vendredi 11 décembre 2015

Une Semaine en Centrisme. Les ambiguïtés de l’UDI sont-elles tenables?

L’UDI est une confédération de partis et la réunion de plusieurs personnalités qui partagent, avant tout, la volonté de faire vivre un Centre indépendant de la Droite et de la Gauche.
Mais ce plus petit dénominateur commun semble être la seule chose réellement partagée et aboutit à une accumulation de contradictions et d’ambiguïtés au fur et à mesure que le parti se trouve confronté à la réalité.
Aujourd’hui deux lignes politiques s’affrontent: celle d’Hervé Morin qui est de plus en plus droitière et proche des positions de Nicolas Sarkozy face à celle de Jean-Christophe Lagarde qui est centro-centriste et sur une ligne d’indépendance dans l’alliance avec la Droite (celle représentée par Alain Juppé).
Se superpose évidemment le ressentiment voire la haine entre les deux hommes qui, souvent, entretient des différences factices par le simple fait que l’un se positionne uniquement par rapport à ce que l’autre a dit.
Cette situation recèle en elle-même un fort risque d’implosion qui atteindra un premier pic le 20 mars prochain lors du congrès qui décidera s’il y aura un candidat du parti à la présidentielle de 2017 (Morin est totalement contre, Lagarde est plutôt pour).
Et il faut y ajouter cette hésitation constante entre indépendance et union avec LR.
La dernière interview de Jean-Christophe Lagarde dans le quotidien Le Monde par Alexandre Lemarié (daté du 11 décembre 2015) est, à cet égard, très représentatif de ce dilemme qui anime l’UDI entre s’allier sans états d’âme avec la Droite pour avoir le maximum d’élus et participer le plus possible au pouvoir en cas d’alternance en 2017 et une alliance conditionnelle aux positions et aux propositions de LR qui créerait une concurrence et des divergences au risque d’une alliance a minima voire, cas extrême, de pas d’alliance du tout.
Ainsi, Jean-Christophe Lagarde, dans la même interview, explique que les stratégies de l’UDI et de LR pour lutter contre le FN sont différentes en pointant que ce n’est pas en se rapprochant des idées de l’extrême-droite comme le fait selon lui Nicolas Sarkozy, qu’on la combat le plus efficacement.
«Ce que je partage avec Nicolas Sarkozy, dit-il, c'est qu'il combat clairement le FN.»
«Là où il y a une divergence entre nous, c'est sur la façon de le combattre.»
«Moi, je considère que ce n'est pas en se rapprochant des valeurs de l'extrême droite qu'on la combat efficacement.»
«Quand des idées sont fausses, on les attaque.»
«On ne s'en rapproche pas.»
Mais quand le président de l’UDI déclare un peu plus loin:
«La ligne jaune entre LR et l'UDI, c'est l'alliance avec le FN.»
«Si Les Républicains le faisaient, cela remettrait en cause les possibilités d'alliance.»
On comprend qu’il exclut de la ligne jaune le cas de figure d’une droitisation radicale du parti de Nicolas Sarkozy sans qu’il y ait alliance formelle avec celui de Marine Le Pen.
Si on le suit, la droitisation actuelle de LR ne peut remettre en cause l’alliance Droite-Centre.
Pourtant, il poursuit en estimant que «L'alliance consiste à rassembler des gens différents sur des projets communs.»
«Elle n'est pas possible quand nos idées sont trop divergentes.»
«On refusera toujours la soumission aux Républicains.»
Une contradiction avec sa définition de la ligne jaune mais qui s’accorde avec un autre passage de l’interview où il affirme la «fidélité» de l’UDI aux valeurs centristes:
«A l'UDI, nos règles et nos principes sont clairs: quand on a une situation dangereuse, on doit s'en tenir à ces principes, qu'elles que soient les conséquences.»
«Les principes sont plus importants que les places.»
En outre, Jean-Christophe Lagarde semble introduire un nouvel élément dans l’alliance avec LR.
Selon lui, «L'union se fait élection par élection, projet par projet.»
«Ce n'est pas un automatisme.»
«Cela n'avait pas été possible aux européennes car notre approche sur l'Europe était trop différente: nous sommes fédéralistes et ils ne le sont pas.»
«Cela a été possible aux départementales et aux régionales sur des projets communs.»
Sauf qu’il ajoute tout de suite une dimension électoraliste à son propos:
«Si on n'avait pas noué une alliance avec LR pour ce scrutin, les électeurs de l'UDI n'auraient souvent pas eu la possibilité de voter pour nous au second tour, car nous nous serions retrouvés parfois en troisième ou en quatrième position.»
Sous-entendu, c’est l’alliance avec LR qui nous fait exister auprès des Français, donc elle est indispensable pour nous, UDI.
Comment dès lors la remettre en cause sans risquer la disparition du parti?
Enfin, pour 2017, Jean-Christophe Lagarde indique que rien n’est encore décidé:
«La position de l'UDI dépendra de plusieurs paramètres, dont l'issue des régionales et la situation politique du pays.»
«Ce qu'il se passe actuellement montre qu'il y a un problème de renouvellement des idées, des logiciels, des équipes.»
«Au printemps, les adhérents de l'UDI trancheront la question de la manière dont notre parti portera son projet à la présidentielle.»
Au vu de ce qui précède, on peut se demander s’il ne s’agit pas uniquement d’une posture d’indépendance pour rassurer et calmer une partie des militants de son parti, voire d’entamer des négociations dans une position de force puisqu’il semble bien, au vu des résultats du premier tour des régionales, que seule une alliance avec l’UDI peut permettre au candidat LR d’être présent au second tour de la présidentielle.
Néanmoins l’ambiguïté, ici comme ailleurs demeure.
Comme celle de la relation avec le Mouvement démocrate de François Bayrou qui n’est pas cité une seule fois alors que l’alliance pour les régionales a bien été constituée par trois partis, LR, UDI et MoDem (ce dernier étant, par ailleurs, l’allié de l’UDI aux européennes qui a permis de ne pas y aller avec l’UMP d’alors, LR d’auourd’hui).
Sans doute que l’ambiguïté de l’UDI (et du MoDem) s’explique par le rapport de force entre la Droite et le Centre ainsi que dans la volonté des centristes de ménager la chèvre et le chou.
Mais c’est de clarté dont ont besoin les Français et l’on ne peut être constamment pour tout en étant contre et contre tout en étant pour.
En général on en paye le prix fort, politiquement et électoralement parlant.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC