Dans cette rubrique, nous publions les points
de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du
CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser
la pensée centriste.
Jacques Rollet est politologue, auteur de
plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien 1998), Religion et politique
(Grasset 2001), La tentation relativiste, DDB, 2004), Le libéralisme et ses
ennemis (DDB, septembre 2011).
La
question n’est pas nouvelle et je l’ai déjà abordée il ya quelques mois. Il est
cependant nécessaire d’y revenir après ces élections européennes, alors même
que l’attention est focalisée sur le FN et que les médias ne s’intéressent
guère à l’Alternative qui réunit comme on le sait l’UDI et le MoDem.
Six
remarques vont suivre un constat.
Le
constat: l’UDI+le Modem ne font pas mieux que le Modem seul en 2009.
Au plan
national, l’Alternative fait 9,9 % en 2014; or le Modem faisait 8,45% en 2009.
Un point et demi de plus, c’est insignifiant.
Le
score «logique» aurait dû être de 16 ou 17%. On aurait pu attendre en effet de l’UDI
un apport de 8 points. (Nouveau Centre, Parti radical, Alliance centriste,
adhérents directs). Dans le même temps, l’UMP en crise fait 21%...
Si je
considère la circonscription du Nord-Ouest, le score est de 9,38% en 2014 pour
l’Alternative alors qu’il était de 8,67% en 2009 pour le Modem. C’est quasiment
identique.
En
d’autres termes, ce résultat n’est pas bon et on doit se demander pourquoi. Il
n’est pas dû seulement à un refus de la construction européenne.
1°) Le
Centre n’a pas de leader et dans le système politique de la V° République,
c’est un handicap et le retrait de Jean-Louis Borloo n’est pas une explication
suffisante. Lui-même n’incarnait pas jusqu’alors ce leadership attendu. Il ya
des gens talentueux qui s’expriment à l’Assemblée nationale tels que Jean Christophe
Lagarde ou Philippe Vigier mais il faut passer à un niveau supérieur.
2°) Le
Centre est partagé entre des visions de la société différentes: vision du
radicalisme quelque peu «Old fashioned» qui oscille entre 19° et 21° siècle et
reste de la tradition démocrate-chrétienne qui n’ose même pas s’afficher comme
telle. S’y ajoutent des membres qui n’ont aucune tradition! Cela ne confère pas
une identité.
3°) Le
Centre doit donc s’interroger sur sa doctrine, en clair sur sa conception des
valeurs nécessaires au vécu d’une société qui ne peut reposer sur l’exaltation
des désirs individuels.
On a
perçu le problème lors du vote de la loi
sur le «mariage» homosexuel. Il a été très difficile d’expliquer à beaucoup de
parlementaires centristes qu’il y avait un problème et qu’il fallait voter
contre cette loi. Il apparaît aujourd’hui que les socialistes aux Municipales
et aux Européennes ont subi une sanction qui est en partie due à cette loi. Ils
sont prêts cependant à récidiver avec une loi Taubira qui est une provocation
et ils s’étonneront ensuite du score du FN. Comprenne qui pourra.
L’excès
d’idéologie est généralement mortifère…
Les
centristes feraient bien de se demander sur quelle philosophie reposent leurs
choix en matière éthique.
4°) Il
faut donc donner à un peuple en grande
partie désemparé une vision cohérente de ce qu’est le vivre-ensemble. Cela
suppose l’acceptation d’un ordre social, le refus de l’assistanat qui prospère
en France (les dépenses sociales représentent 33% du PIB!).
Cela ne
peut continuer pour des raisons financières mais également pour des raisons
morales. De multiples témoignages sont donnés par des gens allant au travail
pendant qu’aux fenêtres on se moque d’eux en disant: «Il faut être con pour
aller travailler quand on a autant en ne faisant rien».
5°) La
notion de bien commun doit être remise au premier plan. Elle est différente de
celle d’intérêt général. Il s’agit de bien et pas d’intérêt. On est en train de
redécouvrir l’importance de cette notion dans la philosophie politique
contemporaine dans les pays anglo-saxons.
Il
serait temps que la pensée française s’y mette. Il nous faut une anthropologie
basée sur la notion de loi naturelle, celle qui découle de l’essence de
l’homme, car il y a une essence ou nature de l’homme.
6°) Le
Centre a raison d’être pro-européen mais le réalisme en matière économique et
le projet politique du fédéralisme suppose une armature éthique qui fasse tenir
ensembles au nom de valeurs, les membres d’une société et ces valeurs ne
peuvent être celles du relativisme éthique.
En
espérant être entendu.
Jacques
Rollet