samedi 30 mars 2024

Présidentielles USA 2024. Comment les médias américains doivent parler de Trump et rapporter ses propos


Dans les rédactions des médias américains, les vrais, pas ceux qui ne font qu’acte de propagande d’extrême-droite comme Fox news, Newsmax, OAN et quelques autres, les débats font rage avec des journalistes qui se demandent comment ils doivent traiter Donald Trump et ses propos haineux, insultants et mensongers au cours de cette campagne présidentielle.

Certains sont pour parler de tout en l’accompagnant avec du fact-checking pour dire ce qui est avéré et ce qui ne l’est pas tandis que d’autres estiment qu’il faut faire un tri pour ne pas relayer les propos les plus inqualifiables et abjects ainsi que les mensonges les plus grossiers.

Le problème est que les deux attitudes ne feront sans doute pas changer les fan(atique)s de Trump qui y verront, dans le premier cas, des attaques infâmes de médias pourris jusqu’à la racine selon eux, et, dans le deuxième cas, une censure tout aussi infâme de ces mêmes médias qu’ils abhorrent.

Dès lors, il s’agit de convaincre les quelques électeurs républicains modérés, les électeurs démocrates qui hésitent à voter pour Biden et, surtout, une partie des «independents», ces électeurs qui déclarent n’être affiliés à aucune des deux grandes formations de la politique américaine.

Même si le dilemme demeure entre les deux attitudes, rappelons tout de même que la stratégie de Trump en 2016 et 2020 était de constamment occuper les médias par des comportements et des propos répugnants et mensongers, stratégie qui a fonctionné à merveille, le populiste démagogue se vantant même en 2016 que la campagne électorale ne lui avait rien coûté ou si peu grâce au relais constant des médias.

Des médias qui, après la victoire de Trump, s’étaient sentis honteux (surtout avaient été très critiqués comme CNN) ce qui avait obligé certains d’entre eux à un examen de conscience même si cela ne les a pas empêchés de recommencer en 2020 et qu’ils s’apprêtent à le faire en cette années 2024!

Dès lors, reprendre systématiquement les propos et les initiatives de Trump revient à faire ce qu’il souhaite, de la vulgaire propagande en sa faveur en l’installant au centre du débat même si du fact-cheking accompagne tous ses faits et gestes.

C’est donc plutôt dans un tri avec comme ligne de conduite d’informer réellement les électeurs sur les positions de Trump que les journalistes devraient s’orienter pour maîtriser la diffusion de nouvelles qui ont du sens (même si les réseaux sociaux se chargeront de la court-circuiter).

Sauf que…

Pour que cette ligne de conduite soit adoptée, il faudrait, d’abord que les médias pour lesquels ils travaillent soient d’accord alors que les taux d’audience et donc les revenus commerciaux n’ont jamais été aussi bons que lorsque Trump est à leur antenne (en 2016, ils n’hésitaient pas à couper des meetings d’Hillary Clinton dès que Trump prenait la parole…) et qu’ensuite les journalistes ne soient pas tentés de faire le buzz notamment pour leur propre carrière en couvrant toutes les frasques du personnage.

Il n’y a sans doute pas de solution miracle pour traiter convenablement d’un personnage tel que Trump, non pas en théorie, mais par rapport à ce que sont aujourd’hui les médias dans les démocraties et les capacités de jugement des individus mal formés et informés…

 

 

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. L’invention d’un peuple démocratique est aujourd’hui un échec


Un lieu commun couplé avec un idéalisme naïf auxquels on peut ajouter une certaine propension à échafauder un récit fantasmagorique rassurant nous amène à croire qu’il suffit d’accorder la liberté et l’égalité à un peuple pour qu’il devienne instantanément démocratique.

Un contresens majeur.

Car un peuple vivant dans un régime démocratique n’est pas synonyme d’un peuple démocratique.

Pour qu’un peuple qui vit en démocratie soit en même temps un peuple démocratique, il doit répondre aux critères nécessaires pour que ce régime existe réellement et non formellement ainsi qu’il fonctionne correctement c’est-à-dire que le peuple doit effectivement être capable d’utiliser l’ensemble des bienfaits qu’il lui offre.

Un peuple démocratique est l’aboutissement du projet démocratique qui de virtuel devient alors effectif, faisant se rejoindre la forme et le fond.

Or donc, aujourd’hui, nous avons des peuples qui vivent en démocratie, des individus qui vivent dans des régimes démocratiques mais qui ne peuvent pas être assimilés à des peuples et des citoyens démocratiques.

Ainsi, aucun peuple actuellement ne correspond à la définition d’un peuple démocratique c’est-à-dire «un peuple composé d’individus dont chacun d’entre eux a acquis la réelle qualité de citoyen parce qu’il a été correctement formé et informé ce qui le rend capable:
- d’utiliser ses droits et de remplir ses devoirs;
- d’utiliser son autonomie en étant responsable de son existence c’est-à-dire d’être celui qui dirige sa vie en prenant des décisions responsables et rationnelles, en les assumant, concernant ses intérêts ainsi que ceux de ses proches et les intérêts de la communauté dans laquelle il vit afin de mener au mieux son propre projet de vie tout en respectant celui des autres;
- de faire la différence entre liberté et licence;
- de respecter l’individualité et la dignité de l’autre comme sont respectées les siennes.

- d’entretenir des relations pacifiques avec les autres en pratiquant le consensus et le compromis.»

S’il est facile de faire le triste constat qu’un tel peuple n’existe pas – et que peu d’individus répondent aux critères listés ci-dessus pour être des citoyens à part entière, c’est-à-dire d’exercer cette qualité de manière optimum – alors que le projet démocratique est en cours depuis près de 250 ans, la question qui demeure en suspens est de savoir s’il pourra un jour exister.

Rappelons que les initiateurs et défenseurs d’un ordre démocratique étaient évidemment conscients de la nécessité de créer un peuple démocratique, des difficultés que cela représentait et du défi qu’ils devaient relever.

Ils savaient qu’il fallait un individu éveillé c’est-à-dire ayant reçu un enseignement de qualité et au courant du monde dans lequel il vit, c’est-à-dire correctement informé d’où l’importance de l’école obligatoire et d’une presse de qualité.

Sans dire que l’école et la presse ont complètement échoué dans leurs missions démocratiques, elles n’ont néanmoins pas réussi à façonner l’individu pour le conduire vers la citoyenneté véritable.

Pire, cet individu dévoie souvent les offrandes démocratiques dans une démarche consumériste égocentrique, irresponsable et irrespectueuse, les retournant contre le projet démocratique en cours, le mettant en péril et menaçant son existence même.

D’où la conclusion pour certains qu’il en sera toujours de même donc que l’individu démocratique ne sera jamais.

Je ne serai pas aussi catégorique.

Ce qui ne permet pas encore de conclure que le projet démocratique, s’il est bien un échec aujourd’hui, le sera définitivement demain, c’est que les moyens n’ont jamais été à la hauteur de l’ambition de créer cet humain libre, conscient de sa liberté et capable de bien l’utiliser.

Cependant, il faut bien comprendre que le défi à relever demande une mobilisation autrement plus conséquente de moyens matériels et intellectuels que ceux qui ont été consacrés jusqu’à présent à cette tâche cardinale.

Comme si on avait jusqu’à présent espérer qu’un ersatz de citoyen suffirait au projet démocratique!

Une terrible erreur que nous payons et que nous paierons au prix fort si nous ne faisons rien pour créer la dynamique essentielle.

C’est dans ce sens – en consacrant les moyens nécessaires – que l’on peut espérer que l’invention d’un peuple démocratique ne sera pas une simple chimère d’idéalistes un peut trop rêveurs.

En revanche, nous devons être conscients que le peuple démocratique n’est encore qu’un objectif et non un but atteint.

Et que le temps presse.