dimanche 26 décembre 2021

Vues du Centre. Non, en démocratie, le «je» n’est pas toujours narcissique et le «nous» est parfois irresponsable

Par Jean-François Borrou

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.

Palais de l'Elysée

Comment critiquer Emmanuel Macron avec tout ce qui vous passe par la tête?

En le traitant d’égotiste, de narcissique, de graine d’autocrate.

Ainsi, son utilisation du «je» -- dont ses contempteurs estiment qu’il l’utilise «plus que le général de Gaulle», c’est dire s’il est coupable! – serait la preuve de sa présidence impériale et serait également le pourquoi les Français le détestent (on rappelle qu’il est en tête dans tous les sondages pour la présidentielle et qu’il obtient de bons scores dans les baromètres de popularité…).

Pour ceux qui doutent que des «experts médiatiques» aient pu dire de telles âneries, il leur suffit de regarder franceinfo en replay…

Mais ces attaques ne se font pas que sur la chaîne de service public (sic!) et tentent d’accréditer que l’actuel hôte de l’Elysée ne serait pas un vrai démocrate.

D’où évidemment la nécessité de le remplacer en 2022.

Problème pour ceux qui propagent cette thèse c’est qu’ils sont de gauche et de droite, donc pas toujours d’accord sur celui ou celle qui devrait lui succéder…

Plus sérieusement, une personnalité politique dans une démocratie, en plus au pouvoir, peut utiliser le «je» pour endosser la responsabilité de la gouvernance du pays et des décisions prises.

On se rappelle, à ce propos, qu’Emmanuel Macron a toujours dit, depuis sa campagne électorale jusque dans les soi-disant «affaires» dont on voulait le rendre comptable, a toujours affirmé qu’il endossait la responsabilité de toutes les décisions prises par l’exécutif.

Il a toujours refusé de s’abriter derrière quoi que ce soit ou qui que ce soit.

Le reconnaître ne signifie pas que tout ce qu’il a fait était positif, qu’il n’a pas commis d’erreur ou qu’on le soutient mais seulement constater ce qui est un fait.

Ceux qui ont pris ce biais pour le critiquer voudraient sans doute qu’il utilise le «nous» – bien que je suspecte qu’ils souhaitent qu’il se taise définitivement!

Or le «nous» en démocratie n’est pas toujours la valorisation du travail collectif ou l’affirmation d’une opinion commune mais la manière de ne pas prendre l’entière responsabilité de ses actes.

Le «nous» dilue cette responsabilité, voire fait de l’enfumage, et permet à celui qui a agi de se cacher et de ne pas être reconnu comme celui à qui on doit demander des comptes.

Dans un monde où le courage politique est une valeur qui baisse dangereusement, saluons plutôt les personnalités qui utilisent le «je», non pour s’attribuer tous les mérites comme le font les autocrates et les dictateurs, mais pour dire aux citoyens où se trouve l’origine d’une décision et qui est l’auteur de celle-ci qui, au choix, peut être encensé ou critiqué pour l’avoir prise.

Jean-François Borrou

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Valoriser l’opposition Gauche-Droite tout en fustigeant le Centre, la nouvelle mode des penseurs médiatiques

Or donc, le Centrisme et le Centre seraient les fossoyeurs du débat politique et donc de la démocratie!

Cette thèse imbécile – baptisée entre autres d’«hyper-centrisme» – n’est pas nouvelle mais redevient à la mode auprès de penseurs médiatiques inquiets, pour ceux de droite, de voir l’extrémisme gangréner le conservatisme et, pour ceux de gauche, de la voir s’effondrer.

Elle se rapproche d’une théorie pseudo-scientifique utilisée jusqu’à la corde par certains à droite et à gauche qui parlent de «centrisme extrémiste», affirmant jusqu’à la farce la plus grossière que ce sont les centristes et nom les gauchistes et les droitistes extrêmes qui sont les plus extrémistes car leur volonté de créer un consensus le plus large serait liberticide!

Ce serait donc le Centrisme et son consensus ainsi que son juste équilibre qui seraient responsables de ces phénomènes.

Or rien de plus faux car, d’une part, le Centre est un courant de pensée caractéristique qui ne se réduit pas à être… au centre.

D’autre part, c’est confondre de manière voulue ou suite à une déficience de connaissance problématique, les causes et les effets.

Comme nous l’avons souvent écrit ici, un axe central est né il y a quelques années mais seulement en réaction à la montrée des populismes, des radicalismes, des extrémismes.

Cet axe central, qu’il ne faut surtout pas confondre avec le Centre est composé des libéraux de droite, des libéraux sociaux du Centre et des sociaux libéraux de gauche.

Ce qui les réunit avant tout est la défense de la démocratie républicaine libérale attaquée par les mouvements séditieux et factieux.

D’ailleurs, en réalité, l’axe central s’est constitué sur le tas, c’est-à-dire que les partis qui en font partie et leurs sympathisants se sont rendus compte, face à la montée des périls, qu’ils défendaient un certain nombre de valeurs communes fondamentales qui étaient en danger et qu’une alliance, aujourd’hui et maintenant, était peut-être nécessaire pour faire front commun pour protéger, et la démocratie, et la république.

Mais il ne faut pas s’y tromper, les gens de gauche de cet axe central, demeurent à gauche, idem pour ceux de droite pour la Droite et évidemment pour ceux du Centre qui restent fidèle au Centrisme.

D’ailleurs, si le gouvernement actuel peut être considéré comme faisant partie de l’axe central c’est parce que certains à gauche, au centre et à droite ont considéré avec Emmanuel Macron que le temps était venu de s’allier face aux ennemis de la démocratie républicaine.

Mais une partie de l’axe central n’y est pas que ce soit les sociaux-démocrates du PS, une majorité des écologistes de gauche d’EELV ou la partie des libéraux et des conservateurs éclairés de LR qui sont tous attachés à cette démocratie républicaine.

Nos penseurs médiatiques montrent également leur ignorance en confondant être au centre et du Centre.

Etre du Centre, c’est défendre une vision précise de la société alors qu’être au centre est seulement une posture utilisée souvent par les partis de droite et de gauche pour ratisser le plus large possible lors des élections.

Mais si nos penseurs médiatiques estiment, par ailleurs, que le fait de ne plus utiliser une rhétorique d’opposition systématique d’une partie de la population contre une autre, de reconnaître la réalité avant de vendre de l’idéologie déconnectée des faits, sont des comportements politiques négatifs alors ils naviguent dans leurs fantasmagories qui ont tant coûté à l’Humanité au cours de deux derniers siècles.

Par ailleurs, pour aller au fond de leur thèse, dégager un consensus dans la population autour des valeurs humanistes n’est pas tuer le débat politique mais l’assoir sur une base qui valorise l’humain et le respect de sa dignité, ce qui est le but, à la fois, de la démocratie et de la république.

Critiquer celui-ci revient donc à vouloir une société constamment traversée par des conflits idéologiques et une instabilité chronique.

Pourquoi pas mais il faut alors le dire clairement, revendiquer la violence verbale et physique ainsi que la division de la communauté nationale en deux clans irréconciliables.

Dès lors, pour ces penseurs médiatiques, la démocratie ne doit pas rapprocher mais plutôt diviser, ne doit pas réunir mais plutôt opposer.

Etre d’accord sur les valeurs fondamentales du bien vivre ensemble n’exclut pas que l’on puisse défendre des moyens et des chemins différents pour parvenir à la meilleure société possible à mettre en place.

Nos penseurs médiatiques devraient élargir leur vision et, surtout, réfléchir qu’en mettant en cause le consensus démocratique et républicain, ils n’aident pas leur camp mais bien les populismes, les radicalismes et les extrémismes qui les gangrènent et sont en train de les tuer.

La quotidienne centriste du 25 décembre 2021. L’Europe touchée à la fois par l’extrémisme et le populisme

Populisme et extrémisme font bon ménage et les deux cohabitent aisément dans une proximité à l’intérieur d’un même parti, voire d’une même personnalité politique.

C’est le cas, par exemple, avec le RN et la famille Le Pen ou avec LFI et le «leader maximo» Mélenchon.

De même, les extrémistes peuvent trouver des relais à leur engagement politique dans le populisme tout comme les populistes peuvent être attirés par les thèses extrémistes qui leur permettent une radicalité dans leur récriminations à l’encontre de la démocratie républicaine.

Enfin, extrémistes et populistes peuvent s’allier dans un front anti-démocratique pour des raisons tactiques, pour se présenter uni dans leur contestation de l’ordre démocratique afin de le détruire.

Mais ils ne sont pas forcément liés.

Par exemple, au Royaume-Uni avec Boris Johnson qui est assurément un populiste mais pas un extrémiste.

Néanmoins son alliance avec l’extrémiste Nigel Farage pour faire sortir son pays de l’Union européenne lors du référendum sur le Brexit qui lui permet ensuite de s’emparer du pouvoir, montre la proximité des combats politiques des deux courants.

A l’inverse, le gouvernement polonais conduit par le parti Droit et Justice est extrémiste mais pas populiste.

Dans le cas de Donald Trump aux Etats-Unis, son populisme trouve naturellement ses alliés puis ses ralliés chez les extrêmes mais n’a pas, au départ la radicalité qu’il acquiert au cours de la présidence de celui-ci.

Tout comme chez Viktor Orban en Hongrie

En revanche, Eric Zemmour est, à la fois, un populiste et un extrémiste dès le départ tout comme l’est Matteo Salvini en Italie ou l’ancien leader de Podémos en Espagne Pablo Iglésias.

Un mélange des genres qui a surtout été pratiqué en Amérique du Sud même s’il faut aussi, parfois, faire des séparations entre, par exemple, les extrémistes Castro ou Pinochet et les populistes Peron ou Chavez.

Le cas de la famille Le Pen est un peu plus compliqué puisque le patriarche, Jean-Marie, est bien un populiste – un poujadiste – qui s’est trouvé propulsé à la tête d’un parti extrémiste, le Front national, et qui a coloré l’idéologie extrémiste de ce dernier avec du populisme.

Marine Le Pen, elle, est certainement plus populiste qu’extrémiste mais a repris l’héritage du père malgré ses dires alors que la petite-fille, Marion Maréchal-Le Pen est plus extrémiste que populiste.

In fine, les deux mouvements, extrémiste et populiste, sont deux dangers pour les régimes démocratiques et républicains notamment en Europe où leur développement récent et leurs alliances ont de quoi inquiéter et sonner la mobilisation de tous les démocrates.

Pour autant, il convient de ne pas les confondre pour ne pas faire des erreurs de jugement dans la lutte pour les éradiquer.

 

[Retrouvez quotidiennement ce billet rédigé par l’équipe du CREC concernant l'actualité du jour]