samedi 22 décembre 2018

Actualités du Centre. Gilles Le Gendre (LREM): «Il faut poursuivre la réforme de manière ardente»

Gilles Le Gendre
Le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, l’ancien journaliste Gilles Le Gendre est venu au macronisme par le biais d’une sensibilité politique centriste (quand d’autres sont venus de la gauche, de la droite ou d’un positionnement plus populiste).
Dans un entretien au Figaro, c’est donc tout naturellement qu’il affirme que les réformes doivent continuer même s’il faut sans doute «mieux les expliquer», «les transformer en objets politiques appropriables par nos concitoyens dans leur vie politique», afin de «transformer» la France, tâche qui, selon lui, a déjà commencé.
Il estime en outre qu’il faudra trouver un moyen de transformer le pays «non seulement pour les Français, mais aussi avec eux».

Extraits de l’interview

Des voix s'élèvent dans la majorité contre le pouvoir «technocratique». Partagez-vous ces critiques?
Il faut tout faire pour mieux expliquer nos réformes, qui ont une grande part de technicité. Il faut les transformer en objets politiques appropriables par nos concitoyens dans leur vie quotidienne. Nous devons faire davantage de politique. C'est notre responsabilité, puisque c'est nous qui sommes au pouvoir, et c'est nous qui dirigeons l'administration. Cela ne sert donc à rien d'opposer le pouvoir politique et l'administration. Si la critique derrière tout cela consiste à dire que nous n'avons pas assez fait pour convaincre les Français, alors c'est à nous, politiques, de mieux faire.
C'est quoi, faire davantage de politique?
C'est d'abord assumer le fait que nous transformons le pays non seulement pour les Français, mais aussi avec eux. C'est une révolution dans un pays marqué par des institutions très verticales. Mais cette aspiration des citoyens à être associés aux décisions qui les concernent est un mouvement irrésistible. Il faut être plus précis sur la vision, les enjeux, les objectifs. Nous avons commencé à transformer la France, en ouvrant un nombre de chantiers sans précédent, mais nous devons mieux entraîner tous les Français dans ces transformations. C'est tout l'objectif du débat ouvert par le président.
Des députés expriment le souhait d'être davantage considérés et associés aux décisions. Que leur répondez-vous?
Nous sommes tous d'accord, au sein de notre groupe, pour faire évoluer nos pratiques. Nous avons déjà progressé: il y a plus de débats dans nos réunions de groupe, particulièrement ces dernières semaines. Nous avons aussi instauré des temps d'échanges longs sur les projets de loi, un conseil politique mensuel où nous débattons des positions du groupe. Mais beaucoup de nos frustrations tiennent à la façon dont s'effectue le travail parlementaire. Les délais dans lesquels nous travaillons sont ahurissants et ne permettent pas l'approfondissement. Cela donne l'impression aux députés qu'ils n'ont pas une vraie influence sur les textes, ce qui se traduit par pléthore d'amendements, pas toujours utiles. Il faut pouvoir inverser les choses, construire des positions communes et assumer, le cas échéant, un rapport politique exigeant avec le gouvernement.
Allez-vous revoir votre pratique de la politique?
La crise des «gilets jaunes» a été un accélérateur de notre réflexion à ce sujet. Il y aura un avant et un après dans les rapports entre le groupe majoritaire et l'exécutif. Nous devons mieux collaborer. Cela doit venir de l'exécutif dans une confiance plus grande, par exemple en cessant de déposer des amendements au dernier moment. Les députés doivent aussi se saisir des lois qui ont été votées, en mettant la pression sur l'application de la loi sur le terrain. On peut changer les choses très vite, sans attendre une réforme du règlement de l'Assemblée. Nous devons aussi privilégier les amendements du groupe sur les amendements individuels ainsi que les propositions de loi qui soient des constructions vraiment collectives. Le règlement du groupe devra évoluer en ce sens. La question est aussi posée d'autoriser les amendements qui proviennent du MoDem, notre allié.
En déclarant que vous aviez été «trop intelligents, trop subtils, trop techniques», avez-vous péché par arrogance?
C'est une maladresse qui prouve que ce jour-là je n'ai vraiment pas fait preuve de subtilité. J'aurais dû dire que nous n'avions pas été assez intelligibles. Cette phrase a été instrumentalisée comme de l'arrogance et cela m'affecte, précisément parce qu'il n'y a rien qui me soit plus étranger que le mépris social et l'arrogance.
Est-il encore possible de réformer?
Non seulement la crise ne disqualifie pas notre programme, mais elle démontre à quel point il est nécessaire. Il faut poursuivre la réforme de manière ardente, mais différemment, en étant plus clair sur les enjeux. Pour refermer cette parenthèse, il faut reprendre le travail de transformation, sans relâche.