samedi 21 septembre 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Peut-on écouter le «peuple» et faire de vraies réformes ?


Dans une interview au magazine américain Time, Emmanuel Macron a déclaré : « Je veux réformer, pas uniquement pour le pays mais avec le pays. »
Traduction : pas de réformes sans large concertation mais pas de pause dans les réformes.
Si cette nouvelle ligne de conduite semble consensuelle, démocratique, républicaine et la plus à même de permettre de réformer le pays avec l’accord de sa population, force est de reconnaître qu’elle n’a jamais fonctionné…
C’est même ce qui a tué toutes les réformes en profondeur du pays !
Pourquoi ?
Parce que l’on sait bien qu’une très large concertation et la prise en compte de tous les désidératas de tous les groupes de pression plus ou moins représentatifs ou habilités à donner leur opinion fait en sorte que l’on ne change les choses qu’à l’extrême marge pour contenter tout le monde et que la seule victime est la vraie réforme.
Un des maitres dans ce faux-semblant a été sans conteste Jacques Chirac qui, promettant sans cesse des réformes radicales, a laissé le pays dans un immobilisme coupable qui a nui à tous.
C’est ainsi que, de fausses réformes en fausses réformes, le contribuable continue à payer le régime exorbitant des retraites des agents de la RATP parce que, justement, aucune réforme prenant en compte les exigences de ces mêmes agents ne peut aboutir et que ce sont leurs représentants qui agissent en première ligne pour représenter le «peuple».
Comme ce fut le cas et c’est le présent, dans le cas des retraites, des fonctionnaires, des agents EDF, des salariés de la SNCF, etc.
Mais même sans cette intrusion corporatiste de catégories de salariés du secteur public protégés, le fait de mettre sur la place publique une réforme, c’est généralement la vouée, la plupart du temps, aux oubliettes et, ad minima, à n’être qu’un ersatz de réformette sur lequel il faut revenir sans cesse avec de nouvelles réformettes qui ne règlent rien et parfois aggravent même la situation qu’elles étaient sensées réparer.
Dès lors, c’est bien «avec le pays » que l’on réforme mais, avant tout, lors d’une élection nationale où les enjeux sont clairs et les propositions concrètes.
C’est à ce moment-clé de la vie d’une démocratie républicaine que l’on consulte les citoyens sur la nécessité ou non de faire des réformes et qu’ils choisissent parmi les programmes proposés lequel a leur préférence.
Bien entendu, ces réformes doivent être, lors de ce rendez-vous électoral, être clairement nommées, très largement expliquées et détaillées pour que le choix ne soit pas biaisé.
Le débat démocratique doit alors être intense avec tous les acteurs de la vie politique, sociale et sociétale pour que les choix réalisés soient faits en toute connaissance de cause.
Mais, ensuite, selon la volonté du suffrage universel, elles doivent être mises en application sans les compromissions qui les vident de leur substance.
Et c’est en suivant les promesses faites le plus possible dans une concertation qui permet, non pas de marginaliser la réforme mais de l’amender à la marge pour la rendre meilleure et plus acceptable pour certains de ceux qui sont concernés au premier chef que l’on fait une véritable œuvre réformatrice.
Donc, si l’on écoute bien ce que dit dorénavant la majorité en place, ce n’est plus du tout ce qui va se passer puisque le «peuple» aura le dernier mot, c’est-à-dire que l’on en revient à la bonne vieille recette politicienne qui est d’agir sans réellement agir, de décider sans réellement décider, de faire sans réellement faire en s’abritant derrière cette « volonté populaire » qui n’est en fait qu’un agrégat d’intérêts particuliers qui ne représentent qu’eux-mêmes.
A moins que cette entité fantôme et fantasmagorie des populistes et démagogues, ce «peuple» prenne ses responsabilités, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’à présent…
La réforme, contrairement à ce que disent tous les détenteurs de privilèges obsolètes et les conservateurs de situation dépassée, n’est jamais une option.
Elle est une nécessité parce que le monde dans lequel nous vivons évolue (l’espérance de vie est passée d’une trentaine d’année au XVIII° siècle à près de 90 ans aujourd’hui, par exemple).
Le mieux serait évidemment que la réforme permanente se substitue à la réforme coup de balai parce qu’elle permettrait des ajustements incessants qui ne bouleverseraient pas les choses d’un coup et ne mettrait pas certains individus ou groupes d’individus dans des situations difficiles.
Malheureusement, l’humain est toujours plus prêt à agir quand la situation est extrême en espérant que celle-ci, par une intervention divine, ne survienne jamais.
On le voit bien avec le changement climatique.
Mais, là, c’est une autre histoire car ce n’est une réforme dont on a besoins mais une prise de conscience qui change beaucoup de nos comportements en profondeur.
Au vu de la difficulté de réformer, on ne peut être qu’inquiet sur la capacité de l’Humanité à prendre la mesure du défi qui se présente à elle et à agir en conséquence.



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