mardi 6 février 2018

Regards Centristes. 12 – Centrisme, macronisme, progrès et progressisme

Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision centriste. Douzième numéro consacré au progrès et au progressisme ainsi que leurs liens avec le Centre et le Centrisme.



Selon Emmanuel Kant, «Le genre humain a toujours été en progrès et continuera toujours de l'être à l'avenir: ce qui ouvre une perspective à perte de vue dans le temps.»

Avec l’élection d’Emmanuel Macron, les notions de progrès et de progressisme sont revenues avec force sur le devant de la scène politique française.

Rappelons que le Centrisme se définit comme un humanisme progressiste tant il croit dans une amélioration de l’individu que dans celle de la société.



Le progressisme macronien

Rien que dans son ouvrage «Révolution» paru lors de sa campagne pour la présidentielle de 2017, l’actuel chef de l’Etat revient plusieurs fois sur le progrès et les progressistes et ce qu’il entend par ces termes:

- «Pour construire un projet, renouer le fil de notre Histoire et la dynamique du progrès, pour que nos enfants vivent mieux que nos parents.»

- «Le véritable clivage aujourd’hui est entre les conservateurs passéistes qui proposent aux Français de revenir à un ordre ancien, et les progressistes réformateurs qui croient que le destin français est d’embrasser la modernité.»

- «Toutefois, l’innovation n’est pas un progrès en soi. Innover pour innover, c’est comme marcher sans but! Ce qui compte, c’est donc l’usage que nous faisons de l’innovation. C’est le sens que nous lui donnons. Face à elle, il ne faut pas être béat: il faut l’aborder de manière lucide pour faire en sorte que la technologie serve le progrès économique, social et écologique, et qu’elle permette à tous de gagner en liberté d’action.»

- «Réformistes et progressistes, nous devons assumer la société d’ouverture et le choix de l’Europe.»

- «Etre progressiste aujourd’hui, c’est dire que notre rapport au monde ne réside pas dans l’isolement. C’est comprendre que nous avons plus à perdre qu’à gagner à nous replier sur nous-mêmes. C’est convaincre que cette ouverture n’est tenable que si elle est accompagnée de protections. C’est faire en sorte que l’ouverture puisse profiter à tous et dans tous les États membres.»



Et lors de son alliance avec François Bayrou en février 2017, Emmanuel Macron expliquera, «ce que nous voulions faire dès le début avec En marche!» c’est «un rassemblement progressiste qui dépasse les clivages».



Si l’on veut vraiment tenter de cerner très exactement le positionnement d’Emmanuel Macron, il est sans doute plus juste de le présenter comme un progressiste à la mode d’un Theodore Roosevelt de la présidentielle de 1912 aux Etats-Unis ou à celle d’un Pierre Mendès-France lorsqu’il se retrouve Président du Conseil sous la IV° République.

De ce point de vue, on peut le comparer à un Valéry Giscard d’Estaing réformiste du début de son septennat parce que, si ce dernier était et est un homme de droite, il serait néanmoins aujourd’hui dans l’espace central et aurait sa place dans l’axe central même s’il n’a jamais été aussi centro-compatible, voire centriste, comme l’est Macron, en tout cas la politique de ce dernier.

Le progressisme macronien, se nourrit fortement de Centrisme lorsqu’il déclare que nous sommes «égaux devant la liberté» et que «nous devons nous battre pour réconcilier deux valeurs que nous avons trop souvent opposées, que la droite et la gauche ont respectivement monopolisées, alors que la devise de notre pays les place sur le même plan: la liberté et l’égalité».

Et s’il faut «réunir la liberté et l’égalité», c’est pour une société plus efficace et plus juste».

L’influence centriste se fait encore particulièrement prégnante quand il est affirmé que «notre pays est le champion des blocages, qui empêchent trop souvent l’émancipation de chacun».

De même, en matière d’ouverture vers le monde.

Pour Emmanuel Macron, «les progressistes doivent se battre et rappeler que la mondialisation sans règle, sans protection et sans redistribution est insupportable, mais aussi que, sans intégration à l’économie mondiale et sans modernisation de notre économie, notre pays serait condamné à la stagnation et au déclin».

Tout cela amène à la transformation de la société qu’il souhaite initier:

«Passer d’une société des statuts à celle des sécurités individuelles, dans laquelle on protège les individus, pas les postes. Passer d’une économie de rattrapage à une économie de l’innovation, déconcentrée, plus horizontale, plus agile et plus inventive. Passer d’un modèle centralisé de décisions unilatérales à un modèle plus équilibré qui s’appuie sur la vitalité de la société dans tous les territoires et permet à chacun de s’engager. Passer d’un pays inégalitaire à une société juste en répondant à l’envie de chacun de pouvoir faire ses choix, et à la nécessité d’être solidaires, en particulier envers les plus faibles».

Emmanuel Macron estime que ces changements prendront dix ans et que l’énergie existe en France pour y parvenir.

Tout ce qu’il a dit et écrit pourrait être également prononcé par n’importe quel centriste.



Qu’est-ce que le progrès et le progressisme?

Etymologiquement le terme de progrès, vient du latin «progressus» qui est l’action d'avancer ou une progression de troupes militaires.

Pour l’humanité, pour une civilisation ou une société, le progrès est un processus évolutif dans le sens d'une amélioration, d’une transformation positive de celles-ci, processus d’amélioration qui apporte un gain et, en même temps, un épanouissement pour l’humain (individuellement et collectivement).

Son contraire est l’immobilisme.

Le progressisme (porté par les progressistes), quant à lui, est un courant de pensée né au XIX° siècle qui veut mettre en place une transformation des structures sociales, économiques, sociétales et politiques par des réformes afin de parvenir à l'amélioration des conditions de vie pour tous.

Son contraire est le conservatisme.

C’est d’ailleurs en se rattachant à ces définitions positives que le progrès est défendu par les centristes qui se définissent comme progressistes et que le Centrisme est un progressisme car il est un humanisme qui prône une évolution positive du monde.

Historiquement, le progressisme se développe face à la montée du capitalisme sauvage triomphant lors de la révolution industrielle à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle.

Enfin, si le progrès est toujours une notion positive, c’est l’évolution qui ne l’est pas systématiquement.



Polémiques et oppositions à propos du progrès

Si le Centre n’a guère de problème en général pour se dire progressiste et partisan du progrès à la suite de Condorcet, il est vrai que ces notions, tant à droite, qu’à gauche, sont souvent critiquées et attaquées.

Ainsi, pour certains, le progrès n’existe pas et la notion, elle-même est une tromperie, une position défendue, notamment, par Michel Foucault.

Pour d’autres, il est une notion historiquement datée, étant essentiellement une idée du XIX° siècle et du début du XX°.

Pour d’autres encore, comme Paul Valéry, il est même une notion négative, car celle-ci est la cause principale d’une fuite en avant désastreuse des sociétés humaines, tant dans leur addiction matérialiste de plus en plus forte et déconnectée du réel, que dans la production de gaspillage et dans un pillage écologique, responsable de nombreux maux dont le réchauffement climatique.

Pour d’autres, le progrès se confond en réalité avec l’évolution, c’est-à-dire qu’il ne serait pas contrôlé et contrôlable par l’humain mais que celui-ci, d’une certaine façon, le subirait parce qu’il serait le fruit de paramètres non-maîtrisables.

En revanche, pour d’autres, à l’instar de Francis Bacon et comme pour les centristes, c’est une notion essentiellement volontariste et surtout positive car elle permet, d’ouvrir des possibilités à l’humain, de permettre à l’Humanité de devenir meilleure, tant du point de vue de la lutte contre les pauvretés, contre les maladies, contre les injustices et pour un humanisme de plus en plus développé et qu’il ne faut pas la confondre avec l’Histoire et ses soubresauts, car elle n’est pas forcément linéaire et certaines périodes peuvent être globalement un retour en arrière (si l’on considère, par exemple, que les deux conflits mondiaux ont été des avancées extraordinaires en matières technique et de découvertes, notamment médicales mais qu’ils ont montré une barbarie humaine régressive par rapport au concept de civilisation).

Par exemple, la création d’une nouvelle machine est toujours une avancée technologique mais elle ne devient un progrès que si elle a des implications positives dans la vie des êtres humains.

De manière plus élaborée, le progrès peut évidemment s’analyser dans un rapport pour et contre où, pour qu’il existe, le pour l’emporte sur le contre avec le cas de figure idéal où le constat d’un progrès ne prête à aucune discussion comme la mise au point d’un médicament qui éradique une maladie sans qu’il y ait des conséquences négatives ou même des effets secondaires.



En conclusion et par rapport aux notions d’évolution ou de progression, voire de développement ou de transformation, qui peuvent définir des événements négatifs ou positifs, il est important de bien comprendre que la notion de progrès est associé, pour le Centre et le Centrisme, à des événements positifs, c’est-à-dire bénéfiques pour l’Humanité et l’humain.

C’est en ce sens, et seulement en ce sens que le Centrisme est un progressisme.

Si «le progrès est le mode de l’homme» comme l’a écrit Victor Hugo, on peut comprendre Albert Einstein lorsqu’il dit que «le mot progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura des enfants malheureux» et en rappelant, avec Friedrich Hegel, selon lequel «le progrès» se fait «dans la conscience de la liberté».

Mais le dernier mot reviendra au centriste Theodore Roosevelt pour qui «une grande démocratie doit être progressive ou elle cessera bientôt d’être grande ou une démocratie».



Etude du CREC sous la direction d’Alexandre Vatimbella



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