mardi 21 mars 2017

Vues du Centre – Jean-François Borrou. Non, messieurs du Monde, vous n’êtes pas objectifs avec Macron

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.

Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.



Emmanuel Macron et les journalistes
Si Le Figaro a décidé de soutenir de toutes ses forces et sans nuance aucune François Fillon et de taper continuellement sur Emmanuel Macron, Le Monde, dans sa sempiternelle posture que certains qualifieront de désormais hypocrite depuis les années où Edwy Plenel en est devenu le directeur de la rédaction, se veut «objectif», ce qui fait beaucoup rire tous ceux qui font profession de journalisme.

Ce n’est pas le fait que Le Monde ou Le Figaro n’aiment pas Macron qui pose problème.

C’est leur droit le plus strict et leur liberté la plus grande de le critiquer et de l’attaquer sans relâche.

Nous sommes en démocratie et la liberté d’opinion, d’expression et de pensée est essentielle, de même que de la transcrire dans la presse.

Et cette liberté de la presse, base même de la démocratie, n’est jamais négociable.

Ce n’est d’ailleurs pas ce que dit Le Monde ou ses prises de position qui existent depuis toujours et que le quotidien a toujours tenté de nier pour se poser en «journal de référence» qui est en cause.

Libre au quotidien et à sa rédaction de dire ce qu’ils ont envie.

Le Monde n’est pas un service public d’information et personne ne le lui demande sauf peut-être lui-même avec un manque évident d’humilité.

Néanmoins, en voulant apparaître impartial et être la référence journalistique tout en le clamant haut et fort, il appelle les critiques et les mises en cause quand ses pratiques ne correspondent en rien à profession de foi.

On ne refera pas l’histoire du quotidien depuis la Libération ainsi que son tournant antisystème sous la baguette d’un Jean-Paul Besset et de son poulain Edwy Plenel, ancien directeur de sa rédaction, deux hommes d’extrême-gauche.

Mais en ne parlant que d’aujourd’hui, que de la manière dont il traite des différentes personnalités politiques, prétendre qu’il n’est qu’un organe de presse objectif est littéralement de se moquer de l’intelligence de ses lecteurs.

Nicolas Sarkozy et François Hollande en savent quelque chose et Hillary Clinton, si elle le lisait, ne serait pas loin d’en savoir tout autant.

D’autant que quand on pointe du doigt son manque d’objectivité ou même simplement d’équilibre dans ses critiques et dans ses attaques, voilà qu’il rue dans les brancards, affirmant qu’on le diffame et que sa déontologie ne peut être mise en question.

Et, dorénavant, de mettre Trump et son traitement inique des journalistes et des médias pour montrer où tout cela mène si on ose le critiquer.

Trump qui est d’ailleurs bien l’idiot bien utile à une presse pas toujours exempte de reproches pour les balayer d’un revers de main.

Mais ce n’est pas parce qu’il y a un personnage aussi peu recommandable que le président des Etats-Unis qui agit de manière aussi peu respectueuse et responsable que, tout d’une coup, les journalistes retrouveraient une innocence et une intégrité professionnelles alors que les dérives des médias ne sont plus à démontrer.

Revenons au Monde.

Dans un rare article d’autosatisfaction et d’autojustification, le «médiateur» du journal, alerté par les opinions différentes de ses lecteurs sur le traitement réservé à Emmanuel Macron a récemment défendu l’honneur de sa rédaction pour démontrer qu’ils agissaient en totale indépendance et objectivité, affirmant que tout allait bien (et pour bien enfoncer le clou, le quotidien a publié quelques jours plus tard une enquête intitulée «Les médias pris dans la bataille de la présidentielle», dans laquelle il prend la défense parfois surréaliste des gentils médias face aux méchants politiciens).

On pourrait bien sûr gloser sur le journal parfait qu’il nous présente mais, en tant que journaliste, j’ai tellement entendu mes confrères défendre ce point de vue jusqu’à la nausée que je ne préfère pas ouvrir un tel débat où le corporatisme et l’absence de remise en cause sont parfois affligeants.

Quand Le Monde est pris la main dans le sac, il est dans le déni outragé et dans les techniques les plus primaires de la communication.

L’hostilité que le quotidien manifeste envers Macron s’explique aisément par sa ligne éditoriale qui penche à gauche.

Ainsi, l’article du médiateur titre non pas «Le Monde roule-t-il contre Macron?» mais, pour montrer qu’il n’est pas fautif dans ce sens là, il est titré «Le Monde roule-t-il pour Macron?».

On notera cette rhétorique particulière qui est que lorsque des attaques sont proférées à votre encontre, on en prend le contrepied en réfutant d’être le contraire de ce que l’on vous accuse d’être…

Ainsi dans cet article, ce n’est pas la critique d’être contre Macron qui en est le principal contenu mais celle d’être pro-Macron!

Un stratagème bien connu et qui ne trompera que celui qui le voudra…

Or donc, l’hostilité à Macron

Trois exemples parmi tant d’autres.

Le premier: c’est sans doute la première fois que Le Monde est d’accord avec Marine Le Pen et utilise un de ses arguments contre un homme politique qui défend la démocratie et la république contre les attaques d’extrême-droite!

Ainsi dans le compte-rendu du débat de TF1 où les cinq principaux candidats se sont affrontés, ce n’est une mais deux fois (!) que Marine Le Pen est mise à contribution pour critiquer Macron avec, en plus, le même argument…

Ainsi sous la plume du «service politique» on apprend que «l'attaque la plus efficace contre M. Macron est sans doute intervenue en fin de débat. ‘Vous avez parlé sept minutes, je suis incapable de résumer votre pensée, vous n'avez rien dit. A chaque fois que vous prenez la parole, vous prenez un petit peu de ceci et un petit peu de cela, et jamais vous ne tranchez’, a-t-elle lancé, rejoignant une critique déjà émise par François Fillon».

Et ce même service politique de regretter, «Mais il était déjà minuit passé».

Tout un art de l’«objectivité»!

D’autant que sous la plume d’un autre journaliste, le quotidien enfonce le clou: «Marine Le Pen n'a pas tout à fait tort de lui dire, ‘vous parlez sept minutes, et je suis incapable de résumer votre parole. On ne sait jamais ce que vous voulez’».

Et la réponse, toute en sympathie du journaliste: «Si, il veut être président».

Ah, objectivité, quand tu nous tiens!

C’est aussi sans doute la première fois que sur une même page du journal, la même attaque est reprise deux fois exactement dans les mêmes termes.

Evidemment, la réponse d’Emmanuel Macron n’est pas citée.

Mais ce n’est pas tout.

L’éditorial du journal consacré au débat parle du «centriste Emmanuel Macron, -novice, tour à tour incisif et fragile, mais trop soucieux de ménager son électorat composite pour imposer une vision nette».

D’abord, on ne savait pas que Macron s’était défini comme centriste puisqu’il dit même qu’il ne l’est pas et on tente de chercher où il a été fragile et quand il a été soucieux de ménager son électorat et qu’elle était sa vision floue…

Pas de réponse dans l’éditorial, en tout cas.

A côté, un papier d’un journaliste du quotidien nous apprend que le positionnement des candidats de droite et de gauche, «contribue, à l'évidence, au succès actuel de M. Macron».

Ce qui est évidemment négatif pour lui, puisque cela provoque «la frustration de bon nombre d'électeurs qui redoutent d'être condamnés à voter par défaut».

Traduction, le vote Macron n’est surtout pas un vote d’adhésion mais un vote de rejet des autres.

Ce n’est pas ce que disent les sondages.

De plus, la dimension de voter pour le moins mauvais traverse toutes les candidatures depuis que la démocratie existe et ne touche pas plus Macron que d’autres.

Le deuxième: quand un sondage donne Macron devant Le Pen, Le Monde titre «Macron pourrait arriver devant Marine Le Pen dès le premier tour».

Tout est dans le conditionnel.

Car quand Macron est en baisse dans un sondage, le même Monde titre «Macron plafonne», sans aucun conditionnel…

Il y a donc des sondages plus respectables que d’autres pour Le Monde.

Encore faudrait-il nous expliquer pourquoi si tel est le cas ce que les journalistes du quotidien ne font évidemment pas.

Le troisième: un article parmi tant d’autres du journaliste qui suit la campagne de Macron (j’ai pris un des plus récents).

Le candidat d’En marche! est en déplacement à Reims en compagnie de François Bayrou.

Le journaliste présente ce dernier comme la nouvelle éminence grise d’Emmanuel Macron ce qui n’est évidemment pas innocent lorsque l’on sait l’antipathie que le président du Mouvement démocrate suscite tant à droite qu’à gauche et même au centre.

D’ailleurs, le titre de l’article est «Bayrou, l’homme qui parle à l’oreille de Macron» et qui sans doute dit à ce jeunot comment faire de la politique…

De même, comme à son habitude et dans tous ses articles, il va placer le mot «banquier» rappelant sans cesse que Macron en fut un.

Si l’on prend les professions que les Français n’aiment pas, banquier est dans le peloton de tête, sans oublier que ces mêmes Français ont un problème avec l’argent.

Ici, c’est à l’électeur de gauche qu’il s’adresse en particulier (mais pas seulement lui) car Jean-Luc Mélenchon et surtout Benoit Hamon se sont fait une spécialité d’attaquer Emmanuel Macron en le traitant de candidat de l’argent pour le salir.

Evidemment, le journaliste qui est un grand professionnel comme l’explique le médiateur du quotidien, ne sait sans doute pas que le mot «banquier» n’est jamais innocent dans un article sur Macron.

Et c’est totalement par hasard que jamais l’on ne cite systématiquement la profession des autres candidats.

A la fin de son article, le journaliste devient d’une grande perfidie puisqu’il met en regard la volonté de renouvellement de la vie politique de Macron et l’âge de certaines des personnalités qui étaient auprès de lui à Reims, égrenant leur nom et leur âge dans une liste assez indécente…

Mais sans doute qu’il n’est jamais allé au siège de campagne du candidat d’En marche! pour constater la moyenne d’âge de ceux qui travaillent avec lui.

Enfin, bien entendu, par rapport au débat qui s’est tenu hier, c’était évidemment Macron qui avait le plus à perdre comme le disait le quotidien avant qu’il se déroule.

Pas Fillon ou Le Pen englués dans leurs affaires et leurs mises en examen (Le Pen l’ayant été si elle s’était rendue à la convocation de la justice)?

Pas Hamon ou Mélenchon (dont les candidatures ne décollent pas)?

Pourquoi?

Et dans son édition d’aujourd’hui, le quotidien «oublie» de faire mention des deux sondages qui disent que les Français ont trouvé Macron largement le plus convaincant lors de ce débat.

Ah, quand les sondages ne disent pas ce que vous voulez entendre…

Oui, je le redis, Le Monde n’aime pas Macron.

Oui, je le réaffirme, c’est son droit le plus strict.

Non, ce n’est pas très honnête de dire le contraire et de jouer les indignés quand on le dit.

Et quand on le démontre?



Jean-François Bourrou




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