samedi 13 juin 2020

Propos centristes. Etats-Unis – Réactions des anciens présidents centristes, Obama, Clinton, Carter, à la mort de George Floyd

Barack Obama, Bill Clinton, Jimmy Carter

Voici les réactions des trois derniers présidents centristes encore en vie à la suite du meurtre de George Floyd, des manifestations qui ont suivi et des actions à entreprendre pour lutter contre le racisme et les violences policières contre les Afro-américains.

Barack Obama (président des Etats-Unis de 2009 à 2016)
Permettez-moi de commencer par reconnaître que nous avons vu ces dernières semaines, ces derniers mois, des changements et des événements épiques dans notre pays qui sont aussi profonds que tout ce que j'ai vu de ma vie, et (…) je vais bientôt avoir 59 ans. Et permettez-moi de reconnaître que bien que nous ayons tous ressenti de la douleur, de l'incertitude, des perturbations, certains les ressentent plus que d'autres. Surtout, la douleur qu’ont éprouvée les familles de George [Floyd] et de Breonna [Taylor] et d’Ahmaud [Arbery] et de Tony [McDade] et de Sean [Reed], et bien trop d’autres encore, celles auxquelles nous avons pensées pendant ce moment de silence. Et à ces familles qui ont été directement touchées par la tragédie, sachez que Michelle, moi et la nation, nous vous pleurons et êtes dans nos prières. Nous nous engageons à créer une nation plus juste à la mémoire de vos fils et de vos filles, et nous ne pouvons oublier que, même si nous sommes confrontés aux actes particuliers de violence qui ont entraîné ces pertes, notre nation et le monde sont toujours au beau milieu d’une pandémie mondiale qui a exposé la vulnérabilité de notre système de santé, mais aussi la disparité des traitements et, par conséquent, l’impact disparate qui existe dans notre système de santé, l’investissement inégal, les préjugés qui ont conduit à un nombre disproportionné d'infections et à la perte de vies dans les communautés de couleur.
Donc, de bien des façons, ce qui s'est passé ces dernières semaines, ce sont des défis et des problèmes structurels ici aux États-Unis qui ont été mis en relief. Ce ne sont pas seulement les conséquences des événements actuels mais ils sont le résultat d’une longue histoire d’esclavage, de législation Jim Crow, de lignes rouges et de racisme institutionnalisé qui, trop souvent, ont été la peste, le péché originel de notre société. Et d’une certaine façon, aussi tragiques que ces dernières semaines aient été, aussi difficiles, effrayantes et incertaines qu’elles aient été, elles ont aussi été une occasion incroyable pour les gens d’être sensibilisés à certaines de ces tendances sous-jacentes, et elles nous offrent l’occasion de travailler ensemble pour les affronter, les supprimer, changer l’Amérique et la faire vivre à la hauteur de ses idéaux les plus élevés. Et une partie de ce qui m’a rendu si optimiste est le fait que tant de jeunes ont été galvanisés, actifs, motivés et mobilisés parce qu’historiquement, tant de progrès qui ont été accomplis dans notre société, ont été réalisés grâce aux jeunes. Martin Luther King était un jeune homme quand il s'est impliqué. César Chavez était un jeune homme ; Malcom X était un jeune homme. Les leaders du mouvement féministe étaient des jeunes. Les leaders des mouvements syndicaux étaient des jeunes. Les leaders du mouvement pour l'environnement dans ce pays et le mouvement pour s'assurer que la communauté LGBT ait enfin une voix et soit représentée, étaient des jeunes. Et donc, quand parfois je me sens désespéré, je vois ce qui se passe avec les jeunes de tout le pays, le talent, la voix et la sophistication qu’ils montrent, et ça me rend optimiste. Cela me donne l’impression que ce pays va s’améliorer.
Maintenant, je veux parler directement aux jeunes hommes et femmes de couleur de ce pays, qui ont été témoins de trop de violence et de trop de morts et trop souvent, une partie de cette violence est venue de gens qui étaient censés vous servir et vous protéger. Je veux que vous sachiez que vous avez de l'importance, que vos vies comptent, que vos rêves comptent. Quand je rentre chez moi et que je regarde les visages de mes filles Sasha et Malia, et que je regarde mes neveux et nièces, je vois un potentiel illimité qui mérite de s'épanouir. Vous devriez pouvoir apprendre et faire des erreurs et vivre une vie joyeuse sans avoir à vous soucier de ce qui va se passer quand vous vous rendez au magasin, faites un jogging ou conduisez dans la rue ou regardez des oiseaux dans un parc. J’espère donc que vous vous sentirez aussi optimiste, même si vous vous sentez en colère parce que vous avez le pouvoir de faire les choses mieux, et que vous avez aidé à faire sentir à tout le pays que c’est quelque chose qui doit changer. Vous avez fait part d’un sentiment d’urgence aussi puissant et transformateur que tout ce que j’ai vu ces dernières années. Je tiens à reconnaître que les gens qui font appliquer la loi partagent les objectifs de réinventer le maintien de l’ordre parce qu’il y a des gens qui ont prêté serment pour servir leurs communautés dans vos Etats qui ont un travail difficile, et je sais qu’ils sont aussi indignés par les tragédies des dernières semaines que beaucoup des manifestants, alors nous sommes reconnaissants à la grande majorité d’entre vous qui protègent et servent. J'ai été réconforté de voir ceux qui font appliquer la loi affirmer, "Laissez-moi marcher avec ces manifestants, permettez-moi de me tenir côte à côte et de reconnaître que je veux faire partie de la solution" et qui ont fait preuve de retenue, qui se sont engagés et qui ont écouté parce qu’ils sont un élément essentiel du débat et du changement qui va exiger la participation de tous.
Quand j'étais au pouvoir, j'ai créé un groupe de travail sur la police du XXIe siècle à la suite du meurtre tragique de Michael Brown. Ce groupe de travail, qui comprenait des responsables de l’application de la loi et des dirigeants et des militants communautaires, a été chargé d’élaborer une série de recommandations très précises visant à renforcer la confiance du public et à favoriser de meilleures relations de travail avec les organismes d’application de la loi et les collectivités qu’ils sont censés protéger, même s’ils continuent de promouvoir une réduction efficace de la criminalité. Et ce rapport a présenté une gamme de solutions et de stratégies qui ont fait leurs preuves et qui ont été fondées sur des données et des recherches pour améliorer la police de proximité, recueillir de meilleures données et des rapports, identifier et faire quelque chose contre les préjugés implicites, pour la formation de la police et faire les réformes pour utiliser la force déployée par la police de manière à accroître la sécurité plutôt que de précipiter la tragédie. Ce rapport a démontré quelque chose d’essentiel pour nous aujourd’hui. La plupart des réformes nécessaires pour prévenir le type de violence et d’injustices dont nous avons été témoins se font au niveau local. Une réforme doit avoir lieu dans plus de 19.000 municipalités américaines, plus de 18.000 juridictions locales chargées de l'application de la loi. Alors que les activistes et les citoyens de tous les jours font entendre leur voix, nous devons être clairs sur ce qui va se passer pour le changement et comment nous pouvons le faire.
Ce sont les maires et les dirigeants de comté qui nomment la plupart des chefs de police et négocient des conventions collectives avec les forces de police, et qui déterminent les pratiques policières dans les communautés locales. Ce sont les procureurs de district et les procureurs des États qui décident en général de mener ou non une enquête sur l’inconduite de la police, et ce sont tous des gens élus. Et dans certains endroits, il y a des commissions d'examen de la communauté policière qui ont le pouvoir de surveiller la conduite de la police. Ceux-là pourraient aussi être élus. En fin de compte, j'ai entendu un peu de bavardage sur Internet sur le vote contre la contestation, la politique et la participation contre la désobéissance civile et l'action directe. Ce n'est pas l’un ou l’autre, c'est l’un et l’autre. Pour apporter un réel changement, nous devons mettre en évidence un problème et ébranler les gens au pouvoir, mais nous devons aussi traduire cela en solutions pratiques et en lois qui peuvent être mises en œuvre que nous pouvons surveiller et nous assurer qu’elles fonctionnent. Très rapidement, permettez-moi de conclure avec quelques idées spécifiques. Que pouvons-nous faire?
Premièrement, nous savons qu'il y a des réformes fondées sur des données concrètes qui, si nous les mettons en place aujourd'hui, ne feraient qu'instaurer la confiance, sauver des vies, ne montreraient pas une augmentation de la criminalité. Celles-ci figurent dans le rapport du groupe de travail sur la police du XXIe siècle. Deuxièmement, beaucoup de maires et d’élus locaux ont lu et appuyé le rapport du groupe de travail, mais il n’y a pas eu assez de suivi. Aujourd'hui, j'exhorte donc tous les maires de ce pays à revoir leur politique de recours à la force avec les membres de votre communauté et à s'engager à faire un rapport sur les réformes prévues. Quelles sont les mesures spécifiques que vous pouvez prendre? Et j'ajouterai que le rapport initial du groupe de travail a été rédigé il y a plusieurs années. Depuis lors, nous avons effectivement recueilli des données, en partie parce que nous avons mis en œuvre certaines de ces idées de réforme. Nous avons donc maintenant plus d'informations et plus de données sur ce qui fonctionne, et il y a des organisations comme Campaign Zero et Color of Change et d'autres qui sont pour mettre en évidence ce que les données montrent : ce qui fonctionne, ce qui ne réduit pas les incidents, les fautes policières et la violence. Allons de l’avant et commençons à les mettre en œuvre. Nous avons donc besoin de maires, de dirigeants de comté, d'autres qui sont en position de pouvoir pour dire que c'est une priorité, qu’il faut une réponse spécifique. En troisième lieu, chaque ville de ce pays devrait créer une antenne de l’alliance My Brother’s Keeper [My Brother's Keeper Challenge est un partenariat public-privé du Gouvernement fédéral des États-Unis visant à promouvoir l'intervention de dirigeants civiques dans la vie des jeunes hommes de couleur pour relever les aider et promouvoir la justice raciale]. Nous avons déjà 250 villes, comtés, nations tribales qui travaillent à réduire les obstacles et à élargir les possibilités pour les garçons et les jeunes hommes de couleur par le biais de programmes et de réformes de politiques et de partenariats public-privé. Travaillez avec  ce programme parce que ça peut faire une différence.
Permettez-moi de conclure en disant ceci: j'ai entendu des gens dire que vous avez une pandémie, puis vous avez ces manifestations. Cela rappelle aux gens le chaos des années 60, la discorde et la méfiance dans tout le pays. Je dois vous le dire, même si j'étais très jeune quand il y a eu des émeutes, des manifestations, des assassinats et de la discorde dans les années 60, j’en sais assez de cette histoire pour dire qu'il y a quelque chose de différent ici. Vous regardez ces manifestations actuelles et c'est un échantillon bien plus représentatif de l'Amérique dans les rues qui manifeste pacifiquement et qui se sent émue de faire quelque chose à cause des injustices qu'elle a vues. Cela n’existait pas dans les années 1960, ce genre de large coalition, le fait que des enquêtes récentes ont montré que malgré les actions de certaines protestations, une minuscule minorité qui s’était livrée à la violence qui, comme d’habitude, qui a attiré beaucoup d’attention, une grande partie de l’attention, malgré tout cela, une majorité d’Américains pensent toujours que ces manifestations sont justifiées.
Cela n’aurait pas existé il y a 30, 40, 50 ans. Il y a un changement d’état d’esprit qui se produit, une plus grande reconnaissance du fait que nous pouvons faire mieux et que ce n’est pas à cause des discours des politiciens, ce n’est pas le résultat des projecteurs médiatiques sur cette actualité, c’est le résultat direct des activités et de l’organisation, de la mobilisation et de l’engagement de tant de jeunes à travers le pays, qui se sont mis en ordre de marche pour faire une différence. Je dois donc juste leur dire merci d'avoir contribué à faire avancer ce moment et juste de m'assurer que nous les suivons maintenant parce qu'à un moment donné, l'attention s'éloigne. A un moment donné, les manifestations commencent à diminuer. Et il est très important que nous utilisions l’élan qui a été créé en tant que société, en tant que pays, et nous disions, "Utilisons cela pour avoir enfin un impact."

Bill Clinton (président des Etats-Unis de 1993 à 2000)
Depuis la mort de George Floyd, il est impossible de ne pas ressentir de chagrin pour sa famille... et de la colère, de la répulsion et de la frustration que sa mort soit la dernière d’une longue série de tragédies et d’injustices, et un rappel douloureux que la race d’une personne détermine encore comment elle sera traitée dans presque tous les aspects de la vie américaine. Personne ne mérite de mourir comme George Floyd. Et la vérité, c’est que si vous êtes blanc en Amérique, il y a de fortes chances que vous ne le soyez pas. C'est cette vérité qui sous-tend la douleur et la colère que tant de gens ressentent et expriment, que le chemin d’une vie entière peut être mesuré et dévalué par la couleur de la peau. Il y a cinquante-sept ans, Martin Luther King rêvait d’un jour "ses quatre petits enfants seraient jugés non pas par la couleur de leur peau, mais par le qalité de leur personnalité." Aujourd’hui, ce rêve semble encore plus hors de portée, et nous n’y parviendrons jamais si nous continuons à traiter les gens de couleur avec l’idée tacite qu’ils sont moins humains. Nous devons nous voir les uns les autres comme méritant tout autant la vie, la liberté, le respect, la dignité et la présomption d'innocence. Nous devons nous poser des questions difficiles et écouter attentivement les réponses. Voilà je commencerais. Si George Floyd avait été blanc, menotté et étendu sur le sol, serait-il vivant aujourd'hui? Pourquoi cela continue-t-il à se produire ? Que peut-on faire pour s'assurer que chaque communauté possède le service de police dont elle a besoin et qu'elle mérite? Que puis-je faire ? Nous ne pouvons pas répondre honnêtement à ces questions dans le cadre de la division et de l’affrontement, nous contre eux, rejeter la responsabilité et se dérober de notre responsabilité dans le monde dans lequel nous vivons. Les gens qui ont le pouvoir devraient commencer en répondant aux questions, en développant qui est "nous" et en réduisant qui est "eux", en  acceptant une certaine responsabilité et en assumant plus de responsabilités. Mais le reste d'entre nous doit aussi répondre à ces questions.
C’est le moins que l’on puisse faire pour la famille de George Floyd et pour les familles de tous les autres Américains qui ont été jugés selon la couleur de leur peau plutôt que selon la qualité de leur personnalité. L'avenir du pays en dépend.

Jimmy Carter (président des Etats-Unis de 1977 à 1980)
Rosalynn et moi sommes peinés par les injustices raciales tragiques et les réactions violentes qui en résultent dans notre pays ces dernières semaines. Nos cœurs sont avec les familles des victimes et tous ceux qui se sentent désespérés face à la discrimination raciale omniprésente et à la cruauté pure et simple. Nous devons tous mettre en lumière l'immoralité de la discrimination raciale. Mais la violence, qu'elle soit spontanée ou intentionnelle, n'est pas une solution.
En tant qu'homme blanc du Sud, je ne connais que trop bien l'impact de la ségrégation et de l'injustice contre les Afro-Américains. En tant qu’homme politique, j'ai ressenti la responsabilité d'apporter l'équité à mon Etat et à notre pays. Dans mon discours inaugural de 1971 en tant que gouverneur de la Géorgie, j’ai dit: "Le temps de la discrimination raciale est révolu." Avec beaucoup de tristesse et de déception, je répète ces mots aujourd'hui, près de 50 ans plus tard. Déshumaniser les gens nous déprécie tous; l'humanité est magnifiquement et presque infiniment diverse. Les liens de notre humanité commune doivent surmonter la division de nos peurs et de nos préjugés.
Depuis notre départ de la Maison Blanche en 1981, Rosalynn et moi-même nous sommes efforcés de faire progresser les droits de l'homme dans des pays du monde entier. Dans cette quête, nous avons vu que le silence peut être aussi meurtrier que la violence. Les gens de pouvoir, de privilège et de conscience morale doivent se lever et dire "stop" à un système de police et de justice racialement discriminatoire, aux disparités économiques immorales entre blancs et noirs, et aux actions gouvernementales qui sapent notre démocratie unifiée. Nous sommes responsables de la création d'un monde de paix et d'égalité pour nous-mêmes et les générations futures.
Nous avons besoin d'un gouvernement aussi bon que son peuple, et nous valons mieux que cela.


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