mercredi 3 avril 2013

Vues du Centre - La Chronique de Jacques Rollet. La vocation du Centre: ne pas tout attendre de la politique



Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet, chroniqueur régulier sur Le Centrisme est politologue, auteur de plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien 1998), Religion et politique (Grasset 2001), La tentation relativiste, DDB, 2004), Le libéralisme et ses ennemis (DDB, septembre 2011).

Il peut sembler paradoxal ou même incongru d’associer une famille politique à l’idée qu’il faut relativiser la politique et pourtant il est nécessaire aujourd’hui de mener résolument cette réflexion. Au lendemain des aveux de Jérôme Cahuzac, il me semble clairement établi que la morale est au fondement de la politique, ce qui déjà relativise cette dernière. Je voudrais argumenter brièvement en trois points: La logique de la volonté générale est dangereuse, la Révolution française a créé la division Droite-Gauche qui fige la vie politique, le Centre incarne la figure du juste milieu qui relativise les mythologies néfastes.
I - La logique de la volonté générale
Nous savons que cette idée vient de Rousseau. Dans Le contrat social, il tente de transposer le contenu de la souveraineté politique, du roi au peuple. Etant donné que dans sa représentation mentale, la souveraineté ne peut être divisée ni partagée, il forge le donné mythologique qu’il appelle «volonté générale». Elle est dans son esprit, différente de la volonté majoritaire et même de la volonté de tous. Elle exprime l’unité du peuple qui n’a qu’un vouloir. Le danger est que cette logique soit porteuse d’un potentiel totalitaire qui va se trouver actualisé sous la Révolution française, prenant la forme de la terreur. Explicitons le mécanisme mortifère qui se met alors en place: si la volonté est générale, elle n’a pas d’adversaire. Elle ne peut avoir que des obstacles qui n’ont aucune bonne raison d’exister. Par conséquent les opposants sont automatiquement jugés comme étant extérieurs au corps social et ennemis du peuple. Ce mécanisme a prouvé sa capacité mortifère en engendrant la terreur sous la Révolution française et le léninisme en Russie et ailleurs.
II - La mythologie a fait son temps.
La Révolution française a développé cette logique de la volonté générale qu’elle a d’ailleurs recouverte par une autre, celle de la souveraineté des représentants du peuple. Il faut savoir en effet que Sieyès a donné aux représentants du peuple le seul véritable exercice de la souveraineté, celui de l’assemblée. La Gauche française et c’est là le point important, a pensé et pense toujours la vie politique comme affrontement du bien et du mal, le bien étant incarné par elle. François Furet, grand historien de la Révolution et du siècle qui l’a suivie a bien montré que le champ politique forgé par la Révolution étant finalement, provisoire et qu’il avait perdu toute crédibilité après l’effondrement de l’Union soviétique et la promotion de l’Etat de droit. Mais la Gauche française continue  de mettre sa vision du monde sous la bannière de l’égalitarisme qui fait actuellement des ravages fiscaux et autres sous le gouvernement Ayrault. Va-t-il en rabattre avec les aveux de Cahuzac? On peut en douter.
III - Le juste milieu
On dit souvent que le Centre incarne le juste milieu. Je pense que c’est profondément vrai au sens où c’est sa vocation. . Le milieu ne désigne pas ici l’égale distance, mais la position qui se construit en rejetant deux logiques néfastes. Celle de la Gauche a été décrite dans les lignes qui précèdent. Il faut donc en finir avec la mythologie issue de la Révolution française qui oppose le camp du bien au camp du mal. Mais il faut en finir également avec la logique de la droite dure qui considère que le cynisme et le machiavélisme sont des bons moyens de gouvernement.
La France a besoin d’une société civile forte qui cantonne la politique dans les limites de l’Etat de droit et de la morale, oui de la morale. En ce sens, les décisions de ces derniers jours: la pilule gratuite pour les mineures de 15-18 ans et le remboursement à 100% de l’avortement sont des signaux très négatifs qui s’ajoutent au mariage homosexuel. Décidemment la Gauche n’a pas compris ce qu’est l’exigence morale. Quand on se réclame du «bien», c’est fâcheux!
Jacques Rollet