Dans son discours traditionnel devant les armées (le lire ci-dessous), ce 13 juillet, Emmanuel Macron a mis en garde les Français sur les dangers que le monde d’aujourd’hui recèle pour la France, pour l’Europe, pour le monde libre et pour la planète.
Rien de très nouveau à ce qu’il martèle depuis son accession à la présidence.
Et le moins que l’on puisse dire c’est la justesse de son analyse et de la nécessité, maintes fois répétées, de réagir à cette situation qui a ses similitudes avec l’entre-deux-guerres et les années 1930 lors de la montée des périls qui aboutirent à la victoire des totalitarismes en Italie puis en Allemagne puis en Espagne mais aussi dans d’autres pays européens comme la Hongrie ou la Grèce et qui furent la cause de la guerre la plus meurtrière de l’Humanité.
Une situation qui a empiré depuis ses premières déclarations avec le déclenchement par Poutine de son agression contre l’Ukraine et les velléités chinoises contre ses voisins et plus particulièrement Taïwan.
Sans oublier, la montée des extrémismes et des populismes dans les démocraties même, souvent alliés avec ces régimes totalitaires comme on l’a encore vu après les réactions à ce discours.
Et lorsqu’il a martelé plusieurs fois «Défendons notre liberté», il a exprimé quel était l’enjeu auquel nous devons faire face dans le monde libre et la raison pour laquelle nous devons nous (ré)armer.
Et de détailler son propos:
«Liberté de notre Europe mise en danger au moment où la guerre a été portée sur
notre sol avec l'invasion de l'Ukraine, alors que les États-Unis ont ajouté une
forme d'incertitude et que notre Europe se trouve placée à la lisière d'un
vaste arc de crise qui part du golfe de Guinée, traverse le Sahel jusqu'au
Proche-Orient et en Iran. Soyons clairs, nous, Européens, devons désormais
assurer notre sécurité nous-mêmes.
Liberté de notre modèle économique aussi, quand les entreprises s'imaginent
devenir des États, les États devenir des empires, et quand les terres sont à
confisquer, les ressources à accaparer ou le commerce mondial à capturer.
Liberté de notre modèle démocratique et politique, objet, de tentatives de
manipulation par des États étrangers, notamment sur les réseaux sociaux et
cibles de forces obscurantistes.
Liberté individuelle également, parce que dans l'ère des écrans, c'est l'esprit
des hommes, en particulier des jeunes générations, qui devient la ligne de
front de la guerre économique, technologique et culturelle.
Liberté de la nation, enfin, quand les risques de la division menacent notre
unité et que nous devons affronter tant de défis pour rester libres, maître de
notre destin.»
Avec cette évidence «Pour être libre, il faut être craint; pour être craint, il faut être puissant».
Contrairement à ce que peuvent dire certains, il ne s’agit de propos ni d’un belliqueux, ni d’un militariste mais bien d’un homme politique responsable qui veut défendre la démocratie républicaine libérale, d’un centriste aux valeurs humanistes.
Les centristes sont d’ailleurs à la pointe de ce combat dans tous les pays démocratiques, que ce soit aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou au Canada, entre autres.
La France et les autres démocraties seront-elles capables de décider les mesures adéquates pour se défendre et surtout tenir leurs engagements, c’est ce que nous dira le futur proche?
En tout cas, le Président de la république a demandé un doublement du budget de la défense dès 2027 pour faire face à ce qu’il appelé une «accélération de l’Histoire».
Nicolas Levé
Alexandre Vatimbella
► Discours
du Président de la République aux armées :
C'est aujourd'hui la neuvième fois que je m'exprime devant vous, à la veille de
notre fête nationale. Vous, soldats, qui, partout où vous êtes déployés,
agissez pour assurer la protection des Français, la défense de nos intérêts et
le respect de la parole donnée.
Vous, qui êtes le bras armé de la France et dont l'engagement porte grandeur et
acceptation du risque.
Je vais tout à l'heure saluer la mémoire de nos soldats tombés cette année, je
verrai également tout à l'heure et demain nos blessés. Et je veux ici redire à
leurs familles, à leurs frères d'armes, le soutien entier et la reconnaissance
de la nation, notre reconnaissance et notre affection. Votre engagement est
inestimable.
Il l'est d'autant plus que nous vivons un moment de bascule. Nous en apercevons
depuis longtemps l'imminence et ces bascules sont aujourd'hui effectives. Et
sans doute jamais, depuis 1945, la liberté n'avait été si menacée et jamais à
ce point, la paix sur notre continent n'avait dépendu de nos décisions
présentes.
Oui, nous replongeons dans des années où l'histoire se fait. Et à ce titre, je
tiens, en ce 13 juillet 2025, à remercier la Mission Libération, présidée par
Philippe Etienne, qui achèvera ses travaux en fin d'année et a scandé les deux
années que nous venons de vivre à travers les commémorations, le travail
scientifique, académique, le travail de mémoire et la mobilisation de tant et
tant de nos anciens combattants et vétérans. Comme je remercie tous nos anciens
combattants, nos associations, associations d'anciens combattants et de mémoire
qui, partout sur le territoire national, portent cette mémoire collective, nous
rappellent la force de cette histoire et sont aussi le socle de la mémoire de
la nation.
Je le disais, jamais, sans doute, notre liberté n'avait été si menacée. Liberté
des peuples attaqués par les impérialismes et les puissances d'annexion,
liberté bafouée quand les règles de la guerre sont effacées, quand chacun
s'exonère du droit international, quand l'espérance de la paix est anéantie en
Europe, au Proche et Moyen-Orient, comme en Afrique. Et quand il n'y a plus de
règles, c'est la loi du plus fort qui l'emporte.
Liberté de notre Europe mise en danger au moment où la guerre a été portée sur
notre sol avec l'invasion de l'Ukraine, alors que les États-Unis ont ajouté une
forme d'incertitude et que notre Europe se trouve placée à la lisière d'un
vaste arc de crise qui part du golfe de Guinée, traverse le Sahel jusqu'au
Proche-Orient et en Iran. Soyons clairs, nous, Européens, devons désormais
assurer notre sécurité nous-mêmes.
Liberté de notre modèle économique aussi, quand les entreprises s'imaginent
devenir des États, les États devenir des empires, et quand les terres sont à
confisquer, les ressources à accaparer ou le commerce mondial à capturer.
Liberté de notre modèle démocratique et politique, objet, de tentatives de
manipulation par des États étrangers, notamment sur les réseaux sociaux et
cibles de forces obscurantistes.
Liberté individuelle également, parce que dans l'ère des écrans, c'est l'esprit
des hommes, en particulier des jeunes générations, qui devient la ligne de
front de la guerre économique, technologique et culturelle.
Liberté de la nation, enfin, quand les risques de la division menacent notre
unité et que nous devons affronter tant de défis pour rester libres, maître de
notre destin.
Alors, face à tous ces risques qui pèsent sur notre liberté, nous avons initié
en janvier dernier un état des lieux de notre environnement et des défis à
venir. Ce travail est aujourd'hui achevé, et la revue nationale stratégique qui
a été pilotée par le SGDSN et à laquelle nombre d'entre vous, et je vous en
remercie, ont largement contribué, sera publiée demain.
Cette revue pose un diagnostic clair et précis. Une désinhibition du recours à
la force, avec une violence accrue qui n'est pas toujours l'apanage d'États et
qui ne cible pas toujours des belligérants.
La menace particulière que représente le terrorisme, et singulièrement le
terrorisme islamiste, 10 ans après les attentats de Paris. Si en une décennie,
nous avons beaucoup fait, le risque est là, toujours.
Une remise en question des solidarités et un effacement des cadres qui ont été
définis après la Seconde Guerre mondiale. L'hybridité croissante des conflits,
ce qui brouille tous les effets de seuil.
La permanence d'une menace russe aux frontières de l'Europe, du Caucase à
l'Arctique. Une menace préparée, organisée, durable et à laquelle nous devrons
être capables de faire face. Notre avenir européen est déterminé par cela et la
nécessité de nous organiser pour répondre à cette menace et la dissuader pour
maintenir la paix.
La course technologique qui se joue en parallèle avec l'irruption de
l'intelligence artificielle, l'émergence des drones, le retour de la guerre
électronique, de nouveaux espaces d'affrontement que sont l'espace, le cyber ou
les fonds marins, mais aussi le virage quantique qui a déjà commencé et sur
lequel nous avons nombre d'atouts.
Autant de révolutions accélérées par les champs de bataille où la nécessité de
survivre et de s'adapter démultiplient l'ingénierie et l'ingéniosité. Une
guerre que chaque citoyen observe sur les réseaux sociaux, en particulier notre
jeunesse, sans mesurer les opérations de propagande qui s'y déploient. Nos
schémas devront changer profondément pour intégrer ces réalités.
Ces menaces, c’est ce que définit et décrit très bien notre Revue Nationale
Stratégique, vous y êtes confrontés directement. Tant engagés au sein de l'OTAN
sur son flanc Est, vous assistez aux violations de souveraineté, aux tentatives
de déstabilisation hybrides, aux menaces sur les élections et la stabilité des
pays d'Europe. Vous y êtes confrontés en Mer Rouge, je l'ai encore vu à vos
côtés il y a quelques mois, à Noël, à Djibouti, où nos marins et aviateurs
abattent missiles et drones et sont garants d'une liberté de navigation, et en
Afrique aussi, où les groupes terroristes s'en prennent aux populations
civiles.
Vous y êtes confrontés au Proche-Orient où, sous vos yeux, les tabous sont
transgressés, l'impensable survient parfois, et où vous répondez présents pour
défendre des pays partenaires ou évacuer nos ressortissants. Je salue ici nos
forces armées intégrées à la FINUL, au Liban, comme le rôle que nous jouons
directement dans le mécanisme de suivi au sud de ce même pays.
Vous y êtes confrontés, sur le territoire national et en particulier dans nos
Outremers, placés aux avant-postes des nouvelles zones de conflit. Oui, nos
territoires ultramarins sont de plus en plus — et la loi de programmation
militaire l'avait bien identifié — des territoires qui seront testés et où les
puissances de déstabilisation viennent aujourd'hui nous déstabiliser. Vous êtes
confrontés à ces menaces et leurs évolutions, non pas comme spectateurs, mais
comme acteurs de plain-pied dans ce monde qui bascule. Et tout peut en effet
advenir.
Ces dernières années ont été marquées par le retour de l'impensable. Et
regardez encore ces derniers mois l'accélération des événements, les
bombardements sur l'Iran, les combats entre l'Inde et le Pakistan, avec sans
doute l'un des combats aériens de la plus grande intensité des dernières
décennies. Les à-coups dans le soutien américain à l'Ukraine, la guerre
commerciale entre alliés dans ce même contexte. Oui, nous assistons au retour
du fait nucléaire, de la prolifération des conflits majeurs.
Parce que la nation est confrontée à toutes ces menaces hybrides, à cette
accélération de l'histoire, il n'y a plus d'arrière et il n'y a plus de front.
Les conflits sont multiformes, multichamps, et supposent de la densité, ils
supposent de durcir nos capacités, nos forces et la nation dans son entier. Je
le dis ici devant vous : nous y arriverons.
Nous y arriverons, pas seulement parce que nous serons mieux armés, mais parce
que nous sommes lucides et unis, comme nous le sommes depuis neuf ans, parce
que nous avons anticipé ces transformations du monde, anticipé les
investissements indispensables. Et à cet égard, il ne suffit pas d'abord de
viser des pourcentages de budget, mais de viser ce qui nous élève et nous unit,
une force d'âme, une détermination, comme je l'évoquais ici même à vos côtés il
y a trois ans. Au fond, soyons simples : pour être libre dans ce monde, il faut
être craint. Pour être craint, il faut être puissant.
La nation, pour cela, doit être plus forte, car c'est à la nation avant tout de
défendre la nation. Cela passe d'abord par une meilleure prise de conscience de
chaque Français et de tous les acteurs civils des menaces hybrides qui nous
entourent. Je veux remercier le général Burkhard pour sa prise de parole il y a
deux jours à ma demande, qui y a contribué. La mobilisation interministérielle
est aussi essentielle à la défense nationale, chacun doit être à son poste de
combat.
Des efforts ont été faits et doivent se poursuivre. Sous l'autorité du Premier
ministre, nous poursuivrons dans chaque ministère, dans chaque domaine, ces
efforts. À l'international, et je pense au Quai d'Orsay et au travail
d'influence, une organisation dédiée, des moyens renforcés, une posture plus
offensive ont été décidés et seront maintenues dans la durée. Je pense aussi à
ce qui a été fait à l'ANSSI, à VIGINUM, qui protège les Français contre les
attaques cyber et les ingérences. Je pense à nos services de renseignement
extérieur et intérieur. Mais je pense aussi à l'indispensable sursaut qui est
demandé, organisé et qui continuera d'être renforcé dans nos entreprises, nos
collectivités territoriales, nos laboratoires de recherche, dans nos infrastructures
des plus sensibles, mais aussi parfois les moins attendus. Car c'est là parfois
que se logent nos vulnérabilités, c'est là aussi que nous devons durcir la
posture. Il nous faut partout être préparés.
Nous y arrivons aussi parce que nous sommes soucieux que nos armées servent
dans les bonnes conditions. Voilà pourquoi j'ai veillé à la condition militaire
portée par vos chefs et éclairée par le Haut-Comité d'évaluation de la
condition militaire. Le statut général des militaires est une force pour notre
défense. La condition militaire engage la nation, entretient une force morale,
des principes essentiels, et la reconnaissance de votre condition, c'est aussi
vos rémunérations. J'ai demandé à ce titre leur remise à niveau et ce qui a été
prévu par la loi de programmation militaire sera à l'euro près, au mois près,
réalisé. Cela est fait pour les militaires de rang et pour les sous-officiers.
Cela le sera totalement d'ici la fin de l'année pour les officiers. La
condition militaire suppose aussi la certitude de la solidarité de la nation
lorsqu'il le faut. Le plan blessé et le plan famille ont été mis en place.
C'était indispensable. Je sais, je mesure tout ce qu'il reste à faire dans
certaines bases pour améliorer le quotidien et la qualité de vie et nous le
ferons. Et je remercie la ministre déléguée, chère Patricia Mirallès, pour
l'ensemble des améliorations que je souhaite voir poursuivies. Je pense aussi à
l'attention nécessaire à l'emploi des conjoints des militaires et aux
propositions faites en ce sens par le HCECM. La condition militaire, c'est
aussi l'attention aux conditions de réalisation de vos missions, l'attention à
l'organisation et au mode de fonctionnement.
Vous avez le devoir d'agir lorsque plus rien ne marche. Au milieu du chaos,
vous êtes à ce titre le dernier rempart. Ceci exige de l'agilité, de la
souplesse, de la subsidiarité, de la capacité d'initiative. Or, la dérive
opérée durant les années de réduction des dépenses de défense a conduit parfois
à compromettre ces principes essentiels. Alors, dans ce moment de bascule,
j'attends du ministère des Armées et le Ministre au premier chef et du chef d'état-major
des Armées des propositions qui me seront faites pour la fin d'année, et je
l'en remercie. Ceci afin que le fonctionnement du ministère et des Armées
continue de se réformer, que des leviers soient redonnés aux chefs militaires
pour réaliser les missions que je peux être amené à vous confier, mais aussi
aux ingénieurs, aux techniciens, aux agents du ministère pour qu'ils innovent
et soutiennent le développement rapide de nos capacités militaires.
Nous y arriverons ensuite si nous prenons la mesure du tournant capacitaire à
engager. Voilà pourquoi, depuis 2017, j'ai décidé de faire de la défense une
priorité. Il fallait redonner à la France une défense solide, complète,
souveraine. Les lois de programmation auront été réalisées scrupuleusement, ce
qui est inédit. L'effort que cela représente est indispensable face à tous les
défis. Et en presque dix ans, nous avons réparé, modernisé, innové avec la mise
en œuvre des lois de programmation militaire. Et je remercie le ministre des
Armées, cher Sébastien Lecornu, pour l'énergie qu'il consacre à ce sujet
essentiel pour la France. J'associe à ces remerciements madame Florence Parly,
qui a porté cela à mes côtés durant le quinquennat précédent.
Nous y arriverons enfin si nous savons trouver les nouvelles manières d'opérer.
Nous avons déjà révisé nos outils et nous nous sommes dotés de nouveaux
instruments. Le nouveau centre pour les opérations spatiales que j'inaugurerai
cet automne à Toulouse en est un exemple. Nous avons aussi révisé notre
doctrine stratégique, je pense en particulier à l'approche nouvelle développée
avec les pays d'Afrique. Il nous fallait reposer les bases d'un partenariat
répondant à nos attentes respectives et vous l'avez mis en œuvre avec beaucoup
d'efficacité.
Il reste que ces transformations profondes n'épuisent pas tous les défis qui
sont posés. À l'heure des prédateurs, nul ne peut demeurer immobile. Nous avons
une avance, mais demain au même rythme, nous serions dépassés. J'avais annoncé
le 5 mars dernier aux Français la nécessité de prendre des décisions
historiques face aux menaces existentielles qui pèsent sur notre liberté et que
je viens de rappeler. Ces décisions sont indispensables à mes yeux pour
garantir notre sécurité et notre indépendance. Alors que notre allié américain
affiche une volonté de désengagement ou crée pour nous, étant allié, des
incertitudes nouvelles, voulons-nous une fois pour toutes prendre notre
sécurité et celle du continent en main et bâtir un vrai pilier européen de
l'OTAN ?
Sommes-nous capables d'offrir un débouché à cette formidable envie d'engagement
et de réalisation qui anime notre jeunesse ? Sommes-nous capables, surtout, de
résister en cas de conflits de haute intensité sur le sol européen dans les
trois à quatre années qui viennent ?
À toutes ces questions, nous répondrons oui.
Parce que nous, Français, entendons demeurer libres dans le siècle qui vient.
Pour avoir ce pouvoir de dire oui, la Nation doit être fidèle à l'enseignement
de Clémenceau et appliquer sa maxime : « il faut savoir ce que l'on veut. Quand
on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut
avoir le courage de le faire ».
Aussi, l'heure est-elle venue de tirer toutes les conclusions de ce que nous
savons ? Et c'est ma responsabilité de président de la République, chef des
armées. Cela passe d'abord par l'exécution certaine des décisions déjà prises.
Il faut que les crédits prévus soient disponibles à l'euro près. La constance
est essentielle, car notre stratégie est la bonne depuis 9 ans, celle de
l'indépendance de la France et de la souveraineté de l'Europe. Nous avons
commencé les efforts plus tôt. Nous avons plus tôt vu ces menaces nouvelles. Il
nous faut donc, avec constance, continuer de faire ce qui a été décidé. Comme
l'a annoncé ce matin le ministre, grâce aux décisions du Premier ministre que
je remercie, le dégel des crédits sera effectué. Je le sais, nos PME et nos
industriels ont subi les retards provoqués par la censure votée par les
parlementaires au mois de décembre dernier.
Alors, je le dis ici à chacun, de prendre ses responsabilités pour l'année
prochaine. Aux parlementaires, pour que le budget soit voté en heure, car les
censures de fin d'année ont une conséquence simple, elles décalent le budget
des armées, entre autres.
Au Gouvernement ensuite de procéder en temps et en heure aux crédits décidés.
Aux grands groupes de la filière de donner de la visibilité nécessaire à leurs
sous-traitants, et je compte sur eux, et aux investisseurs et à la place
financière de continuer de soutenir ces entreprises.
Il faut, à ce titre, poursuivre l'effort que nous avons entrepris ces trois
dernières années pour pouvoir continuer d'innover plus rapidement, de produire
plus rapidement, de produire de la masse nouvelle, de nous adapter à la
demande, et de remettre les financements privés vers la base industrielle et
technologique de défense. Ces changements, opérés depuis 2022, doivent être
confortés, intensifiés encore.
Deuxièmement, on doit s'interroger sur la suffisance de l'effort consenti par
les deux LPM. Il faut combler nos zones de fragilité. C'est tout le travail qui
a été fait ces dernières semaines par le ministre des Armées, le CEMA et la
DGA. Combler nos zones de fragilité et, au premier titre, nos stocks de
munitions, dont les munitions téléopérées, renforcer nos armes de saturation et
nos armes de précision, nous doter de drones pour nos groupes de combat, nos
frégates et nos bases aériennes encore davantage, et des équipements
nécessaires au quotidien pour que les opérations soient menées, renforcer notre
défense aérienne et nos moyens de guerre électronique, augmenter nos capacités
spatiales, pousser au maximum les curseurs de l'entraînement des soldats, des
marins, des aviateurs, développer encore davantage la réserve, décidée par son
accroissement en 2022, mais que nous devons encore intensifier. Nous avons des
armées solides, mais sur tout ce que je viens de nommer, il nous faut durcir le
modèle, gagner aussi en masse. Tels sont les axes d'efforts qui ont été
identifiés et qui seront les axes de priorité dans les efforts supplémentaires
à la loi de programmation militaire en cours.
La guerre en Ukraine démontre que pour tenir, il faut de la bravoure, mais
aussi des stocks et une industrie de défense adaptée. Il faut une Nation
capable de tenir, d'être mobilisée. C'est aussi pourquoi nous devons accélérer
les efforts sur notre réserve. Et je crois aussi que l'on doit donner à la
jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d'autres modalités, au sein de nos
armées. Je donnerai mes orientations et mes décisions en ce sens à l'automne,
sur la base des travaux demandés au mois de janvier dernier aux ministres et au
CEMA, revenant sur l'avenir du SNU, l'organisation, la mobilisation de notre
jeunesse comme de nos réserves.
Troisièmement, cette nouvelle ère pour la Nation suppose de nouveaux budgets
pour nos armées. En conscience, nous assumons de porter un effort nouveau et
historique. La première loi de programmation, lancée lors du précédent
quinquennat, a permis de réparer. La seconde est une loi de projection qui a
anticipé les bascules du monde, mais ces bascules interviennent plus vite que
prévues. Alors que nous avions prévu de doubler le budget d'ici 2030, nous
allons le doubler d'ici à 2027. À cette fin, une actualisation de la loi de
programmation militaire sera présentée à l'automne, qui prévoira l'effort que
nous devrons porter jusqu'en 2027 sous ma responsabilité. Et j'en appelle à ce
titre à la responsabilité nationale. Le budget des armées en 2017 était de 32 milliards
d'euros. S'ajoutera à la loi de programmation militaire actuelle un effort de
3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros supplémentaires l'année
suivante. Nous consacrerons donc 64 milliards d'euros pour notre défense en
2027. C'est le double du budget dont les armées disposaient en 2017. Cet effort
nouveau, historique et proportionné, il est crédible, il est indispensable, il
est juste ce qu'il nous faut, mais vraiment ce qu'il nous faut. Comment le
financer ?
Le Premier ministre l'annoncera dès le 15 juillet après-midi. Et je veux ici le
remercier pour son travail et celui à ses côtés de tous les ministres qu'il a
mobilisés. En tout état de cause, nous refusons que ce réarmement passe par
l'endettement. Notre indépendance militaire est indissociable de notre
indépendance financière. Il sera donc financé par plus d'activité et plus de
production. L'effort de toute la Nation pour la défense de tous les Français.
J'avais dit le 5 mars aux Français, la patrie a besoin de vous. Je vous le dis
en cette veille de fête nationale, c'est maintenant. Maintenant qu'il nous faut
consentir à cet effort, parce que nous l'avons travaillé, documenté, et il est
précisément calibré. Un effort ponctuel de tous pour préserver notre sécurité
et notre indépendance. Le salut de la patrie suppose que nous dépensions plus
pour notre défense et que chacun prenne sa part de cet investissement et que
nous veillons à la souveraineté financière de notre Nation qui passe par des
réformes, des transformations et plus de production. Si notre liberté a un
prix, le voici.
Nous sommes cette génération qui n'a pas connu la guerre, déterminée à ce que
nos enfants ne connaissent rien d'autre que la paix. Mais soyons lucides, nous
n'avons plus les dividendes de la paix dont nos parents avaient bénéficié.
C'est terminé. Cet effort ne sera pas sans gain au demeurant pour la Nation et
les dépenses militaires sont et seront aussi source de richesse pour notre
produit intérieur brut, notre économie et nos territoires. Car cet effort devra
aussi être celui de nos industriels. Et je le sais, c'est leur motivation, leur
credo, mais ils devront porter aux côtés de nos armées ce patriotisme. Ils
devront produire encore davantage, plus vite, à moindre coût. La DGA y veillera
strictement. Et ils continueront aussi de privilégier nos territoires pour des
capacités nouvelles, des sites de production nouveaux, comme nous l'avons vu
ensemble il y a quelques mois encore à Bergerac.
C'est grâce à cet effort que nous pourrons affirmer avec fierté, avec lucidité,
avec confiance : nous y arriverons. Oui, nous y arriverons.
Parce que ce surcroît de budget nous permettra d'avancer aussi avec nos
partenaires. Notre force est supérieure lorsqu'elle est collective, et c'est le
sens même de l'engagement pris lors du sommet de l'OTAN à La Haye le 25 juin
dernier, venant poursuivre la prise de conscience du sommet de Versailles en
2022. Nous devons faire plus pour notre défense, nous devons faire plus sur le
plan militaire, industriel et technologique afin, en Européens, d'être plus
souverains. C'est cet effort qui nous permettra d'assurer notre crédibilité
face à nos partenaires, de disposer encore et toujours de l'armée la plus
efficace d'Europe, de nouer des partenariats nouveaux comme cette semaine avec
le Royaume-Uni. Après la déclaration de Northwood que nous venons de signer,
l'Allemagne et le Royaume-Uni se retrouveront dans quelques jours et nous
retrouverons nos partenaires allemands à la fin du mois d'août pour un Conseil
franco-allemand de défense et de sécurité où nous aurons de nouvelles décisions
à prendre.
Bâtissons avec nos principaux partenaires, agissons en Européens, car nous
affrontons les mêmes menaces, à commencer par la menace russe. Mais nos
investissements, combinés, une coopération renforcée, nous permettra de bâtir
ce pilier européen de l'OTAN que la France a annoncé et voulu avant tant
d'autres.
Rappelez-vous, il y a neuf ans, c'était un gros mot ; il y a quelques années,
il était impossible de le défendre et de le voir soutenu par d'autres.
Maintenant, c'est devenu un credo. Ils nous ont tous rejoints, mais à nous d'en
faire une réalité et d'agir ensemble. Face à cette même menace, nous devons
agir ensemble, produire ensemble, acheter ensemble. C'est le sens du programme
SAFE, (Security Action for Europe), adopté il y a un mois et demi par le
Conseil européen et qui permettra, avec 150 milliards d'euros, de financer des
achats conjoints d'équipements militaires. Il faut impérativement les mettre en
œuvre. Et nous avons pour cela des atouts. Nos industriels ont des atouts. Nous
avons des capacités qui sont au point d'excellence internationale et doivent
devenir des solutions européennes. Le système de défense aérienne, SAMP/T,
nouvelle génération, nos missiles dans toutes les gammes, nos avions Rafale,
les premières constellations de satellites en orbite basse, nos champions de
l'intelligence artificielle, nos systèmes radars et anti-drones, et j'en passe.
Ces solutions, cette innovation de pointe, nous en disposons. Nous la
produisons souvent déjà en partenariat avec plusieurs autres grands industriels
européens ou par nos groupes qui ont déjà une empreinte et un actionnariat
européen. Alors achetons européen en masse. Malgré l'incertitude américaine et
face à la volonté chinoise, face à la menace russe, la puissance européenne est
notre meilleur bouclier.
Une Europe capable d'innover et de produire sur son sol, c'est une Europe qui
sera plus souveraine et maîtrisera son destin, assumera sa puissance.
Et sortons des vieux débats ridicules, ceci n'enlève rien à l'indépendance et
la souveraineté française. Cela la renforce, cela l’accroit, car nous n'avons
rien cédé, en neuf ans, de notre souveraineté et de notre indépendance, au
contraire. Mais en ayant des alliés dont les armées travaillent avec nous,
opèrent avec nous, en ayant des industriels partout en Europe, qui produisent
avec nous, en poussant nos partenaires européens à acheter avec nous nos
matériels, nous renforçons de fait notre souveraineté et notre indépendance.
Partout en Europe, la force de la France est attendue. Et dans notre monde
dangereux et incertain, il est un pilier de notre sécurité qui ne vacillera
pas, c'est notre dissuasion nucléaire. Totalement et invariablement souveraine,
elle garantit notre liberté. Elle a également un rôle dans la sécurité de
l'Europe. Je l'ai réaffirmé avec le Premier ministre britannique cette semaine,
il n'existe pas de menace extrême contre l'Europe qui ne susciterait pas de
réponse de nos deux Nations.
Afin de mesurer pleinement le rôle de notre dissuasion dans la sécurité
collective, j'ai mandaté le ministre des Armées et le CEMA pour engager un
dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts. Je
reviendrai sur la base de ce travail, plus précisément, à la fin de cette
année, afin de décrire les évolutions que cela emporte.
Notre pays, le seul de l'Union européenne doté de la dissuasion nucléaire, fort
de ce partenariat renouvelé avec le Royaume-Uni, a aussi une responsabilité
majeure pour que le réarmement conventionnel de notre Europe soit efficace,
crédible et cohérent. Tout cela est un tout. Partout en Europe, les nations se
réarment et la France ne peut laisser ses alliés européens en première ligne
face aux menaces de très court terme.
Partout en Europe, la force de la France est attendue et partout dans le monde,
la liberté est menacée. Alors défendons-la.
Défendons-la en Ukraine parce que notre sécurité et notre liberté sont liées au
destin de ce pays. C'est la raison pour laquelle, avec le partenaire
britannique, la France a regroupé une coalition de pays volontaires, en vue de
contribuer à garantir durablement la paix qu'il faut sur notre continent. Cette
Coalition des volontaires initiée à Paris en février dernier regroupe
maintenant 30 nations. Son état-major opérationnel est constitué et basé à
Paris, c'est une première. Mais c'est le sens même de ce que nous voulons
faire, le sens même d'une partie des efforts capacitaires et opérationnels que
nous sommes en train de conduire qui a vocation à faire de la France la Nation
cadre d'opérations à venir.
Défendons notre liberté en Europe où tant de nations, je pense en particulier à
nos amis finlandais engagés à nos côtés dans la FINUL au Liban, voient avec
appréhension les nuages s'accumuler à l'horizon.
Défendons notre liberté pour notre jeunesse, cette jeunesse dont vous êtes les
visages, qui veut servir, croire, espérer, et a soif plus que toute autre d'une
immense liberté.
Défendons notre liberté dans tous les domaines, comme je viens de l'évoquer,
sans oublier celui de la sécurité cognitive, nouvelle frontière qui est devant
nous et que nous aurons à intégrer, tant nos populations comme nos armées
seront confrontées à des informations manipulées, des propagandes à démasquer,
et sur lesquelles nous avons à nous préparer.
Défendons notre liberté comme sont prêts à la défendre, génération après
génération, ces femmes et ces hommes qui répondent à l'appel du drapeau, comme
le fit jadis un Saint-Syrien de la promotion Les Cadets de la France libre, le
Général d'Armée Thierry Burkhard, que je salue et remercie aujourd'hui. Mon
général, vous avez ma confiance et ma reconnaissance pour votre action à mes
côtés à la tête des armées françaises. À travers vous, je salue le patriotisme
et le sens des responsabilités de tous ceux qui font le choix des armées pour
défendre la liberté.
Défendons cette liberté aux côtés des grandes Nations qui sont là, nos
partenaires européens, nos alliés, mais aussi ces Nations venues de plus loin
comme l'Indonésie, invitées du 14 juillet, qui entendent refuser en
Indopacifique la logique des blocs et la loi des impérialismes comme nous.
Défendons notre liberté.
Et en cette veille de 14 juillet, soyons fidèles au peuple de la Révolution qui
clamait sa grandeur et la liberté universelle des peuples.
Défendons nos armées qui défendent notre liberté.
Soyons à leurs côtés, à l'arrière, prêts à tous les engagements, tous les
combats, comme chaque jour ces femmes et ces hommes sont prêts à l'ultime
sacrifice pour la Nation. Alors demain, je serai à vos côtés, une fois encore,
avec reconnaissance, avec confiance et avec fierté, comme depuis le 1er jour,
car je sais combien c'est cet engagement, cette acceptation du sacrifice et
jusqu'au sacrifice ultime qui fait la force de nos Armées, la force de notre
Nation.
Demain, je serai à vos côtés, une fois encore, avec cette même fierté. Vive la
République et vive la France !
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