mercredi 8 janvier 2020

Regards Centristes. 20 –Centrisme, respect et droits de l’enfant

Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision centriste. Vingtième numéro consacré au positionnement du Centrisme face au respect de l’enfant et à ses droits.


Le Centrisme est un humanisme d’où son intérêt pour l’enfant, personne à part entière, et son statut dans la société en tant que personne particulière.

De cela il affirme que l’enfant a des droits inaliénables, qu’il a droit au respect.

Ce respect s’articule autour de deux notions indissociables: le devoir impératif de sa protection par la société et la garantie qu’elle lui permette de vivre son individualité dans la dignité et la reconnaissance.

De celles-ci découlent un certain nombre de droits inaliénables contenus, entre autres, dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 (et entrée en vigueur le 2 septembre 1990).

Dans son préambule elle proclame que «l’enfance a droit à une aide et une assistance spéciales».

Cette convention a été évidemment une victoire majeure pour le statut de l’enfant et entre complètement dans le champ du combat humaniste que porte le Centrisme.

C’est une évolution essentielle pour la reconnaissance d’un temps de l’enfance spécifique et pour la protection des enfants dans le monde entier. Elle a, de plus, permis de faire progresser de manière décisive la vision de la société sur l’enfance qui n’est plus perçue aujourd’hui comme une condition de «petite personne» face au monde des grandes personnes mais comme composée de personnes à part entière qui ne dépendent pas, pour leurs droits, du bon vouloir des adultes.

Si les centristes sont très attachés à cette convention et à la protection des enfants en général, c’est parce qu’ils sont des humanistes avant tout. Ainsi, les deux courants principaux du Centrisme, le libéralisme et la démocratie-chrétienne mettent en avant la reconnaissance de l’enfant comme une personne.



En plaçant la liberté et les droits qui en découlent comme son principal étendard, le libéralisme œuvre pour l’émancipation de l’enfant et demande à ce qu’il jouisse des mêmes droits que les adultes autant qu’il est possible de le faire. En s’appuyant sur la parole de Jésus et cette fameuse sentence aux apôtres qui s’interposaient entre lui et des enfants, «Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux» (Evangile selon Saint-Matthieu), la démocratie-chrétienne s’est toujours montrée attentive à la protection de l’enfance et au statut central de l’enfant dans notre humanité. De plus, de par son attachement au personnalisme (individu doté de droits et inséré dans la communauté), elle a fait une place particulière à l’enfant dans son combat politique.

Mais si les droits reconnus aux enfants dans cette convention sont fondamentaux, une plus grande avancée pourrait se produire si un respect de l’enfant et de l’enfance existait réellement. Car, tant dans la condition des enfants que dans la place qu’on leur fait dans la société, non seulement beaucoup de droits reconnus dans la convention demeurent lettre morte ou vœux pieux mais la protection effective des enfants demeurent souvent un exercice de rhétorique qui se traduit peu dans les faits à travers le monde alors que tous les pays de la planète ont ratifié ce texte (à l’exception de la Somalie et… des Etats-Unis).



En France demeure une indigne pauvreté qui touche nombre d'enfants. De même, les violences faites aux enfants sont encore excessivement nombreuses et l’on attend encore la mobilisation de toute la société pour les éradiquer le plus possible. Ainsi, on s’aperçoit que la plupart des enfants maltraités ne sont pas signalés aux autorités compétentes, ce qui aboutit à des drames terribles. Quant à reconnaître que l’enfant est une personne et qu’il peut décider ou être acteur de la décision qui le concerne, cela reste bien souvent virtuel quand ce n’est pas totalement exclu pour des motifs contestables. Sans parler du monde que nous laisserons à nos enfants où la violence, la pollution et le pillage des ressources naturelles ainsi que la pauvreté en sont les craintes majeures.

Tout cela témoigne, au mieux, d’un inintérêt pour l’enfant, son présent et son futur, au pire, d’une irresponsabilité et d’un irrespect impardonnables qui impactent l’enfance des personnes en détresse mais aussi toute leur vie d’adulte. Pourtant, selon certains, l’enfant serait roi dans nos sociétés occidentales. Ce qui fait beaucoup rire (jaune) tous ceux qui s’occupent des enfants, notamment de ceux qui vivent dans le désamour, la maltraitance et dans la pauvreté. Comme le rappelle le sociologue François de Singly, «l’enfant a changé d’identité non parce que les adultes s’inclineraient devant l’enfant-roi, mais parce que tout individu jeune ou non est ‘roi’ dans une société individualiste».

Il reste donc de nombreux combats à mener pour les enfants même si l’on peut se féliciter des avancées faites depuis le début du XX° siècle. Toutes celles qui restent à faire ainsi que la pérennité de celles qui ont été faites passent et passeront par ce respect, cette valeur essentielle que les centristes doivent mettre au cœur de leur projet politique et sociétal.

Mais il faut des décisions politiques fortes qui ne sont pas au rendez-vous, parfois même on assiste à des régressions.

Ainsi, par exemple, après la suppression de «défenseur des enfants» par Nicolas Sarkozy (qui n’est plus qu’un adjoint du défenseur des droits depuis 2011) il n’existe plus de ministère de l’Enfance actuellement mais seulement un secrétariat d’Etat à la Protection de l’enfance (qui a été créé avec un retard coupable par Emmanuel Macron qui n’avait pas souhaité la mise en place d’une administration particulière lors de sa prise de fonction en 2017) avec cette réduction de l’enfant dans les sphères publique et privée à sa simple protection et non à son émancipation qui passe, à la fois, par sa protection mais aussi par l’étendue de ses droits et de ses capacités à pouvoir concrètement les pratiquer.

C’est loin d’être le cas en France où, s’appuyant sur les valeurs qui le fondent, le Centrisme demande que de nouvelles avancées soient faites dans ce domaine et que les textes soient réellement appliqués et non montrés comme des trophées qui n’ont aucune réalité dans la vie quotidienne.

Mais cela n’est pas suffisant.

Afin de respecter les enfants et leurs droits, comme l’explique un document de l’UNICEF de 2009 toujours aussi pertinent et d’actualité, il convient ainsi de prendre en compte systématiquement «l’intérêt supérieur des enfants en tant que critère primordial de gouvernance» dans toutes les décisions politiques:

«Chaque aspect de la gouvernance peut affecter les droits de l’enfant. Que les décisions concernent la fiscalité ou le commerce, la diplomatie ou l’endettement, il n’existe pas de politique, loi, budget, programme ou plan qui soit ‘neutre pour les enfants’. Le premier défi pour les États parties consiste donc à évaluer les conséquences sur les enfants de toute la gamme de leurs actions législatives et administratives. Le second consiste à s’assurer que les budgets, politiques et programmes appliquent les principes de la Convention sous tous ses aspects. Au niveau national, les budgets et les programmes, en particulier, devraient classer par ordre de priorité les services qui sont essentiels pour faire respecter le droit des enfants à la survie, au développement, à la protection et à la participation. Ces efforts devraient permettre de mobiliser et coordonner les ressources des secteurs publics et privés tout en surveillant la situation des droits de l’enfant à l’intérieur des pays et des communautés. Dans la coopération pour le développement, les pays donateurs et les pays récipiendaires doivent examiner si l’aide se révèle efficace pour les enfants. Dans les districts et les communautés, les administrations locales doivent veiller à ce que les initiatives de développement favorisent l’inclusion et la participation et que les opinions des femmes et des enfants soient prises en compte dans les lois, pratiques, politiques et programmes.

Le renforcement et l’application des lois en faveur des droits de l’enfant représentent un autre défi. Il sera peut-être nécessaire à cette fin de créer au sein des gouvernements des structures permanentes chargées de promouvoir les droits de l’enfant et de coordonner les mesures prises entre secteurs. La promotion de responsables indépendants chargés des droits de l’homme, comme des médiateurs pour les enfants par exemple, peut également renforcer le suivi des droits de l'enfant à l’intérieur des pays et des communautés. Une meilleure compréhension de la situation des enfants, reposant sur des preuves tirées de données, de recherches et de l’évaluation, est aussi un élément capital pour évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de la Convention.»

On assiste même à des retours en arrière souvent affligeant avec la mode pour ces «spécialistes» qui viennent délivrer un discours rétrograde faisant la part belle à l’irresponsabilité de l’enfant (alors qu’il s’agit bien de l’irresponsabilité des adultes à son encontre), au besoin de remettre de l’autorité dans son éducation (il est nettement plus facile de punir plutôt que de comprendre et d’accompagner en diffusant et transmettant des valeurs humanistes, notamment, par des comportements adéquats), à refuser de le considérer comme un citoyen égal à tous les autres.

Il faut donc, au plus vite, remettre l’enfant au centre de la politique avec une administration dédiée à ses droits et à sa protection mais aussi de mener toute une réflexion sur les politiques publiques qui fassent de l’enfant une personne et non un être en devenir qui, certes, à des spécificités propres mais qui n’est pas moins un individu à part entière.

C’est tout le fondement d’une politique de l’enfance centriste.

Comme l’écrivaient dans une tribune publiée en novembre 2019 dans Le Monde, Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants et Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny:

«Il faut en France un ministre de l’enfance, pas de la ‘protection de l’enfance’. L’enfance doit (re)devenir un objet à part entière des politiques publiques. Ne fût-ce que pour donner sens et cohérence à nombre d’initiatives intéressantes: lutte contre la pauvreté, scolarisation à 3 ans, dédoublement des classes… Pour beaucoup, les plus jeunes restent incapables de penser et d’exprimer un point de vue. L’Etat doit redevenir crédible aux yeux des collectivités territoriales et du secteur associatif, en assumant ses propres responsabilités. On n’y tend pas et notre droit reste centré sur l’adulte. L’enfant n’est pas seulement ‘l’avenir de l’homme’, il est ici et présent.»



Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC



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