mercredi 9 novembre 2011

Une Semaine en Centrisme. Trois ans de présidence Obama: entre espoirs et réalités, un bilan centriste discuté


Cela fait trois ans que Barack Obama est devenu le premier Afro-américain à être élu Président des Etats-Unis. Trois ans depuis qu’il a été porté en triomphe au poste de l’homme le plus puissant de la planète par des médias ayant perdu tout sens critique et un peuple extatique qui semblait vouloir expier, tout à la fois, une présidence de George W Bush au bilan calamiteux et un passé parfois honteux (l’esclavage puis la ségrégation raciale). Le pays semblait dire qu’il allait, à nouveau, porter haut et fort les couleurs de la liberté et du progrès, lui qui, depuis sa fondation est toujours demeuré une démocratie malgré les vicissitudes de l’Histoire, lui, la plus vielle démocratie du monde.
Au-delà du symbole fort dans des temps troublés (la crise financière battait son plein alors que le pays était engagé dans deux guerres et voyait poindre la Chine dans son rétroviseur), il y avait aussi un homme qui clamait qu’il était bipartisan, voire «post-partisan», qu’il voulait le consensus et revitaliser le rêve américain pour que tous puissent avoir les opportunités de réussir tout en protégeant les plus faibles.
Il y avait également une méthode - l’écoute, le dialogue et le débat avant la décision finale – ainsi qu’une intelligence unanimement reconnue.
Elu dans sa quarantaine, le président a désormais cinquante ans et, au cours de ces trois ans, il a du affronter plus de tempêtes, au sens propre et au sens figuré pendant la durée de son premier mandat qui se terminera en novembre 2012 que la plupart des autres présidents américains (et nous parlons aussi ici des attaques personnelles particulièrement haineuses dont il a été constamment la cible).
Tout ceci aboutira, soit à une réélection, soit à une défaite, l’année prochaine aux élections présidentielles. La première est toujours l’option la plus probable actuellement mais pas pour autant assurée au vu des problèmes que rencontre sa présidence, notamment en matière de faible croissance et de fort taux de chômage.
Au niveau intérieur, aucun président n’a eu autant d’activités législatives même s’il est encore difficile de savoir ce qui demeurera de cette œuvre où l’établissement d’une assurance santé pour la quasi-totalité de la population côtoie la régulation du monde de la finance. Sans oublier les plans de soutien et de relance de l’économie qui ont évité au pays un marasme total sans pour autant faire redémarrer la machine productive autant qu’il l’aurait fallu.
Au niveau extérieur, Barack Obama a beaucoup plus agi que l’on pouvait le penser. A la fin de l’année, l’armée américaine aura quitté l’Irak, le retrait d’Afghanistan est programmé, Ben Laden a été retrouvé et exécuté, Kadhafi a été chassé du pouvoir ainsi que Moubarak et Ben Ali et le crédit des Etats-Unis dans le monde a été en grande partie restauré (même s’il est nettement inférieur aujourd’hui qu’au début de son mandat). Et il a obtenu le Prix Nobel de la paix (sans doute un peu prématurément…).
Mais il est une évidence sur laquelle Obama a du réfléchir en musclant son discours récemment et en choisissant d’être le président de la classe moyenne et des Américains qui ont du mal à boucler leurs fins de mois, ce qui fait l’énorme majorité de la population (majorité qui est, notamment, pour l’augmentation des impôts pour les plus riches).
Cette évidence est qu’un discours consensuel et centriste en période de crise est attaqué sans relâche par les populistes aux propositions démagogiques et irresponsables qui trouvent une oreille bienveillante auprès d’une population angoissée et prête à donner ses voix à ces bateleurs d’estrade (alors même que les sondages plébiscitent une approche bipartisane…).
Certains applaudissent à cette prise de conscience de Barack Obama, eux qui le voyaient se faire marcher dessus sans réagir. D’autres sont déçus de le voir utiliser les mêmes armes que ses adversaires. Mais tous font une fausse analyse. Sur le fond, le président des Etats-Unis n’a pas changé sa manière de gouverner et sa politique, au grand dam de ceux qui voudraient qu’il devienne un nouveau Franklin Roosevelt, oubliant un peu vite de FDR, personnage clivant et le revendiquant, a été incapable de réellement juguler la crise économique avant que celle-ci ne le soit, douze ans plus tard, avec l’entrée des Etats-Unis dans la Deuxième guerre mondiale.
Dans la comparaison, il serait plus un mélange de Theodore Roosevelt et d’Abraham Lincoln, deux républicains…
Reste que, sans doute, Barack Obama n’a pas réussi à amadouer Washington, lui qui venait (comme c’est souvent le cas des nouveaux élus) changer la capitale et ses mœurs politiques particulières. Cette incapacité à s’imposer face aux blocages et aux résistances de l’establishment lui coûte plus cher en termes d’images que de réelle paralysie dans son action même si, c’est vrai, depuis la victoire des républicains aux élections de mid-term en novembre 2010, ces derniers bloquent ses initiatives, notamment en faveur de l’emploi, préférant voir sombrer le pays que d’aider Obama de peur que cela lui permette d’être réélu! Car leur seule politique, c’est de faire du premier président afro-américain, un «one term président», le président d’un seul mandat.
Les trois premières années de Barack Obama ont ainsi montré qu’un homme, aussi talentueux soit-il, ne peut réformer un pays où une partie des élites et de la population ont décidé de détruire plutôt que de construire, s’arcboutant sur des fantasmes et une idéologie extrémistes.
Actuellement, au-delà de la personne d’Obama, les Etats-Unis ont besoin d’une classe politique prête à prendre des risques et à s’unir pour trouver des solutions aux grandes questions du moment (lutte contre le chômage, revitalisation de pans entiers de l’économie, limitation du pouvoir de nuisance des marchés financiers dues à certaines pratiques quasi ou réellement criminelles, refondation du système éducatif, solidarité des plus riches avec les plus pauvres, reconstruction de l’ascenseur social).
Malheureusement, les clivages idéologiques instaurés sous la présidence de Ronald Reagan puis entretenus et augmentés par des républicains cyniques et assoiffés de pouvoir comme Newt Gingrich, Karl Rove, Dick Cheney et quelques autres rendent cette tâche quasi-impossible quel que soit le président en place, démocrate ou républicain.
Les élections de 2012 montreront si les Etats-Unis sont condamnés à une lente perte de leur statut à cause de politiciens à courte vue ou si l’esprit américain peut encore soulever des montagnes.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC

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