mardi 28 août 2018

Actualités du Centre. Macron réaffirme «sa volonté européenne» et veut la «refondation de l’ordre mondial»

Emmanuel Macron
Dans son discours fleuve aux ambassadeurs français en poste à l’étranger, Emmanuel Macron a indiqué que ses objectifs, fixés lors de la campagne présidentielle, n’avaient pas varié même si le combat s’annonçait encore plus difficile que prévu du fait de l’évolution de la situation mondiale ces deux dernières années avec la présence de Trump à la Maison blanche et de l’extrême-droite dans plusieurs gouvernements européens, dont l’Italie, membre fondateur de l’UE, ainsi que l’agressivité de pays autoritaires comme la Russie ou la Turquie.
Dans ce cadre, il a réaffirmé sa volonté de construire une meilleure Europe et estime qu’il ne faut pas abandonner la mondialisation mais la refonder sur des valeurs humanistes.
De même, il plaide toujours pour une coopération internationale en matière d’environnement avec des objectifs élevés (son discours a précédé de quelques heures la démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre de l’écologie au gouvernement).
Sans oublier, évidemment, la lutte contre le terrorisme en France et dans le monde qui passe par une coopération de tous les Etats de la planète.
Pour que la France puisse être un des moteurs de ces actions, il veut qu’elle soit une puissance «médiatrice» dans le cadre d’un vrai multilatéralisme.

Voici les principaux extraits de son discours:

- (Il faut) choisir des objectifs clairs et donc limités, et prendre de nouvelles mesures afin d’en assurer le suivi. Nous avons encore trop tendance à considérer que tout est prioritaire et ne pas suffisamment avoir une culture du résultat. Même en diplomatie, le succès se mesure – certes pas en un jour et même sans doute jamais en un jour – à la capacité néanmoins d’infléchir des attitudes, de construire des amitiés et des alliances, de remporter des marchés. En un mot, de faire avancer les intérêts de la France et des Français et de faire partager un peu de notre vision et conception du monde.
Nous avançons dans un contexte qu’il faut appréhender avec calme et lucidité. Calme, car il ne s’agit pas de changer de stratégie dès qu’un événement extérieur apparaît. Lucidité, car il ne s’agit pas pour autant de sous-estimer les crises du monde. Or, durant l’année qui vient de s’écouler, que s’est-il passé?
La France a réaffirmé sa volonté européenne, sa vision, son projet. La France a proposé une Europe qui protège, plus souveraine, unie et démocratique mais, dans le même temps, les extrêmes ont progressé et les nationalismes se sont réveillés. Est-ce une raison pour abandonner? Certainement pas. Serait-ce une raison pour dire que nous avons tort? Tout le contraire. Nous payons là plusieurs décennies d’une Europe qui, il faut le regarder en face, s’est parfois affadie, affaiblie, qui n’a peut-être pas toujours suffisamment proposé. Il faut en réalité redoubler nos efforts.
La France s’est aussi faite le chantre d’un multilatéralisme fort. Or, le système multilatéral hérité du siècle passé est remis en cause par des acteurs majeurs et des puissances autoritaires qui parfois fascinent de plus en plus. Devons-nous rendre les armes? Est-ce la responsabilité de la France si tel ou tel pays choisit telle sensibilité, si une autre puissance souveraine décide différemment de ce que nous pensons? La responsabilité de la France est de faire entendre sa voix, de la défendre. Pas de se substituer à la parole des autres. Il nous faudra donc prendre de nouvelles initiatives, construire de nouvelles alliances, porter les débats au bon niveau si nous souhaitons appréhender tous les défis contemporains et le bon niveau est bien celui d’un débat de civilisation pour nos valeurs et la défense de nos intérêts.

- L’année dernière, j’avais devant vous exposé les quatre objectifs de notre action diplomatique, au nom de la politique que je mène pour la nation : la sécurité de nos compatriotes, la promotion des biens communs, l'influence et l’attractivité de notre pays et, enfin, une nouvelle ambition européenne.
Ces objectifs sont toujours valides mais les circonstances testent la robustesse de nos principes et la constance de notre action.

- Evoquer la lutte contre le terrorisme, c’est bien entendu revenir sur notre politique au Sahel et au Moyen-Orient où sévissent les groupements terroristes qui menacent la stabilité de ces régions mais qui nous ont aussi directement frappés d’où ont été organisées les attaques qui ont touché notre pays.
Avec toujours le même fil rouge : notre sécurité comme notre vision du monde imposent la stabilité du Proche et du Moyen-Orient; cette stabilité ne peut se construire que dans le pluralisme ethnique, religieux, politique et le travail avec toutes les parties prenantes. Elle impose donc tout à la fois notre implication et notre exigence quant au respect de la dignité de chacun et des droits humains, mais aussi notre humilité car à aucun moment nous ne saurions nous substituer à la souveraineté des Etats en question. C’est le sens de notre travail avec le Liban, la Jordanie ou l’Egypte ces derniers mois. C’est ce qui fait que nous serons écoutés et que nous pourrons continuer à être efficaces.
Evoquer dans l’environnement contemporain notre action pour la sécurité des Français, c’est aussi poursuivre notre engagement à lutter contre les armes chimiques et la prolifération nucléaire.
La France saura prendre ses responsabilités sur le sujet iranien, sans complaisance ou naïveté, en maintenant un dialogue étroit avec nos partenaires, parmi lesquels les Etats du Golfe.

- Parler de notre sécurité, c’est aussi parler de la sécurité de l’Europe au regard des risques extérieurs.
A cet égard, durant l’année qui vient de s’écouler, nous avons progressé à un rythme inégalé durant les soixante dernières années. Le renforcement de notre politique commune de défense depuis l’été 2017, la création d’un fonds de défense afin de financer des initiatives concrètes, la conclusion de deux accords stratégiques pour les chars et les avions de combat entre l’Allemagne et la France, la conclusion avec huit autres Etats membres de l’initiative européenne d’intervention que j’avais proposée en septembre 2017 pour favoriser un esprit de défense entre Européens, sont des avancées aujourd'hui actées et inédites. Jamais l’Europe n’avait avancé aussi vite en matière de défense.
L’Europe a pris conscience qu’elle devait se protéger et la France a dans ce cadre pris toutes ses responsabilités, à travers la loi de programmation militaire promulguée le 14 juillet dernier qui redonne une vision stratégique actualisée face à ces nouvelles menaces à notre pays et des moyens cohérents pour répondre à celles-ci.
La France et l’Europe ont en quelque sorte pris acte des nouvelles menaces contemporaines et du fait que nous avions besoin d’une autonomie stratégique et de défense pour répondre à ces dernières.
Je porterai dans les prochains mois un projet de renforcement de la solidarité européenne en matière de sécurité. Nous devons en effet donner plus de substance à l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne, invoqué pour la première fois par la France en 2015, après les attentats. La France est prête à entrer dans une discussion concrète entre Etats européens sur la nature des liens réciproques de solidarité et de défense mutuelle qu’impliquent nos engagements aux termes du traité. L’Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls Etats-Unis. C’est à nous aujourd’hui de prendre nos responsabilités et de garantir la sécurité et donc la souveraineté européenne.
Nous devons tirer toutes les conséquences de la fin de la guerre froide. Des alliances ont aujourd’hui encore toute leur pertinence, mais les équilibres, parfois, les automatismes sur lesquels elles s’étaient bâties sont à revisiter. Et cela suppose aussi pour l’Europe d’en tirer toutes les conséquences. Cette solidarité renforcée impliquera de revisiter l’architecture européenne de défense et de sécurité. D’une part, en initiant un dialogue rénové sur la cyber-sécurité, les armes chimiques, les armements classiques, les conflits territoriaux, la sécurité spatiale ou la protection des zones polaires tout particulièrement avec la Russie.
Je souhaite que nous lancions une réflexion exhaustive sur ces sujets avec l’ensemble de nos partenaires européens au sens large, et donc avec la Russie. Des progrès substantiels vers la résolution de la crise ukrainienne, tout comme le respect du cadre de l’OSCE – je pense en particulier à la situation des observateurs dans le Donbass – seront bien entendu des conditions préalables à des avancées réelles avec Moscou. Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler dès maintenant entre Européens. Je compte sur vous pour cela.

- Nous n’avons pas, sur ce sujet, à céder à quelque fascination que ce soit, et que nous voyons poindre un peu partout à travers l’Union européenne ; ces fascinations pour les démocraties illibérales ou pour une forme d’efficacité qui passeraient par la renonciation à tous nos principes. Non. Notre sécurité passe par la réaffirmation de nos valeurs, des Droits de L’Homme qui sont au fondement même, non seulement du Conseil de l’Europe, mais de l’Union européenne, et la défense de toutes celles et ceux qui les portent chaque jour, je pense aux organisations non gouvernementales, aux intellectuels, aux artistes, aux militants, aux journalistes. Et sur ce sujet aussi, nous aurons à prendre, en particulier, en marge de l’assemblée générale des Nations Unies plusieurs initiatives.

- Le deuxième objectif que j’avais assigné, il y a un an, à notre diplomatie, c’est la promotion des biens communs, la protection de la planète, la culture, l’éducation de nos enfants, la santé des populations, les échanges commerciaux ou encore l’espace numérique sont les éléments du patrimoine mondial que nous devons défendre. Mais pour cela, il faut d’abord des règles collectives, acceptées par tous, indispensables pour permettre la bonne coopération, et donc les progrès en matière de défense de ces biens communs. Or, la première menace qui pèse sur nos biens communs, c’est bien la crise du multilatéralisme lui-même.
Le multilatéralisme traverse en effet une crise majeure qui vient percuter toutes nos actions diplomatiques, avant tout, en raison de la politique américaine. Le doute sur l’OTAN, la politique commerciale unilatérale et agressive conduisant à une quasi-guerre commerciale avec la Chine, l’Europe et quelques autres, le retrait de l’accord de Paris, la sortie de l’accord nucléaire iranien en sont autant de marques. Le partenaire avec lequel l’Europe avait bâti l’ordre multilatéral d’après-guerre semble tourner le dos à cette histoire commune. La France, chaque fois, a été la première et la plus claire dans son opposition à ces décisions, mais tout en cherchant, chaque fois, à convaincre avant que ces décisions ne soient prises, et à maintenir l’indispensable dialogue de qualité entre nos deux pays. Et je revendique pleinement cela.
Cette mondialisation et ce multilatéralisme ont eu des effets positifs qu’il ne faut pas sous-estimer: ils ont sorti de la pauvreté des centaines de millions d’habitants de la planète, ils ont mis fin à une conflictualité idéologique qui divisait le monde, ils ont permis une phase de prospérité et de liberté inédites, d’expansion pacifique du commerce international, qui est une réalité des dernières décennies. Cependant, cet ordre économique, social et politique est en crise. D’abord, parce qu’il n’a pas su réguler les dérives qui lui sont propres : déséquilibres commerciaux qui ont profondément touché certaines régions, perdantes de la mondialisation, catastrophes environnementales longtemps oubliées, inégalités considérables au sein de nos sociétés et entre nos sociétés.
Et du Brexit à la position contemporaine américaine, c’est bien ce malaise avec la mondialisation contemporaine qui s’exprime. Simplement, la réponse à mes yeux ne passe pas par l’unilatéralisme, mais par une réinvention, une nouvelle conception de la mondialisation contemporaine. Ensuite, cette mondialisation capitaliste a généré une accélération des flux financiers, une hyper-concentration des techniques, des talents, mais aussi des profits qui ont fait émerger des acteurs qui bousculent et affaiblissent nos règles collectives, et des grands gagnants comme des grands perdants.
Enfin, parce que, partout dans le monde, les identités profondes des peuples ont resurgi, avec leurs imaginaires historiques. C’est un fait. Ceux qui croyaient à l’avènement d’un peuple mondialisé, protégé des morsures de l’histoire, se sont profondément trompés. Partout dans le monde, la psyché profonde est revenue à chacun de nos peuples, et c’est vrai, de l’Inde à la Hongrie, en passant par la Grèce, jusqu’aux Etats-Unis. Regardez-y de plus près, elle est parfois détournée, parfois exacerbée, mais c’est un fait qui dit quelque chose du retour des peuples. C’est une bonne chose sans doute, en tout cas, je le crois.
C’est le signe que cette mondialisation indifférenciée ne permettait pas de répondre à tout, qu’elle a même échoué de répondre à quelques points, et qu’il nous faut donc en repenser les règles et les usages compte tenu justement de ces échecs, de ces transformations. Ainsi, la véritable question n’est pas tant de savoir si je vais prendre Donald Trump par le bras au prochain sommet, mais bien comment nous allons collectivement appréhender ce moment de grandes transformations que nous vivons, et auxquelles nos sociétés sont toutes confrontées.

- La grande transformation démographique, qui bouscule aujourd’hui l’Afrique comme l’Europe, et tous les continents, il faut bien le dire. La grande transformation écologique et environnementale, plus criante que jamais. La grande transformation des inégalités et la grande transformation technologique. Le rôle de la France est de proposer une voie humaniste pour relever ces défis, et avec l’Europe précisément, de proposer une nouvelle organisation collective.
La réponse ne passe donc pas par l’unilatéralisme, mais bien par une réorganisation de notre action autour de quelques biens communs stratégiques, et par la construction de nouvelles alliances.

- En matière de lutte contre le changement climatique, d’abord, l’accord de Paris sur le climat doit continuer à être défendu. Nous voyons tous les jours, avec l’intensification des extrêmes climatiques et des catastrophes naturelles, la confirmation de l’urgence de ce combat. Et nous continuons à le mener, et nous continuerons avec des actions concrètes.
Le Sommet One Planet, dont la France a pris l’initiative avec l’ONU et la Banque mondiale, le 12 décembre dernier à Paris, a permis d’adopter des engagements financiers nouveaux, substantiels. Un nouveau sommet international de suivi sera organisé le 26 septembre prochain à New York. Nous devons continuer à mobiliser tous les acteurs engagés dans cette lutte : entreprises, organisations non gouvernementales, collectivités locales, grandes fondations internationales.
Ce combat pour la planète restera au cœur de notre politique étrangère, comme l’a montré la place prise par ce thème dans les visites que j’ai pu faire au Saint-Siège, en Chine ou en Inde, en particulier avec le premier sommet de l’Alliance solaire internationale que nous avons organisé avec l’Inde. Il doit se traduire aussi par la négociation et l’adoption d’un nouveau pacte mondial pour l’environnement qui est à mes yeux un objectif prioritaire, et qui impliquera la mobilisation de l’ensemble de notre diplomatie, mais également par la préparation active des grandes échéances de négociations sur la biodiversité en 2019 et 2020. Et une mobilisation sur le sujet des océans comme des pôles qui impliquera, là aussi, la mobilisation de nombreux postes.
Cette diplomatie environnementale est majeure pour répondre à ce grand bouleversement du monde. Elle est majeure parce qu’elle caractérise l’engagement français et européen en la matière, parce qu’elle permet de nouer de nouvelles alliances, en particulier avec la Chine et plusieurs autres puissances, et donc construire, là aussi, nouvelle forme de coopération internationale, et parce qu’elle permet très profondément de répondre à nos intérêts, sur le court, moyen et long terme.

- Le deuxième bien universel que nous avons replacé au cœur de notre politique de coopération internationale, c’est l’éducation, la culture, le savoir. La France, en effet, a montré son engagement en organisant avec le Sénégal la conférence de reconstitution du Partenariat mondial pour l’éducation à Dakar, il y a quelques mois, qui a permis de lever plus de deux milliards d’euros pour l’éducation dans le monde, en particulier l’éducation des jeunes filles, et pour laquelle, La France a multiplié sa contribution par 10.
C’est à mes yeux tout à la fois notre rôle universaliste et humaniste, mais aussi la contribution la plus essentielle que nous pouvons apporter à la crise démographique que j’évoquais tout à l’heure. Partout où la démographie flambe de manière inconsidérée, c’est parce que l’éducation a reculé, et en particulier, l’éducation des jeunes filles. Et c’est un discours que la France doit savoir porter.
(…)
La lutte pour l’éducation est la meilleure réponse à tous les obscurantismes et les totalitarismes. L’éducation, la culture, l’intelligence sont au cœur de ce combat que nous devons mener partout. C’est la seule réponse durable au défi démographique mondial. Et c’est ainsi que nous lutterons en profondeur contre les inégalités, en particulier entre les femmes et les hommes. Et c’est pourquoi j’ai fait, dans notre pays comme à l’international, de l’éducation une priorité absolue.

- Troisième bien commun, c’est la santé. Sur ce sujet, la France reprendra le fil de ses engagements en réunissant le 10 octobre 2019, à Lyon, la conférence de reconstitution du Fonds mondial contre le SIDA, du paludisme et la tuberculose. Mais d’ici là, je souhaite que nous reprenions avec force l’important combat mené contre les faux médicaments, que la France avait initié, et que nous intensifions notre implication dans la lutte contre les grandes pandémies, je pense en particulier à la lutte contre Ebola en Afrique centrale.

- Le quatrième bien commun fondamental, c’est l’espace numérique. Nous devons à la fois accompagner son essor, investir pour la promotion de nos intérêts stratégiques et économiques et encadrer pour qu’il puisse être accessible à tous et protecteur de nos droits fondamentaux. Ce grand bouleversement, c’est exactement le sens du sommet Tech For Good, organisé à Paris au printemps dernier, et que nous renouvellerons chaque année, pour encourager la réflexion sur les régulations indispensables dans ces nouveaux secteurs, avec l’ensemble des acteurs internationaux, et pour prendre aussi des mesures et des engagements concrets. Qu’il s’agisse de fiscalité, de respect de la vie privée, de droits sociaux, d’éthique, nous devons forger des réponses respectueuses de la souveraineté des pays, en n’acceptant jamais que tel ou tel acteur économique, tel ou tel espace de l’activité humaine, puissent échapper à notre souveraineté et à notre vigilance.
C’est le sens de l’engagement que nous avons pris, en particulier avec le Royaume-Uni, au niveau européen comme au niveau international, pour lutter contre la diffusion des messages terroristes, ou des contenus à caractère terroriste. C’est le travail de régulation que nous continuerons à mener au niveau européen et international, pour précisément accroître les bonnes pratiques dans le domaine. Le 12 novembre prochain, à Paris, se tiendront en même temps l’Internet Governance Forum et le CivicTech Forum, qui permettront des avancées sur ces sujets. Je veux faire de la France un centre majeur d’attractivité, mais aussi de réflexion et de construction de ces règles nouvelles, parler des biens communs et de cette nouvelle grammaire de la mondialisation.

- Le commerce international n’est définitivement pas équitable, l’organisation collective que nous avons aujourd’hui n’est pas des plus efficaces, mais y répondre par l’unilatéralisme absolu et la guerre commerciale est la moins bonne des réponses. La réponse doit passer par une refondation en profondeur de notre ordre mondial international. C’est pourquoi j’ai invité dès mai dernier à l’OCDE à lancer un groupe de travail conjoint entre les Etats-Unis, l’Union européenne, la Chine et le Japon.
Nous devons clarifier les règles existantes, améliorer le règlement des différends, adopter une régulation plus efficace sur le plan international et intégrer dans notre politique commerciale nos propres exigences sociales et environnementales. On ne peut pas avoir une politique commerciale qui, en quelque sorte, serait pensée à part de tout.

- En matière sociale, notre ordre mondial peut être bien mieux régulé. Et je pense que les 100 ans de l’OIT en 2019 doivent nous permettre d’aller plus loin et de marquer une nouvelle ambition. Partout où la mondialisation est critiquée, ce qu’on critique, ce sont ces aberrations sociales, ce que critiquent les classes populaires et moyennes, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, comme dans notre pays, c’est le fait qu’elles ne s’y retrouvent plus, que cet ordre a construit des inégalités que j’évoquais tout à l’heure, qui ne sont plus soutenables.
Il nous faut donc les penser, non pas les uns contre les autres, mais construire, comme nous avons su le faire dans d’autres domaines, les voies et moyens d’une coopération internationale, qui puisse nous aider à définir des standards communs, et donc penser, là aussi, la convergence de ceux qui le veulent, la coopération de tous. C’est pourquoi je veux faire de la question des inégalités le sujet majeur de l’engagement français durant l’année qui s’ouvre, notamment au G7, que nous présiderons en 2019.
C’est, au total, cette refondation de l’ordre mondial qui est notre cap. La France et l’Europe y ont un rôle historique à jouer. Je ne crois pas que l’avenir du monde se bâtira sur des hégémonies, ni sur des théocraties, ni sur de nouveaux totalitarismes. Mais cela suppose un sursaut immédiat de notre démocratie. Nous ne gagnerons pas cette bataille en disant simplement que les démocraties ont par définition raison, quand nous voyons partout les extrêmes monter, et cet ordre international se désagréger. Quand je parle d’un multilatéralisme fort, cela suppose de regarder ce qui, pour nos concitoyens, constitue des défis essentiels, et de savoir y apporter une réponse internationale.
C’est bien sur les failles de la gouvernance mondiale et l’affaiblissement des démocraties que la paix chèrement acquise de 1918 s’est brisée au cours des années 30. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative d’inviter à Paris, pour les cérémonies du 11 novembre, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement qui inaugureront le premier Forum de Paris sur la Paix. Ce Forum vise à renforcer notre action collective en associant Etats et organisations internationales, au premier rang desquels l’ONU, avec la société civile : les ONG, les entreprises, les syndicats, les experts, les intellectuels, les groupes religieux. La gouvernance internationale doit se décliner concrètement, et chaque citoyen peut y prendre part.
Cette refondation suppose précisément ce temps de réflexion, et ce sursaut commun, c’est celui, j’espère, que nous saurons faire vivre le 11 novembre prochain à Paris. Cette refondation suppose aussi que nous reconcevions nos organisations, nos instruments de concertation et nos coalitions.
En 2019, la France présidera donc le G7. Je souhaite que nous puissions en renouveler les formats et les ambitions. Nous devons, en restant un groupe cohérent porté par des niveaux de développement et d’exigences démocratiques communs, nouer un dialogue constant plus fort, avec la Chine sur le climat et le commerce, avec l’Inde sur le numérique, avec l’Afrique sur la jeunesse. En tout cas, nous ne devons pas reproduire ce théâtre d’ombres et de divisions qui, je crois, nous a davantage affaibli qu’il ne nous a fait avancer. Je proposerai donc d’ici à la fin de l’année aux autres pays membres une réforme, en lien d’ailleurs avec les Etats-Unis, qui prendront après nous la présidence du G7 en 2020.

- Nous devons construire une nouvelle relation à l’Asie. Elle se bâtira notamment autour de notre dialogue essentiel et fructueux avec la Chine. J’ai dit que je m’y rendrai chaque année et j’ai jeté les bases de ce dialogue il y a quelques mois à X’ian. La Chine a posé l’un des concepts géopolitiques les plus importants des dernières décennies avec ses nouvelles routes de la soie. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’existait pas. Nous ne devons céder à aucune fascination coupable ou court-termiste : c’est une vision de la mondialisation qui a des vertus de stabilisation de certaines régions mais qui est hégémonique. Et je souhaite donc que la France puisse porter une voix d’équilibre et de préservation à la fois de nos intérêts et de notre vision du monde dans ce dialogue constructif, exigeant et confiant avec la Chine.
Notre relation avec le Japon est aussi essentielle, qui présidera le G20 en même temps que nous le G7, et qui fut notre dernier invité du 14 juillet avec Singapour et dont l’actuelle saison culturelle en France montre la profondeur de nos liens. Les relations avec l’Inde, la plus grande démocratie du monde, et avec l’Australie, dans le cadre de la stratégie indo-pacifique sont essentielles. Mais c'est plus particulièrement avec l’Afrique que nous devons refonder ces coalitions contemporaines que j’évoquais à l’instant et notre capacité précisément à influer sur le cours du monde.

- L’Afrique n’est pas seulement notre interlocuteur pour parler des crises qui l’affectent, elle est d’abord notre alliée pour inventer les grands équilibres du monde de demain. C’est pourquoi je vous demande à tous d’être les acteurs de ce dialogue : la relation avec l’Afrique, et c’est un message essentiel que je veux ici vous faire passer, n’est pas que l’affaire de nos Ambassadeurs en Afrique. Quand je parle de l’Afrique, je parle de l’ensemble du continent africain dans sa diversité et ses richesses, comme je l’ai expliqué dans mon discours à Ouagadougou, en invitant tous les talents de nos deux continents, et notamment les jeunes européens et africains, à dialoguer sur leur avenir commun.
L’importance de l’Afrique pour la France, c’est non seulement celle du voisin le plus proche mais aussi une partie de notre identité, à travers notre histoire commune, à travers les diasporas que j’ai prévu de rencontrer cet automne et c’est pour nous la nécessité de mieux impliquer dans le renouveau de notre relation avec le continent ces dernières. Je compte également sur la contribution des membres du Conseil présidentiel pour l’Afrique, que je salue pour leur engagement à mes côtés.

- Lors du discours de la Sorbonne en septembre dernier, j’ai proposé une vision complète, ambitieuse d’une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique. Sur cette voie, nous avons déjà obtenu de premiers résultats en matière de défense – je les évoquais tout à l'heure -, en matière de travail détaché, en matière de convergence sociale et fiscale, de politique commerciale. Nous aurons dans les prochains mois à continuer le travail en matière de migration ou de numérique.
Nous avons, sur cette base et compte tenu du contexte politique que notre premier partenaire allemand a eu à connaître, mené un travail durant plusieurs mois qui a permis à Meseberg en juin dernier de sceller une étape historique entre la France et l’Allemagne et de construire un document stratégique qui, sur tous ces points, y compris celui d’un budget de la zone euro, nous fixe un agenda commun d’ici à 2021 qui permettra, je crois, de développer de manière cohérente cette vision d’une Europe souveraine, unie et solidaire qui doit être la nôtre.
Culture et éducation ; climat et énergie ; santé et alimentation ; numérique et innovation: dans chacun de ces domaines, nous avons avancé et proposé une initiative commune. Nous avons aussi adopté une méthode ambitieuse, celle de parler à tout le monde, là aussi en Europe. J’ai visité en un an plus de la moitié des pays de l’Union européenne. J’ai évidemment échangé avec l’intégralité, de manière bilatérale, des chefs d’Etat et de gouvernement. J’ai souhaité marquer le premier été par une tournée en Europe centrale et orientale et je serai demain au Danemark où aucune visite d’Etat n’a eu lieu depuis trente-six ans puis en Finlande.
Nous avons parfois oublié certains pays de l’Europe sous prétexte que nous les voyons à chaque conseil européen. Mais il y a à convaincre, à comprendre aussi la dynamique profonde de nombre de peuples européens à construire une relation bilatérale forte qui serve notre politique européenne. L’Europe ne se fait ni à Bruxelles, ni à Paris, ni à Berlin : elle se construit dans la diffusion inlassable de nos idées, de nos projets, de manière non hégémonique.
Je vous le dis aujourd'hui avec gravité et humilité : ce combat européen ne fait que commencer. Il sera long, il sera difficile. Il sera au centre de l’action de la France tout au long de mon mandat et en particulier dans l’année qui s’ouvre, car nous sommes au milieu d’une crise européenne.
Partout en Europe, les doutes sont là. Le Brexit en est un symptôme. La montée des extrêmes est presqu’une règle générale et la France fait figure d’exception. Les divisions entre le nord et le sud sur le plan économique, entre l’est et l’ouest sur les sujets migratoires fracturent encore trop souvent notre Union européenne et nous vivons aujourd'hui une crise politique sur les migrations à laquelle nous devons faire face.
Alors face à cela, quelle réponse apporter? Ne rien renoncer de l’ambition exprimée il y a un an. Rien. Au contraire, apporter davantage de clarté et quelques angles que je veux ici, pour conclure mon propos, partager avec vous. D'abord, de quelle Europe parlons-nous ? Quand nous parlons à l’Afrique, quand nous parlons de nous-mêmes, quand nous parlons de tous ces grands défis, le périmètre, le contour de cette Europe ne doit pas non plus faire l’objet d’une forme de confort intellectuel. L’Union européenne n’est pas écrite de tout temps et les modifications de son périmètre ne sont ni un drame ni forcément un mouvement qu’on devrait subir. Il y a bien évidemment d’abord le Brexit mais j’attire l’attention collective: n’y a-t-il pas quelque chose d’absurde dans une Union européenne qui aujourd'hui va consacrer une énergie colossale à discuter du Brexit et, en même temps, voudrait discuter du début d’une négociation d’adhésion de l’Albanie ou de tel ou tel autre pays des Balkans occidentaux? Tous ces pays ont quelque chose à voir avec notre histoire et notre stratégie mais est-ce que nous sommes là, dans ce cercle initié et lucide, est-ce que nous pouvons être satisfaits de ce cours des choses ? Est-ce que nous pensons que c’est la meilleure manière de répondre à nos défis? Est-ce que nous pensons que les choses vont comme elles vont, quand il s’agit du périmètre de l’Europe, de quelle Europe nous voulons? Résolument pas.
Alors pour ce qui est du Brexit, je souhaite que l’accord se fasse d’ici à la fin de l’année en fixant le cadre de nos relations futures. Mais je le répète, le Brexit, c’est un choix souverain qu’il faut respecter, mais c’est un choix qui ne saurait se faire aux dépens de l’intégrité de l’Union européenne. C’est le choix du peuple britannique pour lui-même, mais pas pour les autres et la France souhaite maintenir une relation forte, privilégiée avec Londres, mais pas au prix de la dissolution de l’Union européenne. Et que l’intégrité soit défendue par la capitale dont c’est la cause, dans son propre pays, est une chose, mais nous avons à défendre l’intégrité de nos valeurs, de notre socle et de l’Union européenne. Et donc nous aurons sur ce point un dialogue exigeant, indispensable, mais il nous faudra, quoi qu’il en soit penser la relation de l’Union européenne après le Brexit avec Londres, c’est indispensable. Et le penser consistera justement à définir à tout le moins un partenariat stratégique à construire.
C’est la même exigence que je veux à nos frontières, j’ai déjà évoqué le cas de la Russie tout à l’heure, le cadre d’une architecture européenne de sécurité et de défense, mais nous ne pouvons durablement construire l’Europe sans penser notre relation à la Russie et la Turquie. La penser sans complaisance et sans naïveté. Est-ce que nous pensons aujourd'hui là aussi de manière lucide et sincère que nous pouvons continuer une négociation d’adhésion à l’Union européenne de la Turquie, quand le projet chaque jour réaffirmé du président turc avec lequel j’ai eu une intensité de contacts inédite depuis un peu plus d’un an, est un projet panislamique régulièrement présenté comme antieuropéen, dont les mesures régulières vont plutôt à l’encontre de nos principes ? Résolument pas. Et là aussi nous devons sortir de l’hypocrisie pour construire une solution me semble-t-il plus efficace, plus cohérente pour nous. Il nous faut donc construire un partenariat stratégique qui n’est pas l’adhésion à l’Union européenne, mais un partenariat stratégique avec la Russie et avec la Turquie, parce que ce sont deux puissances importantes pour notre sécurité collective, parce qu’il faut les arrimer à l’Europe, parce que l’histoire de ces peuples s’est fait avec l’Europe et que nous devons ensemble construire notre avenir. Et donc sur tous ces plans il faut une relation que nous avons à réinventer, sur un plan exigeant, mais sans céder à l’espèce de tâtonnement bureaucratique auquel nous nous sommes habitués sur ces sujets.
Nous sommes sortis de la guerre froide et la Turquie du président ERDOGAN n’est pas la Turquie du président KEMAL. Ces deux réalités sont là et il nous faut en tirer toutes les conséquences.
Ensuite il faut assumer, accepter, porter le fait que cette Europe sera une Europe de plusieurs cercles, parce que c’est déjà le cas et donc il faut accepter qu’il y ait une Europe large, peut-être plus large que l’Union européenne, le Conseil de l’Europe étant d’ailleurs cette base la plus large, fondée sur nos principes, qui parfois sont remis en cause au sein même de l’Union. Mais il y a donc la place pour une Europe large, la place pour un marché commun et en ce cœur la place pour des coopérations renforcées, une intégration plus forte. Et cela suppose d’avoir un peu d’audace et d’accepter de revisiter des tabous de part et d’autres, des tabous de transfert d’un côté du Rhin, des tabous de changement de traité de l’autre côté du Rhin. Et sur ce point la vision que porte la France aujourd'hui, celle que nous porterons dans le cadre des échéances à venir, suppose une révision des traités qu’il s’agisse de la réforme de l’Union européenne comme de la zone euro, je la souhaite et je souhaite que nous puissions la construire sur la base des consultations démocratiques en cours, sur la base des résultats des élections européennes à venir et d’un travail intergouvernemental qui s’imposera dans les semestres qui viennent. Parce que nous avons besoin de repenser notre organisation collective, nous avons besoin d’une Commission plus efficace et moins nombreuse et nous avons besoin de repenser les axes stratégiques de cette Europe.
Enfin, nous serons et nous sommes aujourd'hui collectivement testés parce que cette Europe, je l’ai dit à plusieurs reprises et je viens de parler de son périmètre, de son étendue, a à faire face à tous les défis contemporains dont je vous parle depuis tout à l’heure. Et nous n’avons qu’une réponse européenne crédible : celle de notre autonomie stratégique. La question n’est pas de savoir si nous arrivons à convaincre les Etats-Unis d’Amérique, c’est un grand peuple et un grand pays, la question est de savoir si les Etats-Unis d’Amérique nous regarde comme une puissance avec une autonomie stratégique, c’est ça la vraie question qui est posée pour l’Europe aujourd'hui. Et force est de constater qu’aujourd'hui ce n’est pas le cas, nous devons nous regarder avec lucidité, quand bien même celle-ci est cruelle, je ne crois pas très sincèrement aujourd'hui que la Chine ou les Etats-Unis d’Amérique pensent que l’Europe est une puissance avec une autonomie stratégique comparable à la leur. Je ne le crois pas.
Et je crois que si nous ne parvenons pas à construire cela, nous nous préparons des lendemains moroses. Et donc comment construire cette véritable souveraineté européenne? Eh bien en répondant aux défis dont j’ai parlé depuis tout à l’heure, en faisant de l’Europe, le modèle de cette refondation humaniste de la mondialisation. C’est ça le défi qui est le notre et c’est ça exactement le débat qui est posé aujourd'hui au peuple européen dans le cadre des élections qui adviennent.
Il y a le choix clair d’un côté, l’Europe n’est pas efficace, elle ne répond plus à ces défis de la mondialisation, ce n’est pas totalement faux. Elle n’a pas d’autonomie stratégique, il faut donc la désagréger.
Alors les plus sophistiqués vous diront: nous sommes pour la désagréger, sauf lorsqu’elle nous apporte quelque chose, parce que l’Italie est contre l’Europe qui n’est pas solidaire sur le plan migratoire, mais elle est pour l’Europe des fonds structurels lorsque j’écoute certains ministres ; le président du conseil italien le sait bien d’ailleurs, il est sur une ligne beaucoup plus structurée. La Hongrie de Viktor Orban, elle n’a jamais été contre l’Europe des fonds structurels, de la politique agricole commune, mais elle est contre l’Europe quand il s’agit de tenir de grands discours sur la chrétienté. Et donc il y a une voie claire de l’opportunisme européen, mais du nationalisme revendiqué, désagrégeons cette structure bureaucratique, elle ne nous apporte plus rien, faisons semblant d’oublier ce qu’elle nous apporte et assumons une ligne claire.
De l’autre côté, il nous faut porter une ligne, là aussi claire, celle d’une volonté de souveraineté européenne, en quoi et comment l’Europe peut apporter seule une réponse à nombre de nos défis? Et je crois que c’est le cas, et je crois que c’est tout particulièrement le cas pour ce qui est de la crise politique aujourd'hui qui sévit en Europe. Je parle de crise politique, parce que les sujets dont nous avons parlé tout l’été en matière de migration, sont avant tout une crise politique. L’Europe a eu à subir en 2015 une vraie crise migratoire, quand des millions d’Afghans, de Syriens sont venus en raison des conflits. L’Europe a eu à subir, il y a un peu plus d’un an une vraie crise migratoire venant de Libye mais ces flux ont été divisés par dix ces dernières semaines, ce n’est pas une crise migratoire, c’est une crise politique, celle de la capacité justement à répondre à ce défi.
Sur ce sujet, il faut regarder les choses en face, pourquoi avons-nous cette crise politique européenne et en particulier italienne ? Parce qu’il n’y a pas eu de solidarité européenne. Pourquoi avons-nous eu une crise politique en Grèce naguère ? Parce qu’il n’y avait pas eu de solidarité européenne. C’est pour ça que j’ai toujours lié la solidarité européenne avec une vraie politique de souveraineté et donc ce qui arrive en Italie, nous l’avons produit politiquement par notre absence de solidarité. Est-ce que cela excuse les discours xénophobes, les facilités ? Je ne le crois pas et je crois que d’ailleurs ces mêmes xénophobes n’apportent aucune solution au mal qu’ils dénoncent. Parce que, qu’ils aillent chercher la solidarité de ceux dont ils veulent se séparer, grand bien leur fasse, ça ne marche pas souvent, et d’ailleurs tous ceux qui portent une voix nationaliste ou unilatérale s’entendent très bien pour dénoncer l’Europe, s’entendent rarement pour trouver les solutions communes, y compris pour eux-mêmes. Les axes dont on nous parle n’apportent aucune solution, aucune.
Et donc sur ce sujet, je crois que la France, avec les partenaires constructifs et la Commission européenne, doit mettre en place, contribuer à mettre en place un dispositif pérenne, respectueux des principes humanitaires et du droit solidaire et efficace. Ce qui veut dire que nous ne devons, ni ne pouvons sortir du droit d’asile tel que nous l’avons pensé. J’écoute chaque jour les discours qui disent «ne prenez pas les gens, ne les acceptez pas, c’est de la faiblesse, de la bonne volonté», la France, et je m’en félicite, fait partie des pays qui durant la crise politique de cet été a accueilli le plus de réfugiés, 250, je vous invite à garder en mémoire la proportion de ces chiffres, parce que sur la base des cinq missions de l’OFPRA que nous avons organisées, nous les avons identifié comme relevant du droit d’asile. Mais qui sont les responsables politiques, responsables fondamentalement, lucides, qui peuvent nous expliquer qu’on devrait renoncer au respect du droit d’asile en France et en Europe? Mais ce droit d’asile, il est dans notre constitution, nous Français, il est dans tous nos textes européens. La clé simplement, c’est d’accepter cette différenciation. Il y a ceux qui relèvent du droit d’asile qu’il faut accueillir de manière inconditionnelle en ayant la bonne organisation, avec l’autre rive de la Méditerranée et avec le reste de l’Afrique et il y a ensuite une politique de migration à construire au niveau européen avec l’Afrique pour éviter, réduire, maitrise les flux migratoires liés à des migrations économiques et organiser un retour beaucoup plus efficace à ces derniers.
(…)
Une puissance économique et commerciale à travers une zone euro plus forte, une défense de nos intérêts stratégiques et commerciaux, une indépendance financière avec des mécanismes que nous devons proposer, et c’est la demande que nous avons faite à la Commission, pour asseoir l’autonomie financière de l’Europe, et mettre enfin fin à l’extraterritorialité de certaines décisions financières et monétaires.
Une puissance économique et commerciale qui construira la convergence fiscale et sociale en son sein. Je veux une Europe qui soit puissance numérique, et de l’intelligence artificielle, à travers les initiatives que nous avons commencé à prendre, d’un fonds pour les innovations de rupture, d’un vrai marché unique du digital, d’une taxation juste des acteurs du numérique. Une Europe puissance écologique, alimentaire, et sanitaire, qui permette partout en Europe de garantir les mêmes droits d’accès à une nourriture saine et à un environnement plus sain.
Cette vision-là, nous la portons; la mener seuls au milieu d’autres acteurs européens qui ne la suivent pas est impossible, c’est au niveau européen que nous devons mener, et que nous mènerons jusqu’à son terme le combat pour la fin du glyphosate, que la France a initié, je le rappelle, et sans la France, c’était quinze ans d’autorisation qui étaient à nouveau octroyés au glyphosate partout en Europe, mais également pour un prix unique du carbone, pour une vraie souveraineté énergétique, pour une vraie stratégie du renouvelable.
Je crois à cette vision d’une Europe où à l’heure des choix qui est le nôtre, il y a la possibilité pour un humanisme progressiste, en Europe, je crois qu’il y a la possibilité pour un chemin qui permettra de faire pleinement percevoir à nos concitoyens que l’Europe, sur nombre de sujets qui les inquiètent n’est pas simplement une partie de la réponse, mais le cœur de notre autonomie stratégique, le cœur de la réponse que nous pouvons apporter à nos peuples, et vis-à-vis de nos partenaires.
Nous devons écrire et raconter l’histoire de l’Europe que nous voulons, en démontrer les résultats concrets, afin de convaincre nos concitoyens que la voie de la coopération en Europe, dans le monde, est la seule qui puisse conduire à des relations de confiance mutuelle dans l’intérêt de la France.

- Il y a 40 ans, quasiment jour pour jour, Soljenitsyne prononçait à Harvard un très grand discours qu’on a appelé après le Déclin du courage, et il disait déjà à peu près tout de ce que je viens de décrire, sur la fragilité du monde occidental qu’il avait pourtant découvert et qui était perçu comme le lieu de toutes les promesses. Ce que nous devons enrayer aujourd’hui, c‘est précisément le déclin du courage.
Et donc pour y faire face, notre vocation est partout, et c’est ce que j’attends de vous, d’être une puissance médiatrice, une puissance diplomatique, militaire, culturelle, éducative, nationale et européenne, et d’être toujours médiatrice, médiatrice, ça veut dire que la France ne renonce jamais à porter sa voix, mais qu’elle cherche toujours à construire des alliances sur cette base, ça n’est pas une puissance de compromis, ça n’est pas une puissance médiane, c’est une puissance de médiation, celle qui justement cherche à bâtir cet ordre international qui, seul, je le crois très profondément, nous permettra de rendre un peu plus humaine et humaniste, la mondialisation qui est la nôtre.


Actualités du Centre. L’évidence du départ de Nicolas Hulot du gouvernement

Emmanuel Macron & Nicolas Hulot
C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour le gouvernement d’Edouard Philippe et pour Emmanuel Macron.
Néanmoins la démission du ministre de l’écologie Nicolas Hulot – qu’il mettait constamment sur la table – ne pose pas le pourquoi s’en va-t-il mais le pourquoi a-t-il accepté de venir et de prendre des responsabilités dans le quotidien d’une action gouvernementale.
Car l’idéalisme d’un Hulot, tout respectable et la plupart du temps juste qu’il soit, se marrie mal avec le pragmatisme et le réel d’une gestion au quotidien ainsi que des compromis nécessaires et naturels qu’il faut accepter.
De ce point de vue, la présence de Nicolas Hulot dans un gouvernement avait de quoi surprendre dès le début et avait en germe cette démission d’aujourd’hui.
On peut comprendre son choix, lui qui était une des personnalités préférée des Français et qui avait refusé plusieurs fois de devenir ministre (sous Chirac, Sarkozy et Hollande).
Il voulait cette confrontation à l’action politique quotidienne parce qu’il estimait que son combat le nécessitait.
Cependant, il n’était pas prêt à toutes les désillusions qu’un tel engagement susciterait naturellement par rapport à son idéalisme en la matière, voire à ce que lui considère comme sa lucidité face aux catastrophes écologiques qui s’annoncent.
Dans son annonce de démission, il a expliqué, «je ne veux plus me mentir» ajoutant «On s’évertue à entretenir un modèle économique responsable de tous ces désordres climatiques. (...) Sur un enjeu aussi important, je me surprends tous les jours à m’accommoder des petits pas.»
De même il a regretté la présence – normale en démocratie – de tous les «lobbys» estimant que son poste était «à la croisée» de ceux-ci.
On touche ici à cette distance entre idéalisme et pragmatisme, entre ce que l’on veut et ce qui est possible en si peu de temps car, rappelons-le, Hulot n’est ministre que depuis un peu plus d’un an, période beaucoup trop courte pour son ambition écologique qui est de révolutionner le monde et l’économie sur laquelle il est assis.
Car, comme il le dit, pour lui l’écologie est le «sujet qui conditionne tous les autres».
Reste qu’il aurait du savoir, que de mettre les mains dans le cambouis ne produit pas instantanément une machine bien huilée et fonctionnant parfaitement et ce, même si ce gouvernement centriste avait un tropisme écologique important.
Sans doute que le copinage étonnant de Macron avec les chasseurs aura été la goutte qui fait déborder le vase, comme il l’a affirmé.
Même s’il «supplie les uns et les autres d’éviter la récupération», la polémique partisane va être de mise d’autant qu’il est parti sans prévenir Edouard Philippe et Emmanuel Macron, sans doute une première, et qu’il demande à ce dernier d’en «tirer les leçons».
Déjà, le populiste démagogue Mélenchon a déclaré que la démission de Hulot est «un vote de censure contre Macron» et que «la macronie commence sa décomposition», pendant qu’un autre politicien du même acabit, Laurent Wauquiez, qui combat les positions de Hulot tous les jours, a dit «je peux comprendre qu’il se sente trahi comme aujourd’hui pas mal de Français par des promesses fortes qui avaient été faites, et le sentiment à l’arrivée que ce n’est pas très tenu».
Et ça ne fait que commencer…