vendredi 26 juin 2015

Une Semaine en Centrisme. Régionales: le vrai-faux bon accord pour les centristes

Beaucoup de commentateurs sont perplexes. Qui est le gagnant des négociations qui viennent de s’achever entre LR (Les républicains) et l’UDI et qui ont acté la mise en place de listes communes aux régionales?
Certains croient savoir que c’est un accord gagnant-gagnant qui a été signé entre les présidents respectifs des deux partis, Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde.
D’autres, en revanche, estiment que l’UDI a obtenu bien plus qu’elle n’aurait du avoir en regard de sa puissance électorale qui est encore très faible.
Mais, d’autres encore, pensent que l’UDI s’est faite rouler dans la farine car elle a du, pour obtenir «beaucoup», lâcher encore plus.
Ils ajoutent que c’est le Centre dans son ensemble qui est une nouvelle fois le grand perdant.
En effet, dans une élection au scrutin proportionnel et dont les résultats quels qu’ils soient ne présentaient aucun danger pour la démocratie, les centristes avaient la possibilité, au premier tour, de se présenter unis afin de montrer leur originalité, leur indépendance et leur capacité politiques (d’autant que les deux partis étaient crédités, dans les sondages, d’environ 12% des intentions de vote).
C’est donc un nouveau rendez-vous manqué pour un Centre indépendant, ce qui est le plus grave pour nombre de militants de l’UDI dont certains viennent de lancer une pétition contre cet accord (voir la pétition ici).
1) Cet Accord pointe une nouvelle fois la désunion des centristes que ce soit entre MoDem et UDI ou à l’intérieur même de l’UDI
Dès les grandes lignes de l’accord connu, François Bayrou ne s’est pas privé sur la chaîne Public Sénat de critiquer ses «alliés» de l’UDI pour leur inféodation à LR qui s’est encore manifestée, selon lui, par une union où le Centre est à nouveau l’obligé de la Droite.
Et de rappeler que, dans son optique, le Centre doit être «indépendant», en s’attribuant, comme s’est devenu une habitude, le rôle de seul vrai défenseur de cette indépendance.
Il a évidemment «oublié» que dans nombre de régions, son parti, le Mouvement démocrate fera alliance avec l’UDI et LR sur des listes communes.
Sans oublier son alliance avec l’UMP lors des municipales pour être élu maire de Pau.
Pire, Marielle de Sarnez, la fidèle adjointe de Bayrou, avait refusé de faire liste commune en Ile-de-France avec Chantal Jouanno (UDI), torpillant pratiquement cette dernière qui va renter dans le rang et faire liste commune avec Valérie Pécresse (LR) et, sans doute, de Sarnez…
Quant à l’UDI, elle a montré son extrême friabilité et sa désunion quasi-constitutive puisqu’au moment où Lagarde négociait avec Sarkozy, Hervé Morin, Philippe Vigier et François Sauvadet, tous dirigeants de la formation centriste, sont allés discuter directement avec le président de LR, sans oublier les nombreuses déclarations de ce trio et d’autres responsables de l’UDI critiquant le positionnement de leur président.
Mais ce qui est certainement le plus consternant c’est que Jean-Christophe Lagarde et François Bayrou ne sont pas rencontrés une seule fois pour négocier des listes communes entre l’UDI et le MoDem, voire même pour l’envisager.
La conclusion de tout cela est bien une faiblesse désolante et inquiétante des centristes qui oublient que ce n’est pas eux que Nicolas Sarkozy courtisait mais leur électorat et qui en paieront peut-être le prix fort.
Ils viennent encore une fois de démontrer leur incapacité à être une force politique qui compte dans le paysage français, seulement une agglomération de politiques qui ont la possibilité de négocier de par leur capacité de nuisance et non par leur projet et leur programme.
2) Les renoncements de l’UDI plus importants que les concessions LR
Les dirigeants de l’UDI clament haut et fort qu’ils viennent de remporter un grand succès en obligeant LR et son chef, Nicolas Sarkozy, à faire d’énormes concessions qui prouvent que la Droite a absolument besoin du Centre et que ce dernier peut donc en tirer de très larges bénéfices.
Et d’introniser Jean-Christophe Lagarde comme grand négociateur qui aurait obtenu ses galons de leader politique national qui compte.
Voyons cela de plus près.
- Lagarde ne voulait pas de Laurent Wauquiez comme tête de liste dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, beaucoup trop à droite selon lui, il l’aura en ayant abandonné ses principes.
- Lagarde voulait une liste indépendante en Ile-de-France avec Chantal Jouanno ) sa tête, il ne l’aura pas en ayant abandonné sa dignité.
- Lagarde voulait un candidat à la présidentielle, il ne l’aura plus abandonnant son indépendance.
- Lagarde voulait se débarrasser de ses ennemis à l’intérieur de l’UDI (Morin, Sauvadet, Leroy, etc.), ce sont eux les grands gagnants des négociations grâce à leur court-circuitage des négociations.
- Lagarde voulait une UDI indépendante, elle n’est qu’un appendice de LR comme l’ont montré les départementales et le prouveront une nouvelle fois les régionales.
Pire, comme cet accord électoral n’est en rien basé sur un programme, on n’a assisté à aucune discussion sur le fond, donc sur les différences et les ressemblances qui existeraient entre LR et l’UDI.
En retour, Nicolas Sarkozy n’a «perdu» que trois régions et quelques sièges de conseiller régionaux.
Si cela lui fait gagner la présidentielle, le rapport gain-perte sera très nettement positif pour LR!
3) Cet accord engage l’UDI au-delà des régionales
C’est sans doute là que l’UDI et les centristes ont perdu le plus gros.
Certains chez LR, comme Copé et Raffarin, se sont offusqués de l’accord passé par Sarkozy et Lagarde au motif que l’ancien président de la république a trop cédé aux centristes.
En fait, Sarkozy n’a jamais été intéressé par les régionales mais évidemment par la présidentielle, élection, on en conviendra, nettement plus importante pour un parti politique.
D’ailleurs, qui est vraiment intéressé par les régionales?
Donner des présidences de régions et des sièges dans les assemblées régionales n’est pas une concession de grande ampleur, loin de là.
Autrement plus dur sera les négociations pour les présidentielles et les législatives de 2017.
Mais, surtout, Jean-Christophe Lagarde a d’ores er déjà, dès la fin des négociations, modifié son discours sur la présence d’un candidat de l’UDI à la présidentielle (lire ici), préparant ses troupes à un soutien à la primaire de LR et au candidat qui en sera issu.
Dès lors, le gain de trois présidences de région (évidemment si les listes LR-UDI en question remportent le scrutin) et de quelques dizaines de conseillers régionaux ressemble plus à une aumône qu’à autre chose.
D’où, sans doute, la grogne compréhensible de nombre de militants centristes.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC