samedi 7 septembre 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Ecologie: le principal écueil n’est pas le temps mais la volonté

Nombre de «collaspologues» nous affirment que nos civilisations actuelles vont disparaître parce que nous n’avons plus le temps de nous attaquer au défi écologique qui se présente à l’Humanité, que les ravages de notre inconscience sont déjà irréversibles.
En réalité, si l’urgence est bien là d’agir au plus vite, ce n’est pas le facteur temps qui est le plus essentiel afin de mettre enfin nos comportements en accord avec la situation qui se présente à nos yeux mais celui de la volonté.
Et quand je parle de volonté, ce n’est pas celle des Français ou celle des Américains, celle des Chinois ou des Brésiliens, mais celle de tous les l’humains où qu’ils habitent sur cette planète.
Pour bien comprendre le défi qui se pose à l’Humanité, c’est de se rendre compte que dans les pays d’«abondance» (les guillemets parce que dans ces pays «riches» la grande pauvreté touche une partie de la population), il y a déjà une réticence, voire un refus (le mouvement de foule des «gilets jaunes» en France en est un bon exemple) à agir «à la marge», c'est-à-dire à prendre des décisions qui agissent avant tout sur le superflu et non l’essentiel de notre existence.
Alors, comment faire comprendre aux gens qui n’ont pratiquement rien et qui vivent souvent dans des pays où les normes environnementales n’existent pas ou, quand elles existent, ne sont pas appliquées, qu’ils doivent faire des efforts et des sacrifices sur l’essentiel, c'est-à-dire sur ce qui leur permet de survivre.
On l’a bien vu avec le développement ces dernières décennies des pays émergents avec, de la Chine à l’Inde en passant par le Brésil ou l’Indonésie, des populations n’avaient aucune envie de faire des sacrifices avant d’avoir «rejoint» celles des pays développés.
Et ces gens sont la majorité de la population mondiale.
Parce que, si même les populations «riches», voire celles qui sont sorties récemment du sous-développement, cessaient de polluer et de détruire leur environnement du jour au lendemain par «conscience écologique», ce ne serait sans doute pas le cas des populations «pauvres» par «nécessité existentielle».
On comprend bien que la dimension écologique a deux niveaux essentiels: celui de l’individu et celui de l’Humanité.
Car c’est bien, d’abord, dans la prise de conscience et l’action de chacun que réside réellement la possibilité de l’enfantement d’une révolution écologique des comportements et que c’est, ensuite, dans une action concertée au niveau mondial que les réelles solutions se trouvent et se mettent en place avec efficacité.
Attention, dans le monde tel qu’il est, cela ne veut évidemment pas dire que tous les niveaux intermédiaires entre l’individu et l’Humanité ne comptent pas, bien au contraire.
Et bien évidemment celui du pays.
Mais, admettons que la France, demain, soit un pays «100% écologique».
Si elle est la seule à l’être, alors les problèmes demeureront identiques ou presque.
Bien entendu, cela améliorera un peu la santé de la planète et, surtout, cela sera un exemple pour d’autres (ou, seulement, une «curiosité» que l’on fêtera et que l’on montrera en exemple pou apaiser sa conscience) mais cela ne changera pas la donne globale.
C’est pourquoi quand, du Brésil aux Etats-Unis en passant par la Chine (malgré les déclarations lénifiantes des autorités sur leur investissement en faveur de l’écologie), certains des dirigeants de la planète et pas des moindres, nient le défi environnemental qui est face à nous ou même le minimise, quand ils ne réfutent pas les travaux des scientifiques sur le sujet, ils permettent à toute une partie de leur population de refuser d’agir et de continuer ses pratiques dévastatrices.
De l’utilisation à grande échelle du charbon en Chine pour produire de l’électricité à la déforestation de l’Amazonie au Brésil pour doper une activité économique en berne en passant par le fracking (ou hydrofracturation) pour extraire du pétrole aux Etats-Unis afin de permettre au pays de continuer à vivre au-dessus de ses moyens écologiques, toutes les décisions prises par ces dirigeants sont de véritables appel à continuer à détruire notre environnement.
Malgré tout, dans un paysage assez désespérant, la «prise de conscience écologique» dont je parlais plus haut et qui n’est plus essentiellement issue des pays «riches», donne une raison d’espérer qu’elle se traduira en volonté et, in fine et surtout, en action à très grande échelle.
Mais pour que l’on puisse arriver à mobiliser la planète entière, il faut d’abord correctement l’informer sans interférence d’affirmations dogmatiques, voire de simples croyances irrationnelles, qui, comme celle diffusée par les collaspologues ou leurs adversaires les climato-sceptiques, travaillent avant tout pour diffuser des idéologies qui tordent le cou à la réalité (qui n’en a cure…) et qui, du coup, engendrent des controverses qui, elles-mêmes, bloquent toute mobilisation d’envergure.
Dans le même ordre d’idées, les mouvements écologiques ont autant été des vecteurs de prise de conscience des problèmes environnementaux que des répulsifs à toute action collective efficiente.
Ce paradoxe vient avant tout de ce que l’écologisme en politique a d’abord été affaire d’extrêmes et reste encore gangrénée par ceux-ci.
Ce fut d’abord l’extrême-droite qui s’empara à la fin du XIX° et au début du XX° siècle d’une défense de la nature où celle-ci était glorifiée afin de servir des ambitions nationalistes et raciales.
Puis vint le tour de l’extrême-gauche à la fin des années 1960 où une partie de ses militants investit la défense de l’environnement pour en faire une arme contre la société libérale et le capitalisme, plus préoccupée d’abattre la démocratie que de sauver réellement la planète.
De cette double origine, la défense de l’environnement a du s’émanciper pour trouver la crédibilité nécessaire même si la plupart des mouvements écologiques dans le monde sont toujours noyautées par des militants de la gauche radicale.
Heureusement, grâce la science et avec des personnes vraiment focalisées sur la question écologique, les populations ont pu trouver une information moins biaisée (même si les élucubrations de certains «écolos» continuent à se propager, on le voit avec, par exemple, les appels à ne plus vacciner les enfants).
Donc, aujourd’hui, c’est bien la volonté qui est au centre de notre capacité ou non à prendre les mesures nécessaires pour sauver l’Humanité.
Comment faire pour enclencher le processus vertueux?
On se sent assez démuni même si des pistes existent.
Je vais d’abord éliminer celle d’un régime autoritaire qui prendrait des mesures sans l’assentiment de la population, autant par mon engagement démocratique que par la constatation historique qu’une telle architecture n’a jamais donné de bons résultats pour la cause défendue et pour les populations sur le moyen et long terme.
Aussi séduisante – parce que «simple» à conceptualiser – soit l’idée d’imposer par la force le sauvetage de l’Humanité face aux petites mesquineries, à l’ignorance crade et à l’égoïsme puant d’une partie de ses membres, cette solution à un taux réussite proche de zéro.
Et puis, il faudrait une gouvernance mondiale unifiée pour contraindre tout le monde, ce qui semble inatteignable avant… toujours?
Il faut donc enrôler librement tous les individus de la planète pour agir le plus vite possible.
Cela ne peut se faire que par la discussion.
Mais, ne nous méprenons pas.
Il ne s’agit pas de s’assoir autour d’une table pour déviser autour d’un café et de quelques petits gâteaux de notre avenir.
Non.
Celle-ci doit devenir globale à l’échelle de la planète et constante avec la prise de décisions, non pas à la fin hypothétique de ces échanges mais pendant que ceux-ci continuent et à chaque fois qu’un consensus apparait.
Certains prétendront qu’un tel processus est une utopie vouée à l’échec et leur scepticisme n’est pas dénué de tout fondement, bien malheureusement.
Et ils diront que les gilets jaunes, précédemment évoqués, ont existé parce qu’on demandait aux Français de payer quelques cents de plus le litre d’essence afin de permettre de financer des actions en faveur de l’environnement.
Et que l’ampleur de ce mouvement de foule n’est pas venu du nombre (limité) de ses participants mais bien d’un soutien sondagier majoritaire de la population qui refusait, elle aussi, de payer ces cents.
Cependant, au vu de ce nous sommes, de comment nous agissons et de la situation, on ne voit pas d’autres issues, d’autant que ce moyen de faire a déjà donné quelques résultats mais s’ils sont largement insuffisants.
Ici, je ne parie pas sur la sagesse des peuples à laquelle je ne crois pas un seul instant mais seulement dans leur instinct de survie.
Pour cela il faut qu’ils soient bien conscients que c’est de cela qu’il s’agit.
D’où la discussion.
Mais aussi les décisions.


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