mercredi 8 janvier 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. [Grave crise] de la démocratie en Amérique

Bien sûr, il y a ses frasques, ses incompétences, ses insultes et ses mensonges qui sont inquiétants mais ce qui est certainement le plus problématique avec Donald Trump, c’est sa constante transgression de la loi, ce pivot incontournable de la démocratie républicaine libérale, cette règle indispensable pour éviter la domination de factions ou de groupes sur la société et de faire de chacun un égal de tous les autres.
Défier la légalité, la considérer comme quelque chose de gênant, la contourner, c’est ainsi qu’agit tout ennemi des valeurs démocratiques.

Et c’est ce que font tous les jours Trump, son Administration et une majorité des élus du Parti républicain avec les encouragements de certains médias et d’une partie de la population.

Voilà bien la grave crise que traverse la démocratie en Amérique.

Une crise qui interroge et nous interroge, nous, qui vivons également dans une démocratie républicaine libérale et qui nous apercevons qu’il suffit d’un personnage nauséabond comme Trump pour mettre à mal tout un édifice près de deux fois et demi centenaire.

Parce qu’Hitler et Mussolini, eux, avaient vaincu une jeune démocratie pas encore capable de se défendre correctement ou de montrer ses qualités.

Parce qu’Erdogan ou Poutine gouvernent des pays qui ont toujours été à la frange de la démocratie (on ne parle même pas de l’époque où ils étaient des pays totalitaires).

Ici, aux Etats-Unis, rien de tel, au contraire, c’est le pays qui a inventé la démocratie moderne, qui a toujours été une démocratie depuis sa fondation (même si tout n’a jamais été parfait), qui n’a jamais annulé ou reporté une élection présidentielle et qui s’est targué depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, d’être le leader et le défenseur du monde libre.

Bien sûr, le pays n’a pas été exempt de crises qui ont menacé le système démocratique comme ce fut le cas lors de la Guerre de sécession (Guerre civile pour les Américains), ni de présidents plus ou moins compétents, plus ou moins menteurs et plus ou moins va-t-en guerre comme George W Bush (dont on a trop tendance à oublier le bilan catastrophique et la volonté de transformer les Etats-Unis en une sorte de théocratie conservatrice et réactionnaire) ou Richard Nixon.

Cependant, il n’y avait jamais eu un pouvoir qui a décidé d’agir souvent en complète illégalité pour garder le pouvoir et mettre en place un système qui ressemblerait plus à une dictacratie (terme que je préfère démocrature), c'est-à-dire un système qui allie d’abord les mécanismes et les principes de la dictature puis ceux de la démocratie en les instrumentalisant dans cet ordre, qu’à une démocratie républicaine libérale.

Des personnages troubles et dangereux sont légions à la Maison blanche et dans les rangs républicains comme le vice-président, Mike Pence, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, les juges de la Cour suprême, Samuel Alito, Neil Goursuch et Brett Kavanaugh, ou le leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell dont l’influence sur le recul démocratique des Etats-Unis est au moins, si ce n’est plus important que celui de Trump.

Cette crise sera peut-être passagère et surmontée – espérons-le! – mais sa réalité qui ne fait pas de doute est au mieux, un sérieux avertissement à la démocratie républicaine, au pire, la démonstration de l’impossibilité de cette démocratie républicaine de se prémunir du populisme radical et, en tout cas, un épisode – dont on ne connait pas encore la durée – qui est catastrophique pour les valeurs humanistes et la paix dans le monde.

Elle nous rappelle que la démocratie nécessite constamment d’être protégée pour exister.

Les institutions américaines mises en place par les Pères fondateurs de la nation et les rédacteurs de la Constitution, avaient cru qu’un système des «checks and balances» où chaque pouvoir – exécutif, législatif et judiciaire – a le possibilité dans un équilibre constant de bloquer les deux autres afin d’éviter que l’un d’eux ne s’imposent aux autres, donc qu’il garantisse le bon fonctionnement de la démocratie et de la république, montrent en ce moment leurs limites quand un des acteurs ne veut pas jouer le jeu, en l’occurrence, le président.

Déjà, celui-ci a été élu grâce à un système électoral à deux niveaux – vote des citoyens qui désignent des grands électeurs qui désignent le président – sensé empêché l’arrivée au pouvoir d’un populiste démagogue comme lui.

Sans parler de la procédure d’«impeachment» (destitution) qui va être ridiculisée par les sénateurs républicains, majoritaires, qui ont déjà annoncé un acquittement de Trump avant même le début du procès du président au Sénat après sa mise en accusation votée par la Chambre des représentants…

Les failles du système de la démocratie républicaine face à ses adversaires en ce début de troisième millénaire sont inquiétantes alors même qu’aucun autre régime ne garantit autant la liberté et le respect de la dignité de chacun.

Sans réelle prise de conscience de la crise qui s’installe, nos enfants  ne vivront sans doute plus dans une démocratie républicaine.
Et inspirons-nous pour agir en ce sens de celui à qui j'ai emprunté le titre de son principal ouvrage («De la Démocratie en Amérique»), Alexis de Tocqueville, qui écrivait:
«La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, mais elle fait ce que le gouvernement le plus habile est souvent impuissant à créer; elle répand dans tout le corps social une inquiète activité, une force surabondante, une énergie qui n'existent jamais sans elle, et qui, pour peu que les circonstances soient favorables, peuvent enfanter des merveilles.»




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