mercredi 23 février 2022

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Sans l’envie d’être libre pas de liberté

Etre libre est l’état d’un individu qui agit conformément à sa volonté et qui n'est pas soumis à des contraintes externes.

Dans l’absolu c’est le pouvoir qu’il possède à l'état de nature d'user comme bon lui semble de ses facultés.

Dans une société humaine, c’est le pouvoir que le citoyen a de faire ce qui n’est pas défendu par la loi et de refuser de faire ce qu’elle n’ordonne pas, le tout sous la protection de l’ordre juridique et dans les limites de celui-ci.

Comme le proclame la Déclaration des droits de l’homme (humain) et du citoyen de 1789, ce pouvoir «consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme (humain) n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits».

Ce pouvoir, reconnu par des droits et encadré par des devoirs, exige de la part de celui qui le pratique, la responsabilité et le respect de la dignité de l’autre.

Ces définitions nous disent donc qu’être libre est un pouvoir que peut exercer l’individu mais ne nous disent pas quel rapport nous entretenons avec la liberté, comment nous concevons sa présence, sa réalité et sa fonction au cours de notre existence et dans le quotidien, à quoi nous sert-elle.

Bon, c’est entendu, elle est d’abord une valeur, c’est-à-dire elle est «ce qui vaut», ce qui nous guide, ce qui a une importance fondamentale pour notre existence individuelle et notre vie collective, ce qui est un référence pour mener sa vie et organiser celle de sa communauté.

Elle est même une métavaleur parce que l’on veuille vivre libre ou non, qu’on soit autoriser à vivre libre ou non, qu’on soit capable de vivre libre ou non, nous nous confrontons constamment à la liberté et nous déterminons en permanence face à elle.

Mais, fait-elle partie intégrante de l’être dès sa naissance, est-elle essence ontologique ou est-elle un moyen mis à notre disposition pour atteindre des objectifs voire d’abord un objectif en lui-même ou est-elle plutôt un état d’esprit, une manière de vivre ou un constante quête que l’on cherche sans fin et que l’on trouve parfois, dont on se rapproche mais qu’en réalité on ne peut atteindre pleinement, voire jamais ce qui ferait d’elle une chimère?

Ou, encore, est-ce tout cela à la fois?!

Et n’est-elle pas également un ressenti?

On peut se sentir libre ou au contraire entravé sans que des éléments «objectifs» ne puissent justifier l’un ou l’autre de ces ressentis.

De même, on peut se sentir libre dans une société totalitaire et entraver dans une société démocratique tout dépend où l’on place l’effectivité de la liberté et/ou si on considère que la liberté «intérieure» prend le pas sur l’«extérieure», si être libre est un état cérébral et/ou spirituel avant tout ou une capacité d’agir de manière autonome dans sa vie et en tant que membre à part entière d’une communauté.

Néanmoins, si l’on ne possède pas les outils pour vivre la liberté dans notre rapport direct avec la société, celle-ci est alors matériellement impossible et nous ne pouvons vraiment nous sentir libre que «dans nos têtes».

Discuter de la liberté, c’est discuter de la question philosophique la plus fondamentale, notre condition humaine et ce que nous pouvons en faire.

Néanmoins, la liberté, avant d’être caractérisée par tout ce que l’on vient d’énumérer, est d’abord l’objet d’une envie.

L’envie d’être libre.

Bien sûr, cette envie doit trouver un cadre et des outils qui lui permettent de s’exprimer mais si ceux-ci existent mais pas l’envie, qu’il n’y a pas de volonté d’en faire le moteur de sa condition humaine, alors la liberté est virtuelle parce que non-pratiquée.

Etre libre est donc d’abord une intention mue par une volonté.

L’envie d’être libre est l’exigence première que réclame la liberté pour pouvoir la vivre effectivement.

Tout le monde n’a pas envie de se retrouver dans cette disposition, dans ce cas de figure parce que la liberté n’est pas «gratuite», elle implique un prix à payer non seulement sous forme de responsabilité mais aussi de choix, ce libre choix qui en angoisse plus d’un dans les sociétés modernes.

Prendre la responsabilité de ses opinions et de ses actes, assumer ses choix est souvent pesant pour certains qui tentent de s’en remettre, à leurs risques et périls, à des «maîtres à penser et à faire» qui leur donnent des réponses pré-emballées voire, plus grave, à une autorité à laquelle ils confient leur liberté.

Souvent même ils vont même jusqu’à lui confier leur liberté la plus intime, celle de penser.

Un autre cas de figure est celui où la personne n’appréhende pas par méconnaissance, par aliénation ou par catéchisation ce prérequis de la liberté qui est d’en avoir envie.

Ils ne pensent même pas qu’il faut cette envie ou n’ose pas l’exprimer.

C’est pourquoi être libre ne peut être compris uniquement comme un état naturel mais plutôt comme une capacité naturelle qui a besoin du moteur de l’envie pour se matérialiser et être vécue concrètement.

Cela n’enlève aucunement à la liberté son essence impérative que la société et l’autre doit respecter en nous.

Mais nous devons, de notre côté, manifester l’envie de liberté pour nous retrouver dans l’état de la pratiquer ce qui ensuite nous conduit à assumer ce choix dans la responsabilité.

Or donc, il semble que nous ayons fait une erreur d’appréciation capitale quant à l’exercice de la liberté.

Nous croyions qu’il suffisait de l’accorder en établissant des constitutions et des déclarations des droits humains ainsi qu’en votant des lois tout en apprenant concomitamment au citoyen cette aptitude à être libre pour que son règne soit assurée pour l’éternité.

Nous avions omis cette base fondamentale: pour être libre, il faut en avoir envie.

Sans cette envie la liberté n’est que virtuelle et formelle, pire peut même se transformer en une licence qui consiste à ce que l’individu utilise l’autonomie qu’apporte la liberté de manière irresponsable, assistée, égocentrique, irrespectueuse et consumériste qui devient alors son instrumentalisation, son mépris qui, in fine, la détruisent par là où nous avons fauté, l’oubli que si elle est un droit «naturel» pour tous, elle nécessite, non seulement, d’être enseignée sans relâche mais aussi et surtout de susciter cette envie qui, si elle est réelle, s’accompagne nécessairement de son respect et d’une fidélité à son égard.

 

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