samedi 15 septembre 2018

Vues du Centre. Affaire Benalla: oui, la commission d’enquête du Sénat se veut un tribunal politique

Par Jean-François Borrou

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.

Le Sénat
N’en déplaise à certains médias et à certains politiques, la commission d’enquête du Sénat sur l’«affaire» Benalla est bien un tribunal politique.
Et ce n’est pas le Président de la république ou le délégué général de La république en marche qui le disent, ni même moi, mais le président de cette commission lui-même.
Emporté par une certaine exaltation et un hubris pour un sous-fifre de toujours soudainement en pleine lumière médiatique, ce président qui s’appelle Philippe Bas, un fillioniste non repenti, a ainsi déclaré au quotidien Le Monde que sa commission d’enquête va lui servir à montrer «le pouvoir (…) tel qu’il est» car «la fumée du macronisme va disparaître et on verra ce qu’il y a derrière: la technocratie, le narcissisme et la solitude…»
Et il a même ajouté que «Le parti En marche n’existe pas, il n’a pas de racines idéologiques, pas de racines territoriales, pas d’expérience politique».
Tout cela était connu et le site Lecentrisme.com s’en est d’ailleurs fait l’écho.
Comment, dès lors, prétendre que le travail de cette commission où domine la Droite revancharde n’est pas là pour faire le procès du pouvoir en place en non pour rédiger un rapport sur les dysfonctionnements qui ont amené un homme, Alexandre Benalla, peut-être, à outrepasser ses pouvoirs (la justice, rappelons-le, ne s’est pas encore prononcée).
Et un procès politique vis-à-vis de l’exécutif n’est absolument pas de la compétence d’une assemblée et encore moins d’un Sénat français qui n’a même pas le pouvoir de faire la loi (ce qui échoit in fine à l’Assemblée nationale).
Dans une démocratie, la séparation des pouvoirs existent et Christophe Castaner, le délégué général de LREM a eu tout à fait raison d’affirmer que «si certains pensent qu'ils peuvent s'arroger un pouvoir de destitution du président de la République, ils sont eux-mêmes des menaces pour la république», précisant qu’«une commission d'enquête qui aurait des ambitions politiques» et qui voudrait «jouer de ses fonctions de contrôle du gouvernement pour faire tomber un Président de la république commettrait une faute constitutionnelle».
Comme Emmanuel Macron a eu tout à fait raison de rappeler à monsieur Larcher, président du Sénat et auto-intronisé premier opposant à la majorité, que ladite commission était en train d’outrepasser son rôle.
Amusant, d’ailleurs, qu’un centriste soit obligé de dire à un soi-disant gaulliste que le Sénat, exécré par le Général, veuille se donner des pouvoirs qu’il n’a pas et jamais eu!
Mais on voit bien la volonté de contester sans cesse à la majorité centriste sa légitimité.
Et l’on ne peut que regretter que François Bayrou soit venu pour défendre l’indéfendable, c'est-à-dire le comportement de ces sénateurs, à moins que, lui aussi, soit soudainement submergé par un hubris dû aux 86 voix de son candidat au perchoir de l’Assemblée nationale et à sa rage de n’être pas au premier plan.
Laissons, pour finir, la parole à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet qui, dans une tribune publiée par Le Monde, rappelle de manière tout à fait juste et appropriée, le droit:
«Le champ d'intervention des commissions d'enquête n'est pas indéterminé. L'article 51-2 de la Constitution en fixe les limites en renvoyant à son article 24, qui donne au Parlement la mission de contrôler "l'action du gouvernement" et d'évaluer les politiques publiques. Les mots ont un sens. Dans la Constitution singulièrement. Chacun le sait, dans notre régime politique, l'exécutif est bicéphale. Ainsi, le président de la République, distinct constitutionnellement du gouvernement – et tout ce qui touche à la fonction présidentielle –, ne saurait faire l'objet d'une commission d'enquête car cela reviendrait dans les faits à rendre le chef de l'Etat, qui tire sa légitimité directement du peuple souverain, responsable devant le Parlement. La Constitution l'interdit formellement.»
Pour l’ancien étudiant en droit public que je suis, voici un rappel salutaire…

Jean-François Borrou


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