions de vote, parfois proche des 20%, voire un petit peu au-dessus.
Sans dire que tous ces sondés qui choisissent Macron sont des sociaux-libéraux, on voit que le potentiel électoral du social-libéralisme est nettement plus élevé que ces 6% et peut approcher, voire dépasser les 20%, sachant que Macron est l’homme politique emblématique du social-libéralisme, donc que quand les sondés décident de le choisir, ils le font en toute connaissance de cause.

L’offensive contre le social-libéralisme sera du niveau de la menace qu’il représente pour la gauche archaïque.
Mais elle a déjà commencé et les amalgames ainsi que les présentations biaisées seront légions comme ils le sont pour le Centrisme.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC