mardi 24 février 2015

Une Semaine en Centrisme. La bataille pour l’axe central sera sanglante

Petit à petit, l’idée fait son chemin.
Tant du côté de ses partisans déclarés que de ses adversaires acharnés, la possibilité de la constitution d’un axe central – qui renverrait du même coup les radicaux de droite et de gauche vers leur conservatisme et leur rivalité avec les extrêmes de chaque camp – afin de mettre sur pied une coalition libérale (modérés de droite et de gauche avec les centristes) est de plus en plus au cœur des discussions politiques.
Pourquoi?
D’abord parce que le paysage politique est en plein bouleversement avec la montée du Front national (crédité de 30% dans les sondages sur les prochaines élections départementales) et le désenchantement des partis politiques traditionnels et de leurs dirigeants (François Hollande est de nouveau très bas dans les baromètres d’opinion tandis que seuls 22% des Français souhaitent que Nicolas Sarkozy se présente en 2017).
Ensuite parce que la sociologie politique nous dit qu’aujourd’hui il y a une convergence de vues plus forte entre un libéral de droite et un libéral de gauche qu’entre eux et leurs pendants radicaux et conservateurs qui sont pourtant dans le même parti qu’eux, soit à l’UMP, soit au PS.
D’où l’espoir, pour les uns, d’une grande force libérale et sociale, réformiste et européenne, humaniste et respectueuse, et la crainte, pour les autres, d’un éclatement des partis et des repères idéologiques qui sont largement issus du système politique mis en place par la Constitution de la V° République.
Ainsi, on peut imaginer que la mise sur pied d’une coalition centrale soit la vraie naissance d’un tripartisme avec à chacun de ses bords les radicaux qui seraient, pour une grande partie d’entre eux, en relation électorale et programmatique avec les extrêmes.
Du côté des personnalités politiques de premier plan qui se placent pour prendre, à terme, le leadership de cet axe central, on trouve Alain Juppé, Manuel Valls, François Bayrou – mais curieusement pas Jean-Christophe Lagarde dont la grande peur est plutôt de se faire absorber par cette nouvelle force politique et qui joue parfois à outrance le particularisme de l’UDI et souhaite être reconnu comme le défenseur intransigeant d’un Centre indépendant (où il est en concurrence avec Bayrou).
Et la bataille pour son contrôle risque d’être particulièrement sanglante.
Dire cela semble très excessif actuellement où les sourires, les clins d’œil et les amabilités sont de mise entre les différents protagonistes qui se montrent d’une grande civilité les uns vis-à-vis des autres.
Chacun est là, jure-t-il, croix de bois, crois de fer, si je mens je vais en enfer, pour aimer son prochain «axiste» et en faire son «compagnon» politique.
Ainsi en est-il d’Alain Juppé et de François Bayrou qui clament partout à qui veut l’entendre qu’ils sont amis pour la vie.
Le second jure qu’il aidera le premier à devenir président de la république en 2017 même s’il a nuancé son discours dithyrambique, ces derniers temps, envers son ami girondin parce qu’il s’est rendu compte qu’après sa traversée du désert suite à son mauvais score à la présidentielle de 2012, il avait une carte à jouer et une chance à la prochaine échéance élyséenne.
Quant au premier, il trouve parfois le soutien de son ami béarnais un peu encombrant dans son bras de fer avec Nicolas Sarkozy et, surtout, par rapport aux militants de l’UMP, voire un peu trop «si ce n’est toi qui y va, ce sera moi» qui, décodé, signifie «j’ai une envie furieuse d’y aller et je parie sur ton échec lors des primaires de la Droite pour te remplacer comme héraut de l’axe central».
Car, ne l’oublions pas, Juppé et Bayrou, tout comme Manuel Valls, Jean-Christophe Lagarde ou Hervé Morin et, pourquoi pas, Jean-Louis Borloo par ailleurs, sont aussi et avant tout des hommes ambitieux qui lorgnent le même espace politique, au centre où se trouve le point d’équilibre de ce fameux axe central.
Et si tous ceux-ci doivent s’allier pour donner vie et consistance à cet axe, il n’y aura donc qu’un chef, in fine.
C’est la loi du genre.
Et chacun a, non seulement, envie d’être celui-là mais possède également des arguments pour prétendre être l’heureux élu.
Dès lors, il y aura bataille.
Elle sera d’abord feutrée, voire peu visible mais réelle comme c’est le cas actuellement, mais elle finira en opposition frontale, car il ne peut en être autrement au vu des personnalités en présence et du fait qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde sur le trône du Mont Olympe central…
Il est difficile de dire qui va gagner tant nombre de paramètres sont encore difficiles à définir et sur ceux que l’on connaît, des événements plus ou moins prévisibles peuvent changer la donne à tout moment.
Par exemple, la position d’Alain Juppé qui semble très forte au vu des sondages et de l’exposition médiatique de l’intéressé, pourrait se dégonfler très rapidement au moindre couac, tellement l’ancien premier ministre est obligé de jongler avec les idées, les positionnements et les personnalités qui le soutiennent pour n’heurter aucun de ses électorats potentiels dont il aura besoin pour s’imposer.
A l’inverse, la position de François Bayrou pourrait se raffermir dans les mois qui viennent, d’autant que les médias ne l’ont pas abandonné et que sa fonction de premier édile de Pau suscite souvent des compliments.
Quant à Manuel Valls, tout dépendra des résultats de son action ou, à tout le moins, de sa capacité à démontrer qu’il a tout tenté, qu’il avait raison d’aller dans la direction où il est allé et que l’’échec, s’il y a, n’est pas de sa responsabilité.
Jean-Christophe Lagarde part de plus loin et sa stratégie ne semble pas, pour l’instant, d’occuper ce terrain du rassembleur d’un axe central.
Cependant, il n’est pas hors jeu, tout comme Jean-Louis Borloo, s’il lui prenait l’envie de revenir en politique…
Peut-être d’autres personnalités politiques émergeront dans les mois et les deux années qui viennent.
Tout ce que l’on sait, c’est que si constitution d’un axe central il y a, les prétendants à l’incarner seront nombreux et ne se feront pas de cadeaux.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC