mardi 16 juin 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Bâtissons la France de demain sans réécrire celle d’hier


On peut être contre l’idée même de pays ou de nation, de cette entité spécifique ou de cette communauté particulière mais on ne peut vouloir réécrire son passé, choisir ce que l’on veut qu’on y trouve ou pas dans ses références, ses mythes et son histoire.
On doit prendre un pays ou une nation pour ce qu’ils sont avec ses fiertés et ses hontes, ses gloires et ses humiliations, ses honneurs et ses flétrissures.
En revanche, on peut construire sur ce passé et édifier ce pays ou cette nation comme on voudrait qu’ils soient.
La première entreprise est vaine voire dangereuse parce qu’elle veut créer la division, la confusion et détruire une culture commune, un vivre ensemble partagé.
La deuxième, si elle est mue par des principes et des valeurs démocratiques et humanistes, est salutaire parce qu’elle veut créer et mettre en place une meilleure société.
Disons-le tout de suite: on peut ne pas croire en l’idée de nation et estimer que le morcellement du monde en pays est un non sens qui attise confrontation et violence comme c’est le cas de nombre de mondialistes ou de fédéralistes européens.
On peut être critique avec l’histoire du pays où l’on habite et avec celle de la nation à laquelle on appartient (dans le sens où l’on est immergé dans sa culture de par sa naissance ou du choix que l’on a pu faire d’y appartenir).
On peut même condamner tel ou tel événement, période ou figure historique et faire en sorte que ce qui s’est passé ne se reproduise plus jamais.
Mais on ne saurait dire que lesdits événement, période ou figure historique n’ont pas été des matériaux de construction de ce que sont ce pays ou cette nation, même les pires.
Bien sûr, dire que Napoléon fait partie de l’histoire de France, Hitler de celle d’Allemagne, Mussolini de celle de l’Italie, Staline de celle de Russie et Trump de celle des Etats-Unis (sans faire d’analogie entre les actes de ces personnages) ne veut pas dire qu’on les approuve et qu’il ne faille pas dénoncer le mal qu’ils ont pu faire.
Il faut même se battre pour que ce mal ne revienne jamais et l’on peut souhaiter de toutes ses forces que les horreurs que certains d’entre eux ont commises soient définitivement éradiquées.
Dire que l’esclavage est une ignominie – que tous les pays, toutes les nations sur tous les continents ont pratiqué au cours de leur histoires respectives – est un propos humaniste et sa traduction politique est de dire sans faillir «plus jamais ça», sachant que dans certains coins de la planète, il est toujours pratiqué de manière plus ou moins cachée, qu’il touche essentiellement les femmes et les enfants et qu’il est souvent le fait de mafias mais pas seulement.
Se battre et dénoncer l’esclavagisme comme une tare de l’Humanité est salutaire, personne n’a le droit d’être privé de sa dignité et de sa liberté.
Mais fustiger un pays ou une nation, voire leurs populations, pour leur passé en la matière n’a de sens que si cela est productif pour le présent et le futur.
Or, pour prendre le cas de la France, ce n’est pas le cas parce que ni vous, ni moi, ni le pays ne pratiquent l’esclavage aujourd’hui.
Et dans cette chasse aux sorcières aux relents nauséabonds parce que dirigée contre une partie des humains par une autre, qui se pare d’une innocence et d’une victimisation obscènes, n’oublions pas que si, à la demande de Louis XIV, Colbert a créé ce que l’on appelle aujourd’hui le «code noir» (législation qui a aussi donné pour la première fois des protections aux esclaves…), Thomas Jefferson et Toussaint Louverture ont eu des esclaves tout comme Mahomet.
Tout autre est le problème du racisme qui ne peut être associé à l’esclavage.
Cette plaie immonde est présente depuis toujours dans tous les pays, dans toutes les nations et sur tous les continents.
Aucune région du monde ne peut dire qu’elle ne connait pas le racisme.
On peut condamner ce comportement et lutter contre ses conséquences mais l’on ne saurait trouver dans l’histoire d’un seul pays, d’une seule nation, d’un seul continent, la responsabilité de son existence.
Bien sûr, le fait que le racisme depuis la nuit des temps soit présent nous interpelle et nous demande d’agir tout en demeurant humble dans notre stigmatisation de l’autre en l’espèce.
Liquider définitivement l’esclavage, le racisme et bien d’autres maux de notre société mondiale parce que, partout, ils ont été et parfois demeurent présents est un impératif humaniste.
Vouloir instrumentaliser l’Histoire pour s’en prendre au présent avec l’intention de créer des divisions, de la haine et un simple rapport de force pour ses intérêts personnels ou celui d’une communauté dont on s’érige le représentant est une falsification, une erreur, plus, une faute qui ne sert qu’à créer la discorde et la confrontation là où nous avons besoin de l’union et de la concorde pour mener à bien ces combats si essentiels.
Ayant dit cela, je n’ai pas épuisé la question de la présence dans le récit historique de pays, nations et continents de faits condamnables et de personnes dont les actes sont répréhensibles.
Dire que nous devons prendre l’Histoire comme un tout n’empêche pas de glorifier ou de condamner certaines parties de celle-ci et de ne pas porter un regard critique qui peut amener, dans certains cas, à leur réhabilitation ou, au contraire, à leur exclusion de notre mémoire collective.
Cette nécessaire actualisation est, à la fois, due au progrès des sciences historiques qui nous en apprennent plus sans cesse sur notre passé mais aussi à ce que nous souhaitons que soient nos valeurs et nos principes qui nous guident.
Ainsi, déboulonner une statue de tel ou tel figure historique ou ne plus commémorer tel ou tel événement ont du sens s’ils sont une décision consensuelle de la communauté concernée.
Il est tout à fait légitime pour cette dernière de ne plus vouloir rendre hommage à un passé qui ne correspond plus à ce qu’elle estime être son corpus idéologique et la représentation qu’elle se fait d’elle-même.
Mais agir de la sorte nécessite l’acceptation de la communauté et non le diktat de tel ou tel groupe, de tel ou tel personnage au nom de leurs mémoires sélectives ou de leurs intérêts communautaristes.
Et ce n’est que dans la consultation démocratique de toute la communauté sans exception après un débat et une délibération les plus larges possibles, soit par le biais d’un vote ad hoc comme un référendum, soit par le biais d’élections, que l’on peut légitimement faire entrer ou sortir des événements et des personnes de notre mémoire collective.
En revanche, par delà le bien ou la mal qu’ils ont faits, ils resteront dans notre histoire que nous le voulions ou non mais pas pour que cela nous soit reproché sans cesse dans des amalgames insupportables mais comme jalons de là où nous sommes arrivés et en modèles ou contre-exemples de là où nous devons et voulons aller.


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