mercredi 2 mai 2018

Une Semaine en Centrisme. MoDem-UDI, la compétition entre centristes «de l’intérieur» et ceux «de l’extérieur»

Et si, in fine, Emmanuel Macron et LREM avait plus besoin des centristes «de l’extérieur», notamment ceux de l’UDI, que ceux «de l’intérieur», c’est-à-dire du MoDem.
Cette hypothèse, portée implicitement par Jean-Christophe Lagarde, le patron de l’UDI, n’est pas aussi incongrue qu’elle puisse paraître au premier abord.
Car, paradoxalement, la relation semble plus claire entre LREM et l’UDI qu’entre le MoDem et LREM et même entre l’UDI et le MoDem.
Même si Jean-Christophe Lagarde louvoie constamment entre soutien et opposition au Gouvernement dans ce qu’il appelle un «soutien critique» ou une «opposition constructive», au choix, même si Emmanuel Macron et Edouard Philippe font, en public, peu de cas de l’UDI, de chaque côté sait à quoi s’en tenir de l’autre.
En revanche, la relation entre LREM et le MoDem, celle entre François Bayrou et Edouard Philippe et même celle avec Emmanuel Macron ne manquent pas d’ambiguïté et n’ont jamais été réellement clarifiées au-delà de serments de fidélité de Bayrou et des déclarations consensuelles de Macron en la matière.
Si tous font partie de la majorité présidentielle, on sent bien que le MoDem peine à trouver sa place dans le binôme qu’il forme avec LREM et que son manque de personnalité propre bien entretenue par son «partenaire» lui pose déjà un problème existentiel.
De même François Bayrou n’a pas autant l’oreille du président qu’il veuille bien le prétendre, le projet de réforme des institutions où nombre de ses propositions sont passés à l’as alors qu’elles étaient, selon lui, constitutives de l’alliance entre les deux hommes lors de la présidentielle et non-discutables, le démontre amplement.
Il ne faut pas oublier, à l’opposé d’un Jean Arthuis, l’ancien président de l’Alliance centriste, qui est un soutien pratiquement dès le début de l’aventure macronienne, que le président du Mouvement démocrate n’est pas un (r)allié de la première heure, loin s’en faut.
Bayrou fut, ne l’oublions pas et avant d’être un admirateur parfois trop transi, un contempteur féroce de Macron alors même que les critiques venues de l’UDI et de Lagarde ne furent jamais aussi négatives et, qu’on le veuille ou non, cela a laissé des traces, notamment une certaine méfiance, tout autant au MoDem qu’à LREM.
C’est sans doute pour toutes ces raisons que le MoDem et ses dirigeants tentent de se distinguer de LREM et qu’ils n’hésiteront pas, dans un premier temps, à aller au combat (mais sans doute pas au clash) sur la réforme constitutionnelle pour rappeler leur existence.
Cependant, un quinquennat, c’est long et il peut se passer beaucoup de choses.
Dans cette optique d’un moyen-long terme, les avantages et les handicaps des deux camps (MoDem et UDI) ne sont pas les mêmes et penchent souvent en faveur des centristes d’«en dehors» à moins qu’un équilibre soit trouvé entre le Mouvement démocrate et La république en marche ainsi qu’une relation plus étroite entre Bayrou et Macron.
Si l’on fait un tableau sur les avantages et les handicaps entre l’UDI et le MoDem, il ressort que:
- Le MoDem fait partie de la majorité présidentielle, ce qui lui donne une capacité d’action plus grande que l’UDI mais à condition que LREM lui donne vraiment la possibilité de s’exprimer, ce qui n’est pas le cas actuellement;
- Tous les députés MoDem, sans exception, doivent leur élection à Macron et à LREM alors qu’aucun UDI n’est dans ce cas ce qui donne un gros avantage à cette dernière qui a moins à craindre d’un positionnement indépendant;
- La quasi-obligation du MoDem de soutenir jusqu’au bout du quinquennat le gouvernement et le président de la république ainsi que la majorité absolue de LREM à l’Assemblée nationale donne peu de moyen de pression du MoDem sur l’action du gouvernement et du président de la république;
- La position «en dehors» de l’UDI peut lui permettre de jouer un plus grand rôle si le pouvoir a besoin de montrer son ouverture ou de compenser des défections dans les rangs de LREM, voire d’une fronde du MoDem alors que la position «en dedans» de ce dernier et son incapacité à faire capoter une loi ou une réforme, le marginalise;
- Le faible nombre de députés UDI tempère l’avantage précédent mais il est un peu contrebalancé par une présence plus importante au Sénat et dans les collectivités locales;
- François Bayrou demeure encore un recours à l’échec d’Edouard Philippe et que Macron pourrait aller le chercher pour Matignon dans cette hypothèse mais la baisse de la cote de popularité du patron du MoDem joue de moins en moins en sa faveur.
- En cas d’échec de la politique d’Emmanuel Macron, le MoDem sera comptable de celle-ci au même titre que LREM alors que l’UDI pourra faire jouer son indépendance, ce qui pourrait, à la fois, lui permettre de tirer son épingle du jeu dans cette hypothèse mais aussi l’empêcher, par peur pour son existence, de rejoindre la majorité quand celle-ci aura besoin d’elle.
Mais, in fine, ce pourrait être bien la mouvance Agir, regroupant la droite libérale proche de Juppé et anti-Wauquiez qui pourrait mettre d’accord les centristes de l’extérieur et de l’intérieur, même si la nomination comme Premier ministre d’Edouard Philippe n’a pas donné lieu à la grande transhumance attendue – et sans doute espérée par Macron – des membres de LR libéraux vers LREM.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


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