mardi 14 décembre 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Quand monsieur Poutine réhabilite sans surprise le scélérat Staline

L’histoire officielle – mais pas seulement elle – est une construction idéologique qui a pour but d’offrir un roman national au peuple d’un pays et une explication du monde dont se servent leurs dirigeants.

Dès lors, elle est souvent dans la simplification, la continuité artificielle, l’oubli et la réécriture.

Cette dernière arrive tôt ou tard.

Elle pose problème quand il s’agit de glorifier ou d’oublier un passé peu ragoûtant voire criminel.

J’ai souvent pensé, dit et écrit, qu’un jour Adolf Hitler serait célébré dans l’histoire allemande et ses méfaits seraient ramenés à de simples péripéties malheureuses ou, en tout cas, seraient mis en perspective en regard des prétendus bienfaits pour le pays de son règne dont le retour de la puissance militaire qui compte tant dans les récits historiques nationaux (en revanche, contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas lui le «père» du réseau autoroutier allemand mais la république de Weimar)..

On le rappelle, Napoléon est mis sur un piédestal pour ses victoires guerrières alors même qu’il était un dictateur et qu’il a été vaincu…

Mais si je pensais d’abord à Hitler parce qu’il représente le mal absolu, j’estimais qu’il en irait de même pour tous les dictateurs sanglants d’hier et d’aujourd’hui de notre histoire contemporaine.

Dont, bien entendu, Joseph Staline, le pendant criminel russe au monstre allemand.

Eh bien, nous n’avons eu qu’à attendre moins de soixante-dix ans après sa mort en mars 1953 – et alors que nous fêterons le 26 décembre tout juste les vingt ans de la disparition de l’Union soviétique – pour que sa dictature soit considérée par les autorités russes comme positive grâce à Vladimir Poutine – l’ami de Mélenchon, Le Pen et Zemmour – et à sa clique qui est au pouvoir à Moscou.

Les dizaines de millions de morts (on s’écharpe encore sur le nombre exact!) dus à cet assassin et à ses complices sont donc relégués à une péripétie pour celui qui a su redonner sa place au pays dans le concert des nations étant en cela le digne héritier des tsars et le prestigieux devancier de Poutine qui rêverait d’endosser son costume…

On comprend tout l’intérêt pour le maître actuel de Kremlin qui se rêve en nouveau petit père du peuple tout en remplissant ses poches de milliards de dollars volés à ses compatriotes – voir le palais qu’il s’est fait construire –, de cette réhabilitation si rapide.

Ses dérives autoritaires et maintenant totalitaires font que Staline devient évidemment une référence pour son régime.

Bien sûr, on ne sait pas vraiment ce qu’en pense le peuple russe mais même si souvent les peuples qui écrivent l’Histoire ce ne sont pas eux qui écrivent les livres qui la relate.

Quand on sait que nombre d’écoliers et de lycéens allemands ne savent même pas qui est Hitler et ce qu’il a fait, on se dit que la manipulation de l’Histoire ne pose guère de difficultés à qui veut la faire coller à ses ambitions même les plus criminelles.

En France, les tentatives réhabilitation de Pétain par Eric Zemmour procèdent de la même perspective, absoudre des scélérats de leurs crimes les plus ignobles au nom de leur contribution à l’histoire nationale.

Et lorsque certains s’émouvront dans les décennies et les siècles à venir de la place faite à ces anciens tyrans bouchers dans les livres d’Histoire, parions que l’on entendra cette petite musique lénifiante si souvent utilisée: c’était une autre époque et l’on ne peut la juger avec les yeux de la contemporaine.

Une façon bien connue de relativiser les valeurs humanistes et d’excuser toutes les infamies commises.

Mais n’était-ce pas Jésus qui disait il y a plus de deux mille ans, «Aimez-vous les uns, les autres».

Et cinq cents ans avant lui, n’était-ce pas Confucius qui expliquait que «tous les hommes sont frères» et qui, lorsqu’on lui demandait s’il y avait un précepte qui pouvait guider toute l’action d’une vie, répondait, «Aimer».

Et encore avant eux, c’est Zoroastre qui déclarait: «Maudis ceux qui détruisent la vie».

Je finis avec Bouddha: «Il y a quatre pensées illimitées : l’amour, la compassion, la joie et l’égalité d’âme.»

Autre époque, oui, autre valeurs, non.

Allez, une dernière citation spécialement destinée à monsieur Poutine qui nous vient d’un de ses plus célèbres compatriotes, Léon Tolstoï.

Il écrivait à Gandhi:
«Tout homme sent et reconnait au fond de lui-même (on le voit très bien chez les enfants), que l’amour, c’est-à-dire l’aspiration des âmes à l’union et le comportement qui en résulte, est l’unique et suprême loi de la vie; il le sait tant qu’il n’a pas été fourvoyé par les faux enseignements du monde. Cette loi a été proclamée par tous les sages de l’univers, romains, grecs, juifs, chinois, hindous. Je pense que la plus claire formulation en a été donnée par le Christ, qui a même affirmé qu’elle résumait la Loi et les Prophètes. Bien plus, prévoyant les déformations qu’on pourrait faire subir à cette loi, il a indiqué que le danger pouvait venir des hommes trop attachés aux choses d’ici-bas, danger de voir certains s’autoriser la violence pour défendre leurs intérêts, c’est-à-dire, rendre coup pour coup, reprendre par la force ce qu’on vous a pris, etc. Tout homme raisonnable sait que la pratique de la violence est incompatible avec l’amour, règle de vie fondamentale, et que, dès lors qu’on admet la violence dans certains cas, on reconnait l’insuffisance de la loi d’amour, et partant de là on la nie.»

 

 

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